1815 toujours. Quelle année ! Avertissement classique mais nécessaire : Sorcier empereur est le troisième tome de la tétralogie Ars obscura. Si vous n'avez lu ni Sorcier d'Empire, ni Second sorcier, arrêtez la lecture de ce billet. À la rigueur, faites un tour jusqu'à la conclusion pour savoir si j'ai aimé ou pas, mais ne lisez surtout pas la suite de cette chronique. Car je ne peux faire autrement que divulgâcher, spoiler, ou tout autre synonyme. La preuve, je commence : Napoléon est prisonnier, enfermé dans une geôle dont on doute qu'il sortira un jour. Élegast, le sorcier venu d'un autre monde, le remplace et se prépare à se faire couronner à sa place.
Dans mon retour sur Sorcier d'Empire, le premier volume de cette série, je trouvais que l'auteur prenait son temps pour installer l'intrigue, le décor et les personnages. Dès l'opus suivant, Second sorcier, je remarquais que le rythme avait gagné en intensité. Eh bien, ce verdict se confirme dans ce troisième tome : Sorcier empereur continue l'élagage. Les forces en présence sortent du bois et se montrent de plus en plus au grand jour. Des personnages, bien malgré eux, quittent le premier plan (voire l'existence) pour simplifier le tableau qui s'offre à nous. Les camps se renforcent. La magie devient nécessaire et ne sa cache plus. D'un côté comme de l'autre. Ou plutôt d'un côté comme des autres. Car plus le roman avance, plus le schéma de la pyramide se confirme : trois opposants s'affrontent violemment, sans tenir compte des pertes (enfin, dans deux côtés sur trois). Ce schéma se simplifiera-t-il d'ici la fin pour finir en classique duo ?
D'un côté, le monstrueux magicien venu d'outre-temps ou d'ailleurs, le mystérieux et terriblement puissant Vakt. Sorti des sables d'Égypte, il conforte sa main-mise sur la Russie et sa tête. Les dirigeants de ce pays ennemi de la France tombent une à une entre ses mains, devenant de simples marionnettes. On se demande rapidement qui va échapper à ce jeu de massacre et garder un esprit lucide et autonome. de l'autre, Élegast, devenu chef de l'Empire depuis que Napoléon a été capturé. D'ailleurs, on note le peu d'empressement que met le sorcier à tenter de libérer l'ancien empereur. le match est plié dans son cas. Il ne paraîtra plus sur scène. Cependant, l'être venu d'un autre monde, d'une autre dimension a davantage de mal à gérer les humains et les combats que lorsqu'il se cachait derrière Napoléon. Et la résistance menée par le jeune et idéaliste Irénion ne l'aide pas. Ce dernier s'est installé dans le sud et voit le nombre de ses sympathisants augmenter régulièrement.
Pour Élegast, décidément, les ennuis s'accumulent. D'autant que la recherche de cristaux n'est pas une franche réussite. Il faut dire que Ludwig et ses alliés ne comptent pas le laisser faire. Ils poursuivent la quête de ces instruments de puissance, afin soit de s'en emparer, soit, faute de mieux, de les détruire. Et cela, jusqu'en Égypte !
Le XIXe siècle a connu le mouvement de l'orientalisme. le peintre
Eugène Delacroix en est un bel exemple. Tout comme le romancier
Gustave Flaubert et son magique salammbô.
François Baranger ne pouvait faire l'impasse sur cet aspect. Aussi, comme nous l'avons vu en découvrant les premières lignes de ce récit, l'action se déporte en partie à Alexandrie puis dans le désert. L'auteur va s'acquitter avec une certaine maitrise de ce passage obligé. J'ai beaucoup apprécié ce voyage de Ludwig, Éthélinde et Mathurin. le suspens et l'émerveillement ont été au rendez-vous tout du long. Aussi bien dans le réalisme, avec l'approche du camp anglais qui protège l'ancien tombeau de Vakt et la réserve de cristaux, que dans le magique, avec l'irruption du djinn. Cette figure typique m'a aussitôt rappelé ma lecture récente de
la Cité de soie et d'acier de Linda, Louise &
Mike Carey. J'y avais redécouvert cet être perfide qui n'aime rien tant que tromper les humains en jouant sur les mots. Chaque fois qu'on demande aux djinns d'exaucer un voeu, on prend un risque mortel car pour eux, la vie des femmes et des hommes ne vaut rien tant ils sont puissants et tant nos existences leur semblent dérisoires. Et dans ce roman, le djinn convoqué ne déçoit pas : chacune de ses apparitions apporte terreur et douleur.
Pour ce troisième tome,
François Baranger poursuit avec brio la narration de ce conflit aux proportions dantesques. Plus la lecture avance, plus les enjeux paraissent gigantesques et plus l'humanité semble en danger. Irénion et sa résistance ne sont hélas qu'un fétu de paille face au terrible affrontement qui se prépare entre les forces en puissance. D'autant que l'un des protagonistes semble bien mal en point en cette fin d'opus et que les coups sont de plus en plus violents. L'étau se resserre. J'attends avec une impatience immense le dénouement de cette saga très réussie.
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