Dans un futur pas si lointain, une étrange maladie, la calcification, transforme les hommes en statues de pierre. Aniel s'engage afin de travailler dans l'une des structures de soins mises en place et de tenter d'apaiser sa propre histoire familiale.
Aniel et son frère Camille ont connu les encombrements créés par les Moaïs dans les villes et dans les maisons. Depuis, le « mouvement » a révolutionné les moeurs et a permis à l'Etat et à la société civile de s'attaquer à ce problème. La calcification, cette maladie qui transforme irrémédiablement certains hommes en statues de pierre appelées Moaïs, est enfin traitée. On « stocke » dans d'immenses hangars les statufiés sans retour possible et on déplace ceux qui peuvent encore être soignés dans de vastes dispensaires. Paul, le père d'Aniel fait partie de ces derniers, Aniel s'est donc engagé dans le « Grand déblaiement Moaï » et travaille dans le dispensaire qui accueille son père. Mais depuis une douzaine de jours, Camille n'a plus de nouvelles de lui, qui semblerait avoir démissionné. Il décide alors de partir à sa recherche dans le dispensaire où il a été vu pour la dernière fois.
C'est là que l'on apprend que la calcification intervient sur des hommes le plus souvent âgés, emmurés dans leur fierté virile. Ils se déconnectent de leur vulnérabilité et de leurs émotions pour ne pas perdre la face et c'est ainsi que la calcification les envahit, les isolant de leurs proches puis finalement de la vie, les transformant en immenses statues de pierre.
Ce récit fantastique est fortement traversé de symboles et de métaphores. Gwenaël Manac'H aborde ici le sujet de la masculinité toxique et s'essaie à sa déconstruction. Au travers du regard des deux frères, il montre le cheminement à faire sur soi et vers les autres, mais aussi les confrontations familiales qui en découlent. L'auteur dépoussière la société patriarcale gangrénée par les silences et les non-dits qui ne sont que le résultat de l'injonction sociétale et du carcan dans lequel elle enferme les hommes qui doivent se montrer forts, fiables tout en dissimulant leurs émotions, jusqu'à se statufier.
Il est très intéressant de voir comment la société se « débarrasse » de ce qu'elle a elle-même crée. Ici c'est l'obligation pour les hommes d'être viriles, solides mais n'importe quelle injonction sociétale peut être traitée de même au travers de ses effets pervers et de ses excès.
Les dessins sont extrêmement bien travaillés et la calcification parfaitement bien rendue par des effets grisés qui envahissent peu à peu les personnages concernés.
« Lu dans le cadre du Prix Orange de la BD 2024. Je remercie Lecteurs.com ainsi que les Editions 6 pieds sous terre pour cet envoi. »
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Le grand déblaiement a eu lieu. L'état a dû prendre les choses en mains, aider les familles à évacuer les hommes atteints par la calcification. Ils sont accueillis dans des dispensaires. Camille, 19 ans, s' y rend pour la première fois. Qui vient-il voir ?
Le récit va faire des allers et retours dans le temps. Des hommes se sont transformés peu à peu en moaï, cela pèse sur les membres de la famille, sur la société. L'idée de les prendre en charge se développe,
Dans cette dystopie originale au dessin doucement fantastique, Gwenaël Manac'h trouve en ces statues de pierre une métaphore originale pour illustrer des maux de notre société, entre masculinité toxique et fierté virile,
Du coeur de pierre au moaï, ce récit touchant est parvenu à me captiver et à me faire réfléchir en même temps. Une jolie surprise que je t'invite à découvrir !
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Une dystopie originale et percutante
Parfois, pour nous amener à réfléchir et à prendre du recul, il peut être intéressant de ne pas aborder les choses frontalement. C'est ce que nous propose ici Gwenaël Manac'h. Dans cette bd, au départ, on tourne les pages sans trop comprendre de quoi il est question, si ce n'est qu'une maladie touche les hommes. Et seulement les hommes. Pourquoi ? Envie de comprendre ce mystère, on poursuit donc la lecture qui nous amène dans des allers/retours au niveau narratif.
L'imaginaire de l'auteur vient mettre à mal certaines injonctions sociales de notre société. de manière très symbolique et surprenante, il vient nous exprimer un propos fort, l'importance de laisser surgir nos émotions au risque sinon, que notre coeur ne se transforme en coeur de pierre, et nous en des statues, vides de toute vie, n'ayant plus trace d'humanité.
Graphiquement, c'est une réussite. Un travail important est à l'oeuvre pour rendre visible cette maladie qui s'insinue progressivement dans la chair des hommes en utilisant toute une palette de gris.
Album à mettre dans les mains de certaines personnes si vous avez un message à faire passer et à lire et partager tout simplement pour le beau moment de lecture et de réflexion qu'il procure.
Lu dans le cadre du Prix Orange de la BD 2024. Merci à Lecteurs.com et aux Editions 6 Pieds Sous Terre pour l'envoi.
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L'humanité à un nouveau problème sociétal : les gens qui se referment sur eux-mêmes se transforment en statue Moaï (celles de l'île de Pâques). Un établissement est créé pour les soigner et les faire redevenir humain. Nous suivons Camille, dont le frère a disparu et le père est en train de se transformer et qui va être à la recherche de réponse.
Une superbe BD. Les dessins sont beaux et bien travailler, l'aspect calcification rend très bien. Mais c'est surtout le scénario qui m'a retenu et subjugué : une superbe idée qui permet de mettre en avant les dérives de nos sociétés : masculinité toxique, apprendre à échouer, pression du travail et bien évidemment les relations familiales.
Je me suis laissé porté du début à la fin, non sans émotion et j'ai refermé la BD l'esprit en pleine réflexion sur ma propre vie.
Un coup de coeur pour ma part.
À lire si vous aimez les idées originales, les BD avec un sens, ou si vous êtes fan des statues Moaï.
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L’auteur de « Pierres de famille » imagine un monde qui exclut les différences. Sujet grave traité avec émotion, parfois avec légèreté, tout le temps avec justesse.
Lire la critique sur le site : OuestFrance
La métaphore, filée tout au long de l’album, est assez astucieuse pour aborder avec légèreté la lourde thématique de la masculinité toxique.
Lire la critique sur le site : LeMonde
" Les Moaïs sont un problème pour notre société "
Ils sont là.
Ils sont tous là, remisés finalement.
Une véritable armée, désuète.
Une armée de soldats de l'inutile.