Je vais écrire mon avis "du bout des doigts", si j'ose dire... Pas facile de "juger" un livre aussi intime, aussi franc (mais rien que pour ça, pour moi, c'est de l'or, ou du platine en barre).
Je suis plus âgée que Mélanie. J'ai eu ma part de méandres et de souffrances dans ma vie, de dépression, de coups dans l'aïeule et de psychothérapie... Ce serait trop long à développer, mais de tout ça, j'en ai déduit plusieurs choses : on est toujours seul face à ce qu'on ressent, face à comment on a vécu ce qui nous est arrivé, et face à ce qui nous arrive. Paradoxalement, on ne peut pas en cicatriser (on n'en guérit jamais vraiment, du moins c'est mon impression), ni s'accepter tel que l'on est, sans le sortir de soi, sans le partager avec des autres bienveillants et à l'écoute. Et ils sont rares, ces autres-là.
Très rares.
J'ai aussi appris que chaque parcours est unique. Il y a autant d'expériences que de gens sur terre, ça fait beaucoup.
Et, quoi qu'on en dise et quelque bonne volonté que l'on ait à se mettre à sa place, l'autre nous demeure toujours "étrange"r. C'est ce qui fait la douleur de la condition humaine, c'est aussi ce qui fait son infinie richesse et sa beauté. On ne peut que partager sa propre expérience. Et peu de gens sont capables d'écouter et de partager sans "interférer" (même moi, surtout moi, si exigeante et si allergique aux mensonges, non, faut pas croire, c'est difficile pour tout le monde, il n'y a d'ailleurs que très peu de gens qui me supportent, tant je manque de diplomatie. Je ne suis pas a-romantique, je suis a-sociale, moi, je crois bien, lol.).
De l'extérieur, je suis plus "normale" que l'auteure, même si je me suis toujours sentie "décalée". Sur-adaptation oblige, l'instinct du caméléon, sans doute. J'ai surtout eu la chance de croiser un partenaire "identique" sur le fond. Une âme soeur rencontrée alors que j'avais décidé de finir vieille fille et sans enfants. Tiens, tiens... Il faut dire que mon parcours de vie exigeait que j'ai des enfants, puisque ce sont eux qui m'ont "réveillée". Dans la souffrance. Surtout mon aînée.
Mon aînée, adulte aujourd'hui, qui a acheté ce livre. Qui m'a dit "il faut que tu le lises, tu me comprendras mieux". Ce n'est pas que je n'accepte pas qui elle est, effectivement. J'ai appris (oui, appris, et à la dure, en allant remuer toute la boue de ma propre enfance) à aimer mes enfants inconditionnellement. Nous les avons ensuite élevés dans la lucidité et la "vérité", les encourageant à rester eux-mêmes et à ne pas tenir compte du jugement des autres, en ayant nous-mêmes tellement souffert. Mais elle a tellement de mal à dire "qui" elle est. Mélanie l' a fait pour elle. Voilà. C'est donc avec une grande émotion que je te dis (j'ai l'impression de te connaître, alors je te tutoie) merci, Mélanie.
Merci d'être toi et d'avoir écrit ce livre. Merci d'avoir eu le courage de partager avec "tout le monde", et pas forcément que des gens bienveillants.
En relisant je me rends compte que c'est pas un avis "sur le livre", je peux pas. J'ai rien à dire sur le style, rien à dire sur le contenu, je peux juste te faire un petit signe de tête, ou un clin d'oeil.
Maintenant, il va falloir que son père, cet homme qui a lui aussi accepté d'apprendre tout au long de sa vie à nos côtés, lise ce petit livre... Je m'en vais le laisser sur sa table de chevet... Nous grandirons ensemble un peu plus grâce à toi.
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Un témoignage très fort que ce livre. Une vraie mise à nu de la part Mélanie Fazi.
Ses souffrances qu'elle a gardé au plus profond, sans vraiment savoir les nommer pendant longtemps, cette double "différence" présente en elle depuis longtemps mais finalement si longue à identifier. Ce mal être permanent sur un sujet qui semble à une majorité d'entre nous si évident (l'envie d'être en couple, de fonder une famille).
Je lutte en permanence contre mes jugements parfois hâtifs, mes réactions vis à vis des autres et de mon environnement selon mes schémas de pensée. Je me suis aperçu en lisant ce livre, que je dois encore plus redoubler d'effort. Nous avons chacun notre propre vision du monde, issue de nos ressentis, de nos envies, de notre éducation, de notre parcours de vie. Et la vision de la personne en face de nous peut être à l'opposée de la notre sans pour autant être anormale. Vouloir imposer sa grille de lecture, sans s'en apercevoir parfois, juste en étant maladroit peut être mortifère pour ceux qui la subisse.
Mélanie Fazi avait autant de mal à comprendre l'attirance de ses amies pour la recherche du couple que j'en ai à comprendre l'attirance d'un homme pour un autre homme. Mais ce droit à la différence, l'acceptation même de ce droit se doit d'être une évidence.
Dans ce livre on parle ici de sentiments mais c'est valable pour beaucoup d'autre sujets. Je ne comprendrais jamais la vision du monde d'un autiste (j'en ai côtoyé beaucoup pourtant en tant qu'avs) mais elle mérite autant d'attention et de respect que la mienne.
Un livre à mettre entre toutes les mains. J'en parle partout autour de moi parce qu'il ouvre les yeux de manière douce, sensible et intelligente.
Merci en tout cas à l'autrice pour ce partage et pour cette profonde réflexion dans laquelle elle m'a plongé.
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Mélanie Fazi publie un texte autobiographique d'une rare sincérité qui retrace le cheminement personnel d'une femme en décalage avec la pression sociétale de l'injonction amoureuse et sexuelle et signe une apologie du genre de l'imaginaire.
Lire la critique sur le site : Liberation
je me suis étonnée, un jour, lors d’un atelier d’écriture, qu’une participante me dise trouver si difficile d’écrire sur la folie, sujet abordé dans plusieurs de mes nouvelles. Ca me semble si naturel, au contraire, d’écrire à partir d’une vision du monde radicalement différente de celle des autres et de faire naître une forme de trouble à partir de là. Je peux m’y projeter cent fois plus facilement que dans le quotidien d’une famille ordinaire. Il suffit d’un léger pas de côté : trouver la logique qui habite le personnage et s’y tenir jusqu’au bout. C’est un exercice qui devient vite jubilatoire dès lors que l’on maîtrise l’angle d’attaque.
Tout trouve son utilité un jour. Même la différence.
Est arrivé un jour où la fiction n’a pas suffi. Un jour où les mots trop longtemps contenus ont demandé à sortir nus, sans filtre, sans que je ne déguise ma voix derrière celle d’un narrateur. Un samedi matin, au réveil, quatre pages se sont écrites d’une traite, nourrie d’années de réflexion, de tâtonnements, de quête d’identité. Ce jour-là, l’étrangeté autour de laquelle je me suis construite a enfin trouvé des mots simples pour se dire.
Je ne cherche pas à affirmer qu’il y aurait une vérité plus grande dans un récit vécu que dans un texte de fiction : depuis la fin de l’adolescence, mon langage est celui des histoires, et des nouvelles fantastiques en particulier, car c’est ainsi que je sais le mieux parler du monde. J’ai pour les genres en général, et surtout pour le fantastique, un grand amour et un profond respect. J’aime leurs multiples niveaux de lecture, leur richesse métaphorique, j’aime la façon dont ils permettent de traduire des réalités complexes par des images fortes ou poétiques là où les mots se dérobent parfois.
Mais ce jour-là, à cet endroit précis, cet outil s’est révélé inadéquat.
Le dimanche soir, je suis allée me coucher, la peur aux tripes, en me disant : « Demain, ma vie va changer. » J’y avais réfléchi pendant deux longues journées ; il était trop tard pour renoncer.
Le lundi matin, je me suis dévoilée.
Le billet, publié sur mon blog puis relayé sur les réseaux sociaux, s’appelait « Vivre sans étiquette ». Il parlait d’identité de genre, de rapport à la norme, de certaines différences qui vous compliquent la vie parce qu’elles sont discrètes et mal connues, parce qu’elles ne portent pas de nom familier. Il parlait de la façon dont on les vit au quotidien et de la douleur sourde qui vous habite constamment. Il parlait de la nécessité d’arrêter de me cacher pour moi-même autant que pour d’autres.
S'enfermer dans sa coquille ne suffit jamais pour obtenir la paix. On vient vous chercher, vous titiller, vous reprocher jusqu'à votre silence. [...] Je crois n'avoir, depuis toujours, rien tant souhaité que cette petite chose si simple en apparence : voir les autres me laisser faire les choses telles que les dicte mon instinct, sans jugement ni commentaires, sans réactions perplexes ni moqueuses. Si j'aime tant la solitude, c'est en partie parce qu'elle me protège des regards et des questions.
Vivre une différence, ce n’est pas seulement subir des insultes ou des violences. Ça peut être quelque chose de discret et de très quotidien. Il n’y a pas une journée où le monde ne me renvoie en pleine figure que je ne suis pas comme les autres, que ma grille de lecture de ce qui m’entoure n’est pas la même. Vivre une différence, ça peut être dépenser beaucoup d’énergie pour essayer de comprendre les autres, pour se fondre parmi eux, pour chercher des moyens de répondre à des questions très simples, qui ne le sont pas pour nous, ou de les esquiver.
Émergeait un questionnement par rapport à l'idée même de la norme. On grandit avec des notions binaires qu'on nous présente comme une réalité figée : homme ou femme, hétéro ou homosexuel, amoureux forcément épanoui, célibataire nécessairement frustré, un idéal de couple avec enfants décrit comme la chose la plus immuable au monde. Et puis avec le temps, on entends d'autres histoires. On apprend qu'on peut naître homme dans un corps de femme ou inversement. Que certaines personnes n'ont jamais éprouvé la moindre pulsion sexuelle. Que d'autres s'épanouissent en vivant en parallèle plusieurs relations amoureuses consenties par tous. Que beaucoup de femmes n'ont jamais eu, n'auront jamais de désir d'enfant. Et qu'il y en a comme moi, comme nous, que la vie de couple n'a jamais intéressés.
Extrait du livre audio « Rythme de guerre, vol. 2 - Les Archives de Roshar, tome 4 » de Brandon Sanderson, traduit par Mélanie Fazi, lu par Lionel Monier et Clémentine Domptail. Parution numérique le 24 avril 2024.
Commander le livre audio : https://www.audiolib.fr/livre/rythme-de-guerre-vol-2-les-archives-de-roshar-tome-4-9791035413149/