Bon « inédit », idée d'éditeur, il faut le dire vite. Oui en France probablement ! Il ne me gêne pas qu'un directeur de collection recueille en livre ce qui n'en était pas un au départ, des chroniques, des articles qui ont été publiés dans les journaux germanophones et ne sont pas donc inédits, et les rassemble sous un thème commun : «
Mélancolie de l'Europe », fort joli titre, qui peut se voir comme : «
le Monde d'hier ». La trame de fond est la même, ce sont des pensées convergentes qui vont naturellement alimenter comme le ruisseau alimente la rivière ce pavé d'essai testamentaire qui va achever l'oeuvre du maître autrichien comme un baroud d'honneur.
La richesse de la réflexion de l'auteur visionnaire qui sent bien que du monde européen face à la bascule et à l'effroi qui est en train de s'opérer de manière inéluctable , en découle un temps tragique ou tout semble encore sauvable si les hommes de bonne volonté voulaient se liguer et se donner la main pour arrêter la machine effroyable qui est en route. L'auteur lui-même joue sa partie, mais pourquoi faudrait-il qu'il se défroque de ce qu'il sait faire pour aller endosser comme le fait la doxa qui en fait ne résout rien, animée par des politiques incapables.et veules Tout semble réuni pour que la machine, précisément, celle qu'on ne veut pas voir s'emballe et le pire, c'est que toute une jeunesse n'entende ajouter à cela qu'aveuglement et radicalité qui s'opposent à un ordre de valeurs chancelantes.
Les textes comme toujours chez Zweig sont brillants, il s'est fait dans une Europe qui rayonnait à travers le monde, il en a puisé tout le limon d'une extraordinaire richesse culturelle, et n'en finit pas de nous démontrer s'il en était besoin toute sa conscience et son combat contre la branche pourrie sur laquelle repose désormais l'Europe qui n'a probablement pas su ménager ses arriéres
On va voir que les vues de Zweig au fil non pas des chapitres mais des articles qui s'étendent sur une période de trente ans tout de même, évoluent pour aller vers le chant de la paix, sensible aux idées défendues par Rolland, mais même ce dernier, ami de l'auteur, sera pris dans ses contradictions, notamment son adoubement envers la Russie communiste.
Dans ce recueil fait de 17 textes qui vont de 1909 à 1941, j'ai naturellement porté ma préférence à quelques uns plus paroxystiques que d'autres comme : « Révolte contre la lenteur »
Ce texte me va bien en ce sens qu'il est prémonitoire et que ce qu'en fait notre ami comme réquisitoire s'apparente aux conclusions de l'histoire de la révolution russe et justifie quelque part .la révolution permanente, contrepoint de la bureaucratie étatique.Tout est question de temporalité. Les réflexes bourgeois emportent tout pour se résoudre à un vacillement total de ce qui fonde notre civilisation. Acculé, l'Etat bourgeois fait des promesses qu'il ne tient pas ! S'ensuit une frustration de la jeunesse impatiente à qui on ne peut pas reprocher de lancer les alertes.
Caveant Consules !