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EAN : 9782925141150
216 pages
La Peuplade (24/03/2022)
4.4/5   24 notes
Résumé :
Mouron des champs dit l’histoire de vies dures et empêtrées, de destinées de filles de fermiers, de pauvresses du bout du rang, de mères travailleuses infatigables aux désirs corsetés. Revitalisant brillamment le vocabulaire des parlers populaires, Marie-Hélène Voyer fouille les lieux de vie familiaux où se resserrent l’emprise de la domesticité et la violence de la contention. Cette poésie profonde et tassée comme un pain de mie porte la voix des mortes et met en l... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (4) Ajouter une critique
«L'heure d'après
dans le caveau du ventre
j'enfouirai ce qui renonce, s'échoue
et survit encore. »
François Turcot
« Nous ferons de nos vies de oeuvres de joie et d'attisement. »
« Mouron des champs suivi de Ce qui nous fonde »
Étreindre l'écriture, marcher pieds nus dans la jachère fleurie. Attendre l'éclosion verbale. L'heure vaste d'un langage où les femmes sont les filles de fermiers, mains gercées, le labeur qui courbe le dos de ces belles enivrées de ténacité et de droiture.
« Nos mères belles et intouchables comme des bécasses/elles brûlent leurs ailes/se coupent les ergots/et saignent leurs rêves sans broncher. »
Marie-Hélène Voyer fascine de par son empathie, sa clairvoyance. Gémellaire d'une féminité qui change le gris en pans de blancheur. Corps à corps avec ces  pauvresses  qui ferment leurs bras au monde comme des étoiles recroquevillées.
« Tous les lieux de la terre nous ignore/derrière ses vitres embuées/la fenêtre nous montre le loin dehors/où nos frères filent entre les foins/v'là l'bon vent, v'là l'joli vent/leurs cheveux sont des corbeaux fous/ qui ne soupçonnent pas nos cages. »
Mères sans croyances, rêves et espoirs et les lèvres pâles des désirs braises. Ongles muselières, les regards point fixe. La condition humaine est pour elles une frontière infranchissable. Dignes et soumises, elles s'abreuvent sans entendre un seul instant les chants d'oiseaux . le miracle d'un seau d'eau porté sur l'autre rive.
« Nous nous fortifions dans l'ombre/nous portons au ventre/toutes les faims de l'hiver. »
Rassembler l'épars, les croisements des destinées, l'infinie douleur de l'irrévocable. L'hymne au terroir, à elles, et eux, anonymes et pourtant fidèles à la marche du monde.
« Des femmes nombreuses m'observent ici. »
Marie-Hélène Voyer est sur le passage de l'écluse. le jour d'appel où l'épiphanie verbale est une chapelle de rédemption et l'hommage pour elles, les endormies des champs barbelés. « Pour porter leurs voix/encore un peu. »
Franchir le somment, étreindre les mots qui sauront nommer ce que les ombres tourmentent.
« Ma mère avait une beauté d'oiseau inquiet/elle mourait chaque année/ avant la neige. »
Ce texte est un edelweiss à flanc de rocher. D'une infinie complétude, la poésie macrocosme qui nomme l'existentiel intranquille, poignant, sans se tromper d'heure. Les mots ici, sont des envolées de myriades dont la neige refuse la tristesse et la nostalgie.
« Je vous observe mes vieilles vivants/saturer le ciel/vos corps d'oiseaux lents/délestés de leurs gestes. »
Lire ce livre bleu-nuit, éprouver nous aussi l'endurance et les peines cachotières. Ce monde où se forge l'humanité des vaillantes.
« Nos mères traînaient à leurs pieds des chagrins mal essorés. Nous nous enfargeons dans le souvenir de leurs peines. »
« Nous sommes infusés d'espoirs inédits. »
« Mouron des champs, pas de genou à terre, les études pour elle, la fille et femme devenue seront dédiés « à ceux du bout du rang. »
Ce livre est une épiphanie mémorielle. Un hymne au terroir, celui des humbles et des endurantes. L'écriture alliée et émancipatrice, initiatique et promise à la trace indélébile.
« Mon visage/enfin lavé/de tous mes traits. »
Ce livre est une source où l'on s'étanche. Lorsque le temps est à l'orage et à la guerre. Un modèle où puiser l'exemplarité et la constance. J'aimerai le savoir dans les antres où l'arrogance règne pour changer l'eau des fleurs.
À lire à l'aube de vos faiblesses et de vos doutes. Ici, fusionnent les vrais gens.
Un livre inoubliable et inestimable. Publié par les majeures éditions La Peuplade.



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Un recueil de poésie sur l'enfance, la filiation mère-fille et le lègue féminin transmis de générations en générations; un héritage issu de la religion catholique et des rôles traditionnels, celui de la culpabilité, du sacrifice et de l'effacement.

Le contraste entre la sauvagerie de l'enfance et l'enfermement des mères au foyer, la retenue qu'elles inculquent de force à leurs filles, leurs rêves balayés sous le tapis et la colère souterraine qui gronde au fond d'elles : tout est tellement juste! J'ai vraiment reconnu beaucoup de femmes de mon entourage dans ces mots.

Un livre magnifique, pour nos mères et nos grand-mères, mais aussi pour nos filles, pour qu'on puisse enfin briser la chaîne des rêves fracassés et des horizons perdus.
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Nous, ensemble, descendantes sorcières, libres « d'inventer des sinistres d'une beauté insolente » de faire « de nos vies des oeuvres de joie »
« nous rameutons nos soeurs » nous suffocantes d'injonctions perdues piétinons « vos grâces refusées » et « dévorons les loups »
nous debout pensons à vous « au curieux maillage de nos voix dans l'écho de vous », nous des limbes, debout, que jamais plus ne s'évente la joie
nos voix niées aux gémissements sous feu traversent les siècles
nous vous entendons
nous battons
vous pour
nous ne saignerons pas nos rêves sur l'étable domestique
nous vous elles
nos filles volent les ailes lustrées

Sublime
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Admirable livre où la poésie embrasse la vie, le deuil, les liens impossibles entre une fille et sa mère, leurs descendances et les réminiscences de «ce peu qui nous fonde». Les mots s'accrochent, surprennent, chantent et disent l'imprononçable douleur d'être femme en se métissant de la langue du terroir où pousse du mouron des champs, ces fleurs sauvages qui survivent à l'hiver et transmettent la soif d'exister. Marie-Hélène Voyer a une voix irrésistible faite de beauté secrète et d'un attachement au soin des blessures dont on hérite. C'est un livre de poésie qu'on quitte à regret tellement il nous laboure.
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critiques presse (2)
LeJournaldeQuebec
19 décembre 2022
Il s’agit d’une œuvre poétique qui se lit comme une histoire. La voix de l’autrice est à la fois douce et écorchante. Une plume singulière et inoubliable. Une grande voix, portée par les vents du fleuve Saint-Laurent.
Lire la critique sur le site : LeJournaldeQuebec
LaPresse
17 avril 2022
Le quatrième livre et deuxième recueil de poésie de Marie-Hélène Voyer, Mouron des champs, représente un travail magistral. L’autrice rend hommage à sa mère disparue et, du même coup, à toutes les femmes arborant désirs étouffés et bouches cousues depuis trop longtemps.
Lire la critique sur le site : LaPresse
Citations et extraits (12) Voir plus Ajouter une citation
«  Vous voilà
de mères en filles
bien portantes de corps
affairées
à mener à leur pleine grosseur
la tauraille et la marmaille
qu’il faut élever
pour les manger
toutes crues d’amour » ,…
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Je dresse la liste des fragments d'elle qui me constituent.
Ma mère cueillait des choses pour que je les ingurgite. Des fruits infimes un peu acides. Des saveurs brutes et sans apprêt. Des trésors de patience. Quel poids occupe en moi toutes ces choses avalées? Je ne connais pas ma densité. Je ne sais pas exactement ce qu'elle m'a transmis. Je ne magnifie rien. Je ne la magnifie pas. La nostalgie a le goût écoeurant des fruits trop mûrs.
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La nostalgie à le goût écœurant des fruits trop mûrs.
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Chacun d'eux m'a dit un jour qu'il espérait très fort que je meure très vieille. Déjà leurs voeux portaient en eux l'écho anticipé de ma disparition.
Les souhaits tristes sont peut-être les plus doux.
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nous jetons nos peaux d'âne en pâture aux bêtes nous écartons nos hontes qui détalent dans la brumaille des sous-bois nous connaissons la fraîcheur des pistes et la ruse des détours nous cueillons ce qui nous plaît nos désirs fleurissent en roses sauvages nous brisons nos carêmes nous sabotons nos accordailles nous crachons nos peurs aux corbeaux nous semons nos joies dans nos sillons de bécasses nous rameutons nos soeurs
nous dévorons les loups
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