De l'affaire dite de PPDA, les informations nous sont parvenues au compte à goutte. Dans impunité,
Hélène Devynck résume les faits, rassemble les témoignages (vingt trois femmes qui ont déposé devant la police !), explique le déroulement de l'instruction jusqu'au classement sans suite. Elle nous livre une analyse fine et si juste de l'impunité qui entoure l'agresseur dans notre société actuelle que on ne pourra plus dire qu'on ne savait pas !
Hélène Devynck, et ses soeurs d'infortune, sont des classées sans suite ! Classées sans suite, les exactions du violeur en série que fut le journaliste adulé des téléspectateurs, représentant le gendre idéal lors du début de sa carrière, le père attentif et attentionné pour sa fille anorexique et même, le grand-père tranquille qui continuait à faire sa nage matinale dans sa Bretagne d'adoption.
Classées sans suite, ce prédateur sexuel qui sautait sur tout ce qui était sexuellement identifiée comme une femme jeune et admirative. le journaliste a bénéficié d'un système qui l'a protégé, encouragé et même s'est rendu complice de ses viols en séries. Même si ils se défendent en répétant la litanie du "On les croyait consentantes !".
Car, ces "promotions-canapé" comme son cercle devait les qualifier, de ce droit de cuissage qu'il s'octroyait, de ces agressions dont il était coutumier, personne dans son entreprise ne les a révélé ni dénoncé ! Personne pour les faire arrêter, les faire cesser ! Personne pour protéger les jeunes femmes. Personne ! Quelle entreprise pourrait encore se permettre cette amnésie !
Mais, notre responsabilité collective est là aussi ! Dans le silence, dans le détournement des regards, dans les chuchotements échangés qui se taisent, dans le "Il s'amuse ! " ou dans "Les hommes sont tous pareils !" ou encore dans "Elles l'ont bien cherché" ;;;ce "coup du plateau" comme le qualifie
Hélène Devynck.
Mais que dire du classement sans suite, du point de vue judiciaire.
Hélène Devynck raconte comment l'écoute attentive du policier qui a pris, comme pour les autres, sa déposition, avait pleinement identifié le crime en qualifiant de "viol vaginal pénien" la situation décrite.
Seulement, en droit français, c'est la victime qui doit prouver le crime sexuel.
Lorsque salie, honteuse, la jeune femme sidérée s'échappe, elle doit penser à rassembler les traces, les preuves pour une future instruction...Les traces du sperme dans la bouche, du doigt dans le vagin, de la brusquerie qui sidère et du pouvoir qui inhibe.
Hélène Devynck demande à ce que la loi soit changée pour que la charge de la preuve du consentement soit de la responsabilité de l'agresseur présumé. Que ce ne soit plus à la victime de prouver qu'il n'y a pas eu négation de son choix.
Devant le nombre de faits, comme on dit dans la police, "concordants", est-ce que pour les affaires de viol par influence, par domination, devraientt éviter le classement sans suite et renvoyés les victimes au silence de leur traumatisme et les agresseurs à leur toute puissante impunité.
Avec, ce que
Hélène Devynck appelle "le papier peint de contes de fées" qui recouvre les situations racontées par l'agresseur, le recours à la diffamation est une autre arme pour museler les victimes, et la justice devient complice.
Au delà de l'affaire, son déroulement, le ressentis des victimes, etc.,
Hélène Devynck, professionnelle du journaliste, livre une analyse fine et éclairée du rôle des médias dans cette affaire où un journaliste agresse d'autres journalistes, mais surtout, le pouvoir médiatique positif qui comme Libération choisit de consacrer leur Une à ces femmes et leurs vécus et peut aider à faire prendre conscience la société.
Elle analyse aussi nos biais de langage ou de compréhension, comme "ne t'enferme pas dans le statut de victime ! " et " victime autoproclamée" ou "Patrick est balourd". Dépiauter ce que ces phrases que l'on répète sans même y penser permet d'en comprendre la portée cachée et les représentations qu'elles véhiculent.
Le journaliste adulé par les médias, des puissants et de tant d'autres est descendu de son piédestal en 2008. Avant, il y avait eu des accusations d'abus de biens sociaux, de plagiat et d'interviews truqués. Mais, rien n'y avait fait. Rien n'avait écorné la belle image médiatique qu'il s'était construite.
Florence Porcel en 2021, puis toutes les autres après qui ont osé parler, n'ont pas réussi à faire condamner le violeur en série qu'elles avaient rencontré. Mais, ensemble, elles ont osé parler, s'exposer et se montrer.
Il y aura un avant et un après cet essai impunité. L'affaire PPDA révèle que l'abus de faiblesse par position dominante ne doit plus être excusé.
Que tous les chefs qui utilisent leur position pour avilir, pour agresser, pour violer sachent que des femmes se sont révoltés et qu'elles ont réussi à faire changer la honte de camp !
Hélène Devynck redonne l'individualité à chacune de ses consoeurs en rapportant leur témoignage dans cet essai, sans aucune révélation. Elle rend compte de l'abus d'une classe supérieure qui se croit au dessus des lois. Elle interroge aussi avec brio notre société sur ce concept d'impunité dans les affaires de crimes sexuels.
Mais surtout il ne faut plus qu'on accepte qu'on traite de folle, de prostituée ou d'ignare une femme agressée sexuellement !
Bien sûr, il reste encore, et encore, des prises de conscience de notre société pour faire avancer le droit, pour ne plus regarder ailleurs, pour tendre la main et pour considérer une femme égale de l'homme, être humain à part entière !
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