Ces temps-ci, allez savoir pourquoi,
Emile Zola me manque un peu... Ayant eu des scrupules à me replonger dans mes chers Rougon-Macquard eu égard à tous les romans, foule toujours grandissante, qui m'attendent, envahissant le sol de ma chambre en piles plus ou moins branlantes, j'ai ressorti de ma bibliothèque ce recueil de nouvelle que j'avais beaucoup, beaucoup aimé il y a quelques années pour le relire, avec l'espoir de l'aimer encore, davantage si possible.
Grâce soit rendue à ce bon vieil Emile qui ne me déçoit jamais!
Une fois encore, chacune des nouvelles qui composent ce recueil, m'a enthousiasmée, happée, ravie.
On oublie souvent qu'
Emile Zola ne fut pas seulement le romancier génial qui insuffla tant de vie et de profondeur à son XIX°siècle et aux Rougon-Macquart mais qu'il commis également, en plus de son célèbre éditorial et de rares pièces poétiques, quelques nouvelles dans laquelle il parvient à donner la pleine mesure de son talent tout en le condensant. On y retrouve son gout -désormais célèbre et souvent raillé- des descriptions naturalistes, ses thèmes et ses obsessions, la réussite, les échecs personnels, la peur de la mort et une certaine angoisse existentielle. Pour autant, chacune des nouvelles qui composent le recueil ("
La Mort d'Olivier Bécaille", "
Nantas", "L'Inondation" et "
Les Coquillages de Monsieur Chabre") possède sa propre couleur, sa propre unité.
"
La Mort d'Olivier Bécaille" nous plonge dans les pensées d'un homme, heureux époux d'une toute jeune femme, et fraichement débarqué à
Paris de sa Bretagne natale. Il espère trouver dans la capitale une place qui leur permettrait de transformer la médiocrité de leur foyer en opulence, ou à défaut, en confort. Hélas! L'homme est bientôt victime d'une crise de catalepsie. le croyant mort, ses proches organisent ses funérailles alors même que ce pauvre Olivier est conscient. Conscient, mais prisonnier de son corps qui ne lui obéit plus. Quelques temps après son inhumation, il parvient à quitter son cercueil et à retrouver le monde des vivants grâce à un médecin qui durant quelques semaines prend soin de lui. Hélas, le retour d'entre les morts ne se passe pas comme prévu, mais pour Olivier Bécaille, homme malingre et à la santé fragile, c'est le début d'une toute autre existence. Tantôt poignante, tantôt grinçante, "
La Mort d'Olivier Bécaille" est une nouvelle délectable qui pose la question de l'absurdité de la condition humaine et qui ausculte les peurs les plus profondes à travers un personnage foncièrement humain mais d'une grande intelligence, ce qui n'est pas tout à fait le cas du protagoniste d'une autre nouvelle du recueil. Monsieur Chabre, protagoniste de la nouvelle qui porte son nom, est un brave homme mais il ne brille ni par sa clairvoyance, ni par sa connaissance du genre humain... Comme Olivier Bécaille, Chabre a épousé une femme plus jeune que lui dont il espère ardemment qu'elle lui donnera les enfants qu'il a toujours rêvé d'avoir. La jeune épouse a beau être en pleine santé et avoir les hanches assez larges, le mariage demeure stérile jusqu'à un voyage en bord de mer, pour le plus grand bonheur de Chabre. S'il savait... mais après tout "heureux les simples d'esprit car le royaume des cieux leur appartient". Et puis, cette nouvelle, drolatique et de loin la plus légère du roman, on n'aurait pas voulu qu'elle se termine autrement. Petite respiration entre des récits bien sombres. de Monsieur Chabre, on passe à "
Nantas" qui frôle le désespoir et qui narre le parcours d'un Rastignac marseillais que l'amour fou finira par détruire. Quelle souffle ici, quelle finesse et quelle chute! J'ai longtemps eu peu d'atomes crochus avec ce texte-ci. Aujourd'hui, j'en goute toute l'amertume et la beauté.
Toutefois, elle ne détrône et ne détrônera pas dans mon coeur de lectrice "L'Inondation", que j'adore sans mesure, avec toute sa tristesse, son narrateur vieil homme et usé par trop de chagrin. Oui, elle flirte avec le mélo, le pathos, mais je n'y peux rien: j'y suis infiniment sensible, en bonne masochiste que je suis. L'inondation fait de moi une madeleine, mais c'est si bon de pleurer quand c'est pour de faux!
Avec ce recueil, maître Emile frappe encore et frappe fort et nous sert un met aux multiples saveurs, riche, complexe. Un concentré de ce qui fait de lui un grand, un très grand auteur.