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Critiques filtrées sur 5 étoiles  
Ce splendide roman graphique est un cri d'amour à la vie et à la musique, l'histoire d'un homme et une femme, d'un lieu ...
Le château d'Hérouville !
Michel Magne, musicien surdoué, en fit, dans les années 70, un studio d'enregistrement prestigieux où se succédèrent quelques uns des plus grands artistes rock de l'époque :
- David Bowie, Pink Floyd, Elton John, Iggy Pop, , Magma, Bill Wyman, Gene Kelly et bien d'autre vedettes internationales et françaises.
La couverture de l'album est très colorée, flashy presque.
L'histoire qui est ici contée est une aventure hors norme, celle d'un homme à la passion démesurée, ainsi que celle d'une femme libre et moderne.
Le dessin est comme tracé au service du récit.
Il est agréable à l'oeil et soigné.
La mise en page, intercalant aux cases des documents : photos, articles de journaux et biographie illustrée, est ingénieuse et efficace.
Paru en 2020 aux éditions Delcourt, cet album est signé Yann le Quellec et Romain Ronzeau.
C'est une belle réussite.
C'est un album de coeur qui a su éviter les pièges d'un manichéisme souvent accroché à ce genre d'ouvrage.
Le personnage de Michel Magne est tour à tour brillant, ou sombre.
Ainsi va la vie ...
Et, la colorisation réalisée de main de maître y ajoute à l'émotion.
Le personnage de Marie-Claude est tout en sensibilité, en finesse et délicatesse.
L'histoire est belle de cet amour qui se délite, de cet homme qui finit par sombrer et de ce lieu où un vieux piano deviendra le seul vrai souvenir posé au milieu de ses ruines.
Les personnages secondaires sont prestigieux.
David Bowie y crève l'écran, pourrait-on presque dire.
Celui du cuisinier-poète est une belle pastille.
On retrouve ici la démesure et la chaleur des années 70.
Dans le récit bien sûr, encore et toujours dans la colorisation, dans le dessin naturellement, et dans l'inventivité de la forme et du cadrage de l'ensemble.
Quelques postfaces, une discographie, et de nombreuses photos viennent clore l'album, un album que l'on peine à quitter comme on a du mal à se sortir d'une belle et triste histoire ...
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Les amants d'Hérouville.
Lui : Michel Magne, quadragénaire, compositeur fantasque de musiques de films, entre autres.
Elle, Marie-Claude, sa jeune & jolie compagne de seize ans.
Le château d'Hérouville, XVIIIe siècle, qui abrite leur amour. Pas vraiment un nid de tourtereaux puisque le compositeur y reçoit beaucoup de monde (amis, musiciens, gens du village... et quelques parasites aussi) dans une ambiance arrosée et LSDée, donc joyeusement débridée.
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Je ne connaissais pas ce compositeur avant de découvrir cette BD. J'ai d'abord cru que cet album documentaire travestissait le nom de Michel Legrand en Magne.
L'artiste/l'homme mérite d'être connu : génial, fantasque, hyperactif, hypersensible, excessif, généreux. Il a travaillé avec d'autres surdoués : Sagan, Cocteau, Vian, Sempé...
Même si cet univers de débauche m'effraie plus qu'il ne m'attire, j'aurais aimé être là avec Bowie & Ziggy Stardust, Higelin & 'Champagne !' ♪♫ ...
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Ce portrait touchant est très réussi, rendant cet 'avant-gardiste flambeur' aussi attachant qu'inquiétant, dans un cadre champêtre & décadent. Mais selon moi, c'est le deuxième rôle qui a le plus de relief, nous touchant de sa grâce à chaque page ; Marie-Claude, la douce et patiente jeune femme, est bouleversante. Est-ce que l'amour peut suffire à calmer les démons d'un partenaire en quête d'absolu ?
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A lire ! Ne pas se laisser rebuter par les faux airs de roman-feuilleton, avec les photos d'époque. Cet assemblage de divers supports (dont coupures de presse) est une réussite.
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Sélection Cezam BD 2022.
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>> https://www.youtube.com/watch?v=gbnopvLQSuE
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Après la dernière page, on voudrait que l'aventure continue encore et encore... Que le château d'Hérouville continue à enregistrer des grands artistes du monde entier, que la musique de Michel Magne soit plus reconnue (Les tontons flingueurs et autres grands films) et que Marie-Claude sorte de l'anonymat. Un hommage à l'art, à la liberté, à la création, à la musique. Une B.D. documentaire d'une construction originale avec tour à tour des cases de dessins ou photos, des articles, des tableaux, des albums photos, des reportages. Je vous laisse découvrir toutes les stars qui y ont séjourné et même l'arbre de Jane Fonda. Plus édulcoré que le roman de Laurent Jaoui qui, lui, y décrivait aussi l'envers du décor. Un magnifique moment passé dans un lieu que les moins de vingt ans ne peuvent pas connaître.
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Ce tome contient une histoire complète, indépendante de toute autre. La première édition de cet ouvrage date de 2021. Elle a été écrite par Yann Quellec, avec la participation de Thomas Cadène, dessinée et mise en couleur par Romain Ronzeau. Il s'agit d'un ouvrage d'environ 250 pages. Les auteurs remercient Marcie-Claude Magne pour ses témoignages et l'accès à ses archives, Magali Magne et Serge Moreau pour leurs témoignages, et d'autres pour leur connaissance du château d'Hérouville et de la carrière de Michel Magne. Ils remercient également Bill Wyman, Sempé, Costa-Gavras et Eddie Mitchell pour leurs postfaces si personnelles et généreuses. le tome se termine par une histoire du château d'Hérouville richement illustrée par des oeuvres picturales de Michel Magne, et par sa discographie et ses musiques de film.

En 1969, un incendie détruit toute l'aile nord du château d'Hérouville, le lieu qui abritait toutes les partitions et toutes les bandes originales du compositeur Michel Magne. Pendant ce temps-là, il se fait attendre à un repas où ses amis sont déjà attablés au restaurant : il fait son entrée par la fenêtre, tout de noir vêtu. Un serveur vient lui apporter le téléphone alors qu'il évoque les Beatles à table. Il reprend le volant de son coupé sport et constate le désastre : toute sa musique, son oeuvre entière a brûlé. À l'été 1970, il fait la route au volant de sa Porsche de Paris à Hérouville, et il prend une jeune autostoppeuse : Marie-Claude Calvet, 16 ans. Il en a 40. Il lui laisse son numéro de téléphone. Elle le rappelle avec une copine et il lui propose de passer une journée au château. Il répond à la sonnette en traversant la pelouse dans son tenue moulante noire, avec son doberman à ses côtés. Une semaine plus tard il est chez les Calvet, et explique qu'il souhaite louer les services de Marie-Claude comme baby-sitter pour ses deux enfants Magali & Marin de 9 et 6 ans. Marie-Claude vient s'installer dans une chambre du château. Michel l'invite pour une fête donnée le soir dans le parc. Il y a des dizaines d'invités, un cheval, un batteur, un groupe de jazz. Comme à son habitude, Michel fait l'équilibriste sur une pile instable de chaises. Tout le monde finit habillé dans la piscine.

Le lendemain, Michel Magne revient du marché avec le cuisinier Serge Moreau et il lui expose ses projets : bâtir un studio pour réenregistrer tout ce qu'il a perdu dans l'incendie, inviter des artistes à enregistrer en résidence pour couvrir les frais. Serge est sceptique : il n'est pas certain que des artistes accepteront d'enregistrer loin de Paris. Il dit qu'il pense à l'Albatros de Charles Baudelaire. En 1970, le château d'Hérouville comprend une aile gauche à laquelle est accolé le bâtiment du réfectoire, une aile droite, une bergerie, une piscine, une mare, un donjon, une allée végétale, un court de tennis, dans un grand parc. Bientôt es travaux commencent et Marie-Claude s'occupe des enfants, tout en regardant ce châtelain à la belle prestance aller et venir. Les travaux vont bon train, avec des ouvriers, des techniciens, un responsable qui teste le son de chaque pièce en tirant des coups de pistolet. Il ne reste plus à Michel Magne que d'utiliser son Rolodex pour inviter les artistes.

Le Château d'Hérouville : un lieu mythique pour les musiciens, mais aussi pour les amateurs de musique pop et rock, ayant investi du temps pour déchiffrer toutes les mentions sur les pochettes d'album. Dans des interviews, les auteurs ont expliqué que leur première intention était de faire revivre ces moments d'enregistrement mythique, avec des artistes en résidence dans un site prestigieux, et des conditions d'hébergement fastueuses. Pour ce faire, ils ont contacté des témoins de cette époque, à commencer par Marie-Claude la veuve de Michel Magne (1930-1984), puis le cuisinier Serge Moreau. Au fil des discussions, leur projet a évolué en intégrant pour une plus grande part la biographie de Michel Magne, et sa relation avec Marie-Claude. Cette dernière leur a confié des archives photographiques dont ils ont incorporé une partie dans leur bande dessinée. le lecteur découvre donc bien plus qu'une simple reconstitution d'une époque disparue, ou que la simple évocation factuelle d'un microcosme artistique, pendant une courte période de 1970 à 1972.

L'ouvrage contient des morceaux d'anthologie des fêtes nocturnes où tout le monde termine dans la piscine, au concert gratuit donné par le groupe Grateful Dead le 21 juin 1971 au bénéfice des habitants du village, l'arrivée de Johnny Halliday avec Sylvie Vartan, le dirigisme de Tony Visconti, etc. le lecteur venu chercher l'ambiance de l'époque et les frasques du milieu en a pour son argent. Romain Ronzeau réalise des dessins dans un registre descriptif, avec des traits de contour un peu lâches, pour des personnages très vivants, et une reconstitution très évocatrice, sans aller jusqu'à une précision photographique. le lecteur peut donc reconnaître des éléments de la vie de tous les jours d'époque, comme les modèles de voiture, ou les tenues vestimentaires. Il peut se projeter dans chaque lieu : l'artiste a effectué un travail de recherche solide pour pouvoir les décrire. Par exemple, il est évident qu'il a étudié les équipements d'un studio d'enregistrement, ainsi que les phases de construction, même si es pages correspondantes donnent une impression d'esquisse rapide. Il met l'accent sur les activités humaines dans chaque endroit, avec un effet irrésistible, par exemple le test de l'acoustique avec un pistolet. le lecteur peut ainsi se projeter dans chaque environnement au milieu des personnes qui l'habitent : les studios du château d'Hérouville, le parc avec sa piscine, les bureaux des studios Davout, les appartements de la bergerie, la plage de Saint Paul de Vence, la place où l'on joue aux boules, le petit appartement parisien, la chambre d'hôpital au Centre Hospitalier du Kremlin-Bicêtre.

Le dessinateur représente les personnages avec un bon degré de simplification, parfois une forme de jeunisme. Cela leur confère une vitalité épatante, comme si le lecteur voyait plus leur vie émotionnelle. Il est impossible de résister au charme de Marie-Claude, sans jamais que cela ne devienne malsain, même si elle n'est pas majeure au début du récit. Les artistes célèbres sont facilement identifiables de Johnny Halliday à Jerry Garcia, en passant par Marc Bolan (T-Rex) Elton John, et Eddy Mitchell, ou Jean Yanne. le lecteur remarque que Michel Magne bénéficie d'un traitement un peu particulier : ni sa pupille, ni son iris ne sont visibles, son regard étant toujours limité à ses sourcils épais. Par ailleurs il dispose d'une silhouette plus athlétique, sans aller jusqu'au culturisme. Il est visible que les auteurs ont souhaité le mettre en scène comme une force plus que comme un être humain, lui donner une discrète aura de mythe. La narration visuelle s'avère très agréable par son entrain communicatif, et sa joie de vivre sous-jacente, ce qui crée un très fort contraste avec l'assombrissement progressif de Michel Magne pendant les dernières années de sa vie. Elle s'avère également très variée : Ronzeau conçoit des plans de prise de vue spécifique pour chaque scène, intègre des photographies à bon escient, ajoute des éléments plus symboliques comme des portées, intègre des respirations avec des pages dépourvues de texte, etc.

Arrivé à la page 41, le lecteur découvre un chapitre qui correspond à du texte illustré, et pas à une bande dessinée. Afin de d'ouvrir leur récit, les auteurs ont opté pour cette forme pour évoquer la biographie de Michel Magne (compositeur de 73 musiques de films, musicien, interprète, peintre) en plusieurs chapitres venant s'intercaler au cours de la bande dessinée : pages 41 à 47 Michel fait ses gammes (1930-1950), pages 103 à 111 À l'avant(-garde) 1950-1955 avec 1 dessin de Sempé pour la pochette d'un album de Michel Magne, pages 139 à 146 Les amitiés magnifiques de 1955 à 1960 (avec Françoise Sagan & Juliette Gréco), pages 171 à 175 Magne, star de la musique de films, de 1960 à 1965, pages 197 à 203 : Hérouville s'enflamme de 1965 à 1969. Dans un premier temps, le lecteur peut se demander si c'était bien nécessaire d'alourdir ainsi la bande dessinée, puis il se rend compte qu'il attend ces passages car la personnalité de Michel Magne est véritablement magnétique, et il souhaite en savoir plus sur cet être humain si formidable, cette puissance créatrice inépuisable. Il découvre ainsi progressivement un créateur hors norme, de musique de films mais aussi d'oeuvres picturales conceptuelles, d'oeuvres d'art modernes (les compositions réalisées avec les bandes magnétiques de ses propres enregistrements), la poursuite d'un rêve devenu inaccessible.

Les auteurs réalisent leur hommage sur les années fastes d'enregistrement aux studios d'Hérouville. En revanche, ils ne portent pas de jugement de valeur sur la vie de Michel Magne. Ils ne cachent rien de ses facettes délicates : un mauvais gestionnaire, un individu hanté par une forme de ténèbres, la séduction d'une mineure plus jeune de 24 ans que lui, mais aussi des aspects sous-jacents. Les auteurs ne souhaitent pas s'étendre sur des aspects comme les pique-assiettes, les amis qui le laissent tomber, vraisemblablement l'usage de produits stupéfiant (dimension quasi occultée sauf pour le LSD ajouté à l'insu des invités dans leur boisson à l'occasion du concert gratuit du Grateful Dead), la justice des hommes favorables aux affaires plutôt qu'aux rêveurs. Ils préfèrent développer la création que ce soit directement celle de Michel Magne, ou par l'entremise des poèmes récités par le cuisinier singulier d'Hérouville, Serge Moreau présentant ses plats aux invités en récitant L'albatros de Charles Baudelaire, Colloque Sentimental de Paul Verlaine, À Clymène de Paul Verlaine, ou encore Les caprices de Marianne d'Alfred Musset. le lecteur est laissé libre de penser ce qu'il veut de la vie d'un individu aussi singulier.

Il est possible que le lecteur vienne à cet ouvrage avant tout pour profiter de la reconstitution des fastes des conditions de vie des artistes en résidence pour enregistrer aux studios d'Hérouville. Avec le titre, il comprend bien qu'il sera également témoin de la relation amoureuse de Michel Magne, le propriétaire, avec sa compagne Marie-Claude. Il est très vite emporté par l'entrain de la narration visuelle, simple en apparence, riche en profondeur, et par la vie incroyable de Michel Magne. Il a vite fait de ressentir la même fascination que les auteurs, pour cet homme, pour ce créateur à l'énergie folle, et il les en remercie d'avoir fait évoluer une évocation très vivante et précise, en une évocation de sa vie.
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Les amants d'Hérouville, une histoire vraie, est un roman graphique qui surprend sur la forme et sur le fond.

Je connaissais Michel Magne, en tant que compositeur de musique de film, et son réputé studio d'enregistrement dans sa propriété d'Hérouville (95), de part les grands noms pop-rock qui y avaient enregistré. Ce livre est l'occasion de revivre un rêve - celui de Magne : offrir aux artistes un lieu convivial, propice à l'inspiration, et à la pointe de la technique de l'époque. Un projet mégalomaniaque pour un créateur un peu fou, compositeur non orthodoxe, provocateur par moments, dépensier à foison, incapable de suivre un budget.
Il a été suivi dans son entreprise par sa femme, Marie-Louise, rencontrée alors qu'elle servait de nounou aux enfants qu'il avait eu d'un mariage précédent. Un amour aussi fou et compliqué que pouvait être Michel Magne, toujours prêt à festoyer avec ses invités au « château » d'Hérouville. Un lieu où on mangeait bien, buvait beaucoup, et se couchait fort tard… Tous les grands noms des années 70 sont passés par là. La liste des disques enregistrés sur place en fin d'ouvrage est hallucinante.

Au passage, on côtoie des vedettes des années 60 et 70, Françoise Sagan en tête, Jean Yanne, Johnny Hallyday, Elton John, David Bowie.... , et on revit l'existence trépidante d'un rêveur qui poussé toujours plus loin les limites.

La forme surprend tout autant : la BD aux coloris vifs s'entrecroise avec des photos de l'époque, et même à certains moments avec des fiches documentaires. le tout sans rupture de ton. La passion des amants rejoint celle des rockeurs et chanteurs de l'époque. A la toute fin de l'ouvrage, une série de photos montre l'état désolant des bâtiments aujourd'hui. Une visite pleine de souvenirs pour Marie-Louise

Cette BD était un projet aussi fou que ceux de Magne. C'est une réussite totale. Vous n'écouterez plus de la même façon la musique des Tontons flingueurs, ou l'album Obscured by clouds des Pink Floyd.
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21 juin 2022, fête de la musique. Retournons 41 ans en arrière, Mais que s'est-il donc passé le 21 juin 1971 ? Et bien le mythique concert du Grateful Dead, improvisé dans les jardins du château d'Hérouville, propriété de Michel Magne en 1971 qui réunissait les habitants du village, des pompiers (en sus et place de gendarmes ou policiers) avec comme point d'orgue le plongeon dans le plus simple appareil de quelques pompiers et du préfet dans la piscine. Une fête ô combien mémorable pour tous les participants, une incroyable bacchanale. Il faut dire que les Grateful Dead avaient amélioré le breuvage servi ce soir-là en y ajoutant une substance illicite composée de 3 lettres. Quant au reste … cela ne nous regarde pas.


Alors quoi de mieux pour célébrer la fête de la musique que l'album Les amants d'Hérouville, une histoire vraie de Yann le Quellec et Romain Rondeau paru l'an dernier aux éditions Delcourt ? Quel meilleur ambassadeur que Michel Magne, ce génial touche-à tout, cette figure de la pop-culture à la vie romanesque et tragique  ? Quoi de mieux enfin que l'histoire des studios d'Hérouville, ce lieu mythique de l'histoire du rock ?
Rien qu'à la lecture des noms ornant la couverture, les décibels déferlent : Pink Floyd, Hallyday, Grateful Dead (bien sûr) , David Bowie, T Rex, Elton John, Gong, Eddy Mitchell, Iggy Pop, Magma, Eh oui tous et bien d'autres encore sont venus enregistrer un ou plusieurs albums dans ce petit bled paumé à 40 km de Paris devenu dans les années 70 un lieu emblématique de la scène musicale française et internationale, premier studio résidence au matériel d'enregistrement dernier cri et à l'hébergement haut de gamme dans un cadre inspirant.


En prologue de cette histoire vraie, un évènement dramatique : l'incendie en 1969 du fameux château qui en son temps avait abrité les amours de Frédéric Chopin et George Sand et servi de décor à un roman De Balzac, incendie qui entraîna la perte de toutes les compositions de musique de films et de musique d'avant-garde de Michel Magne . Et bien entendu, il n'avait aucune copie. Tout son travail de compositeur était partie en fumée. Mais ça, c'était avant les studios.
Petite anecdote en passant pour illustrer l'artiste d'avant-garde : le 3 décembre 1956, a eu lieu dans une salle parisienne la première d'un spectacle monté en compagnie de 3 jeunes artistes prometteurs dont l'un est bien connu des bédéphiles puisqu'il s'agit d'Alejandro Jodorowsky.
Quant aux films dont il a composé la musique, citons en passant Angélique, Compartiments tueurs, Fantomas, Belle de jour, Un singe en hiver et le cultissime Tontons flingueurs … Et oui, y'en a !
Mais revenons à l'album.
Les amants d'Hérouville, Ce n'est pas une biographie et encore moins une hagiographie. le côté sombre de l'artiste n'est pas occulté. Devant une vie tellement riche, foisonnante d'anecdotes et de rencontres prestigieuses, les auteurs ont dû faire des choix, définir une ligne directrice, un fil rouge. Ça sera sa grande histoire d'amour avec Marie-Claude, une jeune auto-stoppeuse.
Et c'est là que notre histoire commence, un an après l'incendie.

Juin 1970
Marie-Claude a 16 ans. Elle fait du stop pour rentrer chez elle. Une Porsche blanche s'arrête, un homme en noir en descend, Michel Magne. Invitée au château, elle va rapidement s'y installer en tant que baby-sitter avant de devenir sa femme 2 ans plus tard.
Et oui, comme le titre l'indique, les amants d'Hérouville c'est selon le point de vue que l'on adopte, une histoire d'amour un peu borderline entre un quadra et une ado de 16 ans ou un conte de fée des années 70 dans le décor rêvé du château d'Hérouville.
L'histoire d'amour entre Marie-Claude et Michel reste le sujet essentiel tandis que de courts intermèdes littéraires viennent combler les ellipses et éclairer la vie d'avant. Ainsi les informations concernant l'enfance, l'adolescence, ses amitiés avec Sagan, Gréco and co et les années vouées à la composition ne viennent pas perturber le fil narratif de la BD en elle-même.
Cette histoire d'amour coïncide avec la grande aventure des studios où le gratin de la pop venait chercher outre les conditions idéales d'enregistrement, luxe, calme et volupté. Enfin calme, c'est vite dit. Car les studios, c'étaient des fêtes somptueuses, des agapes à n'en plus finir sous la houlette de Serge Moreau, le chef cuisinier, vieux copain de Michel Magne du temps des vaches maigres, personnage truculent qui déclamait des poèmes tout en servant des plats qui eux n'avaient rien de maigre accompagnés des meilleurs crus.
Mais voilà si Michel Magne était un artiste visionnaire, c'était en revanche un piètre gestionnaire.
Et peu à peu, avec les déconvenues, son coté Hyde va l'emporter sur son côté Jeckyll. La noirceur et la mélancolie vont l'envahir. Cela se soldera par la perte des studios, puis du château, la séparation et enfin son suicide en 1984.


La grande réussite de cet album, outre son propos, c'est la forme que les auteurs lui ont donné. Impossible d'enfermer une vie aussi rock and roll dans des cases. Pour ce chassé croisé entre le récit sous l'angle intime, affectif du couple Marie-ClaudeMichel et une bio sous forme d'article encyclopédique les auteurs ont choisi d'entremêler bande dessinée, intermèdes littéraires illustrés, archives de Marie Claude, photos, articles de journaux dans des planches pop pop pop, superbes compositions graphiques colorées pleines de peps.
C'est truculent, passionnant, émouvant.


Petit bonus en fin d'album on va trouver des postfaces de Costa-Gavras, Eddy Mitchell, Sempé et Bill Wyman (excusez du peu!), une galerie de photos, des reproductions d'oeuvres d'art signées Michel Magne, une discographie complète et une chronologie du château d'Hérouville. Juste avant cette documentation, un épilogue sous forme de roman photo nous ramène aux côtés de Marie-Claude au château. 40 ans ont passé. Tout est à l'abandon. Seul demeure le piano trônant comme une mémoire des jours fastes.
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"Les amants d'Hérouville" est un portrait riche et dense du compositeur Michel Magne et de son château, un récit très documenté. Monument de l'histoire du rock, le château d'Hérouville, est l'un des premiers studios d'enregistrements résidentiels au monde. Les plus grands artistes de la scène musicale française et internationale de l'époque, enregistreront dans ces studios, reflétant toute une époque de création musicale de la génération rock et de la pop culture des années 70.
Il faut dire que Michel Magne n'était pas vraiment un artiste comme les autres, son nom ne dit pas forcément quelque chose au jeune génération, Yann le Quellec & Romain Ronzeau vont remédier à tous ça avec ce roman graphique proposant planches de bande dessinées, intermèdes littéraire illustrés, documents d'époque, coupures de presse et photos inédites, une discographie complète ainsi qu'un lien vers différentes playlists.
L'histoire démarre au moment où Michel Magne, a tout perdu dans l'incendie du château, et fait la rencontre de celle qui deviendra la femme de sa vie, Marie-Claude, une très jolie jeune femme qui va lui redonner l'espoir et qui va l'accompagner dans ses folies et ses déboires, dans ses erreurs et dans sa chute aussi.
Graphiquement Romain Ronzeau nous immerge bien dans l'ambiance des années 70, le dessin aux traits simples, vif et aux visages expressifs rend bien le côté exubérant et bouillonnant de Michel Magne, un visuel qui redonne vie à cette période magique et psychédélique.
La bande dessinée se termine par un retour en photos émouvant de Marie-Claude au château d'Hérouville, une postface de Costa-Gavras, d'Eddy Mitchell, de Bill Wyman et de Sempé en fin d'album. Un livre que tout amateur de musique pop rock se doit de lire... Mes étagères l'adorent déjà !...
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Je connaissais Michel Magne uniquement par Françoise Sagan. Très présent dans sa vie, il était régulièrement cité comme ami pique-assiette au même titre que Jacques Chazot.
Ce roman graphique évoque la vie de ce musicien hors pair, brisé par ses rêves dont le plus fou fut sans doute la transformation en studio d'enregistrement du château Hérouville.
J'ai découvert un homme généreux, fantasque, un créatif absolu, sans aucun doute un homme de génie, avec ses doutes et ses failles.
Le roman est porté par un graphisme superbe, auquel s'ajoutent intelligemment des dessins et photos d'époque.
Il porte magnifiquement l'atmosphère d'une époque révolue, mais également les sentiments d'un homme acculé par la vie.
Bref, j'ai adoré; j'aurais bien aimé mettre une étoile en plus.
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Quelle BD ! Je ne suis pas trop adepte d'oeuvre documentaire, encore moins les BD tant la chose est limitative et se borne au réel, au vrai. Rares sont les faits, les personnages qui en valent leurs pendants imaginaires. Mais avec Les Amants d'Hérouville de Yann le Quellec et Romain Ronzeau je revois ce jugement à priori.

Ce qui m'a d'abord plu dans cette BD, ce sont les dessins de Romain Ronzeau, croqués comme ça, presque à la va-vite mais qui attrape le vrai dans son essence. Leur apparente simplicité va jusqu'au gribouillis pour restituer des humeurs, des sentiments. Mais il n'y a pas qu'une seule forme car les auteurs ont mixé une partie narrative classique des BD à bulles avec des parties plus documentées/documentaires, plus littéraires garnies de vraies photos et nous montre à quel point le BD est proche du vrai.


La force de cette BD, c'est Michel Magne. Son univers est tellement dingue, comme il semblait l'être lui-même que j'ai apprécié découvrir cet homme hors du commun. Je ne le connaissais pas, mais toutes les personnalités qu'il a croisé, ou avec qui il a travaillé, elles sont illustres. C'en est renversant. Michel Magne était-il fou ou génial. Les deux sûrement. Musicien touche à tout, infatigable, je me demande comment il a pu faire le quart de tout ce qu'il a fait.

Les Amants d'Hérouville est une bd documentaire hommage, d'une grande réussite. La structure de la narration est très intelligente et l'ensemble est parfait. Son histoire d'amour avec Marie-Claude, fil conducteur de la BD est touchante. je ne me suis pas ennuyé une seconde et c'est tellement extra-ordinaire que je n'arrêtais pas de douter de la véracité de ce qui est arrivé. Mais je vous laisse le découvrir par vous-même.


Lien : http://livrepoche.fr/les-ama..
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Cher Yann et cher Romain,

Des romans graphiques j'en lis beaucoup, j'en apprécie tout autant mais un qui m'enthousiasme à ce point, il y en a très peu.

Le votre c'est celui où quand sa lecture en est terminée, je me dis que j'aurais aimé encore quelques pages de plus, encore plus parce que c'était Whaouh !!

Visuellement, j'en ai pris plein les yeux. C'est un festival de planches fascinantes, une alternance entre dessins, photos, textes, un montage façon collage qui repousse les limites du genre et qui donne à cet album une énergie folle. Un peu comme le sujet de votre récit, un personnage que je découvre et qui m'a passionnée.

Une vie singulière, une créativité et une inventivité hors norme, ce que je retrouve totalement dans la conception de ce livre et qui m'a permis de voyager dans une époque qu'il me semble improbable de retrouver aujourd'hui. C'est rock'n'roll, fantasque, démesuré et l'apothéose n'en est que plus dramatique.

Je ne sais pas combien de temps il vous a fallu pour rédiger un tel ouvrage, mais c'est exactement grâce à vous que la bande dessinée ou plutôt l'art graphique prend toute sa dimension, qu'elle montre qu'elle a autant à offrir que le plus merveilleux des romans. Je n'ai rien d'autre à ajouter, sinon vous confirmer qu'en votre compagnie j'ai passé un excellent moment !!
Lien : https://www.instagram.com/p/..
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