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Critique de aa67


Deux points forts, la présentation du sultanat de Brunei et les techniques actuelles de déstabilisation d'un pays.

Brunei, 500 000 habitants de différentes confessions, est une des plus grosses productions pétrolières, bordée d'un côté par la mer de Chine méridionale et de l'autre par la Malaisie. le lieu se veut à la fois paisible et charismatique, voire onirique pour nous autres pauvres européens qui ne l'avons pas encore approché. Cela n'est pas le cas de Jean-Christophe Rufin ; il connait précisément ce sultanat ainsi que quelques uns de ses secrets. Il partage avec nous ses connaissances et son érudition. Et j'avoue que lorsque je peux approcher ainsi une nouvelle contrée, j'en suis enchantée. Donc un point fort en faveur de ce roman.

Avec autant de richesse, on conçoit facilement les velléités qu'un petit Etat tel que Brunei peut générer. Les GAFAM ne peuvent qu'en baver, eux aussi. Il est donc plus que plausible de concevoir que des dirigeants du numérique rêvent de conquérir ce petit coin du globe afin d'y installer une nouvelle Silicon Valley, plus libre que l'originelle. L'auteur s'engouffre dans cette brèche et installe quelques français dans une prise de pouvoir à Brunei. Ce « petit confetti » sur la carte géographique ainsi que la géopolitique de la mer de Chine, sont exposés sans lourdeur mais avec assez de minutie pour comprendre les enjeux des uns et des autres, réfléchir et s'amuser à l'égal des personnages.
Les rois de la tech californienne choisissent presque à l'aveugle une agence française privée dirigée par un de leur pote d'enfance. Ils mandatent ces « agents secrets » afin qu'ils fomentent un coup d'Etat clefs en main dans le sultanat de Brunei.

Jean-Christophe Rufin déroule une palette de personnages travaillée à la perfection. Tel un peintre, il les dessine méticuleusement, trait après trait. Il les taille sur mesure. Ils sont à eux seuls déjà l'histoire.
Une des personnalités phares est Flora, trente deux ans, pleine de peps, adorant l'action et le danger, un physique en or mais qu'elle camoufle sous des vêtements qui sont loin de la mettre en valeur. Côté tempérament, elle a de qui tenir ; Antoine, son grand-père, mort peu après sa naissance, était un célèbre mercenaire.
L'autre personnage piquant est Ronald Daume, la cinquantaine, baroudeur et embobineur de première. Il arrive toujours à ses fins, quelque soit son interlocuteur ou son objectif.
Ces deux personnages, comme le grand-père d'ailleurs, avait au fond d'eux « cette ambition de changer l'ordre du monde, de défier des pouvoirs en place, défier des gouvernements, former des guérilleros », qu'on pourrait cependant appeler « des gestes picaresques et poétiques. »
L'originalité de l'équipe que Ronald va constituer, est pareillement plaisante.
Autour de ce noyau actif, gravitent des personnalités très, très haut placés du monde du numérique ; elles aussi éclectiques. Ces personnages sont intelligents, indécemment riches mais finalement ni méfiants, ni réalistes.
Bref, un savant cocktail d'hommes et de femmes laissant augurer qu'il va y avoir du rififi dans les chaumières.

Le rythme du livre est régulier, pas de dialogues inutiles, on avance dans une intrigue bien menée, une version très contemporaine, à l'image de quelques autres romans comme « Le Parfum d'Adam » en 2011, ou Chenck-Point en 2015. On a le son et surtout les images … un producteur pourrait bien s'approcher de Rufin afin d'en tirer le scénario d'un film. Divertissement assuré.

On conçoit aisément que l'auteur se soit amusé lors du montage de l'énigme et qu'il se soit fait plaisir à l'écriture de ce roman plus récréatif, plus contemporain ; c'est ce qu'il a dit lors d'une émission littéraire.

Le parcours professionnel rend Jean-Christophe Rufin légitime lorsqu'il aborde les enjeux de demain. Sa force narrative est une nouvelle fois présente et rend la lecture fluide et captivante. Brunei et ses multiples civilisations m'ont captivée. Par contre, en ce qui me concerne les quelques moments que je qualifierais de clichés ainsi que l'emballement dans les dix dernières pages m'ont un peu déçu de la part de cet auteur dont j'ai admiré pas mal d'ouvrages. Mais ce n'est qu'un petit bémol.
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