Michelle Montmoulineix

L'esprit musicien des baleines mortes vogue sur les mers. Il se nourrit de la rumeur des vagues et du vent, mais la musique et la voix des matelots l'attirent plus que tout. Parfois, l'esprit de la baleine prend l'apparence d'un petit enfant. Il se laisse recueillir pour jouir du chant des hommes. Mais quand le chant est fini, l'enfant disparaît des navires comme il est venu, à moins qu'on ait pris le soin de lui donner un nom.

1959.
Le soir du 24 août, le petit Marcel fait le tour de la Piaulerie. Il explore les lieux. En revenant de l'étang, il surprend la faible plainte d'un animal dans la grange. Le garçon s'avance sur la pointe des pieds. Doucement, il pousse la porte le coeur battant. C'est sa mère qui est là, tapie comme une bête derrière une meule de foin pourri.
Si belle et fière naguère, Saloua pleure, brisée, dans sa robe bleue souillée de bouse, le poing sur la bouche pour ne pas faire de bruit.

- La vie des plus jeunes, sur terre comme dans les océans, est précieuse. Elle doit être préservée. Elle porte en elle l'avenir du monde.

La musique, composée par un génie d'un autre siècle, évoquait des saisons qu'elle n'avait jamais connues. Les instruments de l'orchestre emplissaient ses oreilles de chants d'oiseaux et de bourdonnements d'insectes disparus, évoquaient des printemps et des étés vert et bleu enluminés par le tracé argenté de rivières étincelantes. Ils faisaient palpiter ses narines du parfum sucré de haies fleuries. Puis les violons gémissaient et bramaient, et Victoire sonnait comme on frissonnait jadis par les soirées d'automne.
Pourtant jamais, de toute sa vie, elle n'avait ressenti l'humidité ni le froid pour de vrai. Le dernier concerto était plus extraordinaire encore que tous les autres. Il donnait à entendre le silence de l'hiver, le merveilleux silence lisse et crémeux de la neige qui tombe. pg 10 et 11

C'était un vieil homme maigre et hâlé, dont le visage, craquelé comme une terre aride, était rafraîchi par un regard très bleu.

- (...) Ne te fie pas aux mensonges des apparences. Il faut apprendre à nager sous la surface des choses.

Depuis, plus aucune musique n'attire Marina vers la plage. Au contraire, tout la pousse vers le large. Chaque soir, elle s'éloigne d'avantage, mais personne ne peut dire si elle partira un jour pour de bon et retournera d'où elle est venue...

L'étang de Pisseloup se vide lentement dans l'étang d'aval, à la façon d'un évier. Il a été mis en tire à la mi-octobre pour la pêche annuelle et il ne reste à présent qu'un bassin d'eau pas bien large, à peine plus d'un mètre cinquante de profondeur sous la bonde, dans lequel sont progressivement agglutinés tous les poissons. Ils sont tellement nombreux à s'agiter là que l'eau est en ébullition. Au milieu du remous créé dans la pêcherie par les queues et les nageoires, le corps d'un homme ballotte, les bras en croix.

Dans le saladier, il y une grosse limace en train de ramper tranquillement sur une feuille de laitue.
- Je voudrais juste savoir, demande sérieusement Marianne. C'est aussi une amie à vous ?

Dans les toilettes, il y a Fantômette, une chauve-souris qui passe toute la journée drapée dans ses ailes et suspendue par les pieds.
Pour lui permettre de sortir la nuit, on laisse toujours la fenêtre des toilettes ouverte, ce qui fait qu'il pleut et qu'il vent souvent dans cet endroit. Moi, j'aime beaucoup Fantômette, mais j'aime moins avoir froid quand je fais pipi la nuit.

Quand on est rousse , aux yeux d'une baleine on a les cheveux bleus donc on vient de la mer .