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3,87

sur 596 notes
Je l'avais lu il y a des siecles et je ne me rappelais de rien. C'est donc plus une nouvelle lecture qu'une relecture.

Ce sont des nouvelles dont quelques unes prennent une allure de conte. Un ton qui me semble tres different de celui de “Noces”. Plus pres de la gravite de certains textes de “L'ete”. La fin des annees 50 est tres loin de celle des annees 30.

Si la nature est tres presente, c'en est fini de son exaltation enamouree, finie la celebration des noces idylliques et naturelles de l'homme avec le monde. La nature est ici des fois une nostalgie, d'autres un exil, force, ou assume, ou recherche et voulu. La nature est ici des fois desert, des fois montagnes abruptes et esseulees, des fois jungle etouffante. Et toujours le climat y est extreme.

Il n'y a que deux nouvelles qui se passent dans une grande ville. Mais la promiscuite ne fait qu'accentuer le desir d'exil interieur (Jonas ou L'artiste au travail: “Jonas avait seulement ecrit, en tres petits caracteres, un mot qu'on pouvait dechiffrer, mais dont on ne savait s'il fallait y lire solitaire ou solidaire”), et le bruit alentour, le combat pour une vie decente, rend les hommes muets justement quand la parole est le plus necessitee (Les muets).

L'Algerie est tres souvent presente, une Algerie ou on longe la mer sans la voir (Les muets), l'Algerie du desert, des montagnes desertiques: “Nul oiseau, nul brin d'herbe, la pierre, un desert aride, le silence, leurs cris”. L'Algerie des petits blancs, qui decouvrent, avec effroi et une certaine attirance, le fier port des arabes non citadins (La femme adultere). L'Algerie des idealistes qui apres une vie passee a apporter un peu d'alphabetisation, de culture, dans des regions lointaines de tout centre, s'apercoivent que les autochtones les rejettent, ne les ont jamais acceptes, qu'ils sont et resteront toujours etrangers, jamais integres, qu'ils sont en exil dans le pays ou ils sont nes (L'hote: “Dans ce vaste pays qu'il avait tant aime, il était seul"). L'Algerie de missionaires qui s'apercoivent de l'inanite de leurs efforts et en perdent non seulement leur foi mais aussi leur raison (Le renegat ou Un esprit confus).

Le dernier conte (La pierre qui pousse), ou un etranger, fraichement arrive dans un village de la jungle amazonienne, aide un autochtone a remplir une promesse faite aux dieux, ramene le lecteur a une vision beaucoup plus optimiste, chargee d'espoir. Un recit ou s'exprime l'ideal camusien de la fraternite humaine.


Une fois ma lecture finie, je crois que tous les personnages mis en scene ici etaient definis d'avance dans le titre. Tous sont en exil, tous cherchent a se reorienter dans une societe de laquelle ils se sentent expulses. Tous cherchent le chemin vers un royaume auquel ils ont aspire ou qu'ils ont cru le leur dans le passe. Beaucoup, etrangers dans leur propre monde, extrinseques de leur propre peau, ont endure de la douleur, essuye de la tristesse, ressenti du decouragement: “Elle savait seulement que ce royaume, de tout temps, lui avait ete promis et que jamais, pourtant, il ne serait le sien”. Mais Camus laisse entrevoir une lumiere salvatrice au fond du tunnel: la recherche d'un horizon ethique qui peut preserver du nihilisme social. Meme marginalise par d'autres, tout homme se doit d'essayer de les rencontrer, de s'en approcher et de les rapprocher a soi. Ce n'est pas facile, ce n'est pas donne, et Camus illustre cette difficulte dans plusieurs nouvelles, mais il nous souffle aussi que sans rencontre avec l'autre il ne peut y avoir de rencontre avec soi-meme, il ne peut y avoir qu'exil interieur ou exil tout court. On ne peut trouver de paix interieure que dans la solidarite humaine. On ne peut atteindre le royaume que dans la solidarite humaine.

Du tres bon Camus.
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En relisant cet essai pour l'animation de notre club littéraire consacré aux exils , je me suis vraiment aperçue que Camus avait, très souvent, mis en scène dans plusieurs de ses romans ou essais l'exil.
La peste est un terrible exil… isolement de la ville coupée du monde, enfermement des habitants dans l'espace et dans le temps, dans Caligula, les Romains qui n'ont pas obtenu de distinction au bout d'un an sont punis exécutés ou exilés,
Dans La chute, c'est un homme Jean Baptiste Clamence qui s'exile volontairement pour devenir juge-pénitent, dans l'exil d'Hélène (l'eté) , c'est l'exil de la beauté, dans l'Exil et le royaume, l'exil est divers et multiple. Exil volontaire, souvent négatif mais qui peut aussi déboucher sur la redécouverte de soi et même sur le bonheur (la femme adultère)
Et plus que jamais les deux contraires solitaire et solidaire peuvent déboucher sur un royaume.…

C'est la dernière oeuvre littéraire de Camus publiée du vivant de l'auteur en 1957 . Cet essai renvoie par son association d'antinomies à L'Envers et l'Endroit, première oeuvre de 1937.
L'exil et le royaume reste un ouvrage peu connu, et pour moi une lecture déroutante parfois difficile, même sibylline (le renégat notamment ) il faut savoir trouver le fil rouge qui relie toutes ces six nouvelles et savoir le dérouler.


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Après avoir vu le film Loin des Hommes, avec Vigo Mortensen et Reda Kateb, un très beau film, j'ai éprouvé le besoin de lire la nouvelle L'Hôte dont il est l'adaptation. Une adaptation réussie !
Daru l'instituteur, isolé sur le haut plateau algérien aux portes du désert veut ignorer la guerre des hommes. Il ne veut appartenir à aucun camp malgré les pressions de son rare entourage.
J'ai retenu une phrase de la nouvelle qui illustre la position de Daru et que l'acteur Vigo Mortensen parvient à incarner avec force :
"Devant cette misère, lui qui vivait presque en moine dans cette école perdue, content d'ailleurs du peu qu'il avait, et de cette vie rude, s'était senti seigneur, avec ses murs crépis, son divan étroit, ses étagères de bois blanc, son puits et son ravitaillement hebdomadaire en eau et en nourriture."
Dans chacunes des nouvelles les personnages cherchent à se passer des béquilles de la vie que sont l'idéologie, le religieux, le sacré, le sacrifice.
S'ils peuvent à un moment donné être des moyens de libération, ils n'en constituent pas moins une illusion et s'en défaire avec toutes les conséquences que cela implique reste pour eux la seule option.
Ces nouvelles sont du concentré de Camus, des histoires qui en disent plus sur sa philosophie de la vie que ses essais.
On y retrouve des personnages secondaires familiers, Esposito l'ouvrier contestataire de la tonnellerie dans la nouvelle "les muets" que l'on croise dans l'Etranger.
D'une phrase Camus sait montrer la résignation du tonnelier Yvars qui en ouvrant sa musette, trouve, "Entre les deux tranches de gros pain, au lieu de l'omelette à l'espagnole qu'il aimait, ou de bifteck frit dans l'huile, il avait seulement du fromage." et cherche le réconfort dans sa famille, "Fernande apporta l'anisette, deux verres, la gargoulette d'eau fraîche. Elle prit place près de son mari. Il lui raconta tout, en lui tenant la main, comme aux premiers temps de leur mariage."
Louise, la femme de Jonas (l'artiste au travail) "prenait en charge résolumment, les mille inventions de la machine à tuer le temps, depuis les imprimés onscurs de la Sécurité Sociale jusqu'aux dispositions sans cesse renouvelées de la fiscalité."
La femme adultère souffre en silence " (...) le plus dur était l'été où la chaleur tuait jusqu'à la douce sensation de l'ennui." mais parvient à trouver "quelque (qui) l'attendait qu'elle avait ignoré jusqu'à ce jour et qui pourtant n'avait cessé de lui manquer."
L'ingénieur d'Assart exilé au Brésil pour apporter le progrès de la science et de la technique aux populations indigènes menacées par des crues du fleuve se retrouve face aux croyances religieuses et prend part à sa façon à une procession dont il finit par devenir l'ordonnateur iconoclaste mais finalement accepté par sa nouvelle communuaté. (La pierre qui pousse)
Le temps fort du recueil est sans conteste "Le renégat ou un esprit confus".
Un ancien séminariste défroqué s'enfuit vers une ville de sel perdue dans le désert et abjure son ancienne foi pour adhérer à celle d'un fétiche dont il devient l'objet à défaut d'en être le sujet :
"Ô fétiche mon dieu là-bas, que ta puissance soit maintenue, que l'offense soit multipliée, que la haine règne sans pardon sur un monde de damnés, que le méchant soit à jamais le maître, que le royaume enfin arrive où dans une seule ville de sel et de fer de noirs tyrans asservisseront et posséderont sans pitié !"
Un recueil de nouvelles à découvrir pour compléter notre connaissance de Camus.
Ces nouvelles sont une autre façon d'aborder l'oeuvre du philosophe et de mesurer, une fois de plus, ce qui l'éloigne de JP Sartre.

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N'étant pas une idolâtre de Camus, ni d'ailleurs d'aucun autre auteur, j'avoue pourtant que notre ami Albert a tout pour pour me plaire.

Il est classique. Il est tellement classique qu'on pourrait le croire ennuyeux. Ou dépassé. Ou juste bon pour faire les sujets du bac.
Il est juste. Il sait viser juste, à hauteur d'homme, à hauteur d'âme, recueillant dans ses paumes une eau mêlée de sable et de sel, une eau amère qui donne soif, une eau qui fait fleurir le laurier-rose et rouiller les chaines des prisonniers.

Camus, celui qui est près des hommes.
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3ème livre de Camus que je lis. Je repense au bus Essaouira - Marrakech dans leur burnous. Il n'aimais pas beaucoup l'effort physique. Il avait cessé de la mener sur les plages. Ils vivaient dans 3 pièces, ornées de tentures arabes et de meubles de Barbes. L'eau de la nuit commença d'emplir Janine. Les muets. Il évitait les rails. Sa jambe infirme reposait. le tonneau les bordelaises , mon grand père maternel était tonnelier. Je suis sensible à cette description. Les douelles creusées à la varlope.
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Je ne connaissais pas encore Albert Camus, nouvelliste, voilà cet oubli réparé. "L'exil et le royaume" regroupe six nouvelles aux thèmes très différents, et justement parce qu'elles ont peu de lien les unes avec les autres, je n'ai pas été intéressée de la même manière par tous les textes. Dans l'ordre de mes préférences je retiendrai : "L'hôte", "La pierre qui pousse" et "Jonas ou l'artiste au travail"... Un peu déçue par ce livre, qui n'est pas à la hauteur de "L'étranger", "Noces", "l'été" ou "Les justes"... Note moyenne, avec regret, on souhaite toujours l'excellence.
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Albert Camus parlant de son recueil de nouvelles publié en 1957 disait qu'il l'avait conçu dans des styles très différents, allant du monologue intérieur au récit réaliste. Mais les thèmes de chaque nouvelle montrent l'homogénéité du recueil. Chacune des six nouvelles est un récit dont le personnage principal subit, à sa façon une forme d'exil puis tente de trouver un royaume, qui serait une relation fusionnelle avec un monde où un personnage extérieur. Camus utilise un langage simple et montre ici un grand savoir-faire puisque chaque intrigue limite le nombre de personnages. Tous sont liés par la solitude et l'échec. Il s'agit donc pour Camus à travers ces nouvelles de nous mener sur le chemin de ces êtres solitaires et solidaires à la fois, ce paronyme montrant lui-même le lien interne à chaque récit et à l'ensemble du recueil. L'Exil et le Royaume est empreint d'une grande force suggestive propre au réalisme symbolique.
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Je continue ma relecture de l'oeuvre de Camus, si La chute est un de mes livres de chevet, je n'avais plus ouvert ce recueil de nouvelles depuis le lycée, il y a quatre décennies. Je me souvenais assez bien de quatre des nouvelles, pas forcément des détails, mais du sens général et de leur chute, en particulier Jonas, la femme adultère et la pierre qui pousse. Mais j'avais totalement oublié deux d'entre elles, L'hôte et Les muets, j'ai vraiment eu l'impression de découvrir de nouveaux textes, c'est peut-être la raison pour laquelle ce sont eux qui m'ont le plus touchée.

Ces textes nous parlent d'exil, évidemment, le plus souvent il s'agit d'un exil intérieur, sauf pour La pierre qui pousse, où un ingénieur français fuit un drame et part travailler au fin fond du Brésil. Déjà à l'époque je n'avais ni aimé, ni compris cette nouvelle et le passage du temps n'y a pas changé grand chose. le héros participe de manière symbolique à la promesse du coq en l'aidant à porter la pierre, mais pourquoi la ramener chez lui et pas à l'église comme prévu ? Il faut peut-être y voir une action anticléricale, mais il y a sûrement quelque chose de plus subtile qui m'échappe. Camus veut peut être dire que Dieu a abandonné les hommes et que rien ne les oblige à tenir une promesse qu'ils lui ont faite dans un moment de détresse. le héros y voit aussi l'occasion de terminer sa propre histoire.

La femme adultère ne peut que nous toucher, même si les circonstances du texte nous sont devenues complètement étrangères puisqu'il s'agit de Français qui vivaient en Algérie juste après la guerre. Janine se sent exilée à la fois dans son couple et dans cet environnement dont elle pressent l'hostilité. Son couple tient par l'habitude et la peur de la solitude, mais l'amour l'a déserté depuis longtemps, qui ne se reconnaît pas dans ce portrait ? Elle saura communier avec la nature pourtant hostile du désert, sans qu'on sache de ce qu'il adviendra de ce moment intense, prise de conscience ou extase momentanée ?

Un des thèmes importants et toujours actuel de ce recueil est l'impossibilité de communiquer et de se comprendre. le patron des muets ne saura renouer le lien avec ses ouvriers. Chacun est sûr de son bon droit, les ouvriers refusent d'enterrer la hache de guerre, le patron affirme qu'il est impossible de les augmenter vu les circonstances économiques. le drame personnel du patron ne permettra pas aux opposés de se rejoindre, même si cela fait réfléchir le héros sur la précarité de la vie. Cette nouvelle est très actuelle, à l'heure des licenciements collectifs et de la crise économique, toutefois il ne semble plus y avoir autant d'humanité dans les conflits sociaux. Les patrons actuels sont rarement des gens que l'on connaît et qui ont grandi dans l'entreprise, on est au temps du capital anonyme et plus aucun lien ne subsiste entre dirigeants et salariés, du moins pas du vrai lien. La non communication est encore plus flagrante dans L'hôte, l'instituteur offre la liberté au prisonnier dont on lui a confié la garde, il le libère en lui donnant le choix de son destin, mais l'homme refuse ce don, il décide de se constituer prisonnier. le geste du héros n'est pas compris et les Arabes veulent le tuer. Il respecte la liberté du prisonnier, même si celui-ci ne l'assume pas, sans doute la peur de la liberté, un thème cher à l'existentialisme.

Ces nouvelles ont été publiées en 1957, en pleine guerre d'Algérie et on le ressent dans certains de ces textes. Ils nous parlent de la fin d'un monde, duquel les personnages seront bientôt exilés. J'aime moins ces nouvelles que les romans, mais on ne peut qu'admirer la virtuosité avec laquelle Camus sait manier différents styles.

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Il faut lire Albert Camus pour son écriture et son humanisme. Les mots qu'il choisit ont une force d'évocation hors-pair et il n'est pas Nobel de littérature pour rien.
Ce recueil de six nouvelles le prouve d'autant plus que la sobriété de la langue n'a d'égale que la brièveté des textes.
"L'exil et le royaume" est la dernière oeuvre de Camus publiée de son vivant. le livre est composé de : La Femme adultère, le Renégat ou un esprit confus, Les Muets, L Hôte, Jonas ou l'artiste au travail et La Pierre qui pousse.
A travers ses personnages Camus s'interroge sur le sens de l'existence, l'absurde de ses contraintes et contradictions, les choix qu'elle conduit à faire, les sources d'amertume et d'espoir.

La nouvelle que je préfère est l'hôte. On y retrouve la terre natale de Camus.
En Algérie, dans les hauteurs semi-désertiques du pays, un instituteur français reçoit la visite d'un gendarme et de son prisonnier indigène. A lui d'amener l'homme à Tinguit où il sera jugé pour meurtre. Cette tâche, il l'accepte à contrecoeur et devra la confronter à sa conviction intime et la complicité étrange qui va le lier à cet homme dont il ne sait rien.

Ce que j'aime beaucoup aussi, ce sont ses premières phrases comme dans La femme adultère : « Une mouche maigre tournait, depuis un moment, dans l'autocar aux glaces pourtant relevées. ». On s'y croirait.


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Une passion pour l'ensemble des textes de Camus, mais ce recueil de nouvelles me touche plus particulièrement; il offre des bijoux de poésie et de sensibilité....dans des sujets très différents
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