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Critiques de Salman Rushdie (482)
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Joseph Anton

"Joseph Anton, une autobiographie" est un grand et magnifique livre dont la traduction du titre commençait par une erreur : le traducteur comprend de travers le sous-titre original,, "a memoir", un mémoire (des Mémoires), non une autobiographie. Les mémoires (le traducteur ignore que le mot est masculin en français) sont un genre particulier, où le mémorialiste raconte, au détriment de sa vie privée, les effets sur lui de la grande histoire, celle des hommes et des sociétés . Il peut certes y parler de sa vie personnelle, voire intime, mais l'objectif n'est pas la confession subjective, parfois pleurnicharde, ni l'appel au voyeurisme du lecteur. Ce parti-pris de dignité se voit dès le début, puisque l'auteur emploie la troisième personne, comme César, et non la première. Ce choix grammatical n'est pas seulement une affaire de dignité, il a une résonance dans l'histoire elle-même, puisque l'auteur est dépossédé de son nom, devenu insulte, pancarte brandie, objet de haine et de meurtre rituel ("Rushdie") et doit vivre une semi-vie protégée de prisonnier ou de gardé à vue sous le nom de Joseph Anton, dont il signale sans regret le "décès" dès que les menaces des musulmans se calment. Ce dédoublement aliénant est le fond du livre, qui raconte comment Salman Rushdie reconquiert son droit de vivre sur terre que "Joseph Anton" lui déniait.





Une autre beauté, un autre intérêt de ce beau livre, sont d'ordre sociologique et politique. Salman Rushdie est membre de cette frange de la bourgeoisie anglo-indienne, extrêmement cultivée et à l'aise partout dans le monde, qui adopte pour marqueur socio-culturel des opinions politiques d'extrême-gauche. Le livre est une galerie de grandes figures de l'intelligentsia politique, intellectuelle, artistique, des pouvoirs de la gauche, de Tony Blair ou Mandela à Harold Pinter ou Vaclav Havel, et bien d'autres grands noms politiquement corrects. Nous lisons bien un livre de mémoires : Saint-Simon nous faisait voir les Grands à Versailles, et Rushdie, de même, fréquente les grands des années 1980-2000, entre Londres, New-York et Hollywood. C'est dire qu'avant l'affaire des Versets Sataniques, l'auteur était à la pointe du combat pour "les damnés de la terre", immigrés musulmans d'Angleterre par exemple. Lui-même se définit comme un "immigré", d'ailleurs. Et c'est eux, à l'instigation de l'Iran (où une révolution au nom des damnés de la terre a eu lieu) qui vont le menacer de mort pendant de longues années. Il comprend, dit-il, la mauvaise grâce avec laquelle le gouvernement Thatcher ("de droite") le protège, mais il est assez honnête pour voir et découvrir qu'une large partie de cette gauche internationale, politicienne ou intellectuelle qui est sa patrie idéologique, lui donne tort, donne raison à l'islam "des déshérités" et le voit comme un bourgeois oppresseur. Cela conduit cet auteur tiers-mondiste gauchiste à faire l'éloge de ... l'Amérique, patrie de la liberté, et à compatir avec elle aux attentats du 11 septembre, en de très belles pages finales du livre.





Enfin, ces mémoires sont une réflexion sur la littérature et sur la liberté d'expression. Ceci devrait intéresser le lecteur français de 2016, qui aura milité pour la liberté d'expression de ceux qui ont la parole (Charlie et autres) et qui aura vu les derniers attentats musulmans en date. C'est dans sa réflexion sur la littérature que le gauchisme de Rushdie subit sa plus profonde transformation : il saisit la valeur humaine de la littérature, il parle d'elle en humaniste (l'humanisme est l'ennemi n°1 de toute la gauche néo-marxiste), en termes merveilleux qui font écho à ceux de son ami Milan Kundera, romancier victime du communisme dont les essais exaltent la liberté de l'imagination et le droit de blasphémer.





Enfin, la lecture de ce livre est à conseiller à toute personne qui veut en savoir plus sur les mécanismes de peur de l'islam à l'oeuvre dans nos pays et dans nos esprits. Cette peur, Rushdie la déchiffre en particulier dans les comportements et dans le vocabulaire que les médias, vecteurs principaux de la peur, nous imposent : les mots "respect", "islamophobie" ou "colère", en particulier, avec d'autres éléments de langage, font l'objet de remarques éclairantes.





Il y a encore une infinité de bonnes raisons de lire ce livre, dont la qualité littéraire et la profondeur d'écriture survivent bon an mal an à la traduction. J'ai insisté sur les aspects socio-politiques de ces Mémoires, au détriment d'autres facettes. Je suis habituellement opposé aux trop longues critiques, paraphrases et étalages, mais je crains d'avoir été trop long moi-même.
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Les versets sataniques

Est-ce l'ambiguïté qui a tant choqué? Est-ce le doute constant qui plane sur ce roman? Où est le bien? Où est le mal? L'ange est-il démon? Est-ce le contraire? Qu'est-ce qui est réel? Qu'est-ce qui est cinéma? De multiples récits s'entremêlent et se rencontrent, à travers Gibreel et Saladin, hommes tombés du ciel qui se prennent pour des anges ou des démons, qui se transforment (ou pas...), puis redeviennent humains, trop humains. Les putains de La Mecque singent les femmes du prophète pour un poète. Une femme-papillon entraîne un village à suite pour une marche illusoire. Une alpiniste aux pieds plats rencontre ses fantômes au sommet de l'Everest. Une vieille dame revit son épopée argentine. Un producteur de cinéma bégaie. Un faux meutrier de petites vieilles est arrêté. Tout cela, et tout le reste, oscille entre rêve, réalité et surnaturel, dans une folie où le fantastique religieux se démystifie, où les humains changent sans cesse, où l'Orient et l'Occident se combattent dans l'esprit habité ou défait des personnages. Y a-t-il un sens à ce fatras? La condamnation semble répondre non. Le lecteur, comme l'auteur peut-être, reste dans le doute.

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Le Couteau : Réflexions suite à une tentative d..

Je n'ai lu "le" roman sur bien après sa sortie, quand, naïvement, je pensais - et Rushdie lui-même- que la violence, la polémique et l'angoisse semblaient éteintes. Je l'avais jugé pour ses qualités littéraires, pas pour ce qu'il représentait, l'ayant trouvé un peu long et inégal, sans percevoir d'ailleurs ce en quoi il avait pu être interprété comme subversif. Bref, j'avais lu un roman, je l'avais jugé comme ainsi, pour l'histoire, le style, les personnages

Et puis... Il y a eu ce douze août, l'attentat, le couteau - et "A", celui qui le tenait, mais qui ne mérite pas d'être considéré. Il n'a pas de nom, car il ne mérite pas de devenir un personnage, il ne mérite pas d'être dans le roman - ou l'autobiographie, ou l'essai... qu'importe - qu'a écrit Rushdie, celui-là même que l'on est en train de lire, dans une démarche quasiment proustienne.

Le couteau donne son titre au livre, non l'assassin, parce que, lui, est érigé en personnage du livre, il est plus réel et matériel que cet homme sans identité, sans humanité - Rushdie l'appelle aussi "l'âne", qui n'est réduit qu'à être le figurant imaginaire d'un dialogue dans la tête de Rushdie, enfermé dans son esprit comme dans sa prison. Ce couteau renvoie à d'autres dans l'histoire, la mythologie ou la littérature, dans les mains d'autres assassins prétendant agir par idéologie. Ayant été atteint corporellement, Rushdie raconte donc longuement ses souffrances physiques et sa lente reconstruction, sans pudeur mais sans pathos, cliniquement mais avec de l'humour parfois.

L’œil aurait aussi être cité dans le titre, l’œil de Rushdie devenant un personnage également. Cet œil perdu symbolise lui seul l'attaque et ses séquelles - voire, pour certains fanatiques, la e caractère diabolique de Rushdie. Mais c'est l’œil de l'écrivain, celui qu'il pose sur le monde sur les hommes, sur ses personnages. Comment écrire donc s'il ne peut plus observer ses semblables ?

Tout le livre est une réponse, et une victoire. Une victoire sur la mort : Rushdie a survécu. Et une victoire sur le fanatisme et l'ignorance qui voulaient le faire taire : il écrit et publie à nouveau, et c'est son héroïsme.

Rushdie écrit sur la vie et ses plaisirs physiques : contempler un lever de lune sur un lac, manger au restaurant, boire, profiter de ses amis, sur la famille - son fils qui le rejoint, sa petite-fille qu'il rencontre à sa naissance, sur l'amour. Le texte est une déclaration d'amour a sa femme, qui commence par une rencontre digne d'une comédie romantique, et qui l'assiste "pour le meilleur et pour le pire".

Cela pourrait être un essai fastidieux sur le fanatisme, c'est un conte de fée qu'on lit, avec certes son méchant, mais aussi ses bonnes fées - les docteurs et infirmières, sa princesse et sa fin qui pourrait être "et ils vécurent heureux, très longtemps".

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La Cité de la victoire

« "Du sang et du feu, dit la déesse, naîtront la vie et le pouvoir. À cet endroit précis s'élèvera une grande cité, la merveille du monde, et son empire durera plus de deux siècles. Et toi - la déesse s'adressa directement à Pampa Kampana, faisant vivre à la petite fille une expérience unique, celle d'entendre de sa propre bouche les mots qui lui étaient adressés par une inconnue surnaturelle -, tu te battras pour t'assurer que plus aucune femme ne sera brûlée de cette façon et pour que les hommes se mettent à considérer les femmes autrement, et tu vivras juste assez longtemps pour assister à la fois à ton succès et à ton échec, pour assister à tout et en relater l'histoire même si, lorsque tu auras achevé ton récit, tu mourras immédiatement et plus personne ne se souviendra de toi pendant quatre cent cinquante ans." »



La cité de la victoire, Salman Rushdie @actessud #rentreelitteraire2023



Fabuleux 🌟 au sens propre comme au sens figuré! Ce récit est tout à la fois une fable aux accents épiques et un texte merveilleux!



Sous les apparences d’une épopée contant une civilisation aujourd’hui disparue, l’auteur met en scène l’apparition, la vie et la chute d’une cité fictive qui se serait établie du côté de l’Inde…



En presque 250 ans d’existence, elle nous offre un résumé de tout ce que sont les civilisations qui ont peuplé et peupleront la Terre… vie et trépas, splendeur et décadence, lumière et ténèbres!



« "Rien ne dure et pourtant tout a un sens. Nous nous élevons, nous tombons, nous nous élevons de nouveau, nous retombons. Nous persévérons. J'ai connu moi aussi le succès et l'échec. La mort est proche à présent. En elle se rejoignent humblement le triomphe et l'échec. Nous apprenons moins de la victoire que de la défaite." »



Car c’est bien l’humain que Salman Rushdie met en scène dans ce conte empreint de réalisme et de magie… l’humain dans ce qu’il a de grand comme de vil, de beau comme de sombre!



L’humain! L’auteur le décortique en quelque sorte et, par le biais de cette fiction, il transmet des messages tels que le respect de la Terre, l’harmonie entre hommes et femmes, le danger du fanatisme…



« … son règne serait donc une période d'oppression et de puritanisme, et les femmes de Bisnaga à l'esprit libre allaient grandement souffrir. Elle ferma les yeux, envisagea le futur et découvrit qu'après Numéro Deux les choses allaient encore empirer. La dynastie allait sombrer dans des disputes, une intolérance religieuse grandissante et même le fanatisme. »



Miroir de notre Histoire, de nos civilisations, Bisnaga est aussi, sous certains rapports, une projection d’un idéal, d’une sérénité imaginée ou retrouvée…



« Dans l’empire de Bisnaga, dit-elle dans son adresse au conseil les femmes ne sont pas traitées comme des sujets de seconde zone. Nous ne sommes ni voilées ni cachées. Beaucoup de nos femmes sont des personnes de haute éducation et de grande culture. Songez à la merveilleuse poétesse, Tallapalka T. Songez à l'exceptionnelle poétesse Ramabhadramba. Des femmes participent aux actions de l'État. Considérez notre amie bien. aimée, la noble dame Akkadevi, qui administre une province sur notre frontière sud et a même mené notre armée à la bataille pendant plus d'un siège contre un fort ennemi. […] »



Peu importe l’avis que l’on peut avoir de cet auteur, si l’on met de côté les préjugés, les cabales, la haine, et que l’on s’attache uniquement au texte, ce récit est instructif et vivifiant!



Les réflexions sont profondes mais mises en lumière subtilement, dans une prose envoûtante et magnifique 🌟



« Moi-même, je ne suis plus rien. Seule subsiste la cité des mots.

Les mots sont les seuls vainqueurs. »



Je pense que toute la pensée de l’auteur est contenue dans ces quelques mots!



Après l’obscurité se lève la lumière des mots, la sagesse de la parole, la clarté d’une langue déliée…



Laissons briller la lumière d’un esprit littéraire, libre et instruit ✨

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Les versets sataniques

J'avais une certaine appréhension de ce récit dense à la réputation sulfureuse. J'en sors assez mitigée. J'ai dans un premier temps apprécié l'écriture, qui est vraiment traversée de passages fulgurants d'une grande beauté. L'imaginaire de l'auteur est également très riche et très créatif, peuplé de personnages loufoques aux destins parfois tragiques, parfois sublimes. Mais malheureusement cela n'a pas suffi à toujours me captiver. La narration un peu erratique cause des inégalités entre certaines parties de la lecture, qui font que j'ai parfois un peu lutté contre l'afflux d'informations et des arcs narratifs que j'ai moins appréciés que d'autres. Mais globalement, je trouve que c'est une lecture qui vaut le coup pour sa profondeur et son style aussi riche que psychédélique.
Lien : https://lageekosophe.com/202..
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Joseph Anton





Joseph Anton : les éditeurs de Salman Rushdie lui ayant conseillé de se trouver un autre nom après la fatwa prononcée , associant le prénom de Conrad à celui de Tchékhov , il choisit momentanément ce pseudo .



Une biographie atypique où à la manière de Semprun , Rushdie mêle quelques disgressions littéraires au récit d'une période de sa vie . C'est inégal , parfois amusant , parfois un brin trop intello , parfois dense , d'autres fois léger mais pas le moins du monde ennuyeux .



Bien des épisodes du livre relatent ses amitiés avec d'autres auteurs ou personnalités politiques , Harold Pinter ou Vaclav Havel par exemple et agrémentent l'intérêt de la lecture .



Auteur de langue anglaise , son pays d'adoption , Rushdie , une fois la fatwa prononcée , y vit comme un exilé sous protection policière et doit sans cesse trouver un nouveau domicile .



Un pavé de plus de 700 pages qui se lit bien malgré quelques longueurs parfois indigestes .
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Deux Ans, Huit Mois et Vingt-Huit Nuits

Mille (et une ?) années après les événements, un narrateur raisonnable vivant dans un monde pacifié et "libéré" de la religion, relate les événements survenus lors de la Guerre des Mondes, qui opposa pendant mille et un jours le monde des hommes et le Péristan, le monde magique des Djinns, ou fées, ou Péris dans la culture indo-persane. Le récit de cette guerre est plaisant, plein de rebondissements et de surprises, et met aux prises Dunia, la princesse djinn incarnant le bien, et quatre mauvais djinns mâles qui veulent dominer le monde, y instaurer la terreur et réaliser ainsi l'idéal du penseur intégriste musulman Ghazali : que la peur jette les hommes dans les bras de Dieu et fasse d'eux des dévots soumis et tremblants. De son côté, Dunia, l'héroïne positive, qui a engendré une foule de descendants issus des oeuvres du philosophe rationaliste et libéral Ibn Rushd, ou Averroës, (Ibn Rushd dont le père de l'auteur avait repris le nom en hommage, Rushdie), rassemble ses troupes pour résister au mal.



Si la narration de cette guerre surnaturelle est plaisante, on remarquera que le roman ne se concentre pas sur le destin d'un seul personnage, mais de plusieurs, schématiques et tracés assez sommairement. C'est que ce livre est beaucoup moins un roman qu'une fable, un conte philosophique à la façon de Voltaire (cité plusieurs fois). Aussi, Rushdie voulant démontrer une thèse, illustrer une morale et une politique à l'aide des charmes de la fable, n'écrit pas un vrai roman, mais une allégorie, avec toutes les faiblesses littéraires que ce genre implique : Diderot disait que c'était la plus froide des formes littéraires. Les personnages ne sont guère plus, par moments, que des fantômes mécaniques au service d'une idée, ce qui se ressent au peu de soin et de subtilité avec lesquels ils sont dessinés, comme Candide, Pangloss ou Martin le pessimiste.



La thèse que défend Rushdie ne pourra que plaire aux lecteurs contemporains bien-pensants : la religion est une mauvaise chose, issue de la peur et de la déraison des hommes, dont les Djinns ne sont que l'expression et la métaphore (comme on l'apprend à la fin, dans l'épilogue qui sert de moralité - donc, déception, ces êtres magnifiques et drôles n'étaient que ... des figures de style ?) Cette thèse, banalisée par la bourgeoisie des Lumières et par Auguste Comte, aplatit considérablement l'ensemble, et ramène tout le foisonnement baroque du livre (et le caractère fantastique, merveilleux et drôlatique des djinns, de leur descendance et de l'histoire) à une espèce de prêche rationaliste convenu, malgré une pirouette finale.



En somme, ceci est un conte un peu scolaire, et trop soumis à une lourde intention démonstrative, même s'il reste agréable à lire.
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Les versets sataniques

Mobilisant les civilisations, les religions et les idéologies, Rushdie livre un roman dense dans lequel les récits, fictifs ou coraniques, s’enchâssent comme ceux des Mille et Une Nuits. À la fois une et mille, les voix des personnages se mélangent dans le présent, le passé et le futur, et offrent pourtant une narration et un langage extraordinairement fluides.



Fidèle à lui-même, Rushdie transgresse les légendes, les cultures, les codes religieux et les genres littéraires, créant des œuvres uniques, engagées et controversées. Certainement courageux et cultivé, il est l’un des auteurs emblématiques d’un siècle hanté par l’extrémisme sous toutes ses formes, parce qu’il a osé exprimer des opinions qu’il savait honnies de ses pairs...



Retrouvez l'intégralité de la critique sur mon blog :

http://www.bibliolingus.fr/les-versets-sataniques-salman-rushdie-a80136658
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Le Couteau : Réflexions suite à une tentative d..

J’ai lu « Joseph Anton » le récit autobiographique de Salman Rushdie qui raconte toute la période qui a suivi la fatwa prononcée en 1989, période pendant laquelle l’auteur et sa famille ont été cachés et protégés par autorités britanniques. « Le couteau » est une sorte de suite qui raconte l’attentat dont a été victime Salman Rushdie en août 2022 et ses suites.



Le récit détaille toutes les étapes de la convalescence, tant d’un point de vue physique que psychologique. On y retrouve le style de l’auteur, même si on est très loin des romans…



C’est un livre essentiel qui rappelle l’importance de la liberté d’expression.
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Furie

Fable contemporaine d’une grande virtuosité et d’un mordant particulièrement acéré, farcie non seulement d’allusions littéraires, historiques, conceptuelles, mais aussi de pop culture, de mythologie et de sociopolitique, Furie est un livre exigeant. Pour être apprécié pleinement, Furie demande au lecteur non seulement d’avoir une bonne culture générale, mais aussi de pouvoir naviguer constamment, sans s’y perdre, entre réalité et imaginaire (l’épisode de l’île de Lilliput-Blefuscu, clin d’œil à l’univers de Swift, étant un exemple emblématique de ce brassage par moments déroutant).



Chronique de la crise existentielle de Malik Solenka, un homme d’âge mûr d’origine indienne (né à Bombay, comme l’auteur), comblé en apparence par une vie familiale et matérielle réussies et qui, sous l’emprise d’une « fureur » destructive qu’il peine à maîtriser, décide de tout plaquer, quittant sa vie très confortable, sa famille et son pays d’adoption, l’Angleterre, pour s’installer à New York afin de pouvoir repartir à zéro et d’essayer de « se refaire ».

Chronique également d’une époque, à l’aube du troisième millénaire, elle aussi sous le signe d’une fureur générale et croissante, et plus particulièrement de la société américaine, développées ici par Salman Rushdie avec une acuité, une lucidité et une capacité d’anticipation absolument extraordinaires, tant par rapport aux conséquences à moyen terme de la rupture numérique sur la mentalité et sur le mode de vie des individus, que par rapport à des évènements encore à venir et empreints d’une nouvelle fureur destructive monstrueuse, inconcevable.



Furie a été publié à peine quelques mois avant les attaques du 11 septembre (la traduction française, elle, est parue au mois d’août 2001 !!). Dans ces pages prémonitoires, quasiment tout y est : le développement exponentiel d’un individualisme hédoniste comblé par de nouvelles technologies mêlant le réel et le virtuel, l’apparition de modalités de plus en plus performantes de récits susceptibles de créer une culture partagée, non chronologiques, linéaires, hors temps, ramifiés infiniment par la création de mondes parallèles et virtuels, puisant ses sources dans de vieux récits mythologiques (dont la place occupé par univers Marvel ou des jeux tels Fortnite dans l’imaginaire collectif aujourd’hui en sont des exemples parlants), ou enfin le développement de l’IA et la mécanisation du vivant (dont le développement aboutira par exemple à la mouvance actuelle dite « transhumaniste »).



Tout cela peut bien-sûr très rapidement emporter le lecteur vers le large, submergé malgré lui par autant de fureur spéculative et créative ! Je comprends que certains se soient sentis dépassés, voire piégés par ce livre. Il est vrai aussi que la quatrième de couverture de l’édition française ne met pas suffisamment en garde le lecteur, qui peut légitimement imaginer qu’il va lire plutôt un polar, peut-être à la limite un peu « à thèse » et teinté d’analyse psychologique, ce qui, donc, est loin d’être le cas...(L’intrigue policière, s’il y en a une véritablement, n’est qu’une branche très secondaire de l’intrigue principale, et très peu développée).



Personnellement, ce livre m’a fasciné, et parfois amusé j’avoue ! J’ai en outre, grâce à lui, découvert une plume (c’est le premier livre que je lis de l’auteur) de mon point de vue « brillantissime », qui me donne très envie de découvrir d’autres facettes de l’œuvre littéraire de Salman Rushdie.

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La maison Golden

Ce roman foisonnant a, pour intérêts majeurs, ses références et son intertextualité. L'histoire reste assez banale, et le lecteur se perd dans des digressions (qui, finalement ne digressent pas tant que ça et l'emmène là où S. Rushdie veut l'emmener). Malgré tout, l'analyse de la société américaine actuelle y est brillante (plus d'infos : https://pamolico.wordpress.com/2020/10/11/la-maison-golden-salman-rushdie/)
Lien : https://pamolico.wordpress.c..
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Les enfants de minuit

Une épopée ,une saga familiale ,un conte non pas dit par une femme telle Shéhérazade dans les Mille et une nuits mais par un homme à sa future épouse ,un roman dense qui mêle Histoire et fantastique ,baroque et burlesque .On pourrait enchaîner avec d'autres qualificatifs , c'est un roman sur l'Inde depuis son indépendance jusqu'aux années 80 ,une critique virulente de ses différents gouvernements et chefs politiques qui partagèrent ce pays après plusieurs guerres fratricides , critique de ses religions :l'Islam ,l'Hindouisme ,le Bouddhisme ,de la corruption ,des inégalités sociales etc...C'est un livre dans lequel j'ai eu du mal à entrer ,fatiguée parfois par sa logorrhée mais qui au final m'a envoutée à l'image du pays lui-même et me laissera un souvenir tout à fait particulier.
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Victory City

Il était une fois….

Pampa Kampana a 9 ans lorsqu’elle devient orpheline et devant le sacrifice de sa mère, la déesse Pampa va se mettre à parler par sa bouche d’enfant.

C’est ainsi que la destinée de prophétesse et faiseuse de miracles de Pampa va débuter.



Après 9 ans dans une grotte aux côtés d’un moine, 9 ans dans le silence, Pampa va effectuer son premier miracle, donnant un sachet de graines magiques à 2 frères, Hukka et Bukka Sangama, bouviers de leur état, afin qu’ils fassent sortir de terre un royaume à l’emplacement du sacrifice de sa mère et des femmes de son village d’enfance.



Ainsi naquit au XIVeme s. dans le sud de l’Inde, Bisnaga, la cité de la victoire avec à sa tête Hukka Raya 1er.

Pampa Kampana veillera sur ce royaume durant plus de 200 ans, influençant les décisions, assistant aux victoires comme aux défaites, au développement comme à la décadence du royaume, restant seule et perdant tous ceux qu’elle chérissait.



Le seul but de toute sa longue vie : former des gens cultivés et larges d’esprit, hommes et femmes pareillement, toujours au fait de la beauté du savoir en lui même, de la responsabilité des citoyens de coexister et d’un engagement à œuvrer pour le bien-être de tous.



Nombreuses sont les questions posées par ce conte : qu’est ce que l’être humain? Qu’est ce qui fait de lui ce qu’il est? Quelle place doivent avoir les femmes dans la société? Quel rapport religion et pouvoir doivent ils entretenir?



L’histoire a quelque chose d’envoûtant… certes la complexité des noms coupe parfois la fluidité de la lecture mais l’écriture est belle, prenante, imagée.

Un beau plongeon qui n’a de dangereux que la forte probabilité d’aspirer le lecteur dans un autre temps, un autre monde.

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Langages de vérité : Essais 2003-2020

Commençons par les aspects négatifs, histoire de s'en débarrasser: Salman Rushdie a un côté naïf très agaçant. Il se positionne avec une fierté enfantine dans LE CAMP DU BIEN. Il est pour les Noirs, pour les migrants pour les trans; il aime Barack Obama et la démocratie. De fait, on ne peut pas lui en vouloir mais c'est... facile. Ma deuxième critique est beaucoup plus problématique: Langages de vérité est un recueil de textes et discours de Salman Rushdie entre 2003 et 2020. Entre temps, il y a eu Charlie Hebdo. Et pas un mot, rien, nada, peau d'zob ! Pourtant Rushdie parle abondamment des néo censeurs, de l'intolérance et des écrivains et journalistes menacés ou tués. Houhou, toute une rédaction massacrée à la kalashnikov, ça ne te dit rien ?

Bon, ça c'est fait.

Langages de vérité est un essai sur la littérature et, NON ce n'est pas chiant ni intello. Enfin si c'est intello mais c'est surtout intelligent et intéressant et drôle et érudit. Ça m'a donné envie de lire ou de relire ou de mieux lire Shakespeare, Garcia Marquez, Andersen, Hemingway... J'ai appris des tonnes de choses passionnantes sur l'Inde d'hier et d'aujourd'hui mais aussi sur des artistes d'art contemporain. Vraiment très bien.
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La maison Golden

La Maison Golden est mon premier Salman Rushdie et sans doute pas le dernier. Même si la lecture de ce roman fut un véritable travail. En effet, il faut sans cesse chercher des explications à ce qui pourrait échapper à un non-Américain tant sont nombreuses les références à la vie des États-Unis, politique, culturelle, sociale. Et j'ai la chance d'avoir un « vrai » Américain à portée de voix...



Mais ce livre n'est pas qu'une somme incroyable de connaissances ou de démarches philosophiques, c'est aussi une histoire, celle d'une famille ultra-riche qui vit à New-York dans le très chic et très protégé - croyaient-ils - quartier des Jardins dans Greenwich Village. Une sorte de saga indo-américaine puisque le patriarche - en toute modestie rebaptisé Néron Golden - a quitté Mumbai en secret pour repartir à zéro aux États-Unis.

A quel coupable secret essaie-t-il d'échapper, emmenant avec lui ses trois fils (rebaptisés Lucius Apuleius dit Apu, Petronius dit Petya et Dionysos dit D, (quand on a de l'ambition, autant le faire savoir!). Famille difficile, entre création artistique douloureuse, problèmes de genre et autisme Asperger. Le pire reste le patriarche, véritable chef mafieux qui fait fortune dans l'immobilier. Qui se remarie avec une jeunette russe bien décidée à profiter de sa fortune avec laquelle il a un enfant (enfin, lui ou un autre...) à 82 ans passés.



Tout cela serait une romance un peu épicée si ne venaient s'y mêler des règlements de comptes avec la mafia indienne qu'il a naïvement sous-estimée, coups de feu, incendies, explosions, racket et menaces en tous genres.



Le tout est observé par le narrateur René Unterlinden, belge d'origine (d'où peut-être le nombre d'expressions en français dans le texte), cinéaste débutant qui rêve de faire en noir et blanc le film de la saga Golden. D'où , là encore, les innombrables références au cinéma. Et nous devenons, avec René, les témoins attentifs des événements catastrophiques qui se déroulent dans ce milieu à la fois corrompu et ultra-chic du monde des affaires à NYCity.



J'ai pour ma part eu quelques difficultés à véritablement « entrer » dans ce roman, dont les protagonistes sont plus lamentables moralement les uns que les autres et aussi en raison du style, foisonnant, flamboyant, qui déroule longuement des propos intelligents et savants. Évidemment, je ne suis pas non plus insensible aux coups de cutter donnés au passage à ce Joker aux cheveux teints ( en vert!), à la bouche large et rouge et qui va se faire élire après le président Obama. Un pitre sinistre mais redoutable.



Pour conclure, cette lecture est enrichissante, intéressante, malgré le foisonnement pas toujours justifié des connaissances de son auteur.

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Le magicien d'Oz

Ce court essai biographie traite du film original Le Magicien d'Oz, et du rapport intime entre ce dit film et l'auteur de cet essai. Il s'articule en deux parties déséquilibrées : la première pour le film écrit comme un véritable essai ; la seconde traite de la vente aux enchères des souliers de rubis avec une écriture plus romanesque.
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Les enfants de minuit

Waouh! Peut-on seulement décrire un roman si ambitieux et complet? Je vais m'y tenter en toute modestie. Alors là, l'écriture, c'est juste remarquable, un flot incessant de paroles dans un style tantôt épuré, tantôt alambiqué, parfois réaliste, parfois assez tordu et tiré par les cheveux, c'est juste extrêmement drôle mais surtout TOUJOURS brillant!



Rushdie nous emporte dans une épopée familiale monumentale, et la voix du héros Saleem m'a littéralement capturé (je devrais dire "mis en bocal dans la saumure") sur pas moins de 600 pages sans jamais m'ennuyer une seconde. Ce livre est un assemblage quasi-magique d'arômes issus de l'imagination créative sans bornes de Rushdie, et ce dans un souci constant de pertinence historique pour représenter les balbutiements d'une jeune nation. On y suit les bouleversements du sous-continent après la partition de l'Inde britannique en 1947 ou encore la tourmente politique des années Indira Gandhi.



Les personnages sont fascinants, ou carrément mythiques . C'est un récit passionné et passionnant par un auteur au sommet de son art. Je recommande fortement.







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Victory City

Comme souvent avec Salman Rushdie, nous avons un récit qui mélange de façon brillante réalité historique et fantaisie. L'une pénètre l'autre pour mieux nous émerveiller, mais aussi pour que l'on puisse toujours rester près de la parabole et de ses valeurs intemporelles. En effet en démarrant le récit dès sa première phrase par un personnage qui a 247 ans, en faisant parler les animaux, ou en faisant se transformer les femmes en oiseaux, on oublierait presque qu'il est en train de nous raconter la véritable histoire de l'Inde médiévale. Et dès lors que l'on adhère à cette forme exubérante, pleine d'humour et d'aventures picaresques, on est ébloui par la modernité des réformes féministes d'alors, les luttes contres les intolérances religieuses et les combats contre les dictatures aveuglées par leurs propres pouvoirs : tout finit par se transposer aisément d'une Inde médiévale étonnante et légendaire à nos sociétés contemporaines.
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Les enfants de minuit

Je découvre Salman Rushdie avec ce roman et mieux vaut tard que jamais car franchement chapeau pour ce grand roman !



Le lecteur est invité à découvrir la vie de Saleem Sinai, né à minuit le 15 août 1947. Cette date est hautement importante puisque c'est à ce moment que l'Inde accède à l'indépendance. Saleem est le narrateur et il ne va pas faire débuter le récit à sa naissance mais bien avant. Le lecteur va ainsi découvrir la vie de son grand-père, puis de sa mère, jusqu'à la naissance de Saleem.



L'auteur arrive parfaitement à embarquer le lecteur. J'ai eu un peu peur au début car il y énormément de digressions dans le récit et il faut le dire ce n'est pas toujours simple à suivre. Et puis, petit à petit, au fil du récit on est comme hypnotisé par cette succession de péripéties. En tout cas, si jamais vous avez un peu de mal à entrer dans l'histoire au début, je ne peux que vous encourager à vous accrocher car cela vaut le détour.



Ce roman est une vraie plongée dans l'Inde de l'époque. On y apprend beaucoup de choses sur l'histoire du pays et sur la culture par contre c'est assez ardu pour quelqu'un (comme moi) qui n'a que très peu de repères historiques sur l'histoire de l'Inde.



En tout cas ce roman est foisonnant et va vous entraîner dans un tourbillon. Tourbillon de quoi me direz-vous ? D'émotions, d'histoire, de personnages... Et puis, il y a cette petite touche d'imaginaire, car oui Saleem a un pouvoir, il peut entrer en communication avec les autres enfants de minuit qui ont d'ailleurs également des pouvoirs. L'auteur fait preuve d'un talent immense car cette petite touche de fantastique ne prend jamais le pas sur le reste, c'est très subtil.



Pas besoin d'en dire beaucoup plus, ce roman a été déjà largement chroniqué. Je ne peux que vous encourager à attaquer cette lecture. Chacun y trouvera son compte tant ce livre regorge de passages et d'éléments passionnants. Certes, cela paraît un peu fouillis au premier abord et il vous faudra peut-être aller piocher ailleurs quelques informations sur l'histoire de l'Inde pour bien saisir toutes les subtilités mais vous ne devriez pas être déçu. Pour ma part, j'ai refermé ce livre en ayant vraiment l'impression d'avoir lu un grand roman, et je ne suis pas surpris quand je lis que ce roman a profondément influencé la littérature anglo-saxonne des trente dernières années. Il est certain que je vais prendre un peu de temps dans un futur proche pour découvrir d'autres romans de cet auteur.
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Les enfants de minuit

Un monde déconcertant, dans lequel fantastique et pamphlet politique se mélangent. On est parfois un peu perdus, mais le parfum est communicatif et attachant. J’aurais du me replonger avant dans l’histoire de l’Inde et du Pakistan pour en apprécier mieux les subtilités politiques. J’y reviendrai.
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