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Critiques de Salman Rushdie (473)
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Les enfants de minuit





Saleem est né à minuit tout pile, le jour de l'indépendance de sa mère patrie l'Inde, en août 1947. Il n'est pas le seul : plus de mille enfants ont vu le jour entre minuit et une heure du matin cette nuit-là, et tous sont porteurs de pouvoirs magiques divers et variés, plus puissants dès lors qu'ils étaient nés le plus proche de minuit. Échangé par une sage-femme avec Shiva en cette nuit de fête, Saleem nous raconte sa vie, étroitement mêlée à celle du tout jeune pays...



Wow... Je ne sais pas vraiment quoi dire. Ce récit est une épopée, aussi bien pour le personnage principal que le lecteur qui traverse avec lui les grands moments de la formation d'une nation indépendante aussi bien que les grands moments de la vie d'un être humain qui se construit.

On est plongés dans des faits historiques alignés sur des faits purement fictifs, agrémentés d'une bonne dose de surnaturel qui colle parfaitement au folklore local. Le récit est hyper riche, la narration maîtrisée, l'histoire entraînante. Ce n'est pas le livre le plus facile à lire, de par sa narration à la limite du courant de conscience, mais son style fait partie intégrante de la satisfaction éprouvée à sa lecture. Finalement, l'ouvrage est bluffant, en de nombreux points. Je conviens du fait qu'il est long, que certains passages (un peu plus que parfois mais pas souvent non plus) traînent trop sans apporter plus que ça. Mais le rendu global est saisissant, unique. Tellement unique et vaste et abondant qu'il est peu aisé de revenir sur chaque détail ou même les plus grandes lignes. Car il y en a tellement...

C'est le genre de bouquin qui laisse un goût spécial dans la bouche quand on l'a fini ; le genre de bouquin qui ne laisse pas indifférent ; le genre qui interroge ; le genre qui épate parce qu'il est copieux (tous les sens s'appliquent). Son originalité n'a presque pas d'égal, ce qui en fait un petit bijou de la littérature.

Dedans, il m'a semblé y déceler certains prémisses aux "Versets sataniques", avec la dualité Saleem/Shiva façon yin et yang, comme avec les personnages de Gibreel et Saladin qui représentent clairement le Bien et le Mal dans toutes leurs ambiguïtés... Ajoutons à cela que l'auteur est lui aussi né en cette année d'indépendance, à peine quelques mois avant son personnage phare. On sent l'implication personnelle derrière les conséquences de certains évènements, la critique derrière les ratés condamnables gouvernementaux... Aujourd'hui faisant partie intégrante de la diaspora indienne, l'auteur, qui a quitté le pays en 1960, s'est toujours senti concerné par ce qui s'y passait, ainsi qu'il l'a confié lors d'une conférence à San Francisco en septembre 2017 à laquelle j'ai assisté. On sent dans ses récits l'attachement à la terre et aux hommes qui la peuplent, tout comme il n'hésite pas à critiquer les formes de pouvoir en place et les inégalités traditionnelles. Et puis... n'oublions pas l'hommage à son fils Zafar, né l'année de la publication de cet ouvrage, avant "Haroun et la mer des histoires" qu'il a en partie écrit pour lui, dont il donne le nom à l'un des personnages de son livre (ou est-ce finalement le nom de ce personnage qui lui a plu au point de nommer son premier enfant de la sorte ?).

Tout ça pour dire que ce roman a une âme aussi parce que son auteur y a mis dedans énormément de lui-même. C'est sans doute ça la recette qui lui a permis de décoller enfin dans le monde de la littérature et qui a tracé la route directrice de son œuvre globale...
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Deux Ans, Huit Mois et Vingt-Huit Nuits

Il y a mille et un ans se sont disputés deux philosophes : le premier, Averroès, était convaincu de la force de la raison et de la puissance de l’amour ; le second, Ghazali, ne voyait que le salut dans Dieu, et pensait que la peur était le meilleur moyen d’amener les gens à la foi.



Aujourd’hui, l’antique frontière entre notre monde et celui des djinns vient de se ré-ouvrir. Ghazali, de sa tombe, formule son dernier vœu au djinn qu’il avait autrefois libéré : semer la terreur sur Terre, afin de prouver à son rival la vérité de ses propos. Le camp d’Averroès reçoit cependant de curieux renforts : tout occupé dans ses livres, le philosophe n’a en effet pas pris conscience que la servante qu’il avait accueillie autrefois dans son lit se trouvait être une djinn, qui lui a laissé une nombreuse descendance. Prenant tout à coup conscience de leur part magique, ses enfants aussi vont prendre part à la guerre entre le Bien et le Mal, entre l’amour et terreur.



Salman Rushdie nous offre une nouvelle œuvre d’une richesse et d’un complexité impressionnante. Mais si la complexité peut parfois faire peur, elle permet cette fois-ci que chacun trouve quelque chose son goût : duel philosophique, monde fantastique, commentaires d’actualité, nombreuses références culturelles, tout s’entremêle harmonieusement et chaque genre donne de la matière aux autres pour s’exprimer. Un combat entre deux factions magiques peut ainsi prendre une nouvelle dimension quand l’une d’elle se fait le fer de lance d’une religion liberticide en arborant un étendard noir : cette armée est envoûtée par des djinns, car aucun habitant de la Terre ne pourrait s’adonner d’elle-même à des actes proprement « inhumains ».



L’écriture est lumineuse et portée par un sens de l’humour qui survient à des moments inattendus, mais qui fait toujours mouche. Même si le thème de l’opposition entre le Bien et le Mal est au cœur des débats, il n’y a pas vraiment de moralisme, et chaque protagoniste, quel que soit son camp, joue sa propre carte. La seule condamnation qui plane sur le livre est celle des religions rigoristes qui se nourrissent de peur et de haine, dont Rushdie est d’ailleurs une des cibles privilégiées.
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Est, Ouest

Ce recueil contient 9 nouvelles, trois pour l’Est, trois pour l’Ouest et enfin trois groupées sous le titre Est, Ouest comme le recueil lui-même. Les trois premières se passent a priori en Inde et ont l’allure de contes orientaux modernes. Qu’il s’agisse de conseils donnés à une jeune femme pour émigrer à l’Ouest (dans Un bon conseil est plus rares que des rubis), d’un jeune conducteur de cyclo-pousse qui se fait stériliser en échange de la promesse d’un transistor (dans Le transistor gratuit) ou de la zizanie que sème dans une famille et toute une ville un facétieux cheveu du prophète (dans Le cheveu du prophète), Salman Rushdie déploie tout son talent de conteur. Un régal ! Les trois suivantes (Yorick, La vente aux enchères des chaussons rubis, Christophe Colomb et la reine Isabelle d’Espagne consomment leur relation) m’ont laissée plus dubitative. Dans les trois dernières j’ai retrouvé le conteur. Dans L’harmonie des sphères il raconte des souvenirs sur un écrivain qui s’est suicidé, Chekov et Zulu est une plongée inattendue dans l’univers de Star Trek et Monsieur Machin conte les amours de Mecir, portier londonien émigré d’Europe de l’Est, pour Mary-mais-oui-mais-oui une Indienne de l’île Maurice. Au fil de ces nouvelles on rencontre des personnages truculents même parmi les personnages secondaires comme un voleur qui estropie ses fils pour assurer leur subsistance ou une petite Schéhérazade surnommée « chère Rasade » ! Sans compter quelques chutes peu prévisibles. C’est un recueil intéressant pour découvrir la plume de cet auteur.
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Les versets sataniques

J’ai mis longtemps à me décider à commencer ce monument. J’imaginais une lecture ardue, un livre dans lequel il serait difficile d’entrer.

Erreur, dès les premières pages, j’étais accrochée, c’est un des meilleurs débuts de livre que j’ai jamais vu. Quel extraordinaire talent de conteur! Quel foisonnement, avec des contes, des rêves (parfois à demi éveillés) emboîtés les uns dans les autres, des sauts dans l’espace et dans le temps. C’est un roman dense qui crée son propre univers, fort éloigné d’une conception linéaire du récit. Au fait de quoi parle ce roman ? Du bien, du mal, présents en chacun de nous,et de leur lutte, symbolique, mythique mais aussi parfois réelle. A travers notre société, en Angleterre, en Inde, à travers les personnages de Gibreel Farishta, plutôt angélique et de Saladin Chamcha, plutôt démoniaque, qui revisitent de nombreux mythes. Le propos central est de se méfier de toutes les croyances ou religions non pas à cause d’elles-même, mais parce qu’elles peuvent être détournées, instrumentalisées par des hommes dans leur propre intérêt. En fait, ce livre est surtout impossible à résumer comme à raconter. Je n’ai qu’un regret : ne pas l’avoir lu plus tôt.
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La maison Golden

Une première incursion dans l’univers de Salman Rushie et pour une première, c’est réussi!

René Unterlinden, le narrateur, habite le même ensemble d’immeubles que la famille de Néron Golden, à New York City, la ville-phare des Etats-Unis. Golden, richissime homme d’affaires, a fui l’Inde avec ses trois fils Petronius (Petya), autiste de haut niveau, « un esprit prisonnier de lui-même purgeant une peine à perpétuité », Lucius Apuleius (Apu), artiste dandy et Dionysos (D.), à l’identité sexuelle floue. Nul ne sait pour quelles raisons obscures. « Ils se prenaient pour des Romains », en avaient emprunté les noms et se comportaient comme tels, sûrs de leurs avantages et de leur puissance financière sur le sol américain. Le narrateur, séduit par cet étalage de vanité et d’assurance, s’attache à leurs pas et l’idée d’un scénario fait peu à peu son chemin dans son esprit. Et ce qu’il découvrira sur eux culminera dans une série de malheurs impossibles à prévoir.

Un roman magistral alliant la tragédie grecque aux films de gangsters, truffé de références cinématographiques, de mythologie et de culture pop, superbement écrit et intelligemment mené. Une intrigue forte sur fond de politique américaine (l’arrivée au pouvoir de Donald Trump, identifié au Joker des comics, a cartoon president comme dans la bande dessinée télévisée). Une plume éloquente au service d’une brillante analyse du monde moderne.

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Joseph Anton

En revenant sur son parcours et particulièrement sur ses dix années de « détention », l'auteur des Versets sataniques nous offre une profonde et brillante réflexion sur ce qui définit notre société. Une ode à la liberté d'expression et un plaidoyer contre sa régression actuelle.



Si l'affaire a été très médiatisée, entrer dans l'intime permet au lecteur de prendre conscience d'une réalité inconnue. Tout d'abord, se loger. La vie n'est pas comme la fiction. Aucun abri fourni et payé par l'état. Salman Rushdie doit lui-même trouver des endroits sûrs qui seront agréés par son équipe de sécurité.



L'impact de la fatwa non seulement sur l'écrivain mais sur son fils, sa famille, ses proches et le domaine de l'édition. Le monde divisé en deux parties ; l'avant et l'après fatwa. Ceux qui brûlent des livres, ceux qui refusent de les vendre, ceux qui renoncent à les éditer, à les traduire, et ceux qui ont le courage de défendre cette liberté.



Le temps, très court, où les versets sataniques n'était qu'un roman et était jugé en tant que tel, les éditeurs étrangers frileux à publier le texte, l'aventure de la version poche, l'assassinat de deux traducteurs, la kabale de l'opinion publique qui se demande si l'auteur mérite les frais engagés par le contribuable pour le défendre, la difficulté d'entretenir une relation amoureuse dans une vie de musellement... L'extrême isolement d'un homme seul contre tous.



Un livre fouillé, détaillé, foisonnant, parfois trop. Comment lui reprocher cette nécessité urgente de tout dire, de tout expliquer ? Le monde a parlé a la place de l'auteur durant tellement d'années. Je salue son courage de publier un livre qui risque de raviver la haine que de nombreux extrémistes lui portent (la prime pour la tête de Salman Rushdie lancée en 1989 s'élèvent aujourd'hui à 3,3 millions de dollars).



En tournant les pages, j'ai été frappée par le manque de réaction de l'Occident et je me suis souvent interrogée. Suite aux attentats du 11 septembre, l'islamisme est connu du plus grand nombre. Salman Rushdie aurait-il été condamné à mort aussi longtemps sans qu'aucun gouvernement ne s'y oppose officiellement si la fatwa avait été prononcée après 2001 ?



Quoi qu'il en soit, Joseph Anton n'est plus. Heureusement pour lui et pour nous.
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Le Couteau : Réflexions suite à une tentative d..

Salman, tu vaux bien une messe. C'est un cri du coeur !

Ta plume est remarquable, tu es instruit, tu es un authentique écrivain, tu as un humour dévastateur, tu t'occupes de choses qui s'adressent à la conscience des hommes du monde entier, tu es un partisan acharné de la liberté au vrai sens du mot, tu ne renieras jamais les tiens, d'où tu viens, tu es d'un courage à toute épreuve !..



On t'a vu pour mort gisant au sol dans ton sang, agressé sauvagement par un islamiste !..



Tu racontes maintenant ton histoire que je suis en train de boire comme du petit lait. Sans rapport aucun avec aucune satisfaction terrestre bien sûr, mais avec l'empathie que j'ai pour toi qui es un grand homme !..



« ..Répondre à la violence par l'Art .. »
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Les versets sataniques

Comme je ne suis pas du genre à tricher, je suis allée jusqu'au bout de ces Versets sataniques et leurs satanées 750 pages. Dans mon challenge 2023, ils correspondaient à "un livre censuré quelque part dans le monde". Sans le challenge, j'aurais abandonné cette lecture. Grâce au challenge, j'ai lu un livre que j'ai quasiment adoré.

Salman Rushdie est un magicien des mots et, alors qu'on se croit perdu, il nous lance la liane qui nous permet de traverser la jungle de l'histoire qui est foisonnante, onirique et protéiforme. C'est un érudit qui manie des concepts philosophiques et culturels qui tirent les lecteurs vers le haut.

Certaines histoires sont passionnantes, émouvantes et/ou édifiantes comme la prise d'otages, les débuts de l'Islam, le pèlerinage vers la mer d'Arabie, l'ascension de l'Everest...

Les sujets abordés sont très intéressants et permettent de réfléchir sur

- l'immigration et l'intégration. Comment est-ce qu'elles transforment celui qui migre mais aussi la société qui l'accueille;

- Le racisme. A tous les niveaux;

- l'amour;

- la nécessité de grandir, de couper le cordon;

- Le deuil;

- la foi et le fanatisme. A ce propos, même si je considère que les tarés qui veulent la morts de Rushdie sont cons comme des pelles à tarte, je comprend pourquoi les Versets ont rendu les Foufurieux fous furieux: l'idée que l'ange Gabriel (Gibreel) et sa réincarnation puisse être un démon/schizophrène insufflant la confusion dans le cerveau de Mahomet...

Bref, je suis ravie de l'avoir lu, pour faire chier les Islamistes et parce que je me suis au final régalée MAIS il faut reconnaître que j'en ai bavé parce que c'est TRÈS difficile à lire

- ça part dans tous les sens et ça ressemble davantage à un recueil de contes qu'à un roman,

- les histoires qui sont commencées sont interrompues et poursuivies 200 pages plus loin alors qu'on les avaient oubliées,

- il est énormément question de théologie. Déjà, la théologie en général ne m'intéresse pas alors la théologie musulmane...

- beaucoup de passages sont des récits de rêves ou les pensées confuses d'un schizophrène,

- il faut connaître l'Inde et l'ourdou pour tout comprendre.

Bref, ce n'est pas une lecture de vacances.

-
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Les enfants de minuit

Les Enfants de minuit, ce sont les enfants nés le jour de l’indépendance de l’Inde. Tous ceux qui sont nés entre minuit et une heure reçoivent certains pouvoirs magiques, qui rappellent curieusement les attributs de grands dieux hindous. Saleem Sinai, né à minuit pile, est le plus puissant d’entre eux, avec cependant un adversaire redoutable, né quelques secondes après lui dans la même maternité.



En suivant une famille originaire du Cachemire sur trois générations, Salman Rushdie nous emmène dans l’histoire de l’Inde et du Pakistan, au cœur de leurs naissances complexes, conflictuelles, des grands espoirs et des sévères désillusions que les deux jeunes nations ont suscitées.



Comme dans tous les livres de l’auteur, on sent cependant que ce roman « familial » cache quelque chose de plus grand encore. Que les Enfants de minuit s’affublent de noms de divinités hindoues n’a rien du hasard : chaque protagoniste incarne à lui seul un morceau de l’identité de l’Inde ou du Pakistan, et les conflits inter-personnels rejouent finalement les conflits à un plus haut niveau politique.



Le roman a un petit côté « Forest Gump », car le héros principal, Saleem Sinai, se retrouve toujours par accident impliqué dans les grands événements historiques de ces deux pays. Parfois, il les provoque même, à cause de bêtises d’enfant qui prennent des proportions démesurées.



Des personnages fascinants, une histoire riche, un humour toujours présent, … le roman a toutes les qualités pour faire passer un bon moment. Il n’est pas très « reposant » cependant, car ses multiples niveaux de lecture donnent toujours l’impression d’avoir raté une vérité universelle cachée dans chaque paragraphe.
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Les enfants de minuit

Quel destin plus grand et plus terrible que celui de Salem? Les autres enfants de minuit, nés comme lui en 1947 avec le pays, ont certes aussi reçu des dons surhumains du fait de cette naissance mais pas les pouvoirs de démiurge de Salem, à l'origine de tous les événements qui vont rythmer la vie cahotique de la jeune Inde : la partition, les conflits, la corruption, tout est de sa faute, de même qu'il est à l'origine de tous les drames familiaux.



Ce roman est délirant, vertigineux, jouissif, déroutant, en un mot : magique. Difficile en effet de ne pas faire le parallèle avec Cent ans de solitude en terme d'expérience de lecture : passé l'effort (significatif, l'effort) initial pour trouver son rythme et ses marques dans une narration particulièrement originale, quelle jouissance de se laisser happer par la névrose colorée de sa folie, la richesse de ses ramifications et la luxuriance des sensations qu'elle inspire! le repère rationnel et solide de l'Histoire avec un grand H est pourtant bien là, mais mêlé avec tant de brio à la fantaisie que l'on finit presque par croire au pouvoir de Salem.



Et c'est en refermant le livre que se révèle tout le génie de cette construction littéraire brillante, comme une parabole riche et violente des premiers temps de l'Inde indépendante que ses premiers enfants, trop divers, trop jeunes, n'auront pas réussi à mener à la maturité.

Etourdissant!
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Le dernier soupir du Maure

Il y a dans les romans de Salman Rushdie ce petit quelque chose qui m'emporte, m'enchante, m'éblouit, me réjouit, me passionne, m'émerveille, bref... m'enthousiasme tant que je reste sans voix lorsqu'il s'agit de raconter l'histoire ou d'exprimer ce qui me plaît tant dans ses récits. D'ailleurs, est-ce bien raisonnable de se lancer dans une tentative de résumé de ce fabuleux roman sachant qu'il sera forcément parcellaire et donc un peu faux ? Car, voyez-vous, comme je l'ai déjà dit dans mon avis sur L'enchanteresse de Florence, Salman Rushdie est un magicien des mots : il écrit des histoires où s'entremêlent faits et personnages réels et fictifs et en fait un conte où magie, surréalisme et réalité se côtoient comme de vieux amis.



Bon, essayons tout de même de dire quelques mots sur l'histoire.

Moares Zogoiby dit "Le Maure", narrateur époustouflant de cette saga familiale nous embarque dans un voyage exceptionnel et les personnages rencontrés tout au long du récit sont inoubliables. Né doublement handicapé, le Maure devra vivre avec une main difforme en forme de marteau toute sa vie qui, par malchance, s'écoule deux fois plus vite que la normale. Sa mère, Aurora de Gama, est, elle, éblouissante, enchanteresse, solaire, dotée d'un dynamisme contagieux qui se reflète dans les peintures qu'elle produit. Mais elle est surtout égoïste, venimeuse, source de bien d'envies et convoitises de la part des personnes qui gravitent autour d'elle, elle brise les coeurs sans même s'en apercevoir (ou plutôt sans s'en soucier) ! Et ce ne sont pas ses enfants qui diront le contraire : préoccupée de sa seule gloire, elle néglige ses trois filles Ina, Minnie et Mynah qui d'ailleurs, dès leur naissance, ce sont vues affubler de noms raccourcis et son fils n'est rien de moins que son jouet/modèle grâce auquel elle sortira sa plus fabuleuse série de tableaux. Quant à son père, Abraham, escroc de grande ampleur, il fait bien pâle figure devant sa femme... Rien d'étonnant alors à ce que Moares soit totalement subjugué par sa mère et tentera par tous les moyens de se défaire de son implacable emprise...



Pourquoi ai-je été totalement conquise ?

* Parce que ce roman m'a entraînée dans une course folle à travers plusieurs générations : des côtes de Malabar au Sud de l'Inde, à Bombay puis en Espagne, la famille Gama-Zogoiby ne manque pas de souffle ni de dynamisme !

* Parce que c'est merveilleusement bien écrit (une pensée pour la traductrice qui a dû en baver !), que les odeurs, les couleurs, les sons sont décrits avec brio, que j'aime cette façon qu'à Salman Rushdie de me perdre totalement avec ses tergiversations, ses digressions, ses circonvolutions autour d'un récit parfois bien difficile à suivre.

* Parce que c'est bourré d'humour acide totalement irrésistible.

* Parce que Salman Rushdie mêle si bien les faits réels à la fiction que je me suis beaucoup amusée à tenter de détacher le vrai du faux, les personnages fictifs des personnages imaginaires...

* Et enfin, parce que sous un habit de critique caustique de l'Inde, ce livre en est un merveilleux hommage. La "Mother India" y apparaît dans toute sa splendeur, son histoire, ses légendes et ses travers.

A lire !
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Les enfants de minuit

Même sans être un dévoreur de livre, vous avez certainement déja entendu parler de Salman Rushdie, romancier anglais né à Bombay et auteur de plusieurs best-seller dont un, "Versets sataniques" (1989) a été considéré comme blasphématoire par les musulmans et lui a valu une fatwa de l'ayatollah Khomeini, qui appelait tous les fidèles à l'assassiner.

"Les enfants de minuit" est son premier roman, paru en 1981 et a recu le Booker Prize la même année.







Pitch: Saleem Sinaï est un "enfant de minuit". Il est né à minuit le 15 août 1947, jour de l'indépendance de l'Inde et par cette naissance, lie à jamais son sort avec celui de la nation qui l'a vu naître. Tous les évenements sociaux, politiques ou économiques du pays trouvent leurs causes dans les évenements qui parsèment la vie de Saleem et de toute sa famille.

De plus, tous les enfants nés cette nuit-là entre minuit et une heure du matin (ils sont 1001) ont recu un don. Saleem, né à minuit-pile, a recu le don le plus puissant, le don de pouvoir investir l'esprit des gens, un don encore plus fort que de la simple télépathie et cela, enchevêtré avec le rôle de "symbole" dont il a hérité, fait de sa vie un canevas aux fils multiples et indémêlables.



Salman Rushdie nous livre ici une saga familiale baroque où l'on rencontre les grands-parents de Saleem au Cachemire, où l'on suit ses parents de Bombay au Pakistan, où l'on écoute chanter sa soeur, Jamila, où l'ont suit finalement toutes les aventures burlesques ou grandioses auxquelles Saleem, volontairement ou non, va participer.



C'est un roman riche, extrêmement riche, l'écriture de Salman Rushdie couplée au destin de Saleem Sinaï nous emmène tantôt dans un récit digne des Contes des Mille Et Une Nuits, tantôt dans un pamphlet politique rigoureusement exact, tantôt dans une farce vaudevillesque.

Car c'est tout le talent de Rushdie, celui d'arriver à concilier roman imaginaire et histoire, les deux paraissant impossible à mêler mais dont le mélange final est tout simplement fantastique: que l'on soit ou non un fanatique de l'histoire de l'Inde ou de l'Histoire tout court, on est forcément fasciné par la construction de ce pays aux mille visages, on apprend ou re-découvre des détails historiques sous couvert de suivre la vie d'une famille au destin marqué...



Le style de Rushdie est dense, je ne le nie pas, l'entrée dans le livre est difficile, car Saleem nous fait le récit de sa vie en usant et abusant des flash-backs, des digressions, des commentaires annexes, des détails sans queue ni tête.

Mais une fois entrée dedans, je ne l'ai pas lâché: dès que je me plongeais dans ces 675 pages, je voyais des saris or et pourpre, des madras, des rues poussiéreuses, je sentais l'odeur du curry , du poulet massala et des masures des intouchables, j'entendais les dizaines de dialectes se mélanger, j'étais transportée dans une Inde que je ne connais pas mais que Rushdie décrit avec tant de talent qu'il m'était impossible de ne pas être fascinée.



Un livre merveilleux, à ne pas manquer. Accrochez-vous au début et laissez-vous emporter au pays des rickshaws...
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Le Couteau : Réflexions suite à une tentative d..

Trente ans après la fatwa, en 2022, « A » comme le surnomme Salman Rushdie, attaque l’écrivain et lui donne quinze coups de couteau.



« A » intelligence limitée, paroles médiocres nourries de celles de l’Imann Yutubi, pas de paroles « habitées » et avançant une non-culpabilité!!!



2024 : Rushdie soumet aux lecteurs les réflexions et les ressentis qui font suite à cette agression.

Une descente aux enfers combattue par une volonté de vivre et de vivre cette « seconde chance » encore plus intensément.



Il nous raconte tous les maux dont il a souffert, la douleur, la rééducation, l’importance de ceux qui l’entourent (femme, enfants, soeur…).



Il y a de ces passages forts qui dénoncent la stupidité et la dangerosité des idées reçues, d’une religion impitoyable quittant la sphère privée, d’une démocratie en berne.

Un échange imaginaire avec « A » ne contient pas la force à laquelle on pourrait s’attendre mais « soulage » probablement l’auteur en proie au doute : rencontrer ou pas le fanatique?(la démarche de Samuel Beckett l’interpelle).



Quant à sa relation maritale, quant aux renvois à ses livres, quant à son auto-louange, etc… cela contribue à le rendre moins sympathique et n’apporte qu’un reflet de narcissisme.



Mais l’important et le beau sont dans ces mots qui donnent espoir, ramènent aux faits et à la réalité et proviennent du profond d’un homme qui a souffert dans sa chair par la stupidité d’autres hommes.

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La Honte

C'est l'histoire de trois familles au Pakistan qui vivent les grands principes du pouvoir et expérimentent la honte sous toutes ses coutures...



Rushdie a tendance à créer des univers complexes mi-ancrés dans la réalité mi-imaginaires, tirant sur le conte, la magie, l'ésotérisme, la fantaisie, la légende et le mysticisme. Rien que ça. La Honte ne fait pas exception avec ses évènements improbables et sa bête qui hante les esprits et hâche menu la chair vivante.

Ce n'est pas un roman pour tous car il très est compliqué à suivre, aussi bien dans la chronologie que dans le fond, toujours sous couvert de jolies phrases métaphoriques auxquelles il faut absolument s'accrocher pour percevoir le sens des choses. Le mélange des genres entre réalité et fiction, passé et présent, Pakistan mais pas Pakistan s'avère également compliqué à dompter. Il est néanmoins intéressant de voir que finalement, ce deuxième opus ressemble beaucoup dans le style à son prédécesseur Les Enfants de minuit, on sent que Rushdie a trouvé sa marque de fabrique, celle qui lui assure le succès.

Tout de même, on se retrouve avec un récit bourré de personnages (heureusement qu'on nous donne l'arbre généalogique en début d'ouvrage, ça aide souvent à remettre quelques pendules à l'heure) et surtout cette question générale du traitement de la honte, elle-même incarnée par une jeune fille qualifiée de sans cervelle qui va en fait survivre à tous les autres. Ce thème et sentiment est tellement abordé sous tous les angles (l'humiliation, le déshonneur, l'embarras, la culpabilité, la pudeur... via la société, les mécanismes corporels, le jugement personnel) qu'on a du mal à faire le tri et voir exactement où l'auteur veut en venir.

De plus, les retours en arrière constants sont difficiles à appréhender et les évènements presque impossibles à remettre en ordre si on ne fait pas en sorte de prendre des notes mentales. Toute la première partie est consacrée à l'enfance d'Omar Khayyam Shakil, qu'on abandonne ensuite pour se concentrer sur deux autres familles rivales que le destin va bien évidemment réunir, avant de mélanger ces trois entités familiales et n'en faire qu'une qui va succomber à ces diverses hontes.

Comme c'est très dur à résumer, je vais m'arrêter là. Ce n'est pas le plus appréciable des Rushdie que j'ai lus mais il a manifestement participé à sa légende.

Enfin, il est important de noter que c'est le roman qui a précédé la rédaction et publication du célèbre Les Versets sataniques, qui a valu à l'auteur une fatwa par l'ayatollah Khomeini, lequel est cité ici par Rushdie qui fait alors état des évènements en développement en Iran, Afghanistan et Pakistan au début des années 80 ! Une sorte de sombre prophétie qui fait froid dans le dos. Rushdie évoque aussi la dualité Dieu/Satan, qu'on retrouve donc en prémices de la trame des Versets. Voilà quelques exemples qui prouvent bien (comme suggéré dans Joseph Anton) que lire les romans de Rushdie dans leur ordre de publication a un intérêt.
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Les versets sataniques

J’avais lu ce livre à sa sortie presque par militantisme pour protester contre la barbarie Khomeiniste . La relecture m’a permis d’en apprécier la richesse littéraire. L’histoire de ces deux personnages transformés par une chute d’avion en personnages mythologiques (Archange et diable) se déroule sur plusieurs plans : entre Inde ,Arabie et Angleterre . Entre fantastique (pouvoirs magiques , personnages fabuleux) et réalisme ( problèmes de l’assimilation culturelle, racisme, fanatisme religieux) . Entre mythe (prophètes, ange,diable…) et histoire ( émeutes en Angleterre, conflit inter religieux en Inde, prise de pouvoir des mollahs en Iran ,attentats aériens … ) . Il est clair aussi que la manière très voltairienne que Rushdie a de traiter les mythes religieux et en particulier la naissance de l’Islam ne peut qu’irriter le poil(qu’ils ont abondant) des fanatiques dont l’humour est loin d’être la qualité première. Et il en a payé et en paie encore le prix .Hommage à lui.
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La Terre sous ses pieds

Quand la star planétaire Vina Apsara périt dans un tremblement de terre, le monde entier pleure la disparition d'une icône. Son mari/partenaire sur scène Ormus Cama n'arrive plus à vivre ; son meilleur ami/amant Rai retrace sa vie, leur rencontre et leur trio impossible...



Après la peinture dans Le Dernier soupir du Maure, Rushdie encense l'Art sous sa forme musicale en dépeignant le destin d'un duo prédestiné à toucher les étoiles mais aussi maudit que certains couples légendaires tirés des mythologies grecque, romaine et indienne. Même si cet opus est aussi long et répétitif que le précédent, il est pourtant plus plaisant et séduisant dans la mesure où le présent narratif est beaucoup plus proche de nous en étant moins ancré dans le passé du siècle dernier (comprendre autour de 1947 et de l'indépendance de l'Inde, comme dans Les Enfants de minuit ou Le Dernier soupir du Maure), mais aussi surtout parce que le récit se passe majoritairement en Occident, apportant ainsi une dimension plus internationale et quand même plus accessible au lecteur qui ne vient justement pas d'Orient et a grandi en plein boom de la mondialisation (comprendre les années 70-80 jusqu'à l'an 2000). D'autant plus que l'histoire développe une réalité à laquelle nous sommes confrontés tous les jours en tant que consommateurs programmés : le culte de la personnalité, la célébrité et ce qui se cache derrière (la chronique de la mort de Vina rappelle furieusement celle de Lady Diana, décédée deux ans avant la parution de ce roman, ça sent le vécu).

Vina et Ormus sont donc présentés comme les nouveaux enfants chéris du monde, sur fond de drames familiaux et d'amours impossibles, tout en jouant avec la dualité dans de nombreux thèmes qui sont pour certains récurrents dans l'oeuvre de l'auteur : réalité/fiction, Orient/Occident, vie/mort, notremonde/autremonde, visible/invisible, justice/injustice...

Cet opus est fort garni en références culturelles, historiques et linguistiques, mais surtout l'intertextalité de l'oeuvre à ce moment-là publiée n'a jamais été aussi prégnante car les références aux romans précédents ont beau être subtiles, elles sont quand même légion. Cela fait sourire, c'est rusé et charmant. Quant aux références à la vie même de l'auteur (j'ai nommé la fatwa de 1989), elles prennent encore plus de place que dans le précédent ouvrage qui était celui qui suivait directement cette nouvelle menace. Rushdie relie carrément la mort de son héroïne à la date réelle du 14 février 1989 où l'épée de Damoclès s'est calée au-dessus de sa tête ; il commence même son livre par cette date. Tout cela sans compter certaines réflexions philosophiques qui sentent le personnel, ou la mention de certains évènements historiques (comme la mort de Khamenei la même année, lui-même déjà mentionné dans le livre d'avant. Mentionnons même cette citation de Popeye qui revient pour la deuxième fois (déjà cité dans Le Dernier soupir du Maure) et qui a visiblement toute son importance puisqu'on la retrouve même dans la description de l'auteur sur son compte Twitter : "I yam what I yam and that's all that I yam" !!! (ouais, c'est ça d'enchaîner ses romans, on finit par se rappeler ces mini-détails, je serai bientôt bonne pour écrire une thèse !!). Ainsi donc, mieux vaut ne pas s'attaquer à cet auteur sans tout le bagage pré-cité. Et surtout, l'intérêt de lire ses ouvrages dans l'ordre chronologique d'écriture (chose que j'ai décidé de faire après la lecture de son autobiographie Joseph Anton) commence sérieusement à prendre tout son sens vu qu'on finit par voir ce genre de chose. Ce type de lecture rapproche encore plus de l'auteur et de son expérience d'écriture...

Pour terminer, je dirai que l'histoire est une nouvelle fois très vaste, avec de nombreuses ramifications, pléthore de retours en arrière, beaucoup de personnages et de familles, et que le titre a encore une fois plusieurs niveaux de lecture et compréhension (bien que plus simple que le précédent).

C'est encore un résultat dense, enchanteur, titanesque, qui laisse pénétrer une part de surnaturel de mystérieux, de métaphysique. Bref, un gros Rushdie, mais un vrai bon cru.
Lien : http://livriotheque.free.fr/..
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Les enfants de minuit

Quel livre... difficile d'écrire une critique tant ce roman a été une expérience difficile à rendre.

Alors quelques impressions rapides...

Certainement un livre de grande envergure avec ce parallèle entre la vie de Saleem et l'histoire de l'Inde depuis son indépendance. Le roman foisonne de mille détails, de multiples allusions ( la plupart incompréhensibles à la néophyte que je suis en histoire contemporaine indienne).

Dire que c'est un roman absurde ou foisonnant serait réduire ce livre, mais si j'ai aimé l'écriture et si j'ai globalement apprécié ma lecture, j'en suis restée à l'orée, et j'ai mis beaucoup de temps à la terminer et ai du déployer beaucoup d'efforts pour m'accrocher à cet anti-héros, à ses répétitions, à sa folie (mais est-ce de la folie?)



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Quichotte

Tout le monde ou presque a entendu parler de @Salman Rushdie qui fut condamné à une fatwa par le régime iranien à la suite de la publication de son troisième roman @les versets sataniques. Ce roman dans lequel il écrivait  :



« La volonté, c'est de ne pas être d'accord, de ne pas se soumettre, s'opposer ! »



@Salman Rushdie, Non ! Vous n'êtes pas un polémiste mais avant tout un formidable écrivain, un chroniqueur du présent au regard acéré sur le monde dans lequel il vit. Hier l'Inde et l'Angleterre, aujourd'hui les États-Unis et particulièrement New-York où vous avez trouvé refuge après avoir vécu dans la clandestinité, sous le nom de @Joseph Anton. Petit clin d’œil, dans @Quichotte, un personnage prend le pseudonyme de Conrad Tchekov.



Quelle cruelle désillusion fut pour vous l'arrivée au pouvoir de Donald Trump, vous qui aviez fui les obscurantistes religieux, vous vous retrouvez avec les suprématistes blancs à la tête de Washington. Alors vous avez fait ce que vous faîtes le mieux : écrire des histoires ! Alerter !



Ce fut donc @la maison Golden qui commençait avec l'arrivée d'Obama au pouvoir pour se terminer par l'élection du joker alias Trump. C'était déjà une critique acerbe de la société américaine et des sociétés occidentales en général. Déjà, vous vous attaquiez à la prolifération des fake-news sur le web, « cette toile d'araignée où se trament des complots imaginaires mais dont les effets sont hélas bien réels ». (Isabelle Adjani dans sa lettre adressée à @Rushdie)



Aujourd'hui, dans @Quichotte vous décrivez une société, au bord de l'effondrement, gangrenée par le racisme, le cyber-espionnage, les manœuvres des laboratoires pharmaceutiques pour opioïder l'Amérique, la tyrannie des réseaux sociaux, et le brouillage des frontières entre réalité et fiction.



@Don Quichotte était un chevalier errant incapable de faire la différence entre réalité et fiction, c'était il y a 400 ans, aujourd'hui, ce n'est plus un homme qui est concerné mais une société toute entière qui confond le mensonge avec la réalité. @Quichotte n'est pas un remake du pré-cité, non, mais un hommage à @Cervantes, @Ionesco ou @collodi comme le dit Brother, l'écrivain du roman, à sa sœur Sister :



«  Il évoqua son intention de s’attaquer à la sous-culture abrutissante et destructrice de notre époque tout comme Cervantès était parti en guerre contre la sous-culture de son temps. Il expliqua qu’il essayait aussi d’écrire sur l’amour impossible et obsessionnel, les relations père-fils, les disputes entre frères et sœurs et, oui également, les choses impardonnables, sur les immigrants indiens, sur le racisme dont ils sont victimes, sur les escrocs qu’il y a parmi eux, sur les cyber espions, la science-fiction, l’entrelacement de la fiction et des réalités «  réelles  », la mort de l’auteur, la fin du monde. Il lui dit qu’il voulait utiliser des éléments de parodie, de satire et de pastiche.  »



L'histoire commence avec Ismail Smile, voyageur de commerce vieillissant obsédé par la télévision, il tombe amoureux fou de Salma R, ancienne actrice de série télévisée reconverti en star d'un talk-show. Il est persuadé qu'il arrivera à la séduire et qu'une fois fait le monde cessera d'exister. C'est le début d'un road-trip à travers les États-Unis au volant de sa vieille Chevrolet. Au cours de son voyage, il s'inventera un fils imaginaire qui finira par devenir bien réel, Pinnochio/Sancho découvre le monde par le biais de la télévision dans les motel miteux dans lesquels l'amène son père complètement « barjo ».



A partir de ce moment-là les fictions se mélangent de façon jubilatoire puisque Smile/Quichotte est en fait un personnage de roman créé par Sam DuChamp alias Brother, lui même un personnage créé par @Rushdie. Le roman part dans tous les sens et se transforme en un immense labyrinthe où la virtuosité de l'auteur entre en action. Car oui, il s'amuse @Rushdie, il joue avec la narration et combine avec bonheur les différentes fictions et les différents niveaux de lecture pour mon plus grand bonheur.



Dans le podcast «  le temps des écrivains » France Culture titrait « @Salman Rushdie, le dernier conteur ? » Vous n'êtes pas le dernier, @Olga Tokarczuk a pris la relève, mais vous êtes l'un des plus grands. Le roman picaresque est tombé en désuétude ! Vous êtes là pour lui redonner ses lettres de noblesse.



Dans votre roman, mené tambour battant, vous interrogez sur le rôle de la fiction et la mort de l'écrivain, à 74 ans ce sont des questions légitimes mais j'espère que vous produirez encore beaucoup de romans aussi drôle,intelligent et jouissif que celui-ci. Merci @Salman Rushdie  !



Challenge Multi-Défis
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L'enchanteresse de Florence

Quel beau livre ! Quand on referme L'enchanteresse de Florence, on reste un temps rêveur, les yeux dans le vague, toujours pris dans l'ambiance pleine de merveilleux et de fantaisie de ce livre.



L'enchanteresse de Florence est un livre inracontable : il faut le lire pour en découvrir tout le charme. Tout au plus peut on dire qu'il se déroule à la fois en Inde et en Italie (à Florence plus exactement), dans ce XVIè siècle qui est celui des débuts de la Renaissance en Europe et de la naissance, cette fois, de l'empire moghol en Inde.



On y croise des princesses orientales - sublimes, forcément sublimes -, des mercenaires italiens - simples soldats ou condotierri-, et puis des voyageurs, des marchands et toute la cour de l'empereur Akbar.



Dans ce roman, Salman Rushdie est une version masculine et moderne de Shéhérazade : il nous charme avec ses histoires qui s'emboîtent, pleines de poésie et de fantaisie, servies par une écriture magnifique.



Assurément, un grand livre par un grand écrivain.
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Les versets sataniques

Gibreel Farishta et Saladin Chamcha sont acteurs. Détourné par des terroristes, l'avion qui les transporte explose en vol. L'ange Gibreel et le démon Saladin atterrissent en chantant sur une plage d'Angleterre.



Le truc, c'est que les frontières entre le mal et le bien sont nettement moins précises qu'on ne l'imaginerait. Rushdie installe rapidement son propos par l'histoire de Mahound (Mahomet), et des versets que le diable, se faisant passer pour l'ange Gibreel, aurait dicté au prophète.

Ainsi l'ange Gibreel Farishta s'interroge : "il y a des gens qui entendent des voix, qui sont séduits par des mots. Mais pas les siens ; le texte n'est jamais de lui. De qui alors ?" Et il voit " l'Imam grossir monstrueusement, s'allonger dans la cour devant le palais avec sa bouche béante qui s'ouvre derrière les portes ; quand le peuple entre il l'avale entièrement." (chapitre 4). Pas étonnant qu'avec de tels développements Salman Rushdie ait fait l'objet d'une fatwa de la part de l'ayatollah Khomeini.



Ce livre épais et sinueux de plus de 700 pages constitue au final un ensemble cohérent, intéressant, bien écrit et bien traduit par A. Nasier chez Folio. Quelques passages drolatiques tels que la description du Dieu qui apparaît à Gibreel, la mort du boeuf d'Osman, ou l'illuminé dans le métro, aèrent les épisodes dramatiques. Les personnages, tel le père et sa vie privée de nature à passionner le psy qui s'assoupit d'ordinaire à votre écoute, sont denses. Les thèmes ou leur traitement me font penser à Milan Kundera ou Umberto Eco. Tout cela est de nature à nous transporter d'emblée sur cette plage anglaise, avec Saladin et Gibreel, pour peu qu'on trouve l'attention suffisante pour suivre leur évolution simultanée dans plusieurs histoires, tantôt réelles, tantôt rêvées, sans que la frontière, là encore, soit bien définie.



Un livre sur le doute avec des histoires très solides, à lire avec attention et à proximité d'une encyclopédie.
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