J'adore le travail de
Jen Wang.
Cette autrice américaine avait déjà réussi un joli coup avec "
le prince et la couturière", un roman graphique auréolé de quelques Eisner Awards et du Fauve Jeunesse lors du festival d' Angoulême 2019.
Son dessin, tout en rondeur, séduit aisément le lecteur, son découpage tout en fluidité qui extériorise ses personnages hors des cases, ses magnifiques instances oniriques ancrés dans la réalité rendent le travail de
Jen Wang tout simplement remarquable. C'est une conteuse hors pair aussi bien dans la construction crescendo d'intrigues intenses guidées par une belle bienveillance.
On peut parler de "jeune" lectorat mais le travail de
Jen Wang est tout public. L'autrice fournit un travail qui peut ravir aussi bien le public ado que le public adulte, il n'y a de frontières d'âges mais ses albums peuvent être aussi un bon point d'ouverture pour faire découvrir la bande dessinée.
Après le duo bouleversant proposé dans
le prince et la couturière,
Jen Wang met en scène un nouveau duo très attachant dans
La tête dans les étoiles avec Christine et Moon, deux collègiennes résidant au sein d'une communauté asiatique aux Etats-Unis et aux tempéraments très différents.
Cette histoire d'amitié repose sur une évolution un peu classique avec d'abord un peu de méfiance puis vite de l'attachement et enfin un certain ressort dramatique qui procure un fort sentiment de bienveillance autour du nouveau roman graphique de
Jen Wang. Une structure prévisible mais qui n'enlève rien à la densité du sujet.
Cette histoire d'amitié est sans doute moins percutante graphiquement que celle du Prince et la couturière mais elle est aussi plus intimiste, l'autrice s'inspirant d'un événement pénible de son enfance. Événement qui a sans doute forgé sa carrière d'artiste comme elle le souligne dans la postface de cet album.
Ce dernier roman graphique est donc porté sur un élan plus intimiste et moins "merveilleux " que son précédent succès. J'ai trouvé également son dessin un poil plus sobre avec moins de séquences "spectaculaires". Pour autant, cela n'enlève rien à la qualité de cet album tout en maturité qui se heurte à la réalité avec tolérance et bienveillance.
Par contre, le style de
Jen Wang demeure toujours aussi lumineux.
Sans se noyer dans du trait détaillé, l'autrice préfère privilégier la clarté des dialogues, du regards, des échanges silencieux ou non entre ses personnages dans des décors souvent simples mais symboliques.
Moins étoffé que dans
le prince et la couturière, le cadre est ici un huit-clos libéré symbolisé au sein d'une communauté asiatique avec deux familles qui se voisinent : la famille de Christine et leur pavillon classique américain et celle de Moon et de sa maman qui résident dans la petite maisonnette juste en face gracieusement louée par les parents de Christine.
Ce cadre renforce la relation entre ces deux fillettes que tout oppose : la petite fille sage et musicienne et la petite fille un peu plus bohème, fan de kpop.
Jen Wang exploite ce cadre avec intelligence. Elle nous réserve quelques surprises comme une magnifique séquence dans un observatoire, un lieu à même de rendre justice à la rêverie des jeunes esprits. C'est simple, nous sommes dans du roman graphique aéré et agréable pour la rétine qui ne vient jamais nous étouffer.
Pour moi, ce titre est un titre idéal pour le public ado capable de leur proposer une histoire forte, mature comme un roman d'apprentissage tout en donnant de l'espoir et de la rêverie.
Plus intimiste et "réelle" que son précédent livre,
Jen Wang retrace une ici une belle histoire d'amitié autour d'une adolescence entre rêverie et pragmatisme. Même si la structure est un peu plus soutenue et classique, le lecteur retrouvera avec plaisir ses instances de grâce et de bienveillance qui animent l'oeuvre de
Jen Wang, une autrice sino-américaine dont le travail mérité d'être découvert pour tous les âges.