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EAN : 9782234094901
304 pages
Stock (23/08/2023)
3.09/5   551 notes
Résumé :
"J'entends par western un endroit de l'existence où l'on va jouer sa vie sur une décision. Nous en sommes là, tout au bord du western". Aurore est mère célibataire à Paris. Elle enchaîne les rendez-vous - avec la directrice d'école, avec ses supérieurs hiérarchiques bien connectés, avec un amant pendant la pause. Pour l'instant, elle fonctionne, mais le western lui tend les bras. Quand elle s'effondre, elle part se réfugier avec son fils sur un causse du Sud-Ouest, ... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (124) Voir plus Ajouter une critique
3,09

sur 551 notes
*Le con en rut est le truand*

L'écriture de Maria Pourchet pique aux yeux, et ce n'est rien de le dire. Les mots claquent, les phrases s'entrechoquent, c'est cru, c'est cuit. C'est parfois incompréhensible si nous n'avons pas à disposition les neurones de l'autrice pour nous éclairer. Bref, on ne rentre pas dans ce roman comme dans un bon bain tiède. Il faut d'abord l'apprivoiser.

De Western, il n'y a que le titre. Oh Maria Pourchet tente bien à la fin de chaque chapitre de nous restituer en quoi ce cela est pour elle du western. Autant dire que, pour moi, ce n'en est que plus nébuleux.

Et ça parle de quoi ce western ?
Alexis, bel acteur, joue Dom Juan. Alexis, sous des airs bien comme il faut saute (sur) tout ce qui bouge... dont Chloé, une de ses élèves. Assez sensible. Il a divorcé d'Olivia.
Un jour notre Dom Juan, en a sa claque et disparait sans laisser de trace. Il coupe réseaux et téléphone et va dans l'ouest. Là, il se retrouve chez Aurore.

Aurore, elle vit avec son fils dans la maison de sa mère qui est décédée quelques mois plus tôt. Alexis débarque chez elle. Et quand un inconnu débarque chez vous comme ça, qu'est-ce qu'on fait ??? Ben on l'emmène dans sa chambre et on le baise. (Je pense que Maria Pourchet a comme des fantasmes de plombier de film de cul parfois).
Et puis, Alexis lui apprend que la maison est à lui et que maman l'avait vendue en viager (Rassurez-moi, il y a bien des notaires en France que l'on voit obligatoirement en cas de décès pour l'héritage des biens immobiliers ??? Non ??? ). Elle ne veut pas s'en aller, il ne veut pas s'en aller, ils vont apprendre à s'aimer. Mais aimer, est-ce bien ce qui leur convient ?

Pour moi, c'est un roman sans grand intérêt. Les personnages sont pathétiques à souhait. Trop de scènes de cul qui ne servent pas du tout le roman. Pourquoi 3 étoiles alors ??? Parce que j'avais quand même envie de savoir comment ça allait se terminer
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C'était avec une grande impatience, que j'attendais la sortie de ce roman. Un livre au delà de mes attentes, c'est un véritable petit bijoux.
Grace à une écriture fluide, elle nous envoute dans une histoire complexe, mais tellement prenante. Elle manipule les mots, une grande richesse d'orthographe. Elle relate cette histoire avec dextérité et intelligence .Elle met en scène plusieurs sujets sujets , la domination, le féminise, la manipulation et les meurtres.
Une histoire qui mélange le théâtre, à travers le personnage de Dom Juan, et une part de la réalité de la vie actuelle. C'est totalement déroutant et bluffant.
Trois personnages , trois personnages différents, mais un lien les unit, lequel. Elle disseque leur mentale, nous rentons dans leur psyché complexe, nous rentrons dans western.
L'auteure m'a mis dans le questionnement qui perdure jusqu'au final. Une fin qui me laisse dans la réflexion.
Une belle réussite. A lire de toute urgence.
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Cette chevauchée au coeur de la condition humaine et des relations amoureuses m'a très vite ennuyée après un début prometteur.
Imaginez un comédien dans le rôle de Don Juan qui disparait brusquement de la scène et de la vie parisienne.
Western fait référence à ces changements qui font basculer une vie et celle d'Alexis, comédien adulé, va prendre un sacré tournant. Réfugié dans un village perdu du Lot, il rencontre Aurore, mère de Cosma, elle aussi en retrait de la vie parisienne, et qui se pose de sacrées questions sur sa vie amoureuse. Tous deux vont se raconter à l'autre.
Et puis il y a ce journaliste fouineur qui va exploiter la correspondance d'Alexis avec Chloé, une élève comédienne qu'il a séduite et vampirisée. On découvre soudain un pervers un narcissique qui joue la partition de Don Juan. Mais le Don Juan du XXIe siècle n'est plus celui du XVIIe siècle. Il prend, il détruit et s'en va.

« Les messages d'Alexis constituent le bruit de fond d'une existence désormais vouée à les vouloir, à les attendre. Elle aurait pu vouloir autre chose ? Un rôle dans une pièce, un homme décent. Bien sûr que non, de sa volonté propre, Chloé a été doucement et progressivement privée, un véritable rapt doublé d'une sédation de la personnalité. »

L'histoire explore les coulisses de la manipulation psychologique, des relations toxiques mais également les relations amoureuses et le sexe.
Mais où est le fantasme, où est la vérité ? J'avoue m'être beaucoup perdue dans ce roman assez confus.
Je n'avais pas vraiment adhéré à Feu, et pas aimé le style de l'auteure. J'ai voulu tenter à nouveau l'aventure livresque mais ce Western ne m'a pas emportée bien loin. Peu convaincue par cette histoire alambiquée et un style à l'humour cynique qui me laisse de marbre, je crois que je passerai mon chemin au prochain roman.

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La proposition est audacieuse : mettre en scène Dom Juan sous la forme… d'un western. Mais voilà : à la veille de la première, la star qui joue le plus célèbre des séducteurs – un rôle qui lui va comme un gant – manque à l'appel. Il semble s'être purement et simplement volatilisé.
Qui est cette voix off, ce « je » qui fait parfois intrusion dans la narration et commente les évolutions en se référant aux codes du western ? Car il s'avère que ce livre que nous tenons entre nos mains et qui prend des airs de script ou de scénario (« Cela commence à Paris, au théâtre… ») serait en réalité, lui aussi, un western. N'allez pas imaginer que ces pages vont vous entraîner au Far West ni même que le rythme sera galopant. Mais on y trouvera, effectivement : la route par une chaleur de plomb, la fuite vers l'Ouest, la tension des moments où il ne se passe rien, le héros qui n'a plus rien à perdre, celui qui débarque et qu'il faut désarmer, la traque.

Ce « western »-là cristallise avec justesse (mais sans jugement) notre époque, ses bullshit jobs et ses conflits moraux, son arbitraire et son cynisme, ses scandales et ses coups médiatiques, ses villes sauvages et ses campagnes harassantes. C'est cruel et cru. Maria Pourchet brosse tout cela d'une plume nerveuse et féroce, dérangeante par son détachement qui lui fait évoquer d'un ton égal les pulsions sexuelles et le désespoir, les ambitions et les jeux de pouvoir.

Difficile de baisser la garde dans un tel décor, d'autant plus qu'on ne sait qui joue quel rôle, où finit l'amour et où commence la prédation… On serait d'autant plus transporté.e d'y trouver ce que l'on n'attend plus ni dans un western, ni dans notre monde de brutes.

Un roman déconcertant mais qui parvient à développer un point de vue original et stimulant sur les déboires du donjuanisme et de la vulnérabilité dans notre ère post-me too. Et puis se saisir des codes du western pour tourner en dérision le machisme, ça ne manque pas de sel.

Merci à Stock et à Netgalley pour cette lecture !
Lien : https://ileauxtresors.blog/2..
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Pourquoi cet acteur connu et aimé du public a t-il brutalement disparu, laissant derrière lui une troupe orpheline (il était sur le point de jouer Dom Juan) ? Et pourquoi nous, lecteurs, le retrouvons nous dans une maison isolée au coeur de la campagne profonde, tapant à la porte d'une jeune femme qui a elle aussi tiré un trait sur son passé ? Après un coup médiatique bluffant, un deuxième scoop bouleverse l'opinion publique, prompte à retourner sa veste au gré de la désinformation ambiante.

Histoires banales d'amours déçues, d'emprise supposée et de ce que le succès ou l'échec fait aux gens, l'intrigue en elle-même surfe sur les marronniers de la littérature contemporaine. Avec l'attrait de personnages complexes pris aux pièges de nos démons modernes.

Mais ce qui frappe avant tout, et m'a totalement séduite, c'est la précision de cette écriture, qui allie les procédés narratifs, et peut dans la même phrase proposer un certain lyrisme, dont l'effet sera brutalement cassé par une expression populaire ou une grossièreté qui rompt le rythme et créera surprise, pour le plus grand bonheur de la lectrice que je suis !

J'aime aussi le parallèle suggéré avec les codes du western, bien vu et original.


C'est donc un gros coup de coeur pour ce roman, de Maria Pourchet, dont j'avais déjà beaucoup aimé Feu.

Merci à Netgalley et aux éditions Stock

304 pages Stock 23 août 2023
#Western #NetGalleyFrance

Lien : https://kittylamouette.blogs..
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critiques presse (6)
Culturebox
12 décembre 2023
Profonde réflexion sur la violence de notre époque et des relations amoureuses, le septième roman de l'écrivaine est une bombe littéraire.
Lire la critique sur le site : Culturebox
LeMonde
03 octobre 2023
Maria Pourchet pratique avec brio, dans Western, un équivalent littéraire de l’« observation participante » des chercheurs en sciences sociales. Comme face aux écrits de certains essayistes, le lecteur – la lectrice – oscille entre deux attitudes : un sentiment de reconnaissance et d’évidence lumineuse.
Lire la critique sur le site : LeMonde
LaPresse
02 octobre 2023
"Western" propose une vraie analyse de la condition humaine, des relations amoureuses hétérosexuelles et de l’aliénation liée au monde du travail.
Lire la critique sur le site : LaPresse
Culturebox
05 septembre 2023
Profonde réflexion sur la violence de notre époque et des relations amoureuses, le septième roman de l'écrivaine est une bombe littéraire.
Lire la critique sur le site : Culturebox
LesEchos
01 septembre 2023
A travers les déboires d'un Dom Juan en cavale confronté à son passé de prédateur, Maria Pourchet se livre surtout à une furieuse entreprise de déconstruction du discours amoureux contemporain. Déconcertant mais stimulant.
Lire la critique sur le site : LesEchos
LesInrocks
24 août 2023
Le roman est une analyse des bouleversements à l’œuvre dans notre société.
Lire la critique sur le site : LesInrocks
Citations et extraits (88) Voir plus Ajouter une citation
(Les premières pages du livre)
Cela commence à Paris, au théâtre, sur la scène, au centre et au fond, dans l’humeur et l’impatience. Le théâtre c’est comme une mine, un volcan ou une fille. Tout se passe dans le ventre.
Pour le moment le théâtre est fermé, il ouvrira bientôt pour la première du Dom Juan de Molière. Pour le moment, on y travaille. Le plateau est éclairé et presque nu : un écran de projection d’environ quatre mètres sur six et, plantée au centre, une porte de saloon ouvrant sur le vide. Rien autour. Sur l’écran gigantesque s’anime à peine un paysage minéral en plein soleil. Une étendue de terre sèche, une chaîne de montagnes jaunes que limitent au tout premier plan quelques végétaux étendant une ombre courte qu’un cheval recherche. L’image assoiffe.

Une répétition en costumes est en cours, enfin pas vraiment en cours, pas encore, comme suspendue. On devrait jouer mais l’on ne joue pas parce qu’on attend quelqu’un. Six acteurs en quête d’un septième patientent autour du metteur en scène dans des appareils contrastés. Elvire porte une robe à paniers, lourdement brodée, Sganarelle est en jean, torse nu avec des éperons, et Dom Alonse comme Dom Carlos portent des costumes trois-pièces sur des tennis. Des vedettes en majorité. Des qui vivent bien de leur art, avec leurs personnages, leurs contradictions, avec ce pesant désir d’être reconnus quand, traversant un restaurant ou un aéroport, ils pressent le pas pour fuir leur prénom. Le Commandeur, celui qui est mort, n’est pas encore là, c’est normal. À l’acte I, il n’est pas sorti du tombeau.
Nous sommes à la veille des représentations publiques et ces gens à haut capital social s’emmerdent. Elvire consulte sur son téléphone des photos et autres contenus spécifiques ; Dom Carlos fume des clopes qu’il a classiquement tapées aux techniciens ; la statue du Commandeur, un type dans les vingt-deux ans qui vient d’arriver, demande avec un petit ton où est la diva. Sganarelle effectue mezza voce de perturbants exercices vocaux, « empoigne par la poignée du panier les pots posés sur le poignant piano, empoigne par la poignée du panier », et Gusman veut savoir si on va rester comme ça longtemps. Comme ça comment ? Comme des cons.
Au téléphone et en retrait du plateau, le metteur en scène se masse les sourcils et profère d’assez audibles grossièretés. C’est normal aussi.
Il fait face, à deux jours de la première, à l’absence de Dom Juan lui-même.

Le Dom, c’est Alexis Zagner, la gueule du siècle – du début surtout. Son contrat s’élève à cent cinquante mille euros, dont les deux tiers en minimum garanti, la pièce s’est montée sur lui sinon pour lui. Il devrait être là depuis plusieurs heures et personne ne l’a vu depuis. Depuis quand d’abord ?

Eh bien Dom Alonse et Gusman l’ont vu la semaine dernière, tous les trois ont déjeuné avec cette petite journaliste pour évoquer le spectacle.
— Et ?
Un moment agréable. En verve comme d’habitude et reprenant à son compte la note d’intention du metteur en scène, Alexis prétendait en la jouant montrer enfin cette pièce pour ce qu’elle était. Visionnaire, articulée autour d’une figure hypermoderne de la dissidence, Dom Juan, fuyant une société malade d’avoir mis la sexualité au centre de son imaginaire. Dom Juan, disait Zagner à la journaliste, voyage trois actes sur cinq, une exception pour un personnage de Molière. Il parle et se déplace, cherchant toujours le désordre d’après, laissant la société dans l’état où il l’a trouvée, piaillante et ulcérée. La petite notait et Alexis se resservait du vin. L’acteur allait bien, de toute évidence, l’homme aussi.

Qu’Alexis se précipite sur tout ce qui porte un micro et sur une occasion de déjeuner gratis ne constitue pas une information pour le metteur en scène, Alexis a ceci de commun avec le rôle qu’on lui confie qu’il bavarde et qu’il avale. La question est qu’a-t-il fait depuis et où est-il à présent ?
— On s’en fout, éructe aimablement la très jeune statue du Commandeur, il est en retard, les divas c’est comme ça. On n’a qu’à faire la scène 2, il n’est pas dedans.
Bien qu’on ne lui demande rien, Sganarelle confesse ne pas savoir ce que fout le premier rôle. Il n’a pas déjeuné à l’extérieur depuis un moment car il apprend son texte, lui. Et même tout le texte, aussi connaît-il toutes les répliques de Dom Juan, soit dit en passant et dans l’hypothèse où. Une hypothèse qui ne fait pas lever un sourcil au metteur en scène. Pendu à son téléphone, il fait sonner ceux du directeur du théâtre, du secrétaire général, de la déléguée du ministère, de l’agent d’Alexis, du restaurant d’à côté, d’un sien camarade de murge qu’il sait également proche d’Alexis. Ceux qui répondent ne savent rien et n’ont eu accès, sur ce qui fut la messagerie d’Alexis, qu’à un fort perturbant « SFR vous signale que le numéro n’est pas attribué ». On se résout à appeler Olivia, son épouse légale.

Dans le vide.

Bientôt on constatera que les comptes ouverts sur les réseaux sociaux qu’Alexis fréquentait sans assiduité ont été supprimés. Quelqu’un qui n’avait encore rien dit et qui doit jouer Dom Louis, le père de Dom Juan, prononce avec beaucoup de métier, faisant vibrer la négation et la virgule :
— Ce n’est pas un retard, c’est une disparition.
Et la dernière syllabe explose comme si la phrase finissait dans un trou. Disparition ! L’effet est saisissant.

On entend enfin Elvire, dont le beau regard grave et profond faisait mercredi dernier la couverture de Télérama, se souvenir d’avoir croisé Alexis ce dimanche. Il était seul et sans but apparent. À l’angle des rues Madame et Vaugirard, ils avaient bavardé.
— Ah tu l’as vu dimanche, eh bien dis-le.
Oui, elle le dit, si on veut bien la laisser finir. Alexis était très pâle. Interrogé, il avait prétexté la fatigue et les dernières répétitions, la scène du face-à-face avec la statue du Commandeur l’avait ébranlé comme un novice. Mais elle avait songé, Elvire, avec toute sa gravité et sa profondeur de regard, qu’il avait des ennuis. Ce n’était pas une pâleur de transfert comme on voit chez les Macbeth et les Antigone mal entraînées mais une vraie. Il était blanc.

Blanc, d’accord. Bon. Merci pour le diagnostic mais une gastro-entérite n’a jamais constitué un motif suffisant pour s’évaporer à cinq jours de la générale. Elle est conne, elle, s’agace par-devers lui le metteur en scène qui n’en voulait pas de cette Elvire de cinquante balais, condition émise d’en haut par la déléguée du ministère qui ne souhaitait pas, elle, fourrer une effrontée de vingt-deux ans dans les bras d’Alexis Zagner. Retenu et déconstruit comme il est.
Elle est conne mais elle est là, a entendu Elvire.
Enfin elle était. Elle va disparaître elle aussi, tiens, ciao, plein le dos de cette robe XVIIe en polyamide qui gratte à mort. Pièce de merde, siècle de merde.

Plus d’Elvire. Et bientôt exit Sganarelle, vexé que sa suggestion d’intérim fût à ce point lettre morte. Il se voyait d’ici assumer les deux rôles, dans une figure bicéphale et subtilement monstrueuse confondant le malade et son médecin, le diable et le clergé, la déviance et la morale, qui n’aurait pas manqué de gueule et d’à-propos. Dom César, de nature suiveuse, les a suivis. Ce n’était ni de son âge ni de son rang, attendre sous un spot un impoli même plus sociétaire de la Comédie-Française, faiseur de téléfilms. À demain même heure.

Formidable. Manquerait plus qu’une grève des techniciens.

Le metteur en scène panique crescendo, à croire qu’il ne maîtrise pas les références qu’il prétendait avoir. Son plateau nu, la porte inutile et le désert en papier peint, c’est pourtant clair, c’est même criant que cela commence. Dans les westerns, le théâtre que constitue l’artère principale est toujours vide, au vent près qui soulève la poussière. L’homme qu’on recherche est ailleurs, dans la plaine, dans les têtes.

Quelques mois plus tôt, dans la même ville, une femme emprunte un ascenseur, une femme un peu quelconque, bientôt sortie sur le trottoir et que la ville bouffe direct avant même qu’elle ait pu la regarder. Pas si quelconque de près, une belle peau, des muscles et des yeux luisants, tout noirs, de petit gibier. Elle a déjà le cœur au bord des lèvres à 9 h 10, c’est comme une habitude. Elle s’appelle Aurore. Aurore crève de chaud, ses cheveux collent en paquets sur sa nuque, une mince auréole s’étend entre ses omoplates mais sur du blanc ça ira. À la façon d’un grand sac, elle déplace dans la rue son corps déréglé, à la fois sec et plein d’eau, luttant sans intuition contre une chaleur qu’il ne sait pas comment faire sienne, pas encore. Il fait déjà vingt-huit degrés. Le sac a pour seule inspiration d’être balancé à l’eau le plus vite possible, comme ça il irait d’instinct à la Seine, mais il attendra. Où est-ce qu’on a bien pu garer la bagnole ?
Nulle part. On n’en a plus. La conduite et les insomniaques, c’est comme l’alcool et les médicaments, jamais ensemble.
Cette nuit encore, la fatigue a tenu bien éveillé le corps d’Aurore qui fonctionne depuis un moment sur la réserve. Inépuisable tambouille mixant ensemble la haine entêtée de soi, la culpabilité systématique, la résistance pathologique à l’hostilité professionnelle, la résistance apprise aux opiacés et un obsessionnel sentiment de retard sur tout, la réserve permet de tenir longtemps, Aurore en est la preuve anémiée mais vivante. Ce matin elle a songé qu’elle ne tiendrait pas une journée de plus.

Bien vu.

Vingt minutes plus tard vers Levallois-Perret, auréole séchée, cheveux humides de la nuque fourrés à la base du chignon mal foutu, Aurore entre dans un bâtiment très facile à lire. Il est plat et allongé, pensé à l’image de ce mode de travail que l’entreprise se tue à développer depuis désormais vingt ans, horizontal et collaboratif. Elle y remonte une allée vitrée, distribuant des alvéoles vitrées, évoquant l’éternel fantasme de la relation entre collaborateurs, la transparence. Gentiment fasciste ambition managériale,
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On va enfin connaître les armes de l’ennemi, promet le rédacteur surinvesti.
Alexis abuse de la comparaison avec 567 occurrences. Ton sexe est un temple qui n'accueille que moi. La métaphore filée du végétal pour 545 occurrences. Fier ton orchidée s’est ouverte à se déchirer, c'est moi qui l'ai saccagée, arrosée, j'espère que tu n'as pas mal, ma fleur, tout à l'heure je lécherai tes pétales un à un. Ou la métaphore volcanique pour dire grosso modo la même chose. Ce soir dans ton ventre bouillant je plongerai ma main, tu jouiras sur mon poignet, ça ruissellera, brûlant. La personnification avec citation rimbaldienne (asseoir la beauté sur mes genoux et me branler entre ses seins) pour 78 occurrences identifiées dans l’ensemble des correspondances confiées à la rédaction. Aucune allégorie, sinon une seule, du masculin protecteur. Je sais que tu as peur de moi, je te prendrai par la main, je t’apprendrai à être plus libre, je l'apprendrai à ton corps, c’est mon rôle. L'image beaucoup trop, 678 occurrences, et même franchement le cliché. J’ai un monstre dans la bite, il tape, 1l grogne il devient fou, viens. La métonymie pour 453 occurrences. Je veux passer la nuit sous ta peau. La périphrase en pagaille ventilant toutes les façons d'évoquer son sexe qui nous fatiguent d’avance, qu’on va s’épargner. L’antonomase raclant le fond du répertoire dramaturgique dont on remarquera qu’elle ne désigne que des victimes, Mon Ophélie, ma Chimène, mon Elvire. p. 232
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p58 Du temps de sa vie de couple, puis de sa vie séparée, quand elle était tout le temps dehors, elle en avait sûrement rêvé de ça. La femme au Jex Vitres, à la cire d’abeille, sans autre servitude que faire reluire les carreaux à sa convenance, écoutant Barbara aussi fort qu’elle voulait dans la maison royaume, la paix qu’on lui fout. Et même, il devait lui arriver de la regretter l’autre époque, dite « l’époque », quand il suffisait aux femmes d’être parfaites et aux hommes d’être sans vices, aux deux d’éprouver pour le cul une horreur ascétique pour être heureux. Quand y avait quelque chose de maternel à se laisser prendre en missionnaire le vendredi soir. Quand l’enchaînement serré des devoirs, petite musique idiote et militaire, ne laissait aucune place à la connerie passionnelle. Quand c’était comme ça, une bonne fois pour toutes.
…/… Aurore n’est plus réquisitionnée par aucun de ces désirs, désir de l’autre ou faim indéterminée, dont l’urgence irritante et floue transforme toutes les journées en salle d’attente, et les perd. Elle dit au téléphone, aux amies qu’elle ne voit plus, j’ai désormais les pensées claires, Deborah ; j’ai du temps à volonté, Aline. Autrement dit, elle a fait de la croyance du temps devant soi et de l’esprit libre une matérialité tangible. De l’espace, du temps, plein, à ne plus bientôt savoir qu’en faire, mais qu’importe.
Bien sûr, pas d’homme. Et de sexe, encore moins dans cette ascèse réparatrice reposant sur le silence, le savon et l’horticulture. Aurore épuise ses sens dans la terre calcaire presque tous les jours et, à force de soins et d’engrais naturels, elle fait parfois dresser des tiges. Elle observe alors l’épanouissement des corolles, les pétales déployés, elle peut prendre la sève des plantes pour la sienne et c’est suffisamment sexuel. Elle peut les rassembler en bouquets et s’offrir des fleurs dans la cuisine, c’est suffisamment sentimental. Un homme pour quoi faire. Elle a changé.

* p60 Cosma savait bien qu’elle attendait quelqu’un, maman ; elle ne regardait pas dans le vide mais dans le futur. Même d’ici les femmes scrutent la mer, regardent approcher les marins. Et toutes, au moindre bruit nouveau aux abords des maisons, imaginent un pas. Et après le pas quelqu’un qui dirait c’est moi, Toutes.

* p71 J’ai compris. Ça la reprend. L’ascèse réparatrice n’a pas marché. L’ascèse ne change pas grand chose, jardinage ou pas, c’est toujours comme à Paris l’extinction des sens, leur torture au nom d’une volonté louable d’aller mieux mais qui s’y prend comme un manche. À force de se couper de la chair, la chair fâchée se rappelle à la nuit et fait m’importe quoi.

* p72 - Pour moi c’était nouveau, dit-il. – C’était nouveau parce que nous le sommes, dit-elle, c’est tout.
Il entend bien dans cette phrase à la con que c’est une femme comme ça. Mentale. Il ne connaît que deux catégories, cet âne, les mentales et les charnelles. Encore un qui observe les femmes à travers un calque, les sépare en fonctions et rubriques, et il appelle ça « les comprendre » quand ce n’est qu’un énième fétichisme par abstraction du féminin.
À propos d’Aurore, il doit penser que c’est la catégorie froide. Une qui s’entraîne depuis un moment à rester dans sa tête, s’accordant à l’occasion un aller tête-vagin et retour, une qui tient à être déçue, hors d’atteinte sauf pour le gosse, plus tellement encombrée par le pénible impératif de joie. Il a bien vu, en arrivant, les fleurs dans l’allée, la luxuriance appliquée du jardin, il a deviné sous la lune la couleur des allées, les jardinières humides aux fenêtres. Il a pu supposer dès l’arrivée ce genre femme en jachère qui s’efforçait à la place de cultiver la joie au balcon. ! Ou alors il n’a rien remarqué. On voyait que dalle à cette heure-là et ces dénigrantes analogies cultivatrices n’appartiennent décidément qu’à moi.
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En verve comme d’habitude et reprenant à son compte la note d’intention du metteur en scène, Alexis prétendait en la jouant montrer enfin cette pièce pour ce qu’elle était. Visionnaire, articulée autour d’une figure hypermoderne de la dissidence, Dom Juan, fuyant une société malade d’avoir mis la sexualité au centre de son imaginaire. Dom Juan, disait Zagner à la journaliste, voyage trois actes sur cinq, une exception pour un personnage de Molière. Il parle et se déplace, cherchant toujours le désordre d’après, laissant la société dans l’état où il l’a trouvée piaillante et ulcérée.
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Le discours amoureux, planquant ses armes létales, peut porter la charge plus loin chez l’autre en territoire intime. Autrement dit « je t’aime » est un chaton ceinturé d’explosifs qu’on prend dans ses bras et boum.
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Vidéo de Maria Pourchet
Maria Pourchet vous présente son ouvrage "Western" aux éditions Stock. Entretien avec Sylvie Hazebroucq.
Retrouvez le livre : https://www.mollat.com/livres/2885309/maria-pourchet-western
Note de musique : © mollat Sous-titres générés automatiquement en français par YouTube.
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