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Critiques filtrées sur 4 étoiles  
N.K. Jemisin est connue pour sa trilogie des Livres de la Terre fracturée, dont chaque volume a reçu le prix Hugo. Pas mal, non ? Va-t-elle connaître le même succès avec sa nouvelle trilogie des Mégapoles ? Pas sûr. Car si la lecture du premier opus de cette série, Genèse de la cité n'est pas désagréable, elle souffre d'un côté un peu brouillon de la narration et de quelques lenteurs. Mais il ne faut pas s'arrêter à ces légers défauts. Ce roman cache pas mal de raisons de s'y plonger.

L'idée de base : les villes, quand elles parviennent à une certaine maturité (Taille ? Nombre d'habitants ? Cela reste peu clair), prennent vie, en quelque sorte. Elles deviennent une entité autonome, avec une volonté. Et elles ont besoin de s'incarner dans un être humain, pour se défendre surtout. Elles n'organisent pas un casting pour choisir leur représentant. Elles le choisissent sans lui demander son avis. Et c'est tout sauf anodin. Tout d'abord, cela se produit sans avis, sans préparation. Et peu à peu, les individus concernés comprennent que quelque chose à changé : ils se sentent différents, ont des visions, ressentent ce que vit la ville. Et le problème principal, c'est qu'ils n'ont pas le temps de s'habituer à cette nouvelle situation. Car un ennemi puissant rôde. Un de ces monstres gigantesques tout droit sortis de l'univers maladif d'H.P. Lovecraft. Des monstres atroces, au nom imprononçable, à la vue traumatisante et, bien sûr, aux tentacules nombreux. Pour eux, les nouvelles villes sont des colonisateurs en puissance, des meurtriers (pour comprendre les tenants et aboutissants, je vous laisse lire, histoire de ne pas trop divulgâcher) qu'il convient d'annihiler tant qu'elles ne sont pas encore trop puissantes. Ce roman est le récit de la naissance de la ville de New York et de son combat pour sa survie.

Pour enrichir son propos et mettre en lumière ses thèmes de prédilection, N.K. Jemisin ne donne pas à New York une seule incarnation, mais plusieurs : une pour la ville et une pour chaque quartier. Manhattan, bien sûr, le Bronx, le Queens, Brooklyn et Staten Island (que je ne connaissais pas et, d'après le roman, je ne suis pas le seul). Chacun est représenté par une personne typique de ses habitants, de ses modes de vie, de ses origines. Et c'est là que le bas blesse. Et c'est là que réside l'originalité et l'intérêt de Genèse de la Cité. Cette confrontation entre les différentes visions de la ville de New York. Tous ces habitants, venus (eux ou leur parents ou leurs grands-parents ou davantage encore) de pays plus ou moins lointains, aux cultures différentes, qui font le sel et la richesse de la cité, mais aussi l'origine de nombreux conflits : jalousies, rancoeurs, justifiées ou non. Tout cela forme un terreau propice à la dissension et donc à la perte de puissance face à l'ennemi, fort et sûr de son bon droit.

C'est l'occasion pour l'autrice de mettre en avant la force des différences, mais, surtout, la place qu'on leur impose. N.K. Jemsisin se bat pour que les minorités (que ce soit de couleur de peau, de genre, d'orientation sexuelle, etc.) soient plus visibles et obtiennent des droits qui leur sont souvent refusés. Sa littérature n'est pas là que pour distraire (même si elle le fait très bien), elle est également là pour éveiller les consciences, nous montrer une situation qui nous crève les yeux, mais reste enfoncée sous les habitudes, car dérangeante. On peut trouver qu'elle en fait trop : les blancs sont quasiment tous des méchants, vendus à l'ennemi tentaculaires, des ordures qui n'hésitent pas à menacer, à humilier, à tabasser. Mais la mise en avant de toutes ces personnes cantonnées aux seconds rôles, mineurs, souvent détestables et enfermés dans des clichés, est salutaire. Cela rappelle le roman de Charles Yu, Chinatown, intérieur : l'auteur y met en scène l'enfermement des Américains d'origine asiatique dans des rôles préconçus et terriblement limités par une société aveugle, trop préoccupée par la couleur de la peau. Davantage que par les qualités personnelles.

Genèse de la Cité est un roman un peu trop long à démarrer, à mon goût, mais ensuite entraînant et vecteur d'un questionnement plutôt sain, à mon avis. Et, en plus, cela donne sacrément envie de visiter New York et ses quartiers si divers, que ce soit en personne (pour ça, il faudra attendre, car entre le Covid et le budget, ce n'est pas pour tout de suite) ou grâce à Internet et aux livres.
Lien : https://lenocherdeslivres.wo..
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Après avoir été bluffée par « Les livres de la Terre fracturée », dernière trilogie de Nora K. Jemisin multi-récompensée et unanimement saluée par la critique, c'est avec plaisir que je me suis plongée dans le nouveau roman de l'autrice, premier tome d'une série baptisée « Mégapoles » et actuellement en cours de parution en version originale. Contrairement à ses précédentes oeuvres, qui se situaient dans des univers complètement imaginaires, « Genèse de la cité » nous fait évoluer dans un cadre beaucoup plus familier puisque l'action se passe à New York. Ville qui ne se contente d'ailleurs pas d'être un simple décor puisque c'est elle qui occupe le premier rôle. L'autrice met en effet en scène un monde où certaines cités acquièrent la capacité de s'incarner dans le corps d'un individu qui devient en quelque sorte son avatar. le cas de la Grosse Pomme est cela dit un peu particulier puisque celle-ci a revendiqué pas mois de six représentants : cinq pour chacun de ses quartiers les plus emblématiques, et un sixième censé faire la synthèse entre les autres. Voilà donc six individus lambdas soudainement transformés en l'incarnation d'une zone géographique, chacun avec ses spécificités, son histoire, et surtout son caractère. La « naissance » ne s'est toutefois pas passée exactement comme prévue. D'abord parce que les différents avatars n'ont visiblement pas tous eu le mémo concernant leurs nouveaux pouvoirs et le rôle qu'ils doivent désormais jouer. Ensuite parce qu'une étrange entité qui pourrait être tout droit sortie d'un roman de Lovecraft cherche à les détruire, et surtout à les empêcher de mettre la main sur le sixième, celui qui symbolise la ville toute entière et dont le sort est donc étroitement lié à celui de New York. Comme toujours, N. K. Jemisin opte pour une intrigue originale et complexe dans laquelle il faut accepter de se plonger sans trop de repères, même si l'immersion reste tout de même bien moins rude que dans « La Cinquième saison ». L'idée n'est d'ailleurs pas tout à fait nouvelle puisque l'autrice avait déjà publié une nouvelle sur le sujet dans l'anthologie « Lumières noires » (« Grandeur naissante »).

C'est avec Manhattan que l'on commence cette petite ballade dans New York. Alors qu'il se rend pour la première fois dans la cité, un jeune homme est pris de vertiges et éprouve de plus en plus de mal à se rappeler de son identité tandis que des événements de plus en plus étranges se succèdent, à commencer par l'attaque d'un des ponts les plus emblématiques de la ville par une créature tentaculaire dont les habitants ressentent la présence sans pour autant la voir. Sa rencontre avec Brookly, avatar du quartier le plus peuplé de la ville, et qui a manifestement mieux intégré que lui ce qu'ils sont devenus et le rôle qu'ils doivent désormais jouer, va lui permettre de mieux cerner les enjeux dont il est question. Les voilà donc en quête des trois autres arrondissements que sont le Queen, le Bronx et Staten Island, tous plus au moins conscients des changements qui se sont opérés chez eux. L'affection que N. K. Jemisin porte à New York est palpable tout au long de ce premier tome qui constitue un vibrant hommage à la ville. L'autrice y brasse quantité de références qui ne sont d'ailleurs pas toujours très aisées à saisir lorsqu'on ne connaît pas soi-même la cité et ses spécificités, si bien que certaines vannes ou clins d'oeil tombent parfois un peu à plat. L'intrigue est toutefois suffisamment riche et les personnages assez attachants pour que ces petites lacunes ne viennent pas gâcher le plaisir de lecture. le rythme est particulièrement dynamique et les temps morts peu nombreux tant les scènes d'action se succèdent de plus en plus rapidement. On va en effet suivre les différents affrontements opposants les arrondissements à l'étrange créature qui semble leur vouer une haine tenace et qui prend tour à tour l'apparence d'un montre colossal doté de tentacules à la Cthulhu ou d'une dame d'apparence tout à fait respectable mais visiblement très portée sur la suprématie blanche. Et c'est justement là que le roman de N. K. Jemisin se détache du sympathique mais très classique récit de super-héros. L'ouvrage est en effet aussi (et surtout) extrêmement politique, et on y retrouve un certain nombre de thématiques chères à l'autrice et déjà présentes dans ses précédentes oeuvres.

Le premier aspect qui saute aux yeux du lecteur et qui s'apparente à une véritable revendication politique réside dans la diversité des profils des différents protagonistes. Certes, cela fait un moment maintenant que la plupart des auteurs/autrices ont compris que la mise en scène quasi-exclusive de personnages blancs et masculins pouvait saouler les lecteurs avides de lire des oeuvres plus en phase avec la diversité de notre propre société, mais cela se résume la plupart du temps à intégrer une ou deux femmes ou une ou deux personnes racisées, et basta. N. J. Jemisin, elle, fait le choix de mettre en scène tout type de corps, ceux d'hommes, de femmes, de trans, de vieilles, de jeunes, noirs, blancs, asiatiques, amérindiens, indiens, gros… Les femmes en générale occupent ici une place de choix, et les femmes racisées en particulier, ce qui permet à l'autrice d'aborder quantité de sujets de société qui font aujourd'hui débat, aux États-Unis aussi bien qu'en France. Les confrontations avec les avatars choisis par « Cthulhu bis » sont évidemment l'occasion de dénoncer les discriminations raciales et sexuelles, mais aussi d'aborder la question du racisme dans la police ou dans l'art, celle de la manière dont sont considérés les corps noirs ou féminins dans l'espace public, ou encore celle de l'histoire des États-Unis (massacre des Amérindiens, traite négrière…). le choix de placer l'une des créatures de Lovecraft comme antagoniste du roman n'est d'ailleurs pas un hasard, l'auteur n'ayant jamais caché son racisme qui imprègne une bonne partie de ses oeuvres. Nora K. Jemisin s'inscrit ainsi dans la droite lignée de cette nouvelle génération d'auteurs et d'autrices qui tente de rendre hommage à l'oeuvre monumentale de Lovecraft tout en se la réappropriant en y intégrant toutes ces catégories de population invisibilisées ou dénigrées dans les textes du maître du fantastique (je pense notamment à « La ballade de Black Tom » dans lequel Victor Lavalle propose une version alternative du texte considéré comme le plus raciste de Lovecraft ou à « La quête onirique de Vellitt Boe » dans lequel Kij Johnson choisit de reléguer le héros du texte d'origine au second plan pour se focaliser plutôt sur un personnage féminin).

N. K. Jemisin signe avec « Genèse de la cité » un premier tome prometteur dans lequel on retrouve une bonne partie de ce qui fait la force et la particularité de l'autrice. Si le cadre est certes moins fascinant que celui de ses précédentes oeuvres, la ville de New York n'en constitue pas moins un décor intéressant dont on se plaît à découvrir la richesse, quand bien même certaines références échapperont sans doute aux lecteurs peu familiers de la cité. La plus grande force du roman réside cela dit dans ses personnages dont la variété de profil permet à l'autrice d'aborder des sujets d'actualité, à commencer par le racisme sous toutes ses facettes. Une belle découverte, que je vous recommande chaudement.
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Avec sa couverture absolument appétissante (on dirait une glace vanille fraise, en tout cas, au réveil, après une soirée mal dosée), et une quatrième de couverture prometteuse, j'étais parti pour une confrontation extraordinaire entre un groupe de héros anonymes et des extraterrestres tentaculaires.

D'un côté, je ne suis pas satisfait par rapport à ce que je m'imaginais du livre. D'un autre, ce que j'ai lu et que je ne m'attendais pas à trouver m'a plu. Bon.

En terme de récit, on est sur un mélange crédible d'inspirations venant d'American Gods avec des entités (ici, des villes et arrondissements de villes) personnifiées, de l'horrifique. Parfois, on a le petit déséquilibre qu'on peut avoir en regardant Inception (d'accord, à cause de Léonardo, mais surtout à cause de tout qui est dans tous les sens). Je suis resté sur ma faim, s'agissant de l'aspect SF, on se retrouve sur une trame assez fugace, faut aimer les tentacules.

Par contre, le reste m'a frappé comme un coup de poing. J'ai adoré le ton très libre de la narration. La personnification des arrondissements de New-York dans leur physique et dans leur mentalité, j'ai trouvé ça extra. Bon, j'ai jamais mis un pied à New-York, mais c'est quand même classe. La complexité de chaque arrondissement, sa culture, sa population, son histoire, ses ressentiments à l'égard des autres arrondissements sont joliment interprétés.
Aussi, ce roman taille la part belle à la description de cette Amérique actuelle et à ses vicissitudes : racismes, calomnies, arrestations arbitraires, communautés, identités. Ces conflits intérieurs imposent une tension intéressante dans le récit, surtout dans l'opposition entre plusieurs protagonistes.

On pourrait prendre ce roman comme une image assez crédible : une cité-monde, menacée, qui se remet en question dans son identité, confrontée à des enjeux sociétaux inquiétants et bouleversants. Une cité qui peut tomber d'un côté ou de l'autre de la faille multidimensionnelle.
Alerte spoilers : petit plus pour la référence à Lovecraft, directement à son oeuvre, mais également par rapport à l'auteur qui incarne ces mêmes valeurs que les personnages combattent.

Merci à Babelio, Masse Critique et les éditions Nouveaux Millénaires pour ce livre, y'a pas à dire, si un jour j'ai besoin d'une couverture, je vous appelle.
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Les + :

1. Personnages varié.es et complexes qui ont une belle marge d'évolution. de plus ielles sont toutes et tous à une étape différente de leur vie, ce qui me les rends d'office intéressants. Ielles ne sont pas des clones les un.es des autres avec personnalités interchangeables.

2. Beaucoup d'enjeux ; à la fois individuels et collectifs.

3. Parle de sentiments d'appartenance, du danger des préjugés, de gentrification, de spiritualités, de la famille...

4. J'aime beaucoup l'horreur cosmique et Lovecraft (essayé et non approuvé) ne m'intéresse pas alors je trouve formidable de trouver ce genre d'univers chez des auteur.ices qui le développent de bien meilleure façon de mon point de vue.

Les - :

Début un peu long, enfin, j'ai juste mis un peu de temps à me sentir embarquée et impliquée.
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Je pense que je passe à côté de beaucoup de choses en n'étant pas originaire de New-York, que ce soit d'un point de vue pop-culture, références physiques ou géographiques, ethnies, races, problèmes sociaux, etc.

Mais c'était très fun - et j'aime tellement cette façon de traiter métaphoriquement des groupes sociaux (ou tout autre groupe) par des représentations physiques.

Il y a quelques longueurs, alors que tout s'évertue à rendre la chose haletante et rapide et on s'entend qu'il y a énormément de clichés très exagérés - mais ça tombe sous le sens lorsque les personnages sont censés être des représentations vivantes d'un ensemble de personnes et de la façon dont celle-ci est perçue par le reste du monde.
Le contexte en lui-même est intéressant (même si la naissance de New-York aussi tard me parait étrange au vue de l'importance culturelle qu'elle a dans le rayonnement du soft power américain) et j'aime le traitement porté aux coups et doutes qu'ont les personnages et les répercussions qu'ont celles-ci sur le monde réel.
Cela dit, il y a aussi des moments un peu pénibles de tensions qui sont justifiés par ce les arguments sus-cités tout en donnant une impression d'irréalité un peu nulle aux façons d'être (notamment le traitement envers São Paulo).
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