Qu'est-ce qu'une trilogie en littérature ? Pour les uns, ce sont trois oeuvres portant sur un même thème ; pour les autres, trois oeuvres dont les sujets se suivent et se complètent, cette dernière configuration méritant plutôt, dans le cas de romans, le qualificatif de « série ». La différence est importante. Dans Les Enfants du désastre,
Pierre Lemaitre regroupait
Au revoir là-haut,
Couleurs de l'incendie et
Miroir de nos peines, trois romans totalement indépendants, s'inscrivant dans une illustration de la société française allant de la Première à la Seconde Guerre mondiale. D'un titre à l'autre de cette trilogie, les liens entre les personnages étaient très ténus, les intrigues n'avaient aucun rapport.
Il en est différemment avec la nouvelle « trilogie » que
Pierre Lemaitre a baptisée Les Années glorieuses. Son deuxième opus,
le Silence et la Colère, est la suite du premier,
le Grand Monde ; ses personnages, Louis, Angèle, Jean, François, Hélène, Geneviève, Nine, sont les mêmes, trois ou quatre ans plus tard. Il n'est qu'un passage, un relais, puisqu'il me faudra attendre le troisième volume, pour connaître la fin de leurs parcours… si j'ai envie de la connaître, ce dont je ne suis pas certain !…
Le Grand Monde m'avait passionné. Les péripéties imaginées par l'auteur étaient adossées à d'authentiques événements d'envergure datant de l'après-guerre, aujourd'hui oubliés, notamment l'affaire des piastres en Indochine coloniale, un véritable scandale d'Etat, selon une expression qu'on n'utilisait pas alors et qu'on a pris l'habitude d'entendre de nos jours à tout propos. La mise en eau d'un barrage, un harcèlement judiciaire à l'avortement et un bidouillage de matches de boxe font pâle figure à côté. Pas vraiment de quoi substituer la colère au silence !
Pierre Lemaitre est très inventif, ses livres se suivent et ne se ressemblent pas. A moins, dans le cas présent, qu'ils ne se ressemblent… trop ! Après
le Grand Monde, rien de neuf dans
le Silence et la Colère ! C'est un livre volumineux, plus de cinq cents pages ; on peut les tourner rapidement, car il ne s'y passe rien. J'apprécie l'auteur, j'ai été jusqu'au bout, j'ai espéré, mais rien !
Sur
le Grand Monde, j'avais écrit que le romanesque léger des péripéties me rappelait les aventures de Tintin. C'était un commentaire bienveillant. Dans
le Silence et la Colère, la platitude des intrigues, la loufoquerie de certaines scènes (le conflit social chez Dixie) et les gesticulations des « méchants » (Geneviève, le policier Palmari) sont tellement caricaturales, qu'elles m'ont plutôt fait penser au Théâtre de Guignol. Qu'on me pardonne ma rosserie, je sais que beaucoup ont aimé ce livre. Moi, j'attendais mieux de ce grand écrivain !
Depuis que je publie sur Babelio, c'est le cinquième roman de
Pierre Lemaitre que je critique. J'ai beaucoup aimé certains.
Au revoir là-haut était un chef-d'oeuvre. Je le clame haut et fort et je revendique le droit de dire clairement quand ça ne me plait pas.
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