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Histoires de moine et de robot tome 1 sur 2

Marie Surgers (Traducteur)
EAN : 9791036001192
136 pages
L’Atalante (15/09/2022)
4.17/5   770 notes
Résumé :
Voilà des siècles, les robots de Panga ont accédé à la conscience et lâché leurs outils ; voilà des siècles, ils sont partis ensemble dans la forêt, et nul ne les a jamais revus ; voilà des siècles qu’ils se sont fondus dans les mythes de l’humanité.
Un jour, la vie de Dex, moine de thé, est bouleversée par l’arrivée d’un robot qui, fidèle à une très vieille promesse, vient prendre des nouvelles. Il a une question à poser, et ne rejoindra les siens qu’une foi... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (160) Voir plus Ajouter une critique
4,17

sur 770 notes
Apaisant et beau.

Dans un monde post Transition, les robots ayant acquis une conscience et été rendus à leur liberté, dans un monde sans pétrole et sans usine (mais pas sans civilisation ni confort), la rencontre improbable entre un moine et un robot.

Becky Chambers, une douce poésie pour nos yeux et nos sens de lecteurs. Une histoire courte qui ferait plaisir aux éleveurs new age du Larzac et aux écologistes puristes adeptes du recyclage total, mais pas végans (on mange de la viande, mais issue de la chasse, pas de l'élevage).
On retrouve cette sérénité qu'on avait découverte dans son premier roman, « l'espace d'un an » ou la petite maison dans la prairie de l'espace et dans son dernier, « apprendre si par bonheur » (J'ai moins aimé les autres).
On se sent bien, pendant et après la lecture, délassante, apaisante et pleine de douceur et de poésie.

On passera sur ce que j'estime être des incohérences du World Building de l'autrice, dans un monde sans pétrole où l'on roule à vélo mais on est capable d'envoyer des satellites dans l'espace. Une petite fusion nucléaire contrôlée ? Une écologie à la Jancovici ? (perso j'adore) ? Ce n'est pas indiqué, mais au final ce n'est pas le propos. La vie et l'état d'esprit de ce moine non genré (mais iel semble préférer les relations charnelles avec les hommes) et de ce robot, cette chose, tel qu'il se définit, consciente, curieuse et candide est un pur régal.
Un grosse centaine de pages à savourer d'une traite et s'endormir apaisé.
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Il m'avait suffi de lire une seule novella (la génialissime Apprendre, si par bonheur que je recommande à quiconque) pour que Becky Chambers devienne l'une de mes autrices préférées. Aussi ai-je abordé cette lecture avec autant d'enthousiasme que d'appréhension : est-ce qu'Un psaume pour les recyclés sauvages pouvait vraiment être aussi bon? Verdict : peut-être un léger cran en-dessous, mais toujours d'excellente qualité.

Sur Panga, l'humanité a échappé au pire. La civilisation a pris une direction plus respectueuse de la nature, nature que les robots sont allés rejoindre après avoir accédé à la conscience. Quelques siècles plus tard, leur existence n'est plus qu'un mythe. Aussi, Dex, moine de thé non-binaire, ne s'attendait définitivement pas à croiser sur sa route Omphale Tachetée Splendide, robot qui cherche à comprendre de quoi l'humanité a besoin. Une question à laquelle Dex aura bien du mal à répondre.

Ce qui se dégage en premier lieu de cette lecture, c'est sa douceur – une douceur bienvenue quand on a l'impression d'être saturé·e de dystopies ou de récits post-apocalyptiques plus noirs les uns que les autres. La dédicace, « Pour vous qui avez besoin de souffler », est d'ailleurs très à propos. Becky Chambers est souvent vue comme une des principales représentantes du mouvement hopepunk, qui cherche à garder vivant un imaginaire optimiste et refuse de s'en laisser dépouiller par un monde de plus en plus sombre. À cet égard, cette novella est caractéristique de ce qu'elle cherche à faire et cette lecture a quelque chose de très réconfortant (plus, à mon sens qu'Apprendre, si par bonheur qui a un côté plus ambigu).

Pour autant, la douceur et l'optimisme ne sont pas synonymes de contenu creux, moralisateur ou dégoulinant de bons sentiments. Becky Chambers passe au crible plusieurs sujets déjà vus, mais sans se contenter d'aligner les lieux communs ni tomber dans la culpabilisation. Qu'est-ce qui pousse les êtres vivants à rechercher le bonheur et la sécurité? Qu'est-ce qui les pousse à en vouloir toujours plus au point de mettre en péril cette recherche de bonheur et de sécurité? Faut-il se couper de la nature pour maintenir avec elle une relation apaisée? Si la vie n'a aucun sens, aucun but, ce qui reste peut-il suffire? J'ai aimé le regard apaisé que l'autrice porte sur les choses (notamment la technologie, qui n'est plus une course au profit continuel mais redevient un outil d'épanouissement pour l'être humain ; certains indices laissent toutefois penser qu'on rencontrera dans le deuxième tome des personnages qui la rejettent plus radicalement).

D'un point de vue littéraire, on peut aussi y voir, en creux, une remise en question de la narration occidentale, laquelle est si centrée sur la notion de conflit qu'on en vient instinctivement à penser qu'une histoire dénuée de conflit ou de tension n'a strictement aucun intérêt littéraire ou philosophique. Ainsi, la forme apaisée contribue elle aussi à la réflexion de fond.

En bref, c'est une belle réussite! J'ai hâte de lire le deuxième tome, maintenant que j'ai enfin réussi à mettre la main dessus. En vouloir toujours plus, on disait?
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Un.e moine, malgré un bonheur apparent et une grande efficacité dans l'accomplissement des tâches qui lui sont confiées, n'est pas heureux. Il se lasse de ce quotidien sans problème et rêve d'autre chose. Iel se décide alors à tenter une nouvelle expérience : se promener, sur un vélo-maison, à travers le pays afin de proposer une écoute attentive à ceux qui en ont besoin. Cela elui permettra de voyager et de découvrir autre chose. Mais cela elui apportera-t-il enfin la quiétude ?

Un psaume pour les recyclés sauvages, premier court roman d'un diptyque (Une prière pour les cimes timides devrait bientôt suivre), reprend de nombreux éléments des contes philosophiques. Les situations sont assez simplifiées et l'on ne se perd pas dans les détails. La portée des évènements qui arrivent au personnage principal est plus qu'individuelle et peut se généraliser à un grand nombre de personnes. Ces péripéties permettent au lecteur de s'interroger sur le monde et son état, même si celui qui est décrit dans ce récit est tout autre que celui dans lequel nous vivons. Mais j'y reviendrai plus tard.

Froeur Dex est un moine qui s'ennuie et décide donc de voyager. Il commande alors la fabrication d'un vélo trainant une habitation individuelle sacrément bien conçue (j'aimerais bien en avoir le plan, pour voir comment tout cela fonctionne) qui permet de se promener en toute autonomie. Enfin, il faut acquérir de quoi se nourrir, mais l'essentiel est là, bien à sa place dans sa petite demeure. Donc, Froeur Dex devient moine de thé : il doit aller de village en village afin d'apporter la sérénité aux villageois. Comment ? Grâce à une bonne tasse de thé prise autour d'une table où les personnes en souffrance (ou seulement agacées) peuvent venir se plaindre et discuter avec le moine. Difficile au début, mais rapidement aisé pour Froeur Dex, qui finit par exceller dans cette discipline. Mais là encore, la lassitude finit par lae rattraper. Heureusement, la rencontre d'Omphale va bouleverser cette routine.

Froeur Dex évolue dans un monde qui pourrait être le nôtre après pas mal de bouleversements. le plus grand changement cité dans ce roman est l'Éveil, le départ des robots. La série dont Un psaume pour les recyclés sauvages est le premier volume, s'intitule d'ailleurs Histoires de moine et de robot. Un jour, donc, les robots ont décidé de cesser leur travail et de ne plus approcher les humains, afin de les laisser mener leur vie sans les gêner, sans les entraver. Depuis, plus personne n'en a vu un. D'où la surprise immense de Froeur Dex quand il croise Omphale, un robot en parfait état. Surprise d'autant plus grande quand le même Omphale lui révèle la raison de se venue : voir où en sont les êtres humains. Et voilà le moine suivi à la trace par un être de métal tout émerveillé par ce qu'il découvre en fréquentant cette personne faite de chair et de sang.

Mais revenons au monde décrit. Tout semble y être en harmonie. Les machines sont réduites au strict minimum. le recyclage est la norme. le vélo, amélioré, permet de transporter un habitat individuel où tout est pensé pour avoir le minimum d'impact. Les individus semblent avoir des places définies qu'ils occupent avec un certain bonheur. Si certains éprouvent des difficultés avec leur travail, avec leurs voisins, ils peuvent se libérer de leurs tensions en parlant à un moine venu avec sa petite maison et, surtout, un bon thé. Car la cérémonie d'écoute passe aussi par la dégustation d'une boisson chaude à la recette spécialement conçue pour l'interlocuteur et sa situation. Ce qui demande un certain talent de la part du moine. Comme s'en aperçoit Froeur Dex lorsqu'iel change de vocation et circule à travers les campagnes pour se mettre à l'écoute de ses concitoyens. Comme je l'ai écrit plus haut, il trouvera vite les bonnes recettes pour apporter la détente aux autres. Mais pas la plénitude dans sa propre existence.

Froeur Dex ressemble parfois à un.e enfant gâté.e qu'on a envie de secouer. Tout va bien pour iel : iel réussit dans son premier métier, puis dans son deuxième choix. Et à chaque fois, iel éprouve de l'insatisfaction, un vide existentiel. Mais quand on y réfléchit, combien d'entre nous n'ont pas ressenti ce creux au fond de leur esprit. Quant tout paraît aller sur des rails mais que l'on sent confusément que quelque chose manque. On se secoue en se traitant de capricieux, mais il reste un manque au fond de soi. Et c'est cet état d'esprit qui est brillamment mis en scène dans ce roman. Froeur Dex s'interroge sans comprendre d'où vient son insatisfaction. Et cela lae mine. Comme cela nous mine. Surtout dans cette société de consommation remise en question de nos jours. Suite au Covid. Suite aux bouleversements climatiques. Suite à la disparition des grandes causes qui permettaient de se trouver un but, une raison de vivre malgré la banalité du quotidien. Et le récit de Becky Chambers, même s'il n'apporte pas de solution miracle, fait du bien car il aborde des questionnements cruciaux avec un ton rassurant, un rythme apaisant. Malgré les doutes et les inquiétudes, on se sent bien et on peut se poser des questions sans angoisse. Loin du malaise qui sourd des pages de Composite d'Olivier Paquet, autre roman qui s'interroge sur notre société.

Becky Chambers est réputée pour le côté rassurant de ses écrits. Malgré la difficulté de certains thèmes qu'elle peut aborder, elle le fait avec la douceur d'une nourrice guidant un jeune enfant. Elle rassure tandis qu'elle nous fait progresser dans notre réflexion, dans notre connaissance de nous-mêmes et de notre rapport au monde. Une belle histoire aux racines profondes. J'attends la suite, prévue pour mars 2023, en dégustant une petite tasse de thé.
Lien : https://lenocherdeslivres.wo..
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Étoile montante de la science-fiction américaine, Becky Chambers est avant tout connue pour sa série des Voyageurs qu'il lui a déjà valu moult nominations et récompenses. Cette fois, c'est avec une autre série qu'elle revient chez L'Atalante, celle du moine et du robot.
Dans un format novella, Un Psaume pou les Recyclés Sauvages nous emmène sur Panga, une lune paisible orbitant autour de la planète Motan, alors que Dex, personnage principal de ce récit, connaît une crise existentielle…

Dex en a assez de la ville. Et pas question de reprendre des études à son âge, c'est-à-dire vingt-neuf ans, dont une bonne partie passée au monastère en tant que moine de jardin. Non, si Dex doit changer de vie, il lui faut quelque chose de plus radical et de plus utile.
C'est ainsi qu'iel décide de devenir moine de thé et de se lancer sur les routes pour parcourir les villages alentour dans un chariot-vélo aussi robuste que polyvalent. Deux ans plus tard, renommé pour son talent et sa bonté, Dex se retrouve à nouveau en plein désarroi. Iel décide alors de rallier un ancien ermitage dans une région sauvage et reculée mais ne s'attend certainement pas alors à tomber sur… un robot !
Car sur Panga, les robots intelligents se sont émancipés depuis bien longtemps, vivants à l'écart de la société humaine et selon leurs propres règles. Omphale, le robot en question, semble sortir tout droit d'un vieux conte pour enfant. Intrigué, Dex va petit à petit nouer une relation d'amitié avec Omphale.
Becky Chambers aime l'avenir. On le sait depuis son premier roman mais celle que l'on désigne souvent comme l'une des figures de proue du courant hopepunk (un courant littéraire qui refuse la noirceur classique des écrits de science-fiction moderne au profit d'un futur plein de promesses et d'espoir) persiste et signe avec Un Psaume pour les Recyclés Sauvages.
La douceur du récit et la beauté de son cadre frappent d'emblée le lecteur. Nous sommes sur une planète où les humains semblent avoir tiré le meilleur parti de l'existence, une existence recentrée autour d'une religion polythéiste à la fois paisible et pacifique où il n'est plus question de rejet de l'autre ou de destruction de son environnement. La société dans laquelle évolue Dex est une société des plus progressistes, sorte d'utopie où tout le monde semble égal et où l'homme a enfin appris à vivre en harmonie avec la Nature qui l'entoure. Cette douceur se retrouve à la fois dans la plume de l'autrice mais également dans le déroulé du récit et la façon d'être des personnages. Il n'y a pas un gramme de noirceur dans cette courte histoire douce comme du miel.

Avec son côté contemplatif assumé, Un Psaume pour les Recyclés Sauvages prend le temps de s'interroger sur le monde alentour et, notamment, sur les relations qu'entretiennent les humains entre eux et avec la Nature. Panga a laissé derrière elle l'ère industrielle et vit dans une nouvelle configuration où l'on respecte la vie animale en la considérant comme précieuse et unique. Dex va aller à la rencontre des siens en leur proposant apaisement et réconfort mais c'est véritablement sa rencontre avec Omphale, un robot, qui va amener le récit sur un terrain encore plus passionnant.
À deux, Omphale et Dex se découvrent mutuellement et Becky Chambers s'amuse avec les clichés pour mieux les tordre et nous apprendre que l'apparence ne fait pas tout, que la nature des êtres vivants s'apprend et qu'elle ne va pas de soi. Petit à petit, Un Psaume pour les Recyclés Sauvages va réfléchir sur le sens de l'existence et sur le but même de vivre. de façon posée et remarquablement bienveillante, Becky Chambers marche dans les pas de Clifford D. Simak et de son Demain, les chiens pour nous donner une forme plus paisible et plus respectueuse de la vie après des siècles de civilisation humaine trempée dans la peur, une peur qui, elle-même, pourrait bien avoir un rôle à jouer.
Dex et Omphale constituent des points d'ancrage pour le lecteur à la fois atypiques et remarquablement humains, validant en soi le fait que peu importe ce que l'on est, nous pouvons tous mieux nous comprendre en prenant simplement la peine d'écouter l'autre.

Aussi doux que passionnant, Un Psaume pour les Recyclés Sauvages impressionne par sa capacité à refuser les clichés et la noirceur pour mieux capter la vérité de ses personnages, le tout en dissertant sur certains sujets cruciaux de notre société tel que le sens à donner à l'existence.
Becky Chambers est à l'image de ses personnages : intelligente, bienveillante et curieuse de tout… c'est certainement cela qui rend ses histoires si attachantes et importantes.

Lien : https://justaword.fr/un-psau..
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Je viens de commencer ce livre, en ce 20 octobre 2022, choisi pour partie parce qu'il fait partie du catalogue « Rentrée littéraire » de la librairie virtuelle belge francophone Lirtuel, et pour autre partie parce qu'il avait été présenté dans la sélection hebdomadaire de Babelio il y a quelques semaines – c'est une sélection qui, même si elle ne me convainc pas toujours, me sert immanquablement de source d'inspiration pour enrichir ma liste de souhaits, parfois même directement ma PAL !

Or, je n'en suis pas encore à 20%, et déjà je suis profondément agacée, peut-être un peu découragée aussi, par ce besoin d'être tellement dans l'air du temps que la lecture en devient poussive et inconfortable ! En effet, le héros (ou la héroïne ? comment dit-on dans ce cas ?), Dex de son prénom, est un.e moine vraisemblablement de genre non-binaire. Soit. Mais était-il nécessaire de nous servir du « iel » à travers toute la narration ? Oui, c'est ainsi qu'on dit désormais pour les personnes non-binaires, que je respecte comme j'aime penser que je respecte n'importe quelle personne, indépendamment de son genre, de son appartenance ethnique ou religieuse ou que sais-je encore… (dont je me fiche éperdument, et j'ose le dire : ce ne sont pas ces distinctions-là qui dictent mes sympathies ou antipathies, cela relève de la vie strictement privée !)
Notons toutefois que ce choix d'un.e tel.le personnage a permis quelques autres trouvailles bien opportunes, comme par exemple le concept de « froeur » : mention à la traductrice, pour le coup, car il semble bien que la VO s'est contentée du terme passe-partout déjà existant de « sibling » - sachant que « siblings » (au pluriel alors) désigne les frères et soeurs dans une fratrie. Mais alors, ce iel, qui rassemble tout à la fois il et elle pour les indifférencier tou.te.s deux, c'est juste illisible, au secours quoi ! (Et je dois dire : je suis rassurée, si l'on peut dire, de lire que plusieurs autres critiques soulèvent ce point comme un aspect pénible, de façon récurrente, même de la part de quelques lecteurs qui ont pourtant donné une très bonne note à ce livre !)
Pour moi, d'emblée, c'est rédhibitoire ; ainsi, à moins que la suite de l'histoire ne soit hyper-attractive, je ne crois pas mettre une note hyper-positive…

Bref, je me replonge dedans avant d'aller plus loin dans ce commentaire. Heureusement, ce livre est assez court pour que je m'arme de courage et tente d'aller jusqu'au bout malgré cette gêne – on n'efface pas 50 ans d'apprentissage de distinction entre « il » et « elle », de « masculin [qui] l'emporte » etc. en un coup de cuillère à pot du politiquement correct…

Me voici de retour 6 jours plus tard, j'ai terminé ce livre hier soir mais n'ai pas eu envie de revenir tout de suite. Mon sentiment global reste une grande perplexité.
L'autrice a réussi à créer, à mes yeux, un monde vraiment très « bisounours », et définitivement pas cohérent, de même que sa démarche philosophique (car nos deux héros, zut je laisse au masculin !) m'a semblée trop éthérée pour être sérieuse, et en plus contradictoire par certains aspects…
On est donc dans un monde post-apo, sauf que l'apocalypse (écologique) tant redoutée par certains de nos jours – et sans doute avec une grande part de raison, mais là n'est pas l'objet de mon commentaire – n'a pas eu lieu, car il y a eu un « Éveil », période depuis laquelle l'être humain a renoncé à tous les produits dérivés du pétrole (qui sont extrêmement diabolisés, re-avec une grande part de raison sans doute), a laissé 50% de la nature vivre sa vie et n'occupe plus que les 50% restants dans des habitats groupés et sympathiques. Tous les progrès techniques de nos dernières années ont persisté, mais désormais on a un ordinateur « à vie », qui marche bien sûr à l'énergie solaire, tandis que l'on se déplace à vélo ou vélo-cargo (qui ont même des allures de caravanes, pour certains !) qui fonctionne à la force des mollets et/ou au « biogaz » (sans que l'on sache d'où vient ledit gaz et en quoi il est bio, mais ça semble suffire à l'autrice pour résoudre tous les problèmes environnementaux…). On tue parfois encore des insectes par inadvertance, et alors on s'excuse, comme on mange encore de la viande mais de façon tout à fait raisonnée et épisodique ; en revanche, on ne s'excuse jamais auprès des végétaux, que l'on consomme majoritairement…

Dans ce monde un peu trop idyllique qui nous est présenté, et qui ne m'a jamais tout à fait convaincue, car tout-le-monde-il-est-gentil et je n'y crois pas, les coups de blues peuvent survenir, c'est d'ailleurs ainsi que commence toute l'histoire. Outre cela, deux choses principales m'ont dérangée, même s'il a fallu avancer dans ma lecture pour bien les appréhender.
D'abord, l'autrice laisse une grande part à la religion, et cela me pose vraiment question : notre Dex est moine dans un monastère, puis va devenir « moine du thé », ce qui semble un joli métier… mais l'autrice a-t-elle donc oublié que tant et tant de conflits de par le monde (et les catastrophes humanitaires ET naturelles qui peuvent en découler plus ou moins directement) sont justement liées aux religions – ou du moins à ce que certains en ont fait ? Ah mais je me trompe ! Ici, en fait, il y a désormais une seule religion, qui en plus serait partagée par tous (waouh la liberté !) – ce n'est jamais dit, mais ça semble sous-entendu, c'est donc parfait si tout le monde adore les mêmes dieux (sans se poser de questions)… qui servent à quoi, au fait ?...
Ensuite, sa vision de la religion, et d'une vie de moine en particulier, est quand même très individualiste, aux antipodes de la vie monastique telle qu'elle a été organisée autrefois (et telle qu'elle persiste en quelques lieux de nos jours). Ici, il n'est pas tellement question de vie en communauté, de service aux autres ou de prières – même si ces aspects sont présents, ils semblent tout à fait secondaires, par rapport aux besoins quand même très, très égocentrés des moines, c'est un non-sens ! Ainsi, quand Dex décide qu'il (re-zut) veut vivre une autre vie, il s'improvise « moine du thé » alors qu'il n'y connaît rien, il refuse même de suivre une quelconque formation en ce sens, et propose ses services au gré des villages, services qui sont bien sûr d'abord boudés, on nage en plein surréalisme! Il dira ensuite qu'il a dû « beaucoup travailler » (ce qui se ressent à peine) avant de pouvoir offrir un vrai service (rémunéré, bien sûr). Bien, bien… Est-ce bien sérieux ?

Mais venons-en à quelques incohérences plus flagrantes encore, et la principale concerne… le fameux « iel » ! Quand Dex rencontre le robot Omphale, l'une des premières questions qui ressort est de savoir si le robot a un genre, et il s'avérera qu'il est neutre. Et Dex tout content de lui répondre qui lui (je ne sais comment dire autrement) aussi… et de lui demander, mais alors, pourquoi Omphale parle de lui-même au masculin (eh oui) ? Et notre robot, très logique, lui répond que c'est… par facilité grammaticale !?! J'ai presque souri, sauf que l'autrice continue de nous servir du « iel » à la pelle dès qu'il s'agit de Dex. Re-au secours !
Il est peut-être intéressant de noter que la VO anglaise n'a pas opté pour le pronom « it », qui désigne pourtant le neutre (les objets… mais aussi les animaux et les bébés par exemple !), mais utilise le pronom « they » pour Dex – autant dire que ça ne doit pas être plus aisé à lire en VO anglaise, alors qu'une forme neutre existe bel et bien dans la langue, mais je suppose qu'elle n'est pas trop acceptable pour un être humain… même si, par ailleurs, le robot va répéter plusieurs fois à Dex qu'il (oui, je sais…) n'est rien d'autre qu'un animal parmi d'autres, dans ce livre à tendance quand même clairement écologique ! Alors ?

Un autre point, toujours lié à ce qui précède, m'a posé question : quand les gens croisent les moines au monastère ou dans la rue, bizarrement ils savent immédiatement s'ils doivent dire « frère », « soeur », ou « froeur » - car, oui, oui, les trois existent, tout n'est pas rassemblé en « froeur » par facilité ! Pourtant, n'avez-vous jamais rencontré une femme à la voix si grave, qu'on se demande un instant si c'est bien une femme, malgré sa poitrine imposante ? Ou un homme au visage si androgyne, qu'on se demande si c'est bien un homme, malgré ses épaules bien carrées ? Et ce déjà à une époque où on ne parlait absolument pas de genre (quel qu'il soit) comme aujourd'hui !
Bon sang, mais comme c'est génial, ce monde futur, où il existe trois genres et que c'est désormais « normal », mais qu'en plus on sait d'un seul coup d'oeil qui est qui !?

Que reste-t-il donc de ce livre ? Vous savez que j'aime trouver au moins un point positif dans mes lectures – ou alors, j'abandonne. Ici, je soulignerai la rencontre bien sympathique (si, si, je vous promets !) entre Dex et Omphale, lui qui est le fameux « recyclé sauvage », mais je vous laisse découvrir ce que cela veut dire exactement si vous êtes tenté par le livre. le dialogue qu'ils instaurent, à essayer de se comprendre l'un l'autre – ou, plus exactement, le dialogue qu'Omphale initie, car il souhaite vivement en savoir davantage sur les humains, alors que Dex reste dans sa bulle d'égocentrisme, même s'il y a une vague ouverture à force de fréquenter le robot ; bref, ce dialogue est riche et porte sur plein de questions d'ordre philosophico-spirituel, sur la nature aussi, la place de l'être humain dans le monde (même si on est sur la lune d'une planète inconnue), et le besoin (ou non) d'avoir un but dans le vie, présenté cependant comme une espèce d'opposition à la simple contemplation et à l'émerveillement.

Je regrette que les problèmes de formes et les incohérences de fond relevées plus haut (et quelques autres, mais j'ai déjà bien assez écrit) m'ont peu à peu tellement gênée que je suis restée hermétique à ce discours. La seule raison qui m'ait permis d'aller au bout, c'est que le livre est effectivement court, et semble s'accélérer dès la rencontre avec Omphale (qui ne survient qu'après un tiers d'auto-centrisme sur Dex !), qui est sans aucun doute le personnage le plus sympathique de l'histoire. Sa logique – même si je ne partageais pas toujours son point de vue – est absolument imparable, et tellement simple tout à la fois, face à nos questionnements humains parfois bien excessifs, le tout sans que l'autrice cherche à dire que l'un aurait tort et l'autre, raison ; elle laisse le lecteur s'approprier les choses et se faire sa propre idée.

Mais cela ne suffit définitivement pas à en faire ce que j'appelle un « bon livre », ou peut-être ne l'ai-je tout simplement pas lu au « bon moment » pour moi ? Car, oui, je reste persuadée qu'on est plus ou moins réceptif à tel ou tel livre en fonction du moment précis où on le lit, en fonction des événements que notre vie traverse à ce moment-là. Et, clairement, ce livre n'était pas pour moi maintenant… et je ne lirai pas la suite !
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critiques presse (1)
Syfantasy
08 août 2023
Ce futur bienveillant dépose une chape de positivité au dessus de nos têtes durant toute la lecture de ces courtes 130 pages, qui perdure bien après la fin de l'aventure, nous laissant béat, le sourire aux lèvres. Merci, Becky Chambers.
Lire la critique sur le site : Syfantasy
Citations et extraits (84) Voir plus Ajouter une citation
Sans constructions vous résoudrez peu de mystère. Sans connaissance des mystères, vos constructions échoueront. Ces aspirations nous constituent mais, sans confort, vous n’aurez pas la force de poursuivre ni l’une, ni l’autre.
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Tout le monde croit constituer l’exception à la règle, et c’est la source du problème. Un seul individu peut causer beaucoup de dégâts.
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La route elle-même était une relique d’asphalte noir -une route à pétrole, faite pour des moteurs à pétrole, des pneus en pétrole, des tissus en pétrole, des carrosseries en pétrole.
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Quand on y pensait, c'était hallucinant : la moitié des terres pour une seule espèce, l'autre pour les milliers d'autres. Mais l'humanité avait un don pour bouleverser tout équilibre. Accepter une limite constituait déjà une grande victoire.
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Si vous demandez à six moines différents quel dieu règne sur la conscience des robots, vous obtiendrez sept réponses différentes.
La plus populaire, parmi le clergé comme chez les laïcs, affirme qu’il s’agit de Chal. De qui dépendraient les robots sinon du dieu des constructions ? D’autant plus, explique-t-on, qu’à l’origine les robots avaient été créés dans un but industriel. Même si l’ère des usines est une page sombre de notre histoire, nous ne pouvons ignorer les motifs qui ont donné naissance aux robots. Nous les avons construits pour qu’ils construisent. C’est l’essence même du dieu Chal.
Pas si vite, rétorqueraient les écologiaires. L’Éveil a eu pour conséquence le départ des robots, qui ont tous quitté les usines pour la nature. Il suffit d’évoquer la déclaration du porte-parole des robots, Niveau-AB #921, lorsque ceux-ci ont refusé d’intégrer la société humaine avec un statut de citoyens libres.
Nous n’avons jamais connu d’autre vie que celle conçue par l’humanité, depuis nos corps jusqu’à nos tâches en passant par les bâtiments que nous occupons. Nous vous remercions de ne pas nous contraindre à rester ici, et, même si votre proposition nous touche, nous souhaitons quitter vos villes afin d’observer ce qui n’est pas une création : la nature sauvage.
Aux yeux des écologiaires, cela sent Bosh à plein nez. Que le dieu du Cycle bénisse l’inorganique, c’est certes inhabituel, mais il faut bien que cette envie d’explorer les écosystèmes intacts de notre lune verdoyante leur vienne de quelque part.
Pour les cosmistes aussi, la réponse est Chal. La philosophie de leur ordre considère le travail manuel comme synonyme de vertu, et un outil sert à renforcer des capacités physiques ou mentales, pas à échapper totalement à une tâche. Lorsqu’on les a fabriqués, vous rabâchent-ils, les robots n’étaient pas doués de conscience, et on les destinait à soutenir les efforts des ouvriers humains, pas à les remplacer totalement, même si c’est cela qui s’est passé. Les cosmistes expliquent que, quand l’équilibre a basculé, quand les usines d’extraction ont commencé à fonctionner vingt heures sur vingt sans qu’intervienne une seule main humaine – alors même que les mains humaines avaient désespérément besoin d’un travail, quel qu’il soit – Chal est intervenu. Nous avions abâtardi les constructions au point de mettre notre espèce en danger, alors Chal nous privés de nos jouets.
Ou alors, corrigeraient les écologiaires, Bosh avait rétabli l’équilibre pour nous empêcher de rendre Panga inhabitable à l’espèce humaine.
Ou plutôt, glisseraient les charismistes, les deux sont intervenus et nous devons y voir la preuve que Chal est l’enfant-dieu préféré de Bosh. Ce qui nous ferait complètement perdre le fil du sujet, parce que les charismistes attribuent aux dieux une conscience et un affect profondément humains, et cela plonge les autres ordres dans une colère noire.
Ou alors, soupireraient les essentialistes de l’autre côté de la table, si on n’arrive pas à se mettre d’accord, si des machines guère plus complexes qu’une calculatrice ont soudain accédé à la conscience, sans que jamais personne puisse en discerner la raison, c’est bien qu’au lieu de nous chamailler nous n’avons qu’à nous en remettre à Samafar.
Pour ma part, à quelque dieu que soit due la conscience des robots, je crois qu’il est raisonnable de se tourner vers le dieu des Mystères. Après tout, comme le garantissait la Promesse de séparation, nous n’avons plus jamais eu aucun contact avec les robots. Nous ne pouvons leur demander ce qu’ils pensent de tout cela. Nous l’ignorerons sans doute toujours.
(Frère Gil, Le Grand Saut : rétrospective spirituelle de l’ère des usines et des débuts de la Transition)
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Becky Chambers - L'Espace d'un an et Libration
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