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EAN : 9782213725307
208 pages
Fayard (08/03/2023)
4/5   4 notes
Résumé :
Isabeau de Bavière. Longtemps, la simple évocation de son nom a suscité un déchaînement de violences. Ses détracteurs l'accusent, après son mariage avec le roi fou Charles VI, d'avoir livré la France aux Anglais par le traité de Troyes en 1420. Mauvaise épouse, mauvaise mère, mauvaise reine, ils en ont fait une anti-Jeanne d'Arc. Christine Rérat-Maintigneux a tiré le fil de la sinistre réputation d'Isabeau.
Apparue plus de cent ans après sa mort sous la plume... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (1) Ajouter une critique
En 1997, Christine Rérat-Maintigneux soutient une maîtrise en histoire contemporaine, sous la direction d'Alain Corbin, sur le thème “Isabeau de Bavière à travers les manuels d'histoire de l'école primaire (1875-1969)". 25 ans plus tard, la question du traitement de la place des femmes dans l'histoire et la façon dont on les a présentées, est sur le devant de la scène. C'est peut être ce qui a motivé l'autrice à revenir sur son sujet d'étude pour proposer cet ouvrage passionnant publié en 2023.

La lecture de cet Isabeau de Bavière se situe donc pour moi dans la veine des grandes oubliées et autres reines sombres dont j'ai déjà rendu compte au cours des derniers mois. En outre, je vis près d'Orléans, actuellement en pleine effervescence autour des célébrations du 595e anniversaire de la libération de la ville par Jeanne d'arc: c'était donc le moment idéal pour me documenter sur cette période où Isabeau et Jeanne évoluèrent. D'autant plus que ces figures ont été instrumentalisees l'une avec l'autre, dans des contextes parfois adverses.

Au delà de la compréhension ce contexte propre au XVe siècle que je ne maîtrisais que très approximativement, j'ai trouvé passionnant de pouvoir plonger dans la construction de l'historiographie depuis la révolution jusqu'à nos jours, et de découvrir comment les discours, les oeuvres d'arts, les fantasmes et les légendes se nourrissent et prospèrent, avant de sombrer dans l'oubli.

En ce qui concerne la rigueur historique de l'ouvrage, je ne saurai en juger, même si le nihil obstat apporté par Alain Corbin qui signe la préface, apporte une légitimité à l'autrice. le parcours que propose Christine Rérat-Maintigneux à travers les arts et les manuels scolaires m'a passionnée, ainsi que le regard très contemporain porté sur Isabeau.

Si cette reine n'est pas à classer dans le registre des femmes puissantes de type Alienor ou Brunehaut, on comprend qu'elle a beaucoup subi durant sa vie et peut être plus encore après sa mort, devenant un symbole et une allégorie livrée en pâture par les misogynes de tout poil.

Je recommande ce livre très agréablement rédigé, agrémenté de nombreuses illustrations (j'ai parfois regretté qu'elles ne soient pas référencées lorsqu'elles sont évoquées par l'autrice : j'ai souvent recherché l'image sur Google avant de constater qu'elle était reproduite une dizaine de pages plus tard...)
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Citations et extraits (7) Voir plus Ajouter une citation
Si le mal du roi reste encore difficile à qualifier notamment en l'absence d'écrits médicaux de l'époque, les effets de celui-ci sur sa vie conjugale sont, eux, bien connus. Ce n'est toutefois que depuis quelques décennies que les historiens s'y sont vraiment intéressés, comme aux effets sur la sexualité entre les deux époux.
Ainsi Bernard Guenée indique-t-il comment Isabeau et son mari dépendent de l'avis des théologiens et des médecins et combien sa situation à elle à devient progressivement invivable. Les dix premíères années de sa folie, le roi ne couche pas avec sa fermme pendant ses crises. Lorsque finalement périodes de crises et rémissions se confondent (entre 1398 et 1403), le roi, avec le consentement des médecins, a des relations intimes avec son épouse qu'il soit lucide ou non. S'il est en période de démence, il est déshabillé dans sa garde-robe où se trouve une sorte de cabine de bain avant d'aller trouver Isabeau. Il est d'ailleurs à peu près sûr, ajoute Bernard Guenée, que le futur Charles VII a été conçu en période de folie. Après une atroce nuit pour la souveraine en mars 1408, on ne la sollicite plus. La concubine Odette de Champdivers la remplace désormais en permanence. La jeune fille est donc préposée auprès du roi plus de treize années après les premières crises de Charles et quand tout espoir de guérison semble abandonné. On ne sait pas grand-chose, on l'a dit, sur Odette, les chroniqueurs sont imprécis.
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Après la guerre malheureuse de 1870 et l'amputation de l'Alsace-Lorraine par le traité de Francfort, Isabeau se mue, à l'école et en dehors, en allégorie de la défaite. Elle devient, elle incarne l'humiliation du traité de Troyes. Le déshonneur de la monarchie des Valois - un roi fou au pouvoir pendant trente ans, une guerre civile, le désastre d'Azincourt, un dauphin assassin comme celui d'une France cédée à l'étranger, se fixe dans cette signataire scélérate. Des millions d'élèves apprennent à la détester pendant des décennies, y compris après le retour en 1918 des provinces perdues.
Après 1945, le pays délivré des nazis et de leurs collaborateurs grâce aux Alliés et à certains Français retrouve son honneur. L'histoire de France peut alors se délester du souvenir des humiliations pour célébrer ses libérateurs- Jeanne d'Arc, de Gaulle -, et laisser place à l'espoir, à l'ouverture sur l'Europe. Le personnage scolaire d'Isabeau est progressivement relégué dans l'antre silencieux des méchants inutiles. Parallèlement, le rôle de la reine est considérablement revu à la baisse par les historiens et passe au second plan chez la plupart. La honte nationale a disparu, nul besoin désormais de paravent, de fltre, la plaie de Troyes ne saigne plus. Les arts, la littérature, la scène l'oublient également. Elle n'est plus qu'une vague silhouette dans quelques parutions éparses.
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Alors, que retenir de la postérité d'Isabeau de Bavière? D'abord que son infamie supposée a protégé rétrospectivement l'honneur des Valois et de la France. Parler d'elle, C'est ne pas parler, ou en tout cas atténuer, des vérités difficiles à admettre pour les tenants de l'ordre monarchique et/ou politique. C'est aussi oublier la maltraitance du roi envers son épouse en inversant victime et bourreau. Ainsi une reine battue, dépensière et sans envergure se transforme-t-elle en bouc émissaire chargé des catastrophes et crimes d'un règne.
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II faut attendre la seconde du XXe siècle pour que s'opère une réévaluation globale de la reine, surtout du principal grief à son égard, le traité de Troyes. L'approche dépassionnée de l'historien anglophile Edouard Perroy (1901-1974) est un premier pas. Dans un livre consacré à la guerre de à Cent Ans paru en 1945, il rappelle combien le traité fut victime d'anachronisme, les gens du Moyen Âge ignorant ce patriotisme moderne né bien après eux et tous ne condamnant pas forcément ledit accord. Une décennie plus tard, I'historien belge Paul Bonenfant (1899-1965) recentre la réflexion sur le meurtre de Montereau comme événement décisif, et non plus la soi-disant vindicte d'Isabeau à l'égard de son fils. Un traité qui par ailleurs, pour le spécialiste Jean-Marie Moeglin, n'a jamais envisagé l'intégration de la France à lAngleterre, et qui aurait, selon la médiéviste anglaise Anne Curry, suscité à l'époque d'Henri V nombre de réticences outre-Manche. En somme, beaucoup de bruit et de haine anachroniques contre une souveraine guère responsable, en tout cas pas coupable d'un accord lui-même peut-être pas si menaçant pour la France.
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Isabeau, l'amie conspuée des Anglais par Vichy, est devenue Isabeau la collabo. Les occupants du camp de la trahison ont changé, sauf Isabeau, toujours condamnée à perpétuité.
Quant au côté allemand, son origine bavaroise, si l'on se fie au travail historique d'un ancien professeur du lycée de Sarreguemines, eut un effet inopiné. Lors de la germanisation de la Moselle en 1940, incorporée au Reich comme I'Alsace, la plupart des statues de Jeanne d'Arc purent être conservées dans les églises, car cette sainte paraissait être la nièce de la reine Isabeau et pouvait servir au rapprochement franco-allemand.
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