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EAN : 9782073004949
544 pages
Gallimard (16/03/2023)
3.67/5   30 notes
Résumé :
À la veille de Noël, le suicide collectif dans un centre commercial d'individus apparemment étrangers les uns aux autres, voilà de quoi attirer les médias charognards. Justement, la jeune journaliste Manhattan Caplan cherche à tout prix un scoop pour sauver son boulot et conserver la garde de son fils. De la banlieue parisienne à Aokigahara, la forêt des pendus du mont Fuji, son enquête la mène sur la piste d'un réseau social et d'un logiciel révolutionnaire baptisé... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (9) Voir plus Ajouter une critique
Il y a du renouveau du côté de la Série Noire. Certes, elle ne s'était pas endormie sur ses lauriers. Mais de nouveaux auteurs arrivent avec fracas et ils sont redoutables. Diablement intelligents, ils écrivent bien, maitrisent le style et le fond. Ils sont ancrés dans leur époque. Okay, avec Semia, je ne suis pas totalement impartial. J'ai attendu longuement ce roman qui m'avait séduit dès sa première mouture. Mais l'auteure (je déteste l'autrice) a, avec patience et travail, forgé un thriller remarquable.

Comme je l'ai souvent écrit, la force du roman noir est d'offrir une vision de notre ère, de se couler dans les tourments de nos sociétés et à travers, un imaginaire costaud, de s'attaquer à nos maux. En ce début de vingt-et-unième siècle, le monde de Manhattan Caplan est aussi complexe qu'il peut être parfois pitoyable. Jeune mère, future célibataire, accroc au portable, elle désespère de conserver son poste dans une boite de prod. Alors quand une bande de pendus se balancent dans la zone commerciale de la défense, il convient à Manhattan de garder son sang-froid, de sortir le scoop et de trouver une ligne de conduite pour ne pas céder. Flancher, c'est mourir.

Avec Semia pour Sematic Analysis, Audrey, nous balade entre la région parisienne et le Japon. Où que nous soyons, nous sommes pistés. Nous faisons semblants d'être heureux ou alors nous nous satisfaisons de notre cécité tant qu'elle correspond à nos aspirations. Nous offrons notre vie et notre âme, si tant est que nous en avons une, aux autres. Derrière eux, à des algorithmes et des intelligences artificielles. Et derrière les chiffres et les lignes de codes, se cachent des hommes et des structures. On ne sait plus qui régente l'autre. Et si l'image que nous offrons aux autres est celle que nous souhaitons avoir de nous-même, il n'en résulte qu'un égo doré et une vision glaçante. Toute la futilité de nos désirs est là. Semia nous entraine avec vivacité dans un univers où le journalisme se bat pour conserver une aura d'investigation, où la psychologie montre ses limites, où les secrets d'Etat se moulent dans des tendances suicidaires, où la manipulation des datas est une arme tranchante.

C'est brillant et assurément un excellent thriller à deux coups. le premier est la force romanesque drainée par l'héroïne, le second la réflexion suscitée.
Lien : https://nigrafolia.fr
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Un fort intéressant thriller autour des réseaux, de la sécurité intérieure paranoïaque et de l'intelligence artificielle prédictive, hélas affaibli par un maniement trop lourd de stéréotypes et de clichés, notamment sociaux.

Sur le blog Charybde 27 : https://charybde2.wordpress.com/2023/07/14/note-de-lecture-semia-audrey-gloaguen/

Un beau matin de décembre, quelques jours avant Noël, trois cadavres sont retrouvés pendus à l'intérieur du grand centre commercial du quartier d'affaires de la Défense. Émoi en haut lieu, où l'on redoute une récupération politique autour du thème de la souffrance terminale au travail, qui menace de surgir au premier plan médiatique si l'affaire n'est pas correctement et rapidement gérée. de Nanterre, le commandant Nowak, efficace, brutal, doté d'une face sombre proprement terrifiante, prend les choses en main. Impliquées, par hasard ou non, cela se résoudra en temps utile : une journaliste en instance de divorce, aux trois quarts noyée dans sa charge mentale, ainsi que sa psychanalyste (comme de l'eau qui dort, peut-être). En sauveur improbable : un amour de jeunesse, caïd de banlieue aux ressources toujours insoupçonnées. Derrière, autour, partout : les réseaux sociaux, la sécurité intérieure, l'intelligence artificielle prédictive. À cent à l'heure.

Premier roman d'Audrey Gloaguen, journaliste et documentariste réputée, « Semia », publié en mars 2022 dans la Série Noire de Gallimard, avait beaucoup d'atouts pour séduire, entre traits acérés et rusés prêtés initialement aux principaux personnages et toile de fond politico-technico-policière au fort haut potentiel. Hélas, la fête est plutôt gâchée par une intrigue malgré tout beaucoup trop prévisible et par une accumulation de clichés autour de typologies socio-professionnelles largement ressassées. À ce stade, la comparaison avec, par exemple, le « Composite » d'Olivier Paquet est cruelle. C'est dommage, et l'on espère sincèrement que ce beau potentiel entrevu ici, en s'attachant plus intensément à combattre les stéréotypes des premières intentions, nous proposera à l'avenir d'autres sentiers à parcourir, au point de jonction du réel et du frissonnant, du vertige technologique et du cynisme politique, comme ici, mais en évitant les pièges d'une écriture encore beaucoup trop « automatisée ».

Lien : https://charybde2.wordpress...
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Pour son premier roman, Audrey Gloaguen a choisi notre ère numérique comme toile de fond. Les logiciels, algorithmes et réseaux sociaux ont la part belle dans ce polar 3.0. On pourrait croire ce roman futuriste, malheureusement il n'en est rien. Nous sommes déjà traqués, espionnés, analysés, disséqués par nos téléphones et nos ordinateurs pour des raisons commerciales, c'est un moindre mal car il nous reste encore notre libre arbitre. Ici, l'imagination de l'auteure pousse l'ingérence des intelligences artificielles beaucoup plus loin, mais n'en sommes-nous pas déjà là sans le savoir ? Sueurs froides assurées !
Un suicide collectif dans un grand centre commercial quelques jours avant Noël 2018. Aucun lien apparent entre les suicidés. l
Le commandant Jan Nowak, un flic psychopathe, est chargé de l'enquête. Une journaliste, Manhattan Caplan, en instance de divorce, qui lutte pour avoir la garde de son fils et qui, pour ne pas être licenciée cherche un scoop salvateur, se lance également dans cette affaire que les plus hautes instances de l'Etat veulent étouffer.
Le décor est posé, chaque chapitre est une journée, chaque sous chapitre, très court, horodaté, commence par des données d'identification et de géolocalisation, tout est sous le contrôle d'un réseau social nommé « Fate » auquel les personnages, connectés 24h/24, livrent les moindres instants de leur existence.
Un roman addictif au rythme soutenu. Une histoire bien ficelée au suspense entretenu par des indices lâchés comme par inadvertance. le tout servi par une écriture percutante qui donne de la consistance aux personnages.
Un premier roman réussi qui coche toutes les cases du bon polar noir.
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Audrey Gloaguen signe un roman noir bien ancré dans le 21è siècle. Manhattan Caplan est une jeune femme un peu paumée : elle va bien bientot divorcée et doit se battre à la fois pour garder son boulot et pour conserver la garde de son fils. Il lui faut absolument une affaire qui va la projeter aux premiers rangs du succès.

C'est chose faite avec une affaire de suicide collectif dans un centre commercial à la veille de Noel. Rien ne prédestinait des trois personnes à se suicider et encore moins ensemble. L'affaire est confiée à un certain Novak, un policier d'origine polonaise qui a des méthodes pour le moins efficace meme si peu conventionnelles.
Du Japon et ses traditions ancestrales aux nouvelles technologies, Semia nous entraine dans une enquete sans temps mort et avec des personnages qui se débattent dans le quotidien et qui les rendent terriblement accessible.
Le roman noir a pour tradition de mettre en lumière les travers de notre société et Semia va complètement dans ce sens.
J'ai vraiment beaucoup aimé ce roman qui se lit vraiment tout seul. J'ai gobé la moitié en deux heures de temps, c'est peu dire.
Laissez vous porter par la plume d'Audrey Gloaguen vous ne serez pas déçus.
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Semia est un polar que j'ai adoré lire tant par les personnages que par la thématique proche des nouvelles technologies. On ne le sait pas au début du roman si on ne lit pas la quatrième de couverture et je trouve d'ailleurs dommage que Gallimard est spoilé les lecteurs dans son résumé.

Le roman s'ouvre sur une affaire de suicide collectif dans un centre commercial à la veille de Noël. le lire en ce moment est donc plutôt une bonne idée pour se mettre dans l'ambiance 😅

Assez rapidement, on se demande comment se sont rencontrés ses personnes qui n'ont rien en commun si ce n'est la fin de leur vie.

J'ai été tenue en haleine jusqu'au bout. Bien que je ne lise pas beaucoup de polars, je suis toujours contente quand je tombe sur un que je n'ai pas envie de refermer. Et ça n'a jamais été le cas pour Semia bien que j'ai mis du temps à le lire 😅
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critiques presse (1)
SudOuestPresse
17 mai 2023
Avec cette première fiction, Audrey Gloaguen s’impose comme une romancière de talent, grâce en partie à des personnages aussi inattendus que vraisemblables.
Lire la critique sur le site : SudOuestPresse
Citations et extraits (7) Voir plus Ajouter une citation
Cheveux gris coupés court et costume impeccable, l’immense homme filiforme contemple les jardins de l’hôtel de Beauvau depuis sa fenêtre, tout en réfléchissant. Derrière lui, trois clones frais émoulus de l’ENA attendent la parole divine, le cul posé sur des fauteuils curules en noyer. À son arrivée au ministère, Zimmerman a aimablement mais fermement demandé à ce qu’on redécore entièrement son bureau. Il a demandé au Mobilier national de changer les canapés rouges Andrée Putman commandés par son prédécesseur et a fait installer des fauteuils Directoire et un bureau Louis XV.
— Les journalistes sont-ils déjà au courant ? interroge Zimmerman.
— Pas encore, monsieur, répond un jeune blond tout en plaquant sa mèche sur le côté. Mais ça ne saurait tarder. Nous sommes à la veille de Noël, les gérants des boutiques sont devant le centre commercial et commencent à s’impatienter.
Deux coups secs contre la porte, un homme pressé entre.
— Ah ! lance Zimmerman. Installez-vous, je vous prie. Comme disait le grand Charles, c’est la chienlit ici.
— À l’usine Lesieur de Coudekerque-Branche aussi, répond le collaborateur qui parle avec assurance et se targue d’être le bras droit de Zimmerman. Mais les deux cents CRS que vous avez demandés sont en place. Ils ont déjà interpellé trois hommes qui commençaient à jeter des parpaings et des bombes de peinture. Depuis ce matin, il y a cent cinquante salariés excédés devant l’usine. J’ai eu en ligne le correspon- dant de RTL sur place. Il a tout de suite fait le rapprochement avec l’histoire de la prime.
— Bien évidemment. Il ne faut pas être grand clerc pour savoir que cela ne pouvait pas passer. Refuser une prime de Noël à ses salariés tout en annonçant des bénéfices record juste après, quelle idée. Et les RG, qu’en disent-ils, s’il vous plaît ?
— Selon leurs informations, les salariés préparent une action pour ce soir. Il y a soixante mille litres d’huile sur le site. Il est possible qu’ils veuillent y mettre le feu.
— Une friterie géante, dit Zimmerman toujours enclin à faire un peu d’humour. Les Lesieur sont en capacité de faire la même chose que les New Fabris. Il nous faut prévoir des renforts.
— Les New Fabris ? demande le bras droit de Zimmerman.
— Allons bon, vous ne vous souvenez pas de cette histoire chez l’équipementier automobile New Fabris, en 2009? L’usine était en liquidation, les salariés avaient disséminé plusieurs bouteilles de gaz sur le site et menaçaient de tout faire exploser. Avec les millions de litres d’huile sur le site de Coudekerque-Branche, il n’est pas impossible que les Lesieur aient une idée similaire.
— Je m’occupe des renforts CRS. Sinon, à Toulouse, ça ne se calme pas non plus chez Continental. Et deux autres sites viennent aussi de débrayer, à Foix et à Bessens.
Zimmerman aspire une grande bouffée de vapeur sur sa cigarette électronique.
— Eh bien très chers, annulez vos réveillons, se lamente- t-il en recrachant une odeur de menthol.
— Ça y est, monsieur ! s’exclame un petit brun qui se lève d’un bond et tend le doigt vers le plasma de droite.
… Sur le parvis de la Défense, c’est la stupeur. Ce matin, trois personnes ont été retrouvées pendues dans le centre commercial des 4 Temps. Selon toute vraisemblance, il s’agirait d’un suicide collectif mais aucune piste n’est écartée. Le SDPJ de Nanterre a ouvert une enquête. Nous reviendrons évidemment sur cette information dans les heures qui viennent.
Zimmerman se met à faire les cent pas, tire sur sa clope électronique furieusement. Arrêter de fumer à soixante-huit balais, quelle hérésie.
— Des grèves qui éclatent un peu partout et maintenant un suicide collectif. Une poudrière, voilà ce que c’est, messieurs. Si les journalistes venaient à vous interroger sur l’affaire de la Défense, je vous enjoins d’en rajouter sur les problèmes personnels de ces suicidés. Ce n’est pas très glorieux, je vous le concède. Mais nous devons à tout prix éteindre le feu. Qui est chargé de l’enquête, côté police ?
— Un certain commandant Nowak du SDPJ de Nanterre, répond le bras droit de Zimmerman. Un homme pas commode mais efficace, selon ce qu’on m’a dit.
— Vous appelez le préfet, s’il vous plaît, et vous lui dites de tenir ce Nowak. Je souhaite que cette histoire soit rapidement tirée au clair. Ce dossier est prioritaire. Je vous remercie, messieurs.
La brochette de fonctionnaires s’est levée. Germain Zimmerman bouillonne. Sa peau luit, ses pores recrachent le curry ingéré lors du repas de la veille et rejettent l’angoisse accumulée ces derniers mois. Il se regarde devant l’immense glace au-dessus de la cheminée, se trouve laid et peu présentable, soulève un bras, l’air contrarié. De larges auréoles de transpiration se sont formées sur sa chemise.
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22 décembre – 3h05
GÉOLOCALISATION : rue Marcel-Dassault, Boulogne-Billancourt IDENTIFICATION : Forest Lo
La sonnerie du téléphone lui colle une décharge à la poitrine. Il sursaute, regarde en l’air. La vieille horloge murale en formica indique 3 heures passées. J’ai dormi combien de temps, un quart d’heure à tout casser, bordel ces perms de nuit sont interminables, se lamente-t-il. Forest Lo a pris l’habitude de fractionner son sommeil sur ce canapé crasseux récupéré par l’association. Seules ces siestes éclair lui permettent de tenir le coup toute la nuit.
Il secoue la tête comme un personnage de cartoon, s’éclaircit la voix avant de décrocher.
— Bonsoir, bienvenue chez les Samaritains.
—...
— Si vous avez besoin de temps pour parler, je reste à
votre écoute...
La pendule orange des fifties résonne dans la pièce plongée
dans la pénombre. Le temps prend son temps et la trotteuse
trotte. Parfois, l’aiguille s’arrête sans raison, ouvrant un trou dans l’espace-temps pour mieux précipiter l’homme solitaire vers les ténèbres. L’aiguille justement s’est arrêtée sans raison et les larmes ont commencé à tomber dans le combiné.
— Oui, laissez tout ce chagrin sortir, murmure Forest Lo. Voulez-vous me dire quelque chose à présent ?
— ... Je... je les ai tués !! hurle soudain la voix à l’autre bout du fil. Tous, je les ai tous tués !!
Forest Lo fouille dans sa mémoire, tente de se souvenir de ce que l’association lui a appris. Technique pour rassurer un mec voulant se loger une balle dans le carafon, hors de propos. Technique pour apaiser un type dépressif, hors sujet également. Technique pour assurer face à un meurtrier, rien. Il a beau froncer les sourcils, se gratter le front nerveuse- ment, Forest Lo ne trouve rien dans son cerveau en bordel.
À l’autre bout du fil, il entend l’homme pleurer en silence.
— Qu’est-ce que je vais devenir, qu’est-ce que je vais devenir..., répète la voix.
— Je suis sûr que tout va s’arranger, tente Forest Lo pour gagner du temps. Racontez-moi.
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22 décembre – 8 h 07
GÉOLOCALISATION : parvis de la Défense, Puteaux IDENTIFICATION : Jan Nowak
Le commandant Jan Nowak a toujours aimé faire ça. Remonter le col de sa veste en cuir noir, comme le fait tout bon flic de série B se les pelant en arrivant sur une scène de crime au petit matin. Il gèle à pierre fendre sur le parvis de la Défense. Le vent s’enroule autour des immenses tours. On n’entend que ça, le vent siffler. Des flocons cinglants l’accompagnent en giflant à l’horizontale.
Les cheveux noirs de Nowak ont disparu sous une pellicule blanche. Imperturbable, serrant fermement son trois-quarts de flic, le commandant marche au cœur de cette nuit qui s’entête. Quelques cols blancs accros à leur job en ce samedi matin bravent eux aussi la tempête. Un jeune barbu façon hipster hâte le pas avec ses baskets équitables. Direction la tour Neptune-Allianz abritant les nouveaux maîtres de l’univers : les assureurs.
Nowak devine au loin l’immense « quatre » lumineux cerclé d’un néon rose fluo et une trentaine de personnes massée devant le centre commercial des 4 Temps. Tel un brise-glace, Nowak fend la foule sans prendre la peine de s’excuser. Pas le genre du Polonais. Il montre sa carte de commandant sans un mot. La photo a figé sa quarantaine. Quelques pattes-d’oie au coin des yeux, à force de les plisser et de défier ses congénères.
Un gardien de la paix s’empresse d’ouvrir le cordon de sécurité pour le laisser passer. Dans le sas d’entrée, le commandant sent un souffle chaud se plaquer contre lui comme une chatte en chaleur. Cette matinée va être exceptionnelle, il le sait. L’excitation le saisit, comme chaque fois qu’il devine que des corps glacés vont s’offrir à lui.
Il croise d’autres flics, n’adresse la parole à aucun. Il n’aime personne et personne ne l’aime. Sauf les femmes, avant de le connaître. Avançant lentement dans les allées, il s’attarde sur quelques vitrines, surtout un magasin de lingerie. La mode des guêpières lui plaît énormément. À côté, une boutique propose des coques pour téléphone portable ; le commandant se demande comment on peut vivre en ne vendant que des coques pour téléphone portable. Il prend son temps, veut savourer avant d’atteindre la scène. La première vision va être un choc, l’extase.
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22 décembre – 3 h 05
GÉOLOCALISATION : rue Marcel-Dassault, Boulogne-Billancourt IDENTIFICATION : Forest Lo
La sonnerie du téléphone lui colle une décharge à la poitrine. Il sursaute, regarde en l’air. La vieille horloge murale en formica indique 3 heures passées. J’ai dormi combien de temps, un quart d’heure à tout casser, bordel ces perms de nuit sont interminables, se lamente-t-il. Forest Lo a pris l’habitude de fractionner son sommeil sur ce canapé crasseux récupéré par l’association. Seules ces siestes éclair lui permettent de tenir le coup toute la nuit.
Il secoue la tête comme un personnage de cartoon, s’éclaircit la voix avant de décrocher.
— Bonsoir, bienvenue chez les Samaritains.
—…
— Si vous avez besoin de temps pour parler, je reste à votre écoute…
La pendule orange des fifties résonne dans la pièce plongée dans la pénombre. Le temps prend son temps et la trotteuse trotte. Parfois, l’aiguille s’arrête sans raison, ouvrant un trou dans l’espace-temps pour mieux précipiter l’homme solitaire vers les ténèbres. L’aiguille justement s’est arrêtée sans raison et les larmes ont commencé à tomber dans le combiné.
— Oui, laissez tout ce chagrin sortir, murmure Forest Lo. Voulez-vous me dire quelque chose à présent ?
— … Je… je les ai tués !! hurle soudain la voix à l’autre bout du fil. Tous, je les ai tous tués !!
Forest Lo fouille dans sa mémoire, tente de se souvenir de ce que l’association lui a appris. Technique pour rassurer un mec voulant se loger une balle dans le carafon, hors de propos. Technique pour apaiser un type dépressif, hors sujet également. Technique pour assurer face à un meurtrier, rien. Il a beau froncer les sourcils, se gratter le front nerveusement, Forest Lo ne trouve rien dans son cerveau en bordel.
À l’autre bout du fil, il entend l’homme pleurer en silence.
— Qu’est-ce que je vais devenir, qu’est-ce que je vais devenir…, répète la voix.
— Je suis sûr que tout va s’arranger, tente Forest Lo pour gagner du temps. Racontez-moi.
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Un suicide collectif dans un centre commercial, c'est du jamais-vu. Une pensée étrange vient de lui traverser l'esprit. En ce samedi 22 décembre, Nowak a l'impression de voir une guirlande de Noël composée de corps humains. Dans ce temple de la consommation où l'on célèbre la joie d'acheter pour mieux faire oublier la tristesse des comptes en banque, cette guirlande-là ne fait pas très bon effet.
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