Une entrée en matière remarquable pour la voie tibétaine
Comme
Taisen Deshimaru,
Chögyam Trungpa (1939-1987) est parti re-naître trop vite. Comme le maître japonais, il n'exerça son autorité spirituelle que sur quelques années. L'iconoclaste mais pionnier
Chögyam Trungpa a écrit un certain nombres d'ouvrages détonants.
« Pratique de la voie tibétaine » est, je crois, celui du maître tibétain que tout bouddhiste de France a dans sa bibliothèque – inévitablement publié par Seuil dans sa collection mythique des
Points-Sagesse.
Pratiquant du Vajrayana, sa pensée et son mode de vie coupaient comme le diamant, lui qui était épris d'une « folle sagesse » et de la modernité étasunienne des années 70 infusée de la créativité des sixties.
Suite à un accident de la route, il est pourtant victime d'une hémiplégie gauche partielle. Il abandonne alors la vie de moine et devient enseignant laïc du bouddhisme tibétain – un peu comme Marpa, et tant d'autres !
Plus qu'aucun autre maître tibétain, Trungpa a voulu se mettre dans la peau d'un occidental pour vivre le Dharma comme ses disciples occidentaux le vivaient – certains pensent que ses excès lui ont coûté la vie.
C'est donc cela que l'on va retrouver dans les causeries retranscrites dans cet ouvrage de « pratique de la voie tibétaine » : car il s'agit tout de même d'enseignements donnés à des gens, à cette époque, voulant comprendre le bouddhisme tibétain. Impossible, vous l'aurez compris, de parler des enseignements du maître Trungpa sans parler du personnage incroyable qu'il fut, légende vivante jusqu'à sa mort…
Trungpa a créé beaucoup de choses, de termes, de notions, d'actions, vivifiant avec une énergie monstrueuse le bouddhisme tibétain qu'il voulait moderne (pas sûr qu'il ait été suivi !). Notamment le matérialisme spirituel, dont il est question dans Pratique de la Voie tibétaine.
de ce que je comprends du matérialisme spirituel, c'est une mise en garde contre l'attitude que les pratiquants bouddhistes peuvent adopter en se pensant libres car ayant abandonnés toute possession matérielle : en réalité, il leur reste toute leurs idées, notions, concepts. Ces dernières choses sont spirituelles – et il faut encore s'en débarrasser – et c'est un des buts… de la voie zen à laquelle s'était confronté
Chögyam Trungpa.
Je reprends la définition donnée plus haut par l'auteur lui-même :
« Un certain nombre de voies de traverse conduisent à une version distordue, égocentrique, de la vie spirituelle. Nous pouvons nous illusionner en pensant que nous nous développons spirituellement, alors qu'en fait nous usons de techniques spirituelles pour renforcer notre ego. Cette distorsion fondamentale mérite le nom de matérialisme spirituel.«
Dans son franc-parler direct, difficile à copier !,
Chögyam Trungpa aborde dans ces 272 pages un certain nombre de thèmes que l'on retrouve au sommaire :
– le matérialisme spirituel
– lâcher-prise
– le gourou
– l'initiation
– l'auto-illusion
– la voie dure
– la voie ouverte
– le sens de l'humour
– le développement de l'ego
– les six mondes
– les quatre nobles vérités
– le sentier du Bodhisattva
– Shunyata
– Prajna et compassion
– Tantra
Ce seront les thèmes principaux de ses enseignements, que l'on trouvera dans ses autres livres. Je vous ajoute un autre passage, ouvrant le chapitre « L'auto-illusion » :
« L'auto-illusion est un problème constant lorsque l'on progresse le long d'un sentier spirituel. L'ego est toujours en train de vouloir réaliser la spiritualité. C'est un peu comme si l'on voulait assister à son propre enterrement. Par exemple, dans les premiers temps, il est possible que nous approchions notre ami spirituel en espérant recevoir de lui quelque chose de merveilleux. Cette approche est nommée « la chasse au maître ». Elle est traditionnellement comparée à la chasse au chevrotain. le chasseur est à l'affût, tue l'animal, et le dépouille de son musc. On peut appliquer cette stratégie au gourou et à la spiritualité, mais elle conduit à l'auto-illusion. Elle n'a rien à voir avec la réelle ouverture ou l'abandon.«
Je crois que
Chögyam Trungpa représente une excellente manière d'entrée dans la voie du bouddhisme et de la pratique de la voie tibétaine. Ce dynamiteur de première est du même tonneau qu'un
Dzongsar Jamyang Khyentsé ou qu'un Daniel Morin, dont j'ai déjà parlé. Les lecteurs français devraient en passer par lui avant d'aller dans un centre tibétain – enfin c'est mon avis.
Je vous recommande donc follement Pratique de la voie tibétaine de
Chögyam Trungpa.
Bonne lecture !
Zui Ho.
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