Les mots oubliés, ceux qui n'apparaitront pas dans le futur dictionnaire, ceux qui ne sont pas assez bien, ceux qui ne sont pas cités par des auteurs masculins… et si une femme avait pris soin de les récolter pour que personne ne les oublie, ni eux ni les personnes qui les utilisent ?
L'histoire : Esme est la fille de l'un des lexicographes qui travaillent sur le nouveau dictionnaire. Elle passe son enfance dans le Scriptorium et dédie sa vie à ce projet. Un jour, un mot volette vers elle, comme s'il désirait qu'elle s'en empare. Ce mot, elle va le garder précieusement : Bonne-à-tout-faire. En grandissant, Esme va s'impliquer dans la rédaction du dictionnaire et se rendre compte que certains mots n'y apparaissent pas.
En cette période de l'histoire les femmes réclament le droit de vote. Esme reste persuadée que les mots ont une importance capitale, même dans ce genre de combat. Armée de ses fiches elle récolte les mots des femmes pour qu'ils ne deviennent pas des mots oubliés.
Retour de lecture : “
La collectionneuse de mots oubliés” m'a beaucoup touchée sans doute parce que nous suivons Esme toute sa vie. Nous découvrons ses bêtises d'enfant, son rapport particulier aux mots, sa relation magnifique avec son père qui joue les rôles de père et de mère auprès d'elle, ses amitiés, ses premiers pas en tant que femme, ses amours et ses pertes. Cette histoire parle de mots mais pas seulement car nous découvrons aussi des personnages. Les mots me manquent pour décrire mes sensations de lecture. J'ai été transportée dans l'histoire d'Esme, dans son envie de préserver les mots oubliés mais surtout dans ses rapports aux autres dans une période aux multiples chamboulements (suffragettes, première guerre mondiale…)
L'Angleterre fin XIXe – début XXe / création du dictionnaire
C'est la période couverte par “
la collectionneuse de mots oubliés” (environ 1882-1924, je n'ai plus les date exactes.) L'autrice a fait des recherches pour être au plus proche de la réalité. Esme est une invention mais elle côtoie des personnages qui ont vraiment existé (comme le Dr James Murray, le rédacteur principal du dictionnaire) et des événements réels (le combat des femmes pour obtenir le droit de vote, la guerre etc.)
C'est en 1884 que sort le premier fascicule. Il faudra environ 70 ans pour que ce grand projet se concrétise (si on prend la date de demande en 1857 comme point de départ). A travers “
la collectionneuse de mots oubliés” nous découvrons l'envers du décor : le travail des bénévoles pour trouver les mots, la “récolte” de mots et les recherches pour retrouver leurs origines et les citations exactes dans lesquelles ils sont utilisés, les fiches de tête, les différentes significations d'un seul mot etc. C'est le travail que fournit aussi plus ou moins Esme avec les mots oubliés. Elle donne la parole à ces femmes, fières que leurs mots soient écrits et signés de leur nom.
L'importance des personnages
Je m'attendais sans doute à découvrir bien plus de “mots oubliés” que ça (comme d'autres lecteurs si j'en juge les avis postés.) Pourtant je n'ai pas du tout été déçue car l'autrice nous offre une panoplie de personnages qu'il est plaisant de suivre. Pour une lectrice comme moi qui aime suivre des personnages c'est parfait.
Esme n'est pas forcément celle qui touche le plus en tant que personne même si c'est bien son histoire que l'on vit (et son histoire qui m'a mis un énorme coup de tristesse mais je n'en dirai pas plus.) Elle est entourée d'amour avec Da, son père. Un homme fabuleux qui lui offre une vie qu'elle n'aurait pas pu avoir ailleurs et qui lui pardonne. Tout ça ne devrait pas être un sujet mais à cette époque c'était vraiment une chance énorme pour Esme d'avoir un père pareil.
Rose, la mère d'Esme, est décédée depuis longtemps et la jeune fille aime en apprendre plus sur elle. Son père sera une mère de substitution mais le personnage qui à mon sens porte vraiment ce rôle est Lizzie, une des domestiques du Dr Murray. C'est auprès d'elle que la petite fille cherche du réconfort. C'est elle qui soigne ses blessures, lui apporte de la tendresse maternelle, s'assure que tout va bien et la réprimande quand il le faut.
Je pourrai écrire plusieurs pages sur les personnages de ce roman parce qu'ils m'ont tous marquée : le Dr Murray et sa famille, tous les assistants du Scriptorium (même ceux qui ne restent pas), Gareth, Mabel etc.
Le conseil de la bibliothécaire : Il n'est pas nécessaire d'être un.e amoureu.se des mots pour apprécier cette histoire qui alterne entre roman historique et tranche de vie. “
La collectionneuse de mots oubliés” donne la part belle à la vie d'Esme (il faut pouvoir aimer quand une histoire s'intéresse autant à un personnage), aux événements historiques qui l'entourent et à la création d'un dictionnaire (une partie très intéressante.)