On parle beaucoup des livres et parfois trop de leurs auteurs au détriment du texte - et certainement pas assez des éditeurs, ces hommes et femmes de l'ombre. Cet excellent recueil intitulé
Éditeurs de notre temps (Mediapop, 2023) rend grâce à ce travail déraisonnable et pourtant cher au coeur de tous lecteurs attentifs et passionnés. Des entretiens très intéressants avec
Jean-Hubert Gaillot et
Sylvie Martigny, des éditions Tristram, qui déclarent si justement, par exemple, que « Malgré la complicité, l'affection, l'amour, il y a quelque chose entre les auteurs, les traducteurs et nous, qui est le texte. Ce qui doit faire l'objet du plus grand soin, c'est le texte. La chose à chérir, c'est le texte. le personnage important dans notre relation, c'est le texte » ; un autre entretien avec Caroline Couteau, des éditions Zoé, qui vénère
Jérôme Lindon ; un autre entretien encore avec
Gérard Berréby (Allia), qui explique à quel point le succès d'un texte est fluctuant, mouvant, vivant – et que c'est très bien ainsi.
Olivier Cohen, des éditions de l'Olivier, qui a passé la main, est suivi par
Laure Leroy des édition Zulma, éditions qui ont ouvert récemment une librairie (!), et qui parle du « pacte de confiance » que l'éditrice tente de créer avec le lecteur, la lectrice ; suit un long passage trop axé sur le succès d'En attendant Bojangles, de Bourdeaut, mais un entretien malgré cela intéressant avec Emmanuelle et
Thierry Boizet des éditions Finitude, qui précède l'une des discussions les plus savoureuses de ce recueil avec deux éditeurs de l'une des plus anciennes maisons « indépendantes » françaises : Corti, représenté par
Bertrand Fillaudeau et
Fabienne Raphoz, qui ont récemment - eux aussi - passé la main à deux jeunes écrivains qui sont devenus ainsi éditeurs à leur tour. le recueil se termine avec Benoït Verhille, qui parle des éditions la Contre-Allée. On y apprend tout un tas de chose sur le côté « couteau suisse » de l'éditrice ou de l'éditeur (dixit
Fabienne Raphoz), surtout à quel point c'est un travail de fou du verbe, de peu de raison mais de beaucoup de passion. On les en remercie.