Citations sur Si nous avions su que nous l'aimions tant nous l'auri.. (24)
Un jour, [Tavernier] sortit de ses gonds: « Tu as vu, tous ces journaux qui annoncent la mort du cinéma appartiennent à des milliardaires. » Il voyait aussi un lien entre la fermeture des salles de cinéma et la montée de l'extrême droite : « En se repliant chez eux face à leur télévision, écrit-il dans "Qu'est-ce qu'on attend ?", les gens semblent devenir plus vulnérables aux idéologies répressives, plus enclins à vouloir s'isoler de toute action collective, à exclure "l'autre" pour se défendre et se protéger. (p.134)
A Cannes, l'effervescence des fêtes et des foules n'empêche pas ceux qui livrent des films de se retrouver dans une extrême solitude, il le savait.
A l'image de certains timides, il était bavard, et comme certains bavards, il était secret.
En réalité, ce papier [la nécrologie de Bertrand Tavernier publié dans "Libération"] fut le bienvenu pour faire la preuve, s'il en était besoin, que ce journal, qui se donne le vaste programme d'appliquer au monde sa vision du bien et du mal, se tient toujours prêt à saisir l'opportunité d'une nécrologie pour frapper d'anathème ceux qui ne sont pas de ses amis quand il laisse une complaisance machinale s'appliquer à ceux qui le sont valable pour les critiques, les comptes rendus, les reportages, les deuils. L'esprit Libé, donc. (p. 103)
Toujours plus monumentale, la nouvelle formule d'"Amis américains" fut un succès immédiat. L'éditeur détacha la préface en un petit volume publié à part qui porte le beau titre de : "L'amour du cinéma m'a permis de trouver une place dans l'existence". Je me souviens qu'il avait répondu ainsi à l'une de mes questions : "Est-ce qu'être cinéphile était une façon de te sentir utile, de faire partie du monde ?" Ce fut comme si, le grand âge venant, Bertrand résumait d'un trait une vie dédiée au travail des autres. (p.148-149)
Il élargissait la vision de la vie, il secouait les torpeurs ; le matin, il parlait de cinéma, le midi il parlait de cinéma, le soir il parlait de cinéma. Normal, il était l'homme qui disait : "L'amour du cinéma m'a permis de trouver une place dans l'existence." Et qui voulait être sûr que chacun trouve sa place dans le monde.
Quand il était cinéaste, Bertrand n'était plus du tout dans les films des autres. Il était dans les siens. Seule concession qu'il me confia bien plus tard : "Juste avant de tourner, je ne vois que des mauvais films. Comme ça, je me dis: "Bah, je devrais pouvoir faire mieux."" (p.79)
Un jour, Jean Rochefort avait déclaré : " Quand je ne veux parler à personne, j'appelle Bertrand !"
Voir des films est une ivresse intime, les présenter est un art. Bernard le faisait à la perfection. Ses vertus pédagogiques passaient par l'exemple, non par l'enseignement. Car il lui fallait s'amuser, participer, ne pas s'ennuyer. Et parler, parler, parler.
" Il est d'autres pandémies qui menacent. Ce sont le culte de l'argent, le libéralisme effréné, le fanatisme, l'arrogance. C'est tout ce qui crée une autre zone écarlate : celle de l'ignorance. Nos films, nos pièces, nos spectacles, peuvent permettre d'y résister. Le cinéma fabrique des armes de construction massive (...) " Bertrand Tavernier