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EAN : 9782714313010
80 pages
José Corti (30/03/2023)
4.1/5   82 notes
Résumé :
Ce court récit inédit de Julien Gracq met en scène une fascination. C’est la vision initiatrice, brève mais répétée, d’une demeure, aperçue à chaque trajet depuis un car traversant la campagne pendant l’Occupation, qui pousse le narrateur à se mettre en route, cheminant seul dans les sous-bois pour s’approcher de la maison. À travers le récit de ce parcours aussi sensuel et contemplatif qu’intériorisé, La Maison déplie, comme une intrigue, la naissance d’un désir.>Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (23) Voir plus Ajouter une critique
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Avoir la possibilité de lire un récit de Julien Gracq, découvert plus de quatre-vingts ans après sa rédaction, me semble une très grande chance. Cela m'a donné l'envie de lire d'autres oeuvres de ce grand écrivain que j'ai à tort laissées de côté.

Ce petit recueil offre une écriture exceptionnelle, à des milliers de lieues de tout ce qui est publié aujourd'hui par les écrivains français, même si quelques pépites émergent, écrites par les valeurs sûres comme JMG le Clézio, Sylvain Tesson, ou par de rares jeunes auteurs qu'il faut dénicher après de multiples lectures infructueuses.

Chez Julien Gracq, on trouve d'abord un style éblouissant, l'écrivain mettant en ordre de marche des mots simples dont l'harmonie dégage immédiatement la sensation de se trouver immergé dans les lacis broussailleux de la campagne angevine, au point que la découverte de la maison, partagée avec la patience observatrice de l'auteur, génère tout un environnement de mystère à l'intérieur duquel le lecteur désire se fondre pour explorer au plus profond toute la poésie de l'écrivain.

Et dans la maison, il y aura, inévitablement, une femme, un pied nu, une chevelure blonde, l'ensemble entrevu au travers d'un vitrage presque opaque, Julien Gracq mettant en scène toute la sensualité que peut exprimer pareil spectacle inattendu, espéré probablement.

Chaque mot de Gracq paraît pesé, choisi, remplacé, à nouveau mis en place, ainsi qu'en témoignent les si nombreuses ratures du premier manuscrit, malheureusement peu lisible.

J'ai retrouvé en lisant La maison "cette voie forestière perdue" évoquée dans La presqu'île et savouré toutes les descriptions des bois, des arbres, des milans, entendu le chant de la femme, au point de presque toucher ses pieds nus et percevoir le frôlement de sa chevelure blonde.
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Trente pages de texte en petit format, plus la copie du manuscrit et une postface. Comme indiqué dans la postface, il s'agit d'un manuscrit « restant dans un tiroir » « qui n'est jamais arrivé entre les mains de José Corti ». C'est souligner la distance entre José Corti, disparu en 1984, et les Éditions Corti actuelles, depuis peu dirigées par les auteurs de la postface, Mael Guesdon et Marie de Quatrebarbes. José Corti aurait-il publié La maison ? Je ne crois pas, mais c'est une chose faite maintenant, sous un titre d'une platitude qui n'existe pas ailleurs chez Gracq. Je m'étais gardé de l'acheter, mais les amis qui connaissent mon attachement à Gracq me l'ont offert, je l'ai donc lu. La profusion descriptive, le cheminement de la pensée qui accompagne le marcheur, l'apparition d'une Mélisande dans une maison ruinée, c'est bien du Gracq, sans la tension du désir du Château d'Argol, de la Presqu'île ou du Rivage des Syrtes, sans Heide, sans Irmgard, sans Vanessa, sans la servante du roi Cophétua. Un exercice, une ébauche.

Faut-il publier les manuscrits que leurs auteurs ont gardés pour eux pendant des décennies ? La question ne concerne pas Gracq seulement, voir la résurgence de manuscrits de Céline. Pour moi non. Les éditeurs devraient orienter leurs efforts vers de nouveaux talents.
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"Ce qui dérivait immanquablement dans sa direction le cours de mes promenades, c'étaient les friches -...-"
Cette affirmation de Julien Gracq précédemment lue, et partagée ici cette semaine, semblant une coïncidence, pourrait très bien s'écrire en exergue à ce court récit qu'est "La Maison".

Au cours d'un trajet hebdomadaire en autocar, le narrateur, l'oeil attiré par une rupture de la végétation dans le paysage, est surpris d'apercevoir à la lisière de cette "friche", tout en fouillis, un maison dont le style, à lui seul, interroge sur sa présence dans le lieu.
Curieux de la découvrir davantage, et profitant d'un moment de liberté, il refait à pied la partie de la route passant devant la bâtisse et s'enfonce dans l'enchevêtrement végétal autant inquiétant, hostile que silencieux, comme déserté des oiseaux ou de la moindre douceur.

C'est toujours un merveilleux moment hors du temps qui s'offre à celui qui pénètre les pages écrites par Julien Gracq. Il sait qu'il lira et relira inlassablement les mêmes phrases, ébloui, en préservant leur compagnie pour mieux s'en imprégner et savourer le moment présent. Une atmosphère qui s'écrit en attente, souvent mêlée d'inquiétude, un paysage, personnage à lui seul qui se fait messager de l'époque tourmentée ou d'un lieu, en confessant sa rudesse, en dévoilant la tristesse et la solitude qui l'habitent. Une maison qui occupe toutes les pages, mais pas seulement, puisque la traversée de ces bois inamicaux loin de mener à une ruine maléfique entraîne au rythme des mots choisis et des descriptions minutieuses vers l'incarnation d'une sensualité qu'il fallait mériter en acceptant de traverser cette friche menaçante et sans vie.


(Je me sens toujours minuscule devant les mots de cet écrivain, n'en parlant que très maladroitement, mais je voulais seulement vous donner l'envie d'apercevoir à votre tour cette "Maison".)
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C'est avec un plaisir non dissimulé que je me suis laissé guider par la plume tant aimée de Julien Gracq. L'imaginaire de l'auteur naît et se développe avec grâce dans ces quelques pages. Comme chaque fois, on découvre l'univers sensible et intime de Gracq; ici, sa manière de regarder le monde et de transformer une maison souvent aperçue de la fenêtre d'un autocar (sans doute un élément biographique, comme le suggère la postface) en un lieu presque mystique.
Le rythme du récit, les glissements, les fondus enchaînés (pour reprendre une métaphore utilisée par l'auteur dans ce texte), nous arrachent du quotidien morne et soucieux de l'Occupation pour nous faire pénétrer au coeur d'un monde mystérieux et doux. La richesse de vocabulaire chez Gracq est toujours un régal : ses phrases se dévorent, s'apprivoisent parfois.
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Tout y est. Gracq l'auteur arpenteur de lieux est bien à l'oeuvre dans ces pages : le sous bois, la lande, le lieu déserté, l'eau qui serpente...

« Une douzaine de kilomètres avant d'arriver à A..., la route nationale, qui commence ici à descendre doucement à travers les étendues de plateaux bas […] une tache lépreuse au milieu du paysage bocager, une étendue de campagne remarquablement hostile et déserte. »

Le thème du lieu enchanteur où foisonnent les signes qui attendent d'être révélés est peut-être celui qui m'emporte le plus à chacun de ses livres . Comment ne pas penser à la ruine d'Argol ou à la maison forte du Balcon ? Ces lieux qui ne sont pas seulement le décor d'une intrigue mais qui sont racontés à travers tous les sens du marcheur aventureux.
À travers La Maison, nous apercevons des maisons, celle aux fenêtres ouvertes du poète Keats, celle des Usher chez Poe :

“ le sentiment d'accablement qui de près persistait pourtant et même s'approfondissait dans la lumière rajeunie venait d'ailleurs ”

La décadence, le mystère et un certain érotisme ne sont pas en reste. Et le sortilège veut qu'au détour d'une phrase j'ai même pensé à Hill House :

“courbant encore après des années puissamment l'âme sous le flétrissement de ces stigmates mornes, ici pour toujours une porte s'était refermée”

Certains parleront de maniérisme, je préfère le goût du mot rare : « une couleur pulvérulente », « une terre gâte », « une végétation naine et déjetée », « ces taillis crayeux », celui de la poésie. Celui où le verbe n'est plus le messager mais devient poésie et convoque l'imagination. le mot, comme une clef qui ouvre à cet autre monde, celui que l'on devine, mais que l'on ne voit pas sans le sortilège du mot. Sans cela ce récit se résumerait finalement en tout et pour tout au coup de la panne au milieu de nulle part.

Enfin, observer cette voix narrative toujours aussi intense en train de se construire dans les dernières pages fac-similées était un beau cadeau qui prolonge le plaisir de lecture suffisamment bref pour me laisser orpheline.
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critiques presse (5)
LeMonde
22 mai 2023
La prose vibrante et magnifique de l’auteur du « Rivage des Syrtes » se retrouve dans un court inédit qui raconte la fascination du narrateur pour une mystérieuse villa.
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LaLibreBelgique
16 mai 2023
Publication de "La Maison", court récit de Julien Gracq, resté inédit à ce jour.
Lire la critique sur le site : LaLibreBelgique
Culturebox
17 avril 2023
L'auteur est un mystère de la littérature française depuis le prix Goncourt qu'il a refusé en 1951. Julien Gracq, disparu en 2007 à l'âge de 97 ans, a légué ses manuscrits à la Bibliothèque nationale de France et laissé des instructions quant à leur publication.
Lire la critique sur le site : Culturebox
Marianne_
17 avril 2023
Les éditions José Corti publient « La Maison », un nouvel inédit exhumé des cahiers de Julien Gracq. L'auteur, dont le nom est immanquablement associé à celui de la maison d'édition, ne décevra pas ses lecteurs.
Lire la critique sur le site : Marianne_
LeFigaro
30 mars 2023
Comme des vestiges que la terre, en un mystérieux mouvement, ferait remonter à la surface, des textes de Julien Gracq, mort en 2007, nous parviennent régulièrement comme le lointain écho d’une voix qui s’est tue mais résonne encore. Bien sûr, ces inédits n’ont jamais l’amplitude du Rivage des Syrtes ou de La Presqu’île. La Maison est un supplément à l’œuvre de Gracq.
Lire la critique sur le site : LeFigaro
Citations et extraits (17) Voir plus Ajouter une citation
Il y eut encore un moment de parfait silence, puis, lentement, précautionneusement, aussi clandestine que le coin d'une lettre secrète qui glisse sous une porte, quelque chose dépassa du balcon sous le bord surplombant du store : plus nue et encore plus secrète que les pieds nus, la masse ondée, prodiguée, fabuleuse, déployait comme une draperie, d'une longue chevelure blonde, la chevelure défaite d'une femme.
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Le soir tombait plus vite qu'ailleurs sur l’égouttement de ces fourrés sans oiseaux. Leurs bruits légers et distincts : craquement de branches, sifflement faible du vent dans un pin isolé, éteignaient les bruits insignifiants de la campagne -- au long d'eux, dans la brume pluvieuse, on marchait comme dans une ombre portée : la route tout entière feutrée et épiante, n’était plus qu'une oreille collée contre la lisière des bois.
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La pluie cessait -- inexplicablement réchauffant, un rayon de soleil décoloré coulait à travers les branches : autour de moi, la rumeur fourmillante des bois sous l’averse se figeait goutte après goutte dans le suspens doucement épanoui d’une foule de théâtre, et tout à coup, faisant vibrer la lumière décapée par l’averse, un oiseau chanta sur deux notes transparentes et calmes, de la voix même de l’éclaircie. Tout était léger, ouvert, cristallin, facile -- un autre monde -- comme si le rideau de pluie brusquement levé m’eût été ce "fondu enchaîné" des films qui soude en une seconde les rues aux forêts et les minutes aux années. Quelques pas plus loin, la maison soudain fut là.
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D'où vient qu'à certaines minutes privilégiées de notre vie, minutes de vacuité apparente et de tension très basse où nous nous abandonnons au courant et marchons vraiment où nos pieds nous mènent, la paroi volontaire qui nous mure contre l'infini pouvoir de suggestion embusqués dans les choses soudain flotte et se dissout, -- rendant à une sorte de pesanteur native et aveugle ce qu'il faudrait bien appeler notre matière mentale pour en faire la proie d'attractions sans réplique, et déchaînant en nous un sentiment confus à la fois de sommeil du vouloir et de presque scandaleuse liberté?
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Il était singulier qu'une végétation naine et si déjetée donnât pourtant une impression aussi intense de vétusté et de sauvagerie : impossible d'imaginer maquis plus ronceux, fourrés plus perdus pour une bauge; on eût dit une bauge sauvegardée pour la gloire du hallier hâtif et les aises des bêtes nocturnes.
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Videos de Julien Gracq (34) Voir plusAjouter une vidéo
Vidéo de Julien Gracq
À travers les différents ouvrages que l'auteur a écrit pendant et après ses voyages à travers le monde, la poésie a pris une place importante. Mais pas que ! Sylvain Tesson est venu sur le plateau de la grande librairie avec les livres ont fait de lui l'écrivain qu'il est aujourd'hui, au-delàs de ses voyages. "Ce sont les livres que je consulte tout le temps. Je les lis, je les relis et je les annote" raconte-il à François Busnel. Parmi eux, "Entretiens" de Julien Gracq, un professeur de géographie, "Sur les falaises de marbres" d'Ernst Jünger ou encore, "La Ferme africaine" de Karen Blixen. 
Retrouvez l'intégralité de l'interview ci-dessous : https://www.france.tv/france-5/la-grande-librairie/
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