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Critiques filtrées sur 5 étoiles  
Qui se souvient de The Little House ? Ce ravissant court-métrage des années 1950, diffusé sur le Disney Channel, m'a durablement marqué. Une maison de campagne y accueille ses premiers habitants, une famille nombreuse et chahutante. Au loin, la gracieuse bicoque voit poindre avec insouciance les lumières de la ville, qui se rapprochent sans cesse.

Bientôt, ses premières voisines arrivent, de grandioses villas d'aristocrates, qui la toisent de haut. Au siècle suivant, la voilà cernée de « progrès », s'amuse le narrateur : de longs immeubles en briques et de poubelles renversées. Au-dessus de sa tête, des voisins excédés se balancent des noms d'oiseaux et des bouteilles de lait par fenêtres interposées.

C'est la débâcle. Pour la Little House, tout va de mal en pis, d'acier en béton armé, de vitrage miroir en lucarnes PVC, de bruits insidieux en cacophonie délirante, jusqu'au dénouement : le retour à la campagne qui apaise et met du baume au coeur. Nous sommes dans un Disney, après tout.

Mon lointain rêve de maisonnette vivante et bucolique vient-il de ce petit film antimoderne ? Peut-être.

Habiter sa maison vs Consommer sa maison

C'est le livre Chez soi de Mona Chollet qui me replonge dans ces souvenirs et réflexions sur l'habitat. Je l'ai refermé hier soir et depuis, je ne cesse de penser à toutes les maisons où j'ai vécu.

De ma chambre d'étudiante – neuf mètres carrés ! – à la maison de campagne de mon père, en passant par le riad mystérieux de mon enfance et tous les appartements, petits et grands, qui ont accompagné ma vie de jeune adulte… Ces intérieurs ont peut-être façonné la personne que je suis aujourd'hui. de quelle manière ? Je ne saurais le dire à ce stade embryonnaire de la réflexion. Je m'accorde un temps pour ruminer tout cela avant de vous en faire part – ou pas ! –

En attendant, je peux vous parler de l'essai passionnant de Mona Chollet, qui explore diverses facettes de la Home Sweet Home.

En ces temps de crise, c'est, pour beaucoup, un refuge, un lieu de repli où l'on se répare et se console comme on peut de la brutalité du monde. Un refuge souvent contaminé par cette même brutalité. Dès les premières pages, Mona Chollet affirme que de nos jours, « on n'a pas le droit d'habiter sa maison, sous peine de se heurter à une censure immédiate. »

Habiter au sens d'imprégner son lieu de vie, de faire corps avec lui, de le laisser infuser lentement en soi.

À l'inverse, ce qui est toléré et encouragé, c'est de consommer sa maison. Y accumuler des monticules de gadgets, de meubles et de robots, les remplacer frénétiquement, à la moindre craquelure, ou dès qu'un vague à l'âme inexplicable s'empare de nous. Y faire régner un ordre obsessionnel, la transformer en brochure Ikéa vivante, en temple fonctionnel et moderne, miroir de notre sacrosainte efficacité.

« On retrouve là le double standard moral dont notre société est prisonnière : dureté envers soi-même, exigence de rendement, mortification et sacrifice dans la plupart des domaines de la vie ; satisfaction immédiate de tous les désirs, réconfort et consolation dans le seul domaine de la consommation », écrit l'autrice.

Acheter et racheter toujours plus neuf, plus luisant, plus grisant, désespérément. Jusqu'à en oublier que notre identité se construit par touches lentes et appliquées, qu'elle implique d'après le philosophe allemand Hartmut Rosa de « s'approprier les choses progressivement, voire de s'attacher à elles. »

Pour Mona Chollet, loin de « flatter nos aspirations domestiques », la société de consommation « entrave notre capacité à habiter. »

Assouvir nos besoins de repli, de solitude, d'évasion

« La maison abrite la rêverie, la maison protège le rêveur, la maison nous permet de rêver en paix. Il n'y a pas que les pensées et les expériences qui sanctionnent les valeurs humaines », écrit Gaston Bachelard dans La Poétique de l'espace. le philosophe français a réconcilié l'autrice de Chez soi avec ses besoins profonds de « repli, de solitude et d'évasion », lui a offert des mots salvateurs pour affronter les « injonctions à se secouer, à se faire violence, à ne pas s'écouter. »

Des mots que Mona Chollet s'approprie, recompose pour les offrir à son tour à mes sens assoiffés et reconnaissants : « Il faudrait pouvoir émerger en douceur d'une nuit de sommeil qui vous déposerait sur la grève du jour comme le ressac d'une mer calme, au lieu de subir l'élancement au coeur, la déchirure du rêve que provoque la stridence du réveil. Il faudrait pouvoir rester encore un peu allongé, bien au chaud, à écouter les bruits les plus ténus dans la maison et au-dehors, à rêvasser, à contempler le plafond et à passer en revue les mille bonnes raisons de se lever, à réfléchir à ce que l'on projette de faire, à se pourlécher en composant le menu du petit-déjeuner (…) Alors l'élan nécessaire pour repousser la couette d'une ruade, pour renouer avec la verticalité et poser le pied par terre, répondrait à une nécessité intérieure irrésistible, le coeur battant d'impatience, plutôt qu'à ce sursaut de courage et de résignation mêlés par lequel on se boute soi-même hors du lit. »

Je vois quelques sourcils se froncer là-bas, au fond. J'entends des voix réprobatrices mugir : « Mais c'est de la paresse enrobée dans de la poésie ! » C'est sûr que si on envisage son existence comme une succession d'objectifs et de résultats à atteindre, à améliorer, à valoriser, on ne risque pas d'apprécier la beauté étrange, luxueuse et gratuite du Non faire. Une quiétude que trop de gens (re)découvrent, sidérés, parfois à leur corps défendant, après un burnout ravageur.

Assiégés jusque dans nos canapés

« Comment restaurer la dignité d'un temps qui se présente à nous comme le déchet de celui mis sur le marché ? », s'interroge Mona Chollet. Se réaproprier ce temps pour vivre, pour être soi-même, sans obligation de performance, peut s'avérer ardu, tant les distractions et les stimulations sont grandes. Dans le chapitre Une foule dans mon salon, la journaliste confie ses efforts pour ne pas devenir « l'esclave des flux » Facebook, Twitter, Instagram, Pinterest, etc.

Difficile de restituer en une seule note ce livre dense, plein de couloirs, de tiroirs et de cachettes secrètes. J'ai adoré m'y perdre, y dissiper mes illusions, notamment sur le mouvement des Tiny Houses – « les adeptes du small living occupent exactement la place qu'un ordre social inique leur assigne. Ils se contorsionnent pour entrer dans le placard qu'on veut bien leur laisser et prétendent réaliser par là leurs désirs les plus profonds. » –

J'ai aimé me lover délicieusement dans certains de ses interstices. Je songe particulièrement au dernier chapitre, Des palais plein la tête, imaginer la maison idéale, dans lequel Mona Chollet aborde l'architecture et son impact indélébile sur nos vies. Pourquoi ce sujet nous indiffère-t-il tant ? Pour le philosophe Alain de Botton, s'y intéresser revient à réaliser avec consternation que les mauvaises architectures nous assombrissent la vie. « Si une pièce peut modifier notre état d'âme, si notre bonheur peut dépendre de la couleur des murs ou de la forme d'une porte, que nous arrivera-t-il dans la plupart des lieux que nous sommes contraints de regarder et où nous devons habiter ? », écrit-il dans L'Architecture du bonheur.

À l'inverse, que se passerait-il si, au lieu de vivoter dans un intérieur insalubre, étroit ou désincarné, l'on habitait une maison à la fois apaisante et stimulante pour nos sens, où les escaliers nous emmèneraient de surprises en ébahissements, comme le suspens haletant d'un bon roman ? Car ces havres malicieux et amicaux existent. Ils possèdent « une qualité sans nom », comme l'appelle l'architecte anglais Christopher Alexander dans The Timeless Way of Building. Une âme, si j'ose dire.

Les Japonais, comme Terunobu Fujimori ou Shigeru Ban, excellent dans cet art de bâtir des maisons vivantes, véritables écrins de douceur et d'harmonie pour leurs habitants. Mona Chollet affirme que l'usage des matériaux naturels comme le bois, la terre, la pierre ou la paille y est pour quelque chose. Des matériaux qui s'usent, perdent lentement l'éclat de la jeunesse pour la patine gracieuse de l'âge et « rappellent le caractère transitoire de toute chose. » Cette vision subtile et poétique contredit celle d'architectes occupés, à grands renforts de béton, à construire des maisons donnant « l'impression qu'elles vont durer toujours. » « Conséquence : leurs bâtiments se délabrent au lieu de vieillir. »

Je vous laisse méditer ces sages paroles. J'espère vous avoir donné envie de découvrir ce livre – disponible depuis quelques mois en format poche – et vous dis à bientôt !
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Challenge ABC 2017-2018
10/26

C'est assez drôle et je ne l'ai pas fait exprès, mais je lis ce livre en même temps que nous rénovons une maison. Et que les problématiques d'espace, de matériaux se posaient alors. Mais aussi celle du ménage, parce que autant ne pas le cacher, passer d'un appartement à une maison pose la question de l'augmentation de la surface à nettoyer et ranger et je ne vous fais pas un dessin de qui va devoir batailler pour que les tâches soient effectuées (c'est drôle, je n'ai pas de problème pour convaincre mon compagnon de prendre l'aspi, mais il semble aveugle à la saleté...). Fin du point "Je raconte ma vie". Mais quand même c'est drôle, même si je voulais le lire depuis longtemps.
Que faut-il pour se sentir chez soi ? Déjà, un espace qui nous plaise. Simple, non ? Eh ben pas forcément si on tient compte du fait qu'il faut avoir des moyens suffisants, des logements disponibles, du temps pour chercher. Mais aussi du... temps. Eh oui ! En fait, habiter est un acte éminemment politique et sociétal. La division du travail capitalistique, la construction du stéréotype de la-femme-au-foyer-fée-du-logis, les architectes qui ne veulent construire que des choses belles de l'extérieur sans penser aux usages, sans parler du manque de moyen d'une très large partie de la population parquée dans des clapiers minuscules.... tout cela contribue à un malaise dans le logement. Or des solutions existent, comme l'on montré plusieurs expérimentations en Suisse de constructions sociales entre espaces privées et espaces communautaires, ou encore le logement coopératif en France ou en Allemagne.
Chollet explique cela de manière très claire et documentée, en s'étonnant de ce que personne ne se soit encore réellement emparé du sujet. Après tout le logement est quelque chose de primordial pour la survie, mais peut-être pas à n'importe quel prix, qu'il soit écologique, psychologique ou économique... Elle évoque des modèles alternatifs, qui demandent un changement radical de mode de pensée ; tout en ayant l'honnêteté de se demander si elle-même en est capable (vivre dans les squats genevois par exemple est dessus à la fois de ses capacités et de ses forces). Elle cherche aussi la source de notre mode de vie actuel, avec un détour par les pays du sud de l'Europe et de notre histoire depuis la Renaissance, période de forts bouleversements sociaux et culturels (imprimerie, redécouverte des auteurs antiques, apparition du protestantisme...) et par la volonté des architectes de laisser une empreinte qui a peu à voir avec les usages qui sont fait des logements dans la vraie vie de tous les jours ; finalement, les personnes les moins consultées lors de la constructions de grands ensembles sont les futurs locataires, qui doivent se couler dans un moule penser pour eux mais pas avec eux. Et tout le monde n'a pas les moyens de s'engager dans le logement participatif. Mais les pouvoirs publics ont le pouvoir de changer de point de vue et de voir ce qui se fait ailleurs...
Habiter, c'est politique et peut-être que les décideurs devraient lire un peu plus d'ouvrages comme celui-ci... Et les architectes avec.
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Ce livre est probablement l'un des essais les plus passionnant que j'ai lu. Je ne savais pas qu'il était possible de trouver tant de choses à dire sur ce sujet, en fait je ne me rendais pas compte à quel point l'habitat était un sujet si viscéral chez l'être humain, même si cela semble pourtant évident.

Dans cet essai Mona Chollet nous parle du foyer sous tous ses aspects qu'ils soient sociaux, sociétaux, économiques, psychologiques, familiaux ou architecturaux.
Elle commence par dénoncer ce qu'elle appelle « la vertu surestimée du mouvement perpétuel », qui n'est que le sous chapitre du premier chapitre mais qui m'a personnellement beaucoup marqué, et qui a été comme elle le dit elle même, le point de réflexion départ de son ouvrage. Elle y explique combien les normes de notre société du XXIe siècle où tout va très vite nous imposent insidieusement à être nous même également en mouvement permanent ou plutôt en activité permanente. Conséquence sournoise de la société de surconsommation et de surproduction qui a rendue l'inactivité suspicieuse et mal vue. Restez chez soi, et pire à ne rien faire, est synonyme de multiples attributs péjoratifs qui amènent les casaniers à ressentir culpabilité et inconfort mental. Mona Chollet nous montre et nous rappelle que vis à vis d'un monde extérieur au rythme frénétique et assourdissant, cet espace et ce temps de coupure sont plus que salutaires. Puis elle développe, dans le deuxième chapitre la place de plus en plus envahissante que prennent les multiples sollicitations venant d'internet et des réseaux sociaux et comment cela impacte notre rapport à la vie domestique.

Une fois ces « bases » posées, Mona Chollet peut poursuivre de façon plus approfondie les deux composantes nécessaires pour pouvoir pleinement habiter : l'espace et et le temps. Elle a intitulé ces deux chapitres « la grande expulsion » (l'espace) et «à la recherche des heures célestes » (le temps). Ce sont deux chapitres à la fois passionnants et édifiants. Bien sûr pour se loger il faut des moyens et on le sait tous le marché de l'immobilier est l'un des plus rude qui existe mais lorsque c'est exposé de façon aussi explicite, concrète, détaillée mais aussi sous l'angle moral et philosophique, les aberrations de notre société n'en apparaissent que plus criantes et accablantes.
Puis en ce qui concerne le temps j'ai été encore plus bousculée, remuée. L'autrice y décrit le rapport au temps que nous entretenons tous, un rapport dénaturé par notre société qui a fait du temps une denrée de production permanente. Une denrée qu'il convient d'utiliser à bon escient, même chez soi. Et tout cela est entièrement intériorisé et normalisé dans nos mentalités à tous. Mais l'entrave principale reste le travail et le carcan de ses horaires, nous éloignant un peu plus chaque jour de notre lieu de vie et n'en faisant qu'un lieu de transit, et non plus un endroit de ressource et de vie.

Après le temps et l'espace, Mona Chollet poursuit en se penchant sur une autre question majeur de l'habitation : avec qui ? Dans ce chapitre « l'hypnose du bonheur familial », qui va de pair avec le suivant « métamorphose de la boniche », elle soulève la problématique de l'unique idéal domestique prôné par notre société : la famille hétérosexuelle mononucléaire. Et à travers ça tout ce que cela implique de conformisme, de rapport de force, d'inégalités, mais aussi combien sous ce modèle se cache une réalité des rôles ménagers déséquilibrés dont la femme sort, encore aujourd'hui, toujours perdante. Véritablement édifiant.
L'autrice termine avec un chapitre, « des palais dans la tête », consacrés à l'habitat du futur d'un point de vue architectural, comment repenser, rêver et imaginer les espaces de demain en prenant en compte toutes les composantes évoqués au cours de ce livre. C'est un chapitre où elle ouvre des horizons, qu'elle espère, et nous aussi, le plus positif possible.

Cet essai est un ouvrage d'une grande richesse et d'une grande densité, ma critique n'en reflète qu'une petite partie. Car Mona Chollet pour chaque chapitre s'appuie sur une large documentation, chacune de ses idées est expliquée, argumentée et illustrée d'exemples. Elle y livre aussi beaucoup d'elle même, elle partage ses propres expériences avec honnêteté ; c'est un véritable essai. Ceci dit elle ne tombe jamais dans la démagogie, simplement elle pointe du doigt beaucoup de travers de nos modes de vie et de nos modèles, elle bouscule les normes, pose des questions, fait réfléchir. C'est très enrichissant à lire, et personnellement cet essai m'a permis de remettre en perspective de nombreux choses sur moi même et sur le monde qui nous entoure. Il m'a parfois remué et souvent éclairé.
C'est vraiment un livre que je conseille à tous car il résonnera nécessairement un chacun puisque l'on a tous un habitat et tous un rapport à celui-ci.
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J'opère donc ma première rencontre avec Mona Chollet par cet hommage aux casaniers. Et c'est avec un réel délice que je me laisse couler sous mon plaid en dégustant les chapitres de Chez soi : une odyssée de l'espace domestique. le style de Mona Chollet est à noter avant toute chose. Intimiste et rationnel à la fois, on entre en conversation avec elle comme avec une vieille amie. La question du "chez soi" est une porte d'entrée pour aborder des sujets relativement variés : l'hyperactivité de nos sociétés, l'infobésité du net qui s'installe jusque dans nos intérieurs, les minuscules mètres carrés de nos appartement trop chers, les alternatives à la location et à la propriété, le temps que l'on ne passe plus chez soi, le ménage et la condition des femmes ou des employé.es de maison, la maison en temps que foyer familial et le modèle de vie qui en découle, et en conclusion une ouverture sur l'architecture de l'habitat qui abat aux passages quelques idées préconçues sur l'idéal campagnard. Ces questions sont vastes et touchent intimement tout un chacun. Elles questionnent nos modes de vie, nos choix, nos contraintes, nos évidences. Au fond, ce sur quoi Mona Chollet nous interroge en nous donnant à lire son livre, c'est "Qui êtes-vous ? Que reste-t-il de vous lorsque vous êtes seul chez vous ?"
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Chez soi, c'est quoi ? C'est d'abord un espace où vivre et assurer ses besoins, un espace pour échapper au monde, un espace pour être dans le monde, un espace où une famille évolue, quelle que soit sa forme, un espace où on peut être soi... Mona Chollet propose une "odyssée de l'espace domestique", en plusieurs étapes, et réussit à couvrir ce sujet assez vaste malgré, souvent, sa petitesse en terme d'espace. Partant de son expérience personnelle, elle couvre le thème de façon globale. Bienvenue chez vous.

Le premier abord du chez soi, c'est donc d'y être. Dans une société où le travail ne laisse que peu de temps à être chez soi, le logement ne remplit presque plus que des besoins vitaux : manger, dormir, se laver, et surtout, avoir un toit. Mais il n'y a pas que le travail, il y a aussi l'injonction à vivre dans le monde, et donc à sortir, voir du monde, faire des choses, optimiser son temps, s'intéresser au reste du monde... Rester chez soi quand on pourrait être ailleurs est donc souvent mal vu ou dénigré. Pour vivre dans le monde, il faut aussi voyager... Et pour une journaliste, c'est une injonction d'autant plus forte.

Deuxième partie : Internet. Ou le fait d'être totalement dans le monde sans sortir de chez soi. Un chapitre qui me touche particulièrement, puisqu'étant à la fois un peu ermite en ce moment mais aussi très connectée à chaque heure de la journée. C'est une partie qui touche à la fois à la solitude et à l'hyper-connectivité avec l'autre, et qui déconstruit les préjugés que l'on peut avoir sur ce fait. Mona Chollet réfléchit sur l'avant et l'après Internet, sur la façon dont ça a changé nos espaces intérieurs, notre rapport à la culture, aux relations, à l'espace vital, aux informations, mais aussi le besoin d'efficacité, de rapidité, de connaissance, de réponses...

Ensuite, il est question de la façon dont l'économie affecte le logement. Qu'il soit question de devoir habiter en ville ou la campagne, de continuer à vivre chez ses parents ou ses enfants, de devoir passer tout son revenu dans son loyer, de devoir habiter dans "une boîte à chaussures"... Ou qu'il soit question du temps personnel dont on dispose une fois les obligations passées. Bref, quand le chez soi n'est pas une évidence ni un lieu où se sentir réellement bien.

Et qu'en est-il de la famille ? du travail ménager ? Un chapitre féministe qui englobe surtout la charge mentale de la femme, qu'elle soit femme au foyer ou femme active, et qui a le "devoir" de subvenir au besoin de toute la maisonnée. Bref, quand le chez soi représente un travail harassant, parfois en plus d'un autre travail en sus. Et... des solutions potentielles, qui consistent en un logement collectif où se réunissent plusieurs ménages, de personnes célibataires, en couple, avec ou sans enfants, en logement légal ou en squat.

Et pour finir, un peu de rêve, d'imaginaire, de grands espaces bien faits, où tout est permis, où chaque chose est bien conçue... Une dernière partie sur l'architecture, celle qui fonde donc le chez soi, une des premières actrices du logement. Une partie qui propose donc à la fois châteaux et palaces, mais aussi solutions concrètes pour le logement de personnes qui en ont un besoin urgent suite à une guerre, une catastrophe, une migration... Un voyage entre la pensée orientale et la pensée occidentale, entre fiction et réalité, entre désirs et besoins.

C'est un livre que j'ai beaucoup aimé lire, parce qu'il me parle, parce qu'il concerne un sujet d'une grande importance et que Mona Chollet a réussi à englober énormément de thèmes dans la toute petite maison qu'est le livre, et à en parler de manière concrète, poétique, sensible, concernée. Il est évident qu'il y aurait encore beaucoup à dire sur le "chez soi", mais ce livre offre déjà une réflexion bien approfondie, claire, et construite. Un livre que l'on apprécie d'autant plus car il nous fait apprécier le simple bonheur d'avoir un moment pour soi, pour lire, découvrir, se poser sans contrainte. Bref, quand habiter est un acte politique, social, parfois révolutionnaire, mais surtout un droit, un besoin, une question de premier ordre en tout temps. Beaucoup d'évidences et de choses qui devraient tomber sous le sens, et pour lesquelles, pourtant, on doit toujours se battre, car même cette chose fondamentale n'est jamais acquise. Voilà un bon préambule pour moi, avant de me plonger dans Beauté fatale et Sorcières tout bientôt.
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Mona Chollet a écrit un ouvrage remarquable. Les essais sont à la mode et beaucoup de gens se lancent dans cet exercice parce qu'ils ont une ou deux idées à exposer. du coup, les premières pages sont passionnantes, puis la démonstration s'étire jusqu'à l'épuisement. Ce n'est pas le cas dans ce livre dont la richesse m'impressionne. Les différentes parties apportent des réponses ou plutôt des pistes de réflexion correspondant à des questions qui sont tout à fait d'actualité. Autour du thème du "chez soi" l'auteure examine toute une problématique intéressante : comment assumer le fait d'être "casanier" dans un monde où le voyage est roi ? Quelle maison a-t-on vraiment envie d'habiter ? L'adage selon lequel "small is beautiful" est-il vraiment réaliste ? Quels sont les rapports domestiques au sein de l'habitat ? le modèle familial conventionnel est-il toujours bien adapté à l'épanouissement personnel...
Le tout est rédigé dans une langue parfaitement accessible et émaillé de références sans doute passionnantes qu'il me sera difficile de toutes explorer !
Je pense que c'est un livre que j'ouvrirai à nouveau dans quelques temps car je suis loin d'avoir exploré toutes les directions qu'il propose !
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Encore un essai très agréable à lire de la part de Mona Chollet.
C'est cette fois à notre domicile qu'elle s'intéresse. Elle multiplie les points de vue : architectural, social, politique ... Elle nous fait découvrir d'autres perspectives, nous fait réfléchir, et ne néglige pas de nous divertir avec des exemples tirés de la littérature (elle connaît apparemment son Harry Potter sur le bout des doigts !) ou du divertissement télévisuel.
Bref, un livre à lire pour passer un moment agréable et instructif à la fois, et qui débouchera peut-être sur quelques changements dans vos habitudes!
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Mona Chollet est particulièrement connue et appréciée pour ses écrits féministes, traitant de la condition de la femme, de la place qu'on lui donne dans la société, des canons de beauté, etc. Si j'ai encore Beauté Fatale et Réinventer l'amour j'ai déjà lu Sorcières et même si c'est le livre qui l'a fait connaitre il ne m'a pas autant touché que Chez Soi.
Cet essai est une ode aux casaniers, une manière de penser l'espace dans lequel on vit, nos manières de l'habiter ou de le consommer. Elle traite aussi bien de la nécessité d'avoir un toit que d'architecture ou de modes de vie davantage communautaires. Difficile de tout résumer mais j'ai adoré cette lecture. J'ai moi-même un rapport très intime à mon chez-moi que je considère comme mon refuge et j'ai trouvé cet essai très bien écrit, complet et extrêmement intéressant.
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A partir d'une réflexion sur le chez-soi, Chollet aborde différents thèmes, tous d'une grande actualité. Son livre se dévore comme un roman à suspense !
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J'colle le 4e de couv' parce que franchement moi c'est ce qui m'a donné envie, et aussi bicause j'avais kiffé Beauté fatale, que Mona Chollet avait publié précédemment.

J'adore la façon dont l'autrice illustre ses exemples, appui ses propos grâce à la culture populaire, aux classiques des différents domaines (socio, litté, architecture, éco, psychologie), si je devais la ranger à coté de quelqu'un dans une bibliothèque classés par copains je la rangerai certainement à côté de Michel Pastoureau.

Le foyer, un lieu de repli frileux où l'on s'avachit devant la télévision en pyjama informe ? Sans doute. Mais aussi, dans une époque dure et désorientée, une base arrière où l'on peut se protéger, refaire ses forces, se souvenir de ses désirs. Dans l'ardeur que l'on met à se blottir chez soi ou à rêver de l'habitation idéale s'exprime ce qu'il nous reste de vitalité, de foi en l'avenir.

Ce livre voudrait montrer la sagesse des casaniers, injustement dénigrés. Mais il explore aussi la façon dont ce monde que l'on croyait fuir revient par la fenêtre. Difficultés à trouver un logement abordable, ou à profiter de son chez-soi dans l'état de « famine temporelle » qui nous caractérise. Ramifications passionnantes de la simple question : « Qui fait le ménage ? » ; persistance du modèle du bonheur familial, alors même que l'on rencontre des modes de vie bien plus inventifs.
Autant de préoccupations à la fois intimes et collectives, passées ici en revue comme on range et nettoie un intérieur empoussiéré : pour tenter d'y voir plus clair et de se sentir mieux.

Hasta la próxima !
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