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sur 324 notes
Bandar Seri Begawan.
Au jeu des capitales, celui ou celle ou ça, qui est capable de sortir d'un air détaché le chef-lieu du sultanat de Brunéi lors d'un diner pour frimer mérite vraiment quelques pétrodollars et son poids en fécule de sagou (ne me demandez pas ce que c'est, je suis pas Brunéien ! )
Jean-Christophe Rufin, dont le passeport doit être plus tamponné que le corps de n'importe quel joueur de foot, a décidé de ne pas envoyer son petit consul jouer dans la niche dorée à Sultan mais de faire appel cette fois à l'Agence tous risques pour un plan presque sans accroc.
Un baroudeur à col blanc qui a trop lu de SAS de Gérard de Villiers, décide de proposer à un géant du numérique l'organisation d'un petit coup d'Etat pépère pour que le milliardaire puisse s'affranchir des lourdeurs administratives, impôts, lois d'éthique et tac, quotas et autres calamités paperassières du même genre, qui brident les profits. C'est quand même la classe à Dallas et plus tendance que des virées dans l'espace ou de s'afficher avec des amazones nées sous X.
Le sultanat coche toutes les cases et comme le temps des coups d'état avec des mercenaires à treillis et cigare un peu bedonnant est un peu démodé, une campagne de déstabilisation sauce fake news est montée à distance par une petite agence privée. Elle ne ressemble pas à ces consultants à Power point payés pour vous écrire ce que vous savez déjà mais que vous ne voulez pas trop assumer. L'agence est ici composée de petits génies de l'informatique, d'un théoricien du putsch et d'un faux couple dépareillé envoyé sur place, avec une ex championne de plongée et d'un gitan à guitare. Il ne manque que Looping et Barracuda. Je caricature à peine.
Dans sa construction, ce techno-thriller rappelle un peu « le parfum d'Adam », avec ce mélange d'aventures, de compote de complot et de prédictions avisées autour d'un globe que l'ancien « French Doctor » utilise comme une boule de cristal. L'horoscope n'est pas très engageant : les poissons barbotent en eaux troubles, les vierges peuvent craindre pour leur vertu, les balances perdent toute mesure, les scorpions apprécient le climat et les Sagittaires… j'en sais rien.
Comme je ne savais pas borner Bornéo sur une carte, la description du pays dans le roman est plus enrichissante qu'un voyage en auto-stop avec les têtes à claques de Pékin Express qui me font aimer les platanes, mais à l'exception de Flora (et non Carla à Brunéi...) la nageuse droguée à l'action, j'ai trouvé que les autres personnages manquaient d'épaisseur. J'aura ainsi aimé en savoir plus sur Ronald, le chef de bande et tacticien, mieux sapé que Deschamps mais que le récit laisse trop sur le banc de touche au fil des pages.
Ce scénario distrayant pourrait rejoindre les planches d'un bon Largo Winch et je me dis qu'avec de tels récits en tête, Jean-Christophe Rufin doit s'ennuyer ferme à l'Académie. Pendant que deux lettrés qui n'ont de vert que la tenue, sortent les épées pour un zeugma déplacé, j'imagine l'ex diplomate lever les yeux vers la Coupole et rêver de contrées lointaines.
Bézos muské.
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Le sultanat de Brunei, jouit d'un or pétrolier qui offre à ses 500 000 habitants un PIB enviable. Membre du Commonwealth, sa monarchie a conclu avec le Royaume Uni un accord de défense concrétisé par la présence d'un régiment de Gurkhas qui le protège de la Malaisie et de l'Indonésie, ses voisins sur l'ile de Bornéo, et de la Chine. La doctrine Melayu Islam Beraja (MIB) qui définit l'identité brunéienne comme « malaise, musulmane et monarchique », est érigée en idéologie d'État. L'état d'urgence instauré en 1962 est toujours en vigueur et le Sultan de cet état indépendant depuis 1984 dirige par décrets.

Ses habitants sont à 80% musulmans, les religions animistes, bouddhistes et chrétiennes se partageant le solde.
La famille régnante profite de sa richesse sans toujours tenir compte des préceptes de l'Islam… alcool, débauche, jeu, orgies alimentent les rumeurs.
Les gisements d'hydrocarbures ne sont pas éternels ; la transition climatique menace leur exploitation.
La répression policière a contraint les opposants à s'exiler vers l'Australie, le Canada, etc. sans se désintéresser de leur patrie natale.

En jetant un peu de sel sur les plaies, en semant le doute sur la santé du Sultan, en opposant habilement les communautés religieuses et les identités culturelles, en inquiétant sur la pérennité de la manne pétrolière, il est possible de créer un climat de tension à l'intérieur du pays. En dénonçant la corruption et les crimes du régime et sa répression homophobe, il est envisageable de neutraliser toute intervention britannique et d'ouvrir des perspectives à une « alternative démocratique ».

C'est vieux comme le monde et l'histoire, ces dernières années, est riche d'exemples : révolution des Roses en Géorgie en 2003, révolution orange en Ukraine en 2004, révolution des Tulipes au Kirghizistan, révolution en jean en Biélorussie et révolution du Cèdre au Liban en 2005, « printemps arabe » tunisien en 2010, égyptien et syrien en 2011. Mouvements qui ont révélé la puissance subversive de Facebook, Twitter et autres réseaux sociaux.

Les géants du net, les GAFAM, sont contraints par les régulations votées par les états … d'où leur rêve de se doter d'un état indépendant … et, pourquoi pas, de conquérir Brunei pour y créer une Silicon Valley libre de toute contrainte ?

C'est ce projet que Jean-Christophe Rufin met en scène avec talent dans une intrigue quasi cinématographique qui coordonne des investisseurs californiens, des mercenaires coordonnés depuis notre cote d'azur, des exilés brunéiens, et déroule toute la palette des outils 2.0 : fake news (videos créées avec l'IA ; faux check up santé ; rumeurs financières) + influenceurs postant leurs révélations sur TikTok, Instagram, Youtube, Pinterest + intrusions dans les erreurs informatiques pour bloquer les infrastructures stratégiques ou en prendre le contrôle.

Le Sultan est renversé sans coup férir à la fin du Ramadan… et c'est alors que le romancier révèle son talent et sa connaissance des arcanes du pouvoir avec un twist final vraiment diabolique !

Chapeau l'artiste, et merci pour cette plongée dans les profondeurs opaques du Web qui nous alerte sur les risques que l'IA et les médias sociaux font peser sur nos démocraties, nos états de droit, et nos libertés.
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Jean-Christophe Rufin revient avec une de ses spécialités : le roman d'aventure. Dans « D'or et de jungle », il confirme son talent de narrateur en parvenant à nous passionner à un thème pas vraiment séduisant, en théorie. Il a dû s'appuyer sur son expérience de diplomate et produire un travail de recherche incroyable afin d'arriver à vulgariser toutes ses données et à en extraire une histoire captivante. Et même si je ne connaissais rien du sultanat de Bruneï, de sa dictature, de son fonctionnement et encore moins des manipulations géopolitiques, je me suis régalé de bout en bout.

Grâce à des personnages charismatiques, au passé mystérieux, réunis dans une agence qui l'est tout autant, on entre dans le récit pour ne plus le lâcher. Comme dans un roman d'espionnage, on est entrainé dans les rouages de cette opération secrète. En jonglant entre les protagonistes, l'académicien nous dévoile les différentes étapes du plan. Les dominos tombent un à un au service de la grande mécanique. Au fil des conséquences successives, le suspense devient grandissant. Je suis resté sous tension constante jusqu'au dénouement.

Cette fiction sur les grands patrons du numérique pourrait faire sourire si elle n'était pas réaliste. Elle en dit malheureusement long sur notre monde et ça, ce n'est pas rassurant ! Ce texte érudit, fascinant et un poil badin, nous raconte les enjeux de demain, menés par l'avidité des puissants. Avec sa plume de haut vol mais accessible, son scénario parfaitement maîtrisé, sa dimension économique et sociale, Jean-Christophe Rufin nous offre une lecture enrichissante et divertissante à la fois.

Pour ma part, j'ai pris un véritable plaisir à me faire embarquer dans les coulisses de ce coup d'état et je n'ai qu'un seul conseil à vous donner en ce début d'année : Jetez-vous sur ce livre et participez à cette folle aventure du bout du monde !
Lien : https://youtu.be/XD1ozWF2SUQ..
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Deux points forts, la présentation du sultanat de Brunei et les techniques actuelles de déstabilisation d'un pays.

Brunei, 500 000 habitants de différentes confessions, est une des plus grosses productions pétrolières, bordée d'un côté par la mer de Chine méridionale et de l'autre par la Malaisie. le lieu se veut à la fois paisible et charismatique, voire onirique pour nous autres pauvres européens qui ne l'avons pas encore approché. Cela n'est pas le cas de Jean-Christophe Rufin ; il connait précisément ce sultanat ainsi que quelques uns de ses secrets. Il partage avec nous ses connaissances et son érudition. Et j'avoue que lorsque je peux approcher ainsi une nouvelle contrée, j'en suis enchantée. Donc un point fort en faveur de ce roman.

Avec autant de richesse, on conçoit facilement les velléités qu'un petit Etat tel que Brunei peut générer. Les GAFAM ne peuvent qu'en baver, eux aussi. Il est donc plus que plausible de concevoir que des dirigeants du numérique rêvent de conquérir ce petit coin du globe afin d'y installer une nouvelle Silicon Valley, plus libre que l'originelle. L'auteur s'engouffre dans cette brèche et installe quelques français dans une prise de pouvoir à Brunei. Ce « petit confetti » sur la carte géographique ainsi que la géopolitique de la mer de Chine, sont exposés sans lourdeur mais avec assez de minutie pour comprendre les enjeux des uns et des autres, réfléchir et s'amuser à l'égal des personnages.
Les rois de la tech californienne choisissent presque à l'aveugle une agence française privée dirigée par un de leur pote d'enfance. Ils mandatent ces « agents secrets » afin qu'ils fomentent un coup d'Etat clefs en main dans le sultanat de Brunei.

Jean-Christophe Rufin déroule une palette de personnages travaillée à la perfection. Tel un peintre, il les dessine méticuleusement, trait après trait. Il les taille sur mesure. Ils sont à eux seuls déjà l'histoire.
Une des personnalités phares est Flora, trente deux ans, pleine de peps, adorant l'action et le danger, un physique en or mais qu'elle camoufle sous des vêtements qui sont loin de la mettre en valeur. Côté tempérament, elle a de qui tenir ; Antoine, son grand-père, mort peu après sa naissance, était un célèbre mercenaire.
L'autre personnage piquant est Ronald Daume, la cinquantaine, baroudeur et embobineur de première. Il arrive toujours à ses fins, quelque soit son interlocuteur ou son objectif.
Ces deux personnages, comme le grand-père d'ailleurs, avait au fond d'eux « cette ambition de changer l'ordre du monde, de défier des pouvoirs en place, défier des gouvernements, former des guérilleros », qu'on pourrait cependant appeler « des gestes picaresques et poétiques. »
L'originalité de l'équipe que Ronald va constituer, est pareillement plaisante.
Autour de ce noyau actif, gravitent des personnalités très, très haut placés du monde du numérique ; elles aussi éclectiques. Ces personnages sont intelligents, indécemment riches mais finalement ni méfiants, ni réalistes.
Bref, un savant cocktail d'hommes et de femmes laissant augurer qu'il va y avoir du rififi dans les chaumières.

Le rythme du livre est régulier, pas de dialogues inutiles, on avance dans une intrigue bien menée, une version très contemporaine, à l'image de quelques autres romans comme « Le Parfum d'Adam » en 2011, ou Chenck-Point en 2015. On a le son et surtout les images … un producteur pourrait bien s'approcher de Rufin afin d'en tirer le scénario d'un film. Divertissement assuré.

On conçoit aisément que l'auteur se soit amusé lors du montage de l'énigme et qu'il se soit fait plaisir à l'écriture de ce roman plus récréatif, plus contemporain ; c'est ce qu'il a dit lors d'une émission littéraire.

Le parcours professionnel rend Jean-Christophe Rufin légitime lorsqu'il aborde les enjeux de demain. Sa force narrative est une nouvelle fois présente et rend la lecture fluide et captivante. Brunei et ses multiples civilisations m'ont captivée. Par contre, en ce qui me concerne les quelques moments que je qualifierais de clichés ainsi que l'emballement dans les dix dernières pages m'ont un peu déçu de la part de cet auteur dont j'ai admiré pas mal d'ouvrages. Mais ce n'est qu'un petit bémol.
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Après un coup d'essai retentissant à Magagascar qui a viré au drame, Ronald retente un coup de poker avec un nouveau concept : un Coup d'Etat clés en main, permettant à ses richissimes investisseurs du numérique de prendre possession de Brunei, où toutes les questions financières et éthiques seraient balayées...
Un roman qui pourrait s'appeller le guide du parfait coup d'état, réaliste au possible et tellement alarmant sur le nouvel ordre mondial qui débarque à grand pas avec les géants du numérique.
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Ses multiples et brillantes carrières inspirent le respect. Docteur en neurologie, diplômé de l'Institut d'études politiques, Jean-Christophe Rufin exerce comme médecin aux Hôpitaux de Paris et s'investit dans des ONG humanitaires qui le conduisent un peu partout dans le monde. Des expériences qui l'amènent à la diplomatie, jusqu'au poste d'ambassadeur de France. Il construit en même temps une oeuvre littéraire abondante, comptant plusieurs romans, dont l'un lui vaut de recevoir le prix Goncourt (Rouge Brésil, 2001).

Son dernier roman, D'or et de plomb, relate la genèse, la préparation et la mise en oeuvre d'un coup d'Etat, organisé de nos jours par une agence de mercenaires, pour le compte de multinationales de la Tech en quête d'une souveraineté. L'opération est mûrement élaborée. Sans tirer un coup de feu, en usant de simples manipulations et de fake news, elle consistera à ébranler les institutions d'un petit Etat. L'intention est de déclencher une réaction en chaîne jusqu'à l'effondrement du pouvoir en place, afin d'y substituer un autre, ouvert à la création d'une nouvelle Silicon Valley « libérée ».

J'ai été captivé par toutes les étapes de la machination, dès le deal de départ entre l'aventurier et le milliardaire. La constitution de l'équipe — théoricien, stratège, séductrice, hackers, baroudeurs… — est présentée avec finesse et humour. La tension monte lentement, car l'auteur développe ses intrigues en prenant son temps, n'omettant aucun détail, profitant des moments d'attente pour raconter des scènes plaisantes et servir de jolies descriptions de l'environnement naturel.

L'Etat choisi comme cible est le sultanat du Brunei, un tout petit pays enclavé dans la partie malaise de l'île de Bornéo. de la forêt vierge émergent les coupoles dorées de la grande mosquée et celles de l'immense palais présidentiel. le sultan, qui a longtemps prétendu être l'homme le plus riche du monde, est à la tête d'un régime dont l'auteur, bien documenté, révèle la brutalité, l'obscurantisme, les turpitudes et les failles. Résistera-t-il ?

L'aventure fictive racontée par Jean-Christophe Rufin est d'autant plus savoureuse — et inquiétante — qu'elle est très réaliste. Elle pourrait vraiment survenir demain.

Les commanditaires sont crédibles. L'auteur s'inspire ouvertement de velléités affichées dans l'univers des GAFAM. A leurs têtes, des hommes propulsés en quelques années du statut d'adolescents bricoleurs de génie à celui de multimilliardaires, patrons d'entreprises aux moyens quasi illimités. Ces ascensions fulgurantes les ouvrent à toutes sortes d'aspirations cosmiques ou métahumaines, aussi délirantes soient-elles. Des ambitions aujourd'hui bridées par les cadres juridiques, fiscaux et éthiques des Etats. La souveraineté sur un territoire les débarrasserait de ces entraves.

Pour l'officine assumant la maîtrise d'oeuvre du projet, l'auteur s'est inspiré des agences privées de renseignement et des groupes paramilitaires indépendants dépourvus de scrupules et de sens des responsabilités, qui parcourent le monde à la recherche d'opportunités.

Un roman passionnant, facile à lire et en même temps instructif. Il suffit d'en transposer les éléments d'intrigues sur des événements historiques ou actuels, pour percevoir la fragilité de nos institutions démocratiques. Méfions-nous des manipulations orchestrées par des personnes mal intentionnées.

Lien : http://cavamieuxenlecrivant...
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Ma curiosité avait-elle besoin d'être titillée , le sujet en effet interroge , un coup d'état 2.0 ? mais traité par Jean-Christophe Rufin, je ne pouvais pas faire l'impasse sur son nouveau roman ...

En fait, c'est d'abord un roman d'aventures et non un traité de géopolitique , passionnant jusqu'à la fin.

Le point de départ est la volonté des patrons des GAFAM de s'affranchir d'un état trop gourmand . Les solutions envisagées interpellent : déclarer l'indépendance de la Californie ou s'approprier un état pour s'y installer .
C'est cette dernière solution qui est proposée par Harvey, un ancien d'une agence spéciale Providence, qui sort de prison pour mission ratée à Madagascar .

Pour cela il a besoin de trouver ce fameux état et de s'entourer de toute une équipe de spécialiste en particulier dans les technologies les plus récentes et performantes ainsi qu'un homme d'expérience théorique, ce sera le professeur Delachaux, un vieil universitaire plutôt excentrique.

L'état de Brunei semble être le pays idéal, encore faut-il se rendre sur place et c'est Flora, une jeune femme attachante, ancienne militaire , plongeuse de combat, qui va s'y rendre pour prendre le pouls de ce sultanat, chercher les failles, observer les caractéristiques humaines et géographiques , un rôle essentiel !
Elle est accompagnée de Jo qu'elle prend immédiatement en grippe.

Je ne savais rien sur ce pays, situé sur l'ile de Bornéo , gouverné par un sultan qui a été l'homme le plus riche du monde, détrôné justement par les patrons des GAFAM .

On découvre avec Flora ce drôle de pays , membre du Commonwealth, à la population en partie malaise, où la charia intégrale a été proclamée , où beaucoup de chinois travaillent et entourée de jungle dans laquelle vivent des peuples autochtones .

L'attention est maintenue tout au long du récit avec la préparation de l'événement puis la mise en place selon la technique de l'ébranlement chère au professeur avec toutes les incertitudes que cela entraine , un pari plutôt risqué ...

On pense , bien sur aux romans de John le Carré mais avec un coté plus détendu car on y retrouve l'humour et la finesse de Jean-Christophe Rufin et également plus humain, car il y a forcément des personnes vivant à Brunei qui vont être prises comme boucs émissaires .

Les personnages sont attachants, en particulier celui de Flora , la véritable héroïne de cette histoire .

Vous l'aurez compris, j'ai bien aimé cette histoire d'aventures originale et tant pis pour les grincheux ...
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L'idée de base développée est intéressante : certains milliardaires de la "tech" souhaitent avoir leur propre État avec leurs propres règles, avantages, libertés, et surtout s'affranchir de certaines règles éthiques relativement au progrès technologique. Mais voilà : va falloir trouver un État disponible ou carrément organiser un coup d'État. Ce sont nos héros qui vont s'en charger. Si on passe un agréable moment de lecture, d'abord parce qu'on ne s'ennuie pas, je reste au final partagé : trop peu ou pas assez. Je peux, en effet, comprendre quelques critiques qui sont adressées à cette oeuvre. Trop peu de profondeur, de grandes réflexions et pas de belle écriture jubilatoire (à la Camille Pascal, pour ne citer que lui), et c'est bien dommage venant d'un Académicien disent-ils. Prenons le roman tel qu'il est : un livre d'espionnage, d'aventure, de "real-geo-politique", qui se tient. Un brin plus musclé aurait été le summum. Roman presque prospectif d'ailleurs sur ce qui est finalement une question récurrente chez certains puissants, dans ce monde très imbriqué. Il m'a permis, en tout cas, d'aller sur le Net pour decouvrir le Sultanat de Brunei. Conclusion : un bon voyage quand certains ont attendu de belles lettres peut-être ! Alors ce coup d'État : réussi ou pas ?
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Le coup d'État clés en main

Dans son nouveau roman, Jean-Christophe Rufin nous offre le mode d'emploi du coup d'État moderne. Ce faisant, il souligne la fragilité de nombreux pays, la volonté des Gafam de s'affranchir de pouvoirs qui restreignent leur champ d'action et nous sert de guide à Brunei. Un formidable roman d'anticipation et d'espionnage.

C'est après Valparaiso, du côté des Galapagos, que débute ce formidable roman. Sur un paquebot de croisière où des personnes âgées entretiennent le mythe des aventuriers, sous la houlette de Flora, une spécialiste de la plongée. Elle part avec son petit groupe à la découverte de la riche flore et faune sous-marine. Mais l'expédition ne va pas tout à fait se dérouler comme prévu. Fascinée par un monstrueux requin rose, elle va laisser ses clients se débrouiller pour batifoler avec la bête. Et se voir débarquer.
À des milliers de kilomètres de là, Ronald a rendez-vous avec Marvin. Des retrouvailles qu'il a soigneusement préparées afin de mettre toutes les chances de convaincre son interlocuteur de le suivre dans son projet. Il faut dire qu'en quelques années son ami est devenu l'un des hommes les plus influents de la planète.
Ce grand sportif est passé à la postérité pour avoir créé le moteur de recherche Golhoo et engrangé des millions de dollars, comme ses collègues des Gafam. En 1995, il a épousé Kathleen, prof à Stanford. le couple a deux enfants, Sandy et Matthew. Aujourd'hui, Marvin «régnait sur un empire de la tech, qui employait des centaines de milliers de personnes à travers le monde et avait transformé la vie des milliards d'individus devenus ses clients, était un des personnages les plus puissants et les plus respectés non seulement de Californie, mais du monde entier.»
Autour d'un verre, Ronald tente d'amadouer son ami en lui racontant quelques-uns de ses exploits, lui qui après avoir travaillé pour l'armée s'était retrouvé au sein d'une agence privée de mercenaires. Grand spécialiste du renseignement, il cache soigneusement à son interlocuteur qu'il sort de prison après une opération qui a tourné au fiasco à Madagascar. En revanche, il lui dévoile qu'il a désormais sa propre entreprise et qu'elle pourrait fort bien se mettre au service des géants du numérique. Car si jusqu'à présent les Gafam avaient pu prospérer à l'ombre ou même avec le soutien des États, elles avaient désormais atteint des limites, tant en termes de puissance qu'en termes de limites éthiques. C'est notamment le cas dans le domaine de la biotechnologie, de l' "homme augmenté", la nouvelle marotte de Marvin après le décès d'Edward, son cousin schizophrène, suicidé à 22 ans.
Ronald lui explique alors que la meilleure façon de contourner un État, c'est d'en créer un. Ou, ce qui sera moins compliqué, de prendre le contrôle d'un État existant. C'est l'objectif qu'il s'était fixé avec un groupe de libertariens.
Fasciné autant qu'ébahi par le projet, Marvin va donner à son ami les moyens de ses ambitions.
C'est là que nous retrouvons Flora, engagée par Marvin pour mener à bien l'opération autour de spécialistes en géostratégie, d'un groupe de hackers et de mercenaires triés sur le volet.
Après avoir soigneusement étudié les cibles possibles, ils ont fini par désigner le sultanat de Brunéi comme la cible idéale.
C'est sur ce petit confetti au nord de Bornéo qu'un petit groupe de touristes débarque pour les premiers repérages. L'occasion aussi pour le lecteur de découvrir ce coin d'Asie du Sud-Est et la famille qui y règne sans partage depuis des années.
Alors que s'enclenchent les phases de ce coup d'État préparé avec de la haute technologie plutôt qu'avec des armes et des troupes, on constate avec un certain effroi combien un pays, même riche, peut être fragile.
Jean-Christophe Rufin est ici au meilleur de sa forme. Il peut s'appuyer sur une solide documentation, mais aussi sur son expérience de diplomate et de médecin humanitaire, sans oublier ses voyages à Brunei. le tout rend ce roman très vraisemblable. du coup, derrière cet habile scénario – quasiment le mode d'emploi du coup d'État 2.0 – on peut lire ce roman d'anticipation comme une mise en garde. Attention à l'appétit des grandes entreprises dont le budget dépasse de loin celui de nombreux États, attention aussi aux fake news qui se multiplient avec l'amélioration des technologies et l'utilisation accrue de l'intelligence artificielle. Si l'on n'y prend pas garde, la réalité dépassera bientôt la fiction!
NB. Tout d'abord, un grand merci pour m'avoir lu jusqu'ici! Sur mon blog vous pourrez, outre cette chronique, découvrir les premières pages du livre. Vous découvrirez aussi mon «Grand Guide de la rentrée littéraire 2024». Enfin, en vous y abonnant, vous serez informé de la parution de toutes mes chroniques.

Lien : https://collectiondelivres.w..
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De véritable à vraisemblable cela se joue à rien....
Même nombre de syllabes, même initiale, même terminaison....
Selon mon dictionnaire préféré
Véritable signifie qui est réel...
Vraisemblable est ce qui paraît vrai, qui a l'apparence de la vérité, qui pourrait être vrai...
De possible à plausible, il n'y a qu'un son infime qui change tout...
Et c'est sur ces infimes différences que Jean Christophe Rufin construit son nouveau roman, et c'est une formidable réussite...

Après quelques digressions consulaires, après quelques années d'attente, son dernier "vrai" roman datant de 2017, mais ce point est purement subjectif, Jean Christophe Rufin nous revient au meilleur de sa forme.

Lui qui a toujours dit «Je fais profondément la différence entre les écrivains qui se mettent en scène eux-mêmes et se promènent dans une chambre tapissée de miroirs où ils ne font que se regarder, et ceux qui ouvrent les fenêtres et regardent les autres».
Ce roman ne, déroge pas à cette règle...
Après le risque bactériologique et l'éco-terrorisme dans le Parfum d'Adam, Les percées djihadistes au Sahel dans Katiba, l'avilissement contre la sécurité dans Globalia, le voici qu'il se plonge dans l'univers des GAFAM.
Ceux pour qui tout doit aller très vite, voire trop vite....
Ceux pour qui le temps est une notion toute relative, ceux pour qui notre temps à une valeur loin d'être négligeable...
Ceux pour qui l'argent généré leur donne la possibilité de dépasser les limites, ceux pour qui l'argent que nous leur générons leur donne des envies sans limites...
Ceux pour qui éthique rime avec cynique....
Ceux pour qui la réalité ne suffit pas au point de vouloir l'augmenter....
Ceux pour qui la terre ne suffit pas au point de vouloir rêver de nouvelles chroniques martiennes...
Ceux pour qui l'intelligence humaine ne suffit plus, au point de vouloir en trouver une artificielle...
Ceux pour qui l'avenir est de nous proposer des implants cérébraux pour pouvoir composer des e-mails ou aller sur internet grâce à leurs yeux et à leur cerveau...

Ceux pour qui l'argent permet de tout "s'offrir", de tout "réaliser", de tout "dépasser".
Alors quand vous avez déjà tout, et que
"Tout va trop vite. Moi, on me propose des idées. Plus elles sont folles et plus elles m'excitent. Les petits programmes sans envergure, je les laisse aux ingénieurs. Mon boulot, c'est de repérer le truc impossible, énorme et de mettre un paquet d'argent dessus pour le réaliser.
— Tu t'intéresses à un secteur en particulier ?
— Les biotechs. La santé, la biologie, le corps humain, si tu préfères. On a tous nos marottes. Musk veut aller sur Mars, ce nigaud de Zuckerberg claque tout son fric pour créer un métavers."

Que reste-t-il de plus fou à faire ?
Prendre le contrôle d'un état....
Réaliser un coup d'État....
Et le tout sans le moindre coup de feu... Complètement fou, direz-vous... Et pourtant en 2024, les nouvelles technologies ont remplacé les fusils. C'est à grand renfort de fake news, et sans tirer un coup de feu, que l'on peut désagréger une société et un État.
"Nous nous contentons de révéler la violence interne d'une société, de la faire apparaître au grand jour. Comme au judo, nous utilisons l'énergie de l'adversaire pour le renverser.". Cela paraît tellement simple et plausible, tellement terrifiant et possible.
Reste à bien choisir sa cible, dans le cas présent ce sera le Sultanat de Brunei.

L'auteur le dit lui-même : « C'est fascinant, Brunei. Un carrefour de civilisations – malaise, chinoise, indienne. J'ai toujours voulu écrire une histoire qui se passerait par là-bas. Je m'y suis donc rendu, et me suis vite aperçu que ce n'était pas vraiment un endroit où passer ses vacances. Tout est immobile et la seule chose qui semble pouvoir arriver, c'est un coup d'État. » Et comme il ne s'est rien passé de tel lors de son séjour, Rufin l'a imaginé. « Dans les rues, sous les ponts, je repérais les endroits où ils poseraient les explosifs, tout avait l'air fait, prêt pour le chaos. »

Et de s'emparer magistralement de tout ces ingrédients pour construire son roman. On pense à Technique du coup d'État de Malaparte, dans lequel à la suite de cette lecture je me suis rapidement replongé - car l'auteur y fait immanquablement référence - qui faisait le constat que, pour conquérir un état moderne, la bonne méthode n'était pas vraiment politique ou idéologique, mais essentiellement technique.
Le professeur, eminence grise de coup d'état, ne déroge pas à cette notion :
"— C'est de la physique, dit-il.
Tous les yeux se braquèrent sur lui
— Ni plus ni moins. de la physique nucléaire. La réaction en chaîne. Exactement.
— Que voulez-vous nous dire, professeur ?
Delachaux sursauta et se tourna vers Ronald.
— Le processus que nous avons enclenché ressemble à ce qui se passe dans un réacteur nucléaire. C'est cela que je veux dire. Voilà pourquoi, au début, on a l'impression qu'il ne se passe rien. Une petite interaction, une autre puis une autre encore. Rien ne bouge, mais le choc des atomes va s'accélérer. La chaleur va monter. Tout va se mettre à vibrer et, d'un seul coup… boum !"

Lui qui aime à se plonger dans Machiavel pour de détendre
" Ici, je me calme un peu en lisant les classiques. Tenez, Machiavel. Il est le seul à me donner de bonnes nouvelles. Écoutez ceci, il parle des États sous un prince tout-puissant : « Si la race de ce prince est une fois éteinte, les habitants, déjà façonnés à l'obéissance, ne pouvant s'accorder sur le choix d'un nouveau maître, et ne sachant point vivre libres, sont peu empressés de prendre les armes, en sorte que le conquérant peut sans difficulté ou les gagner ou s'assurer d'eux. » "

C'est un véritable tour de force que nous offre Jean-Christophe Rufin, flirter sur un fil invisible entre l'essai et le roman
Pour ce qui ont lu "les Ingénieurs du chaos" de Giuliano Empoli, vous avez l'essai
Pour le roman, faites confiance à l'auteur pour nous embarquer aux frontières du réel...
Bernanos affirmaient  « La plus redoutable des machines est la machine à bourrer les crânes, à liquéfier les cerveaux »
Mais, heureusement il nous reste le rêve, la lecture, l'écriture.
Je reprends en guise de conclusion, les mots de Rufin, en espérant que l'avenir ne lui donne pas forcément raison....
"Reste que l'aventure de Flora et ses comparses, si elle est romanesque, n'en est pas pour autant impossible.
Ailleurs, sans doute.
Demain, peut-être…"
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Thème : Rouge Brésil de Jean-Christophe RufinCréer un quiz sur ce livre

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