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EAN : 9782707301161
417 pages
Editions de Minuit (01/03/1960)
4.31/5   13 notes
Résumé :
Cette œuvre célèbre du grand philosophe hongrois peut être considérée comme le livre-clé de la pensée marxiste de la première moitié du XXe siècle. Elle paraît aujourd’hui pour la première fois en traduction, dans un texte intégral précédé d’une étude philosophique et historique par Kostas Axelos.
Rédigé directement en langue allemande, et tiré à quelques centaines d’exemplaires seulement, Geschichte und Klassenbewusstsein a été publié à Berlin en 1923 et ses... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (1) Ajouter une critique
Dans le processus de pensée critique mettant en lumière les structures aliénées et aliénantes de la société présente, "Histoire et conscience de classe", paru en 1923, est une étape importante après Marx et tout particulièrement en prolongement de ses découvertes dans "Le Caractère fétiche de la marchandise et son secret", dans le cheminement de cette pensée qui permet d'envisager un autre type d'organisation sociale.
Une société qui permettrait à l'humain de se libérer de la chosification (réification) de son être par la domination de la logique marchande. Sa conceptualisation en cet ouvrage du phénomène de réification fut incontestablement un apport décisif à la pensée critique du Vingtième siècle, littéralement incontournable pour tous ceux qui veulent comprendre notre temps.
On ne sera donc pas surpris par le fait que Lukacs fut contraint de renier ce livre et les principales thèses qu'il y défendait par la bureaucratie lénino-stalinienne, représentante de la domination, dans ce capitalisme étatique que fut l'union "soviétique".
Quand par exemple, il y a 90 ans, il affirmait déjà :
" Il nous faut commencer à voir clairement que le problème du fétichisme de la marchandise est un problème spécifique de notre époque et du capitalisme moderne. (...) Il s'agit ici de savoir dans quelle mesure le trafic marchand et ses conséquences structurelles sont capables d'influencer TOUTE la vie, extérieure comme intérieure, de la société. La question de l'étendue du trafic marchand comme forme dominante des échanges organiques dans une société, ne se laisse donc pas traiter - en suivant les habitudes de pensée modernes, déjà réifiées sous l'influence de la forme marchande dominante - comme une simple question quantitative. La différence entre une société où la forme marchande est la forme qui domine et exerce une influence décisive sur toutes les manifestations de la vie, et une société où elle ne fait que des apparitions épisodiques, est bien plutôt une différence qualitative."
Ou encore dans cette réflexion dont personne ne devrait pouvoir ignorer la signification et la lourdeur toute contemporaine . "Le temps est tout, l'homme n'est plus rien ; il est tout au plus la carcasse du temps. Il n'y est plus question de la qualité. La quantité seule décide de tout : heure par heure, journée par journée. le temps perd ainsi son caractère qualitatif, changeant, fluide : il se fige en un continuum exactement délimité, quantitativement mesurable, en un espace."
"(...) La personnalité devient le spectateur impuissant de tout ce qui arrive à sa propre existence, parcelle isolée et intégrée à un système étranger."
"Ce qui, dans son destin, est typique pour la structure de toute la société, c'est qu'en s'objectivant et en devenant marchandise, une fonction de l'homme manifeste avec une vigueur extrême le caractère déshumanisé et déshumanisant de la relation marchande."
"Avant tout, l'ouvrier ne peut prendre conscience de son être social que s'il prend conscience de lui-même comme marchandise."
"Le caractère spécifique du travail comme marchandise, qui sans cette conscience est un moteur inconnu de l'évolution économique, s'objective lui-même par cette conscience. Mais en se manifestant, l'objectivité spéciale de cette sorte de marchandise, qui, sous une enveloppe réifiée, est une relation entre hommes, sous une croûte quantitative, un noyau qualitatif vivant, permet de dévoiler le caractère fétichiste DE TOUTE MARCHANDISE, caractère fondé sur la force de travail comme marchandise."
La valeur théorique exceptionnelle d' "Histoire et conscience de classe" fut fort vite saisie par les observateurs attentifs de la réalité historique et sociale. Ainsi, en 1929, Walter Benjamin le présentait ainsi "Le plus achevé des ouvrages de la littérature marxiste. Sa singularité se fonde sur l'assurance avec laquelle il a saisi, d'une part, la situation critique de la lutte des classes dans la situation critique de la philosophie et, d'autre part, la révolution désormais concrètement mûre, comme les conditions préalables absolues, voire l'accomplissement et l'achèvement de la connaissance théorique. La polémique lancée contre cet ouvrage par les instances du Parti Communiste, sous la direction de Deborin, témoigne à sa façon de son importance »
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Citations et extraits (15) Voir plus Ajouter une citation
De plus en plus se développe le sentiment que les forces sociales (la réification) dépouillent l'homme de son essence d'homme, que plus la culture et la civilisation (c'est-à-dire le capitalisme et la réification) prennent possession de lui, moins il est en état d'être homme. Et la nature devient - sans qu'on ait pris conscience du renversement complet dans la signification de ce concept - le réceptacle où se rassemblent toutes les tendances intérieures agissant contre la mécanisation, la privation d'âme, la réification croissantes. Elle peut de la sorte prendre la signification de ce qui, par opposition aux formations artificielles de la civilisation humaine, a eu une croissance organique et n'a pas été créé par l'homme. Mais elle peut aussi être saisie comme cet aspect de l'intériorité humaine qui est resté nature ou, tout au moins, a la tendance, la nostalgie, de redevenir nature. « Elles sont, dit Schiller à propos des formes de la nature, ce que nous fûmes, elles sont ce que nous devons redevenir ». (...) La nature est alors l'être humain authentique, l'essence vraie de l'homme libérée des formes sociales fausses et mécanisantes, l'homme en tant que totalité achevée, qui a surmonté ou surmonte intérieurement la scission entre théorie et praxis, entre raison et sensibilité, entre forme et matière ; pour cet homme la tendance à prendre forme n'est pas une rationalité abstraite laissant de côté les contenus concrets, car la liberté et la nécessité coïncident.
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Ainsi les abstractions les plus générales ne se développent que dans l'évolution concrète la plus riche où une chose apparaît à plusieurs en commun, commune à tous. Alors elle cesse de pouvoir être pensée uniquement sous forme particulière ». Cette tendance de l'évolution capitaliste va cependant encore plus loin ; le caractère fétichiste des formes économiques, la réification de toutes les relations humaines, l'extension croissante d'une division du travail qui atomise abstraitement et rationnellement le processus de production sans se soucier des possibilités et des capacités humaines des producteurs immédiats, transforme les phénomènes de la société et avec eux leur aperception. Des faits « isolés » surgissent, des ensembles de faits isolés,des secteurs particuliers ayant leurs propres lois (théorie économique, droit, etc.), qui semblent être déjà, dans leur apparence immédiate, largement élaborés pour une telle étude scientifique.Si bien qu'il peut sembler particulièrement «scientifique » de pousser jusqu'au bout et d'élever au niveau d'une science cette tendance déjà inhérente aux faits eux-mêmes. Tandis que la dialectique qui - par opposition à ces faits et à ces systèmes partiels isolés et isolants - insiste sur l'unité concrète du tout et démasque cette illusion en tant qu'illusion, produite nécessairement par le capitalisme, fait l'effet d'une simple construction.
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Avant tout, l'ouvrier ne peut prendre conscience de son être social que s'il prend conscience de lui-même comme marchandise
(...)Le caractère spécifique du travail comme marchandise, qui sans cette conscience est un moteur inconnu de l'évolution économique, s'objective lui-même par cette conscience. Mais en se manifestant, l'objectivité spéciale de cette sorte de marchandise, qui, sous une enveloppe réifiée, est une relation entre hommes, sous une croûte quantitative, un noyau qualitatif vivant, permet de dévoiler le caractère fétichiste DE TOUTE MARCHANDISE, caractère fondé sur la force de travail comme marchandise.
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Évidemment, toute connaissance de la réalité part des faits. Il s'agit
seulement de savoir quelles données de la vie méritent (et dans quel contexte méthodologique) d'être considérées comme des faits importants pour la connaissance. L'empirisme borné conteste, à vrai dire, que les faits ne deviennent à proprement parler des faits qu'à travers une telle élaboration méthodologique -différente suivant le but de la connaissance. Il croit pouvoir trouver dans toute donnée, dans tout chiffre statistique, dans tout fait brut de la vie économique, un fait important pour lui. Il ne voit pas que la plus simple énumération de « faits », la juxtaposition la plus dénuée de commentaire est déjà une « interprétation », qu'à ce niveau déjà les faits sont saisis à partir d'une théorie, d'une méthode, qu'ils sont abstraits du contexte de la vie dans lequel ils se trouvaient originairement et introduits dans le contexte d'une théorie. Les opportunistes, plus raffinés, malgré leur répugnance instinctive et profonde pour toute théorie, ne le contestent nullement, mais ils invoquent la méthode des sciences de la nature, la façon dont celles-ci sont capables de médiatiser les faits « purs » par l'observation, l'abstraction et l'expérimentation et sont capables de fonder leurs relations ; et ils opposent aux constructions violentes de la méthode dialectique un tel idéal de connaissance.

Le caractère spécieux d'une telle méthode, réside en ceci que le développement même du capitalisme tend à produire une structure de la société qui va au devant de tels procédés de pensée ; mais nous avons, justement ici et à cause de cela, besoin de la méthode dialectique, pour ne pas succomber à l'illusion sociale ainsi produite, pour pouvoir, derrière cette illusion, entrevoir l'essence.
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Le temps est tout, l'homme n'est plus rien ; il est tout au plus la carcasse du temps. Il n'y est plus question de la qualité. La quantité seule décide de tout : heure par heure, journée par journée. Le temps perd ainsi son caractère qualitatif, changeant, fluide : il se fige en un continuum exactement délimité, quantitativement mesurable, en un espace.
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