AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
>

Critique de Henri-l-oiseleur


Mille (et une ?) années après les événements, un narrateur raisonnable vivant dans un monde pacifié et "libéré" de la religion, relate les événements survenus lors de la Guerre des Mondes, qui opposa pendant mille et un jours le monde des hommes et le Péristan, le monde magique des Djinns, ou fées, ou Péris dans la culture indo-persane. Le récit de cette guerre est plaisant, plein de rebondissements et de surprises, et met aux prises Dunia, la princesse djinn incarnant le bien, et quatre mauvais djinns mâles qui veulent dominer le monde, y instaurer la terreur et réaliser ainsi l'idéal du penseur intégriste musulman Ghazali : que la peur jette les hommes dans les bras de Dieu et fasse d'eux des dévots soumis et tremblants. De son côté, Dunia, l'héroïne positive, qui a engendré une foule de descendants issus des oeuvres du philosophe rationaliste et libéral Ibn Rushd, ou Averroës, (Ibn Rushd dont le père de l'auteur avait repris le nom en hommage, Rushdie), rassemble ses troupes pour résister au mal.

Si la narration de cette guerre surnaturelle est plaisante, on remarquera que le roman ne se concentre pas sur le destin d'un seul personnage, mais de plusieurs, schématiques et tracés assez sommairement. C'est que ce livre est beaucoup moins un roman qu'une fable, un conte philosophique à la façon de Voltaire (cité plusieurs fois). Aussi, Rushdie voulant démontrer une thèse, illustrer une morale et une politique à l'aide des charmes de la fable, n'écrit pas un vrai roman, mais une allégorie, avec toutes les faiblesses littéraires que ce genre implique : Diderot disait que c'était la plus froide des formes littéraires. Les personnages ne sont guère plus, par moments, que des fantômes mécaniques au service d'une idée, ce qui se ressent au peu de soin et de subtilité avec lesquels ils sont dessinés, comme Candide, Pangloss ou Martin le pessimiste.

La thèse que défend Rushdie ne pourra que plaire aux lecteurs contemporains bien-pensants : la religion est une mauvaise chose, issue de la peur et de la déraison des hommes, dont les Djinns ne sont que l'expression et la métaphore (comme on l'apprend à la fin, dans l'épilogue qui sert de moralité - donc, déception, ces êtres magnifiques et drôles n'étaient que ... des figures de style ?) Cette thèse, banalisée par la bourgeoisie des Lumières et par Auguste Comte, aplatit considérablement l'ensemble, et ramène tout le foisonnement baroque du livre (et le caractère fantastique, merveilleux et drôlatique des djinns, de leur descendance et de l'histoire) à une espèce de prêche rationaliste convenu, malgré une pirouette finale.

En somme, ceci est un conte un peu scolaire, et trop soumis à une lourde intention démonstrative, même s'il reste agréable à lire.
Commenter  J’apprécie          130



Ont apprécié cette critique (10)voir plus




{* *}