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EAN : 9782708253841
96 pages
ATELIER (17/02/2022)
4.3/5   5 notes
Résumé :
En 1938, lors des grandes grèves chez Citroën, le photographe Willy Ronis réalise un reportage pour le magazine Regards dans l'usine Javel à Paris. Il prend en photo Rose Zehner, militante et ouvrière, alors qu'elle harangue une foule de camarades. Mécontent de la qualité de la photographie, il ne la confie pas à la rédaction du journal et l'oublie. Ce n'est qu'en 1980 que Willy Ronis, parcourant ses archives, retrouve ce cliché. L'année suivante, L'Humanité le publ... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (4) Ajouter une critique
Je remercie le site Babelio et son opération masse critique, ainsi que Les éditions de l'Atelier pour la réception de ce beau livre, que je n'aurais peut-être pas découvert sans cela, s'ouvrant sur un étonnant poème de Jacques Prévert intitulé « Citroën ».

Au printemps 1938, Willy Ronis vient de se débarrasser du magasin de photographie hérité de son père récemment décédé. Il détestait rester enfermé dans le laboratoire et trouve sa voie dans la prise de vue de témoignage, sur le vif. C'est ainsi qu'il « réalise des photos pour des entreprises industrielles, de la photo de catalogue et des reportages ruraux qu'il place dans des revues de demi-luxe comme Plaisirs de France. » Il collabore avec le périodique communiste Regards et fréquente les photographes en vue de l'époque, David Seymour (Chim) et Capa.

Le 25 mars 1938, il franchit les portes de Citroën, à Javel dans le 15e arrondissement. Vous savez, là où le calme cossu du « parc André-Citroën » a remplacé les usines fermées depuis 1974, ayant déménagé entre 1975 et 1982, transférant la plupart des activités vers Aulnay-sous-Bois (Seine-Saint-Denis), effaçant les dernières traces du labeur des dizaines de milliers de travailleurs pendant soixante ans.

A Javel, en ce début d'année 1938, l'usine est occupée pendant un mois, une grève importante dont on parle rarement dans les livres d'histoire. Les photos de Willy Ronis présentent le monde ouvrier d'une manière singulière, témoignent des prises de parole dans les ateliers, des piquets de grève, de l'organisation de tout ce temps dans l'usine. Les dimanches se muent en jour de bal, attirant la population du quartier, les haut-parleurs diffusent des airs de jazz, des démonstrations de boxe sont organisées et Fréhel ou le Théâtre du Peuple se produisent dans l'usine.

Rose Zehner est sur tous les fronts. La célèbre photo, celle de la couverture du livre, où elle apparaît haranguant toutes ces femmes autour d'elle, est passée à la postérité. Tout à la fois symbole de lutte ouvrière et début de libération de la parole des femmes avec qui il faudra compter dorénavant. Tanguy Perron raconte la naissance de cette image, les négatifs du photographe confiés à des amis pendant la guerre, récupérés à la libération, la photo de Rose retrouvée par Willy Ronis des décennies plus tard, publiée dans une monographie du photographe en 1980, puis dans l'Humanité et exposée à Beaubourg avant de faire le tour du monde. A l'occasion du tournage d'un documentaire elle rencontrera son photographe...

Loin des grèves victorieuses de 1936, celles de 38 se terminent par une répression féroce à partir de novembre. Rose et plus de six cents syndicalistes sont licenciés. Elle et son mari, lui aussi licencié par Citroën, ouvrent un bistrot à proximité des usines, nommé curieusement : Où-va-t-on ? La réponse, terrible, ne pas tarder... La police fermera définitivement l'établissement au début de la guerre en janvier 1940. le couple survivra après bien des péripéties à la guerre. Rose connaîtra même une belle longévité, décédant 50 ans après les grèves de 1938. Reste une icône à la formidable énergie militante, symbole des espoirs de l'époque.

Tangui Perron est historien, spécialiste des rapports entre mouvement ouvrier et cinéma, chercheur associé au Centre d'histoire sociale et correspondant du Dictionnaire biographique du mouvement ouvrier et social « le Maitron ». Chargé du patrimoine audiovisuel au sein de l'association Périphérie, il poursuit un travail d'éducation populaire et de programmation en région parisienne.

Pour le centenaire de la naissance de Willy Ronis en 2010, de nombreux évènements artistiques ont célébré cet immense photographe. le Musée du Jeu de Paume Paris, consacré à l'image et à la photographie, a organisé à cette occasion une superbe exposition rétrospective de toute son oeuvre. J'ai eu la chance de voir celle-ci alors qu'elle était présentée ensuite au château de Tours (37).
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Chronique complète avec illustrations (quelques unes des photos présentées dans le livre) sur le site Bibliofeel ou sur Facebook et Instagram à clesbibliofeel.

Lien : https://clesbibliofeel.blog
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Cette photo de Willy Ronis et qui montre Rose Zehner, syndicaliste militante, debout sur une table, haranguant ces ouvrières de l'usine Citroën est devenue célèbre dans le monde entier. Pourtant, elle avait été oubliée pendant près de quarante ans et avec elle, un pan de la lutte ouvrière de ces années-là.
Historien, Tangui Perron fait revivre ces journées de grève de 1938 et nous explique le contexte où, à la même époque se joue la guerre d'Espagne.
Très tôt, Willy Ronis s'est passionné pour la photo reportage des mouvements sociaux. C'est ainsi que pour la revue Regards il arrive « le 25 mars 1938 au matin devant l'usine Citroën, à Javel dans le 15e arrondissement de Paris. » Il prendra ce jour-là une quarantaine de clichés dont celui montrant Rose Zehner. Ce cliché, il ne le propose pas au journal, « ne disposant pas de papier assez contrasté pour le tirage d'une photo qu'il craignait sous-exposée. » Voilà comment cette photo a joué la belle au bois dormant durant 40 ans !
Willy Ronis, qui a réussi à passer le piquet de grève et à se faufiler dans l'usine, découvre un autre monde. Il « photographie un espace peuplé d'ouvrières et d'ouvriers, une organisation, les moments d'une grève avec occupation, une série de scènes et de tableaux »
L'occupation des lieux laisse du temps qu'on meuble comme on peut et le photographe a su saisir la spontanéité de ces joueurs de cartes ou de dames, des parties de foot. Les femmes, elles, tricotent, c'est ce qu'on voit sur la photo de Rose Zehner. Les clichés de Willy Ronis font office de témoignage sur le travail de ces ouvrières car la chaîne de Javel avait grand besoin de cette main-d'oeuvre féminine.
En 1981, cette image de Rose va être publiée dans l'Huma, elle sera aussi exposée à Beaubourg, image où, c'est l'auteur qui le dit, « la lumière et la scénographie ne sont pas sans rappeler le serment du jeu de paume de David ou La liberté guidant le peuple de Delacroix. Voilà comment un cliché oublié est passé à la postérité.
Illustré des photos de Willy Ronis mais aussi d'affiches de cinéma et de couvertures de la revue Regards, cet essai nous fait découvrir une période de luttes sociales.
Je remercie Les éditions de l'Atelier et Masse critique de Babelio pour la découverte et la lecture de cet ouvrage fort bien documenté de Tangui Perron.
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Je me souviens très bien quand cette photo est "ressortie" des cartons le temps d'un expo inédite . je devais avoir une vingtaine d'années et j'étais fascinée par la force qui s'en dégageait.
L'auteur est historien et s'attache à retracer l'histoire de cette photo, de son auteur dans le fil de sa carrière et évidement contextualise dans une France qui traverse à la fois une crise économique et politique : nous sommes en 1938, la Front Populaire se meurt, la guerre d'Espagne est le sujet principal des conversations ouvrières tandis que Hitler commence à faire resonner les bottes. Willy Ronis est alors un jeune photographe qui a hérité de l'affaire de son père mais photographier les familles ou les photos d'identité ne le font pas frémir . C'est la photo sociale qui l'intéresse et c'est pour le magasine Regards qu'il effectue une série de photos (que c'est émouvant de découvrir le parcours de Willy dans l'usine au fil de la pellicule) à l'usine Citroën Javel .Très intéressant de donner un nom, découvrir cette militante et toute une histoire sociale à travers cette photo.
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Cette photo est présentée dans les manuels d'histoire et je l'ai découverte sur un sujet de bac pro il y a quelques années consacré à la mise en scène de la parole.

Cette photo représente une femme, une ouvrière aux cheveux coupés courts, haranguant une foule composée uniquement d'ouvrières. Elle a le bras gauche pointé en avant, déterminé, et ses auditrices boivent ses paroles.

Qui est-elle, cette femme immortalisée en 1938 lors d'une grève par Willy Ronis?
Elle s'appelle Rose Zehner, et Tangui Perron retrace le contexte de la photo, présentant en même temps le parcours du photographe et de son sujet.
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Citations et extraits (5) Ajouter une citation
Elle est là, Rose, dominant par son corps, son geste et sa voix, ses camarades d'atelier, ses copines, à qui elle indique le sens de la lutte - à moins qu'elle ne désigne ces salauds d'en face qui ne veulent rien entendre.
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L'auditoire, nombreux, qui écoute la harangue de Rose Zehner est en effet exclusivement composé de femmes.
Car Rose est une femme, Rose est une femme et elle s'adresse à un auditoire de femmes.
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Les temps ont changé. Leur souvenir et leurs rêves se sont quasiment effacés, mais Rose et son image nous parlent encore d’un espoir commun.
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Sur les photos de Ronis, des femmes, on n’en voit pas jouer au foot, aux cartes, aux dames ni écouter la radio – les loisirs, en temps d’occupation, sont donc sexués, et le temps libre des hommes est plus récréatif. Par contre, l’on en voit beaucoup faire du crochet, du tricot et de la broderie.
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Les photos de Willy Ronis nous remémorent ainsi l’existence d’une entreprise et de ses ouvriers, dont il ne reste rien, absolument rien, si ce n’est un parc sans mémoire portant le nom d’un petit homme.
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