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4,02

sur 1505 notes

Critiques filtrées sur 4 étoiles  
Pièce en 4 actes écrite en 1944 pour sa version définitive, elle a été jouée en 1945 par Gérard Philippe, et reprise maintes fois en France comme à l'étranger

A la suite de la perte d'une femme qu'il aimait (un détail : il s'agissait de sa soeur!), Caligula subit un profond changement de personnalité. Conscient de l'absence de limites que lui confère le pouvoir, à la façon d'un enfant en mal de repères, il fait régner une terreur sans nom sur son peuple et son entourage proche. C'est sans vergogne qu'il tue, viole, humilie, pille et comble du châtiment : il méprise.

Sa cour, pétrie de peur, s'incline et se vautre dans la flagornerie, reste muette face aux multiples vexations, d'autant plus perverses que Caligula en fin psychologue cerne parfaitement le tempérament de chacun et adapte les tortures en fonction de ce qu'il perçoit de leurs angoisses

Deux hommes résistent à cette emprise : Scipion le poète et surtout Cherea, qui fomente une révolte.

Derrière l'intrigue, se retrouvent des thèmes chers à Camus et développés dans les nombreux textes qu'il a laissés : le fonctionnement du pouvoir totalitaire, dont la seule échappatoire est de ne pas s'y trouver confronté. Coupable ou non, l'accusé est fautif et donc condamnable. C'est ce qui arrive à Méreïa, qui sera exécuté sur le champ au terme d'une réquisitoire digne des plus stupides sophistes.

Une tirade fait allusion aux relations rapidement conflictuelles avec les intellectuels de la bande Sartre, et fait référence à l'enfance pauvre («je suis né esclave...) en opposition à ceux «qui n'ont jamais rien souffert ni risqué».

Enfin face au tyran se dresse Cherea, qui incarne la raison et la révolte lucide, reste honnête et fidèle à ses principes, jusqu'au crime final.

Dans ses Carnets, Camus évoque un épilogue pour la pièce :» Non, Caligula n'est pas mort. Il est là, et là. Il est en chacun de vous. Si le pouvoir vous était donné, si vous aviez du coeur, si vous aimiez la vie, vous le verriez se déchaîner, ce monstre ou cet ange que vous portez en vous. Notre époque meurt d'avoir cru aux valeurs et que les choses pouvaient être belles et cesser d'être absurdes. Adieu, je rentre dans l'histoire où me tiennent enfermé depuis si longtemps ceux qui craignent de trop aimer»

Très courte et très agréable à lire, j'ai imaginé derrière les dialogues la fougue et la folie incarnée par Gérard Philippe, que je rêverais de voir...

Lien : http://kittylamouette.blogsp..
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Ce livre contient deux pièces de théâtre d'Albert Camus : Caligula et le malentendu.
La première, Caligula, met en scène l'empereur romain dont on sait qu'il était fou. Si je me souviens bien de mes cours de latin, il avait entre autres excentricités nommé son cheval consul. Convaincu que "les hommes meurent et ils ne sont pas heureux", persuadé qu'il faut pousser la logique jusqu'au bout, quitte à transformer son empire en bain de sang, Caligula ordonne, tue, danse, se déguise, désespère qu'on lui apporte la lune et, tout compte fait, n'est pas plus heureux que le reste de ses sujets. Analysant son comportement, le personnage Cherea dira de lui à l'acte II : "Il met son pouvoir au service d'une passion plus haute et plus mortelle, il nous menace dans ce que nous avons de plus profond. Sans doute, ce n'est pas la première fois que, chez nous, un homme dispose d'un pouvoir sans limites, mais c'est la première fois qu'il s'en sert, sans limites, pour nier l'homme et le monde". Il peut sembler difficile de comprendre l'empereur et, comme les patriciens qui complotent, on en arrive rapidement à espérer sa mort plutôt que de le laisser poursuivre le massacre. Cependant, le personnage garde un côté terriblement désespéré, malheureux, qui fait qu'on le prend en pitié au lieu de le détester franchement.
La seconde pièce, le malentendu, est une histoire sordide. Une fille et sa mère tuent des voyageurs riches qui s'arrêtent dans leur auberge afin de leur dérober leur argent et s'en aller vivre dans un pays plus ensoleillé. Viendra dans ce contexte le tour de Jan, leur frère et fils parti de la maison familiale des années plus tôt, et qu'elles n'ont pas reconnu. Il revenait, avec son épouse, voir s'il ne pouvait pas apporter un peu de bonheur dans cette triste maison, il finira au fond de la rivière. le personnage de Martha, la soeur, est particulièrement frappant : d'une dureté incroyable, aigrie, insensible, on perçoit malgré tout au fond d'elle un désespoir permanent que rien ne peut apaiser et qui rappelle celui de Caligula.

En somme, ces deux pièces mettent en scène toute une série de personnages implacables, fous dans leur soif de mort, mais qui savent, à leur manière, nous toucher. Je ne savais pas à quoi m'attendre en ouvrant ce livre, mon avis sur les oeuvres d'Albert Camus étant très variable (j'avais adoré La peste et détesté L'étranger) mais je ne suis pas déçue. le style est toujours direct, sans détour, ce que dans ce cas j'apprécie, et la psychologie des personnages très fine. A lire.

Challenge XXème siècle 2019
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Ces deux pièces font partie du cycle de l'absurde. Elles exposent chacune à leur manière, dramatique ou tragique, les bouleversements issus de la mort de Dieu et l'avènement d'une nouvelle religion : la liberté. Pour moi, Caligula est un cran au-dessus du Malentendu qui est trop marqué par son époque (petite teinte paternaliste surannée). Quand on prend conscience que plus rien n'a de valeur, et certainement pas l'amour qui peut disparaître du jour au lendemain, la vie humaine n'est plus sacralisée. Mais être libre seul et ne pas tenir compte des autres êtres humains est voué à l'échec. Que ce soit Caligula ou Martha, leurs outrances meurtrières les mènent à une déprimante solitude bien plus douloureuse que la mort.
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J'ai un petit faible pour Camus. Cela a sûrement influencé ma notation de Caligula!
Plus que surréaliste, nihilisme, cruauté vaine, l'impression que j'en retiens (certainement critiquable car personnelle) est celle d'un personnage au bout de la désillusion bien qu' omnipotent, qui n'a pas trouvé le bonheur au bout de l'amour (mort de Drusilla en première lecture, mais surtout, plus loin, il indique "l'amour, j'ai appris que ce n'était rien"), du pouvoir absolu d'empereur d'humilier ou de tuer ( "tuer n'est pas la solution" ), ni dans même dans l'impossible (la lune demandée à Helicon, mais il admet plus tard qu'il est sans illusion sur le fait que cela le rendra heureux: il l'a déjà possédée! ). En allant plus loin, ne pourrait on en dériver la vacuité de la vie quand elle est guidée par des désirs... même s'ils se réalisent (les stoïciens ont déjà fait le procès des désirs qui ne se réalisent pas...)? La logique conduit Caligula à la seule solution pour cette vie qui n'a pas de sens, absurde: non seulement ne pas craindre la mort mais la désirer. 
Un deuxième procès, très parallèle,  est instruit par Camus dans Caligula: celui de la liberté: la liberté sans limite ( "ma liberté n'a plus de frontières"  ) mène au suicide. Faute de  faute de limite (la liberté des autres par exemple) qui lui permette d'exister?

Pour incarner ces questions, Camus propose un personnage de Caligula qui ne se contente pas d'être un monstre à la cruauté croissante: la pièce deviendrait vite sans intérêt. En complément du tyran cynique et sanguinaire, il nous fait découvrir un Caligula tour à tour d'une logique extrême et capable d'une rhétorique inique; lucide et désemparé; doutant et sûr de lui, solitaire et recherchant la compagnie de certains (Cherea, Caesonia....); réaliste sur les faiblesses humaines et irréaliste dans sa quête de l'impossible. Il en fait un humain: complexe , pétri de contradictions ...et donc attachant...par moments!

Cette interprétation personnelle est surement critiquable. Elle a du moins l'intérêt d'indiquer que Caligula permet d'aller plus loin que la lecture "immédiate" d'une "simple" pièce de théâtre.
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Pièce controversée et dont on a souvent douté de l'intérêt théâtral, Caligula reste un chef d'oeuvre tant par sa forme, par son style que par les questions philosophiques qu'il soulève.

La solitude, la tyranie, la soif d'absolu et leurs faux-semblant (la société, la bonté, la futilité), y mêlent avec indécence leurs toiles mystérieuses. le langage de Camus est extraordinaire de virtuosité. Cadensée, la tension dramatique va crescendo, livrant au lecteur des questions universelles qu'aucune réponse préconçue ne résoud .

Le personnage de Scipion, bouleversant d'intégrité, se veut le pendant d'un Caligula fou-furieux, dont la violence n'a d'égal que la bassesse sociale de ceux qui l'entourent.

Une pièce détonnante et destabilisante, qui fait écho à celle qui la suit : si "Le Malentendu" n'a pas la stature de "Caligula", elle traite des mêmes problématiques et démontre qu'à avoir trop soif et à ne pas se contenter de ce que l'on a, on finit par se perdre dans d'infinies souffrances.

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Face à la cruauté arbitraire du destin, de l'ironie injuste de la vie, de son absurdité et de son manque de sens, Caligula se fait nihiliste et devient maître de sa vie et de celle de ses sujets par la même occasion, qui deviennent les objets de son bon vouloir.
Mauvais choix probable mais assumé jusqu'à la fin.
"Caligula", est une pièce d'Albert Camus qui nous questionne et nous déstabilise.
Concernant la 2ème pièce, "Le Malentendu", j'ai été moins emporté. Là encore, les personnages font face à l'ironie tragique de la condition humaine et à leurs choix en quête de bonheur au détriment des autres et d'eux-mêmes.
2 éléments du cycle de l'absurde de Camus, à lire.

Challenge "A travers l'histoire" 2024
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J'aime le théâtre, le voir l'écouter mais lire une pièce m'est difficile, néanmoins je voulais me faire une idée du théâtre de Camus j'ai donc tenté Caligula.

Le thème de l'empereur fou et sanguinaire est récurrent dans l'empire romain. Pourquoi l'empire a-t-il engendré ces monstres, je n'ai pas de piste sauf à penser qu'un excès de pouvoir nourrit les grands paranoïaques ou l'inverse ...

Pas certaine d'avoir tout apprécié dans ma lecture, j'espère avoir l'occasion de voir cette pièce sur scène en regrettant de ne pas avoir vu Gérard Philipe dans ce rôle !!!

"Les hommes meurent et ils ne sont pas heureux
Lien : http://theetlivres.eklablog...
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Personne n'a pu lui offrir la Lune

Lorsque sa soeur et maîtresse Drusilla meurt, Caligula prend soudain conscience de l'inutilité de l'existence et entend bien en faire la démonstration à tous.
Il devient alors un terrible tyran, poussant l'absurde jusqu'à la folie meurtrière.
Les exécutions se feront au hasard, les femmes seront prostituées, les notables serviront à table...

C'est sombre oui. Même l'humour est noir ici. C'est un poil pessimiste et cynique.
C'est du Camus quoi. du grand Camus.

Caligula fait le mal tout simplement parce qu'il le peut...
Finalement, on se prend d'empathie pour Caligula qui ne fait que suivre sa propre logique.
On pourrait presque adhérer à son raisonnement. Presque... On oscille en permanence entre '"il est fou, c'est un monstre" et "ça se tient". Caligula est tellement intelligent.
Il ne voulait "que" remettre un peu de logique dans toute cette absurdité.
Mais la vie est absurde...

Je ne suis pas philosophe dans l'âme, je ne me risquerai pas à analyser ce texte.
Je l'ai simplement apprécié. J'ai aimé la musique des mots, l'humour grinçant, les répliques superbes...
Une pièce de théâtre courte mais grandiose.

A lire bien évidemment.
Lien : https://demoisellesdechatill..
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Lever de rideau sur une froide cruauté d'âme et de coeur en quête d'impossible et de démesure totale de libertés et de sentiments.

Scènes et actes se font révoltes et infidélités, l'absurde s'affronte à l'existence et sa réalité.

Nul ne peut exister sans l'autre se fait corps au jeu de rôles et de décors d'une pièce devenue intemporelle.

A découvrir avec réflexions et méditations.
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Camus c'est la philosophie de l'absurde, cette étrangeté qui peut naître quand l'être humain se retrouve face à un monde silencieux, qui ne lui répond pas, ne lui parle plus. Il fait d'ailleurs dire à Caligula « On ne comprend pas le destin et c'est pourquoi je me suis fait destin. J'ai pris le visage bête et incompréhensible des dieux ». En mettant en scène, ce personnage historique et controversé qu'est Caligula – troisième empereur romain - il illustre de façon tragique et violente le divorce entre l'homme et le monde, la révolte qui en découle. Dès le premier acte, on découvre un Caligula désoeuvré qui cherche la lune, après avoir perdu sa soeur et amante. Tout empereur qu'il est, il est soumis à l'impuissance des hommes et ne peut obtenir ce qu'il désire. Il va alors se déchaîner dans un arbitraire total et exercer une tyrannie et une terreur insensées. L'homme semble fou, mais sous la plume de Camus cette folie trouve un certain sens. Caligula renvoie chacun à ses lâchetés, ses couardises et ses mensonges. Il tue le fils d'un tel, le père d'un autre, fait jurer allégeance tout en humiliant et chacun de trembler et d'accepter. Au travers les dialogues, Camus nous guide dans sa vision philosophique du monde « Les hommes meurent et ne sont pas heureux », ce monde est absurde, nous tenons à la vie et pourtant elle ne nous rend pas heureux . Petit à petit, Caligula guide la haine qu'il provoque vers son assassinat car au fond quand on n'est pas heureux il ne reste qu'une solution, mourir. L'assassinat comme un suicide programmé. Dans le Malentendu, pièce éditée dans le même ouvrage, Camus met également en scène des personnages malheureux pour lesquels le monde n'a plus de sens sauf à se réfugier dans un fantasme : vivre dans un pays chaud. Une mère et sa fille assassinent leurs clients solitaires en vue de pouvoir quitter leur petite vie. Deux pièces sombres qui mettent en scène des hommes et des femmes sans espoir, révoltés contre leur condition mais qui se précipitent vers leur propre mort à cause de leur voracité et de leur absence d'amour. Dans un cas comme dans l'autre les personnages sont égoïstes et imperméables à l'amour qu'on leur porte et qui aurait pu les sauver.
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