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Marie-Claude White (Autre)
EAN : 9782246322214
219 pages
Grasset (14/09/1983)
3.81/5   59 notes
Résumé :
La Route bleue est le livre américain de Kenneth White, plein d'Indiens, d'Esquimaux, de baleines au long d'un itinéraire qui va de Montréal à la baie d'Ungava. L'auteur ressuscite Melville, Powys, Lawrence et Matsuo Basho. Et si nous voyageons ici sur une route pleine de personnages et de sensations, nous y explorons aussi l'imaginaire de Kenneth White, qui s'efforce de réaliser la "vraie vie" dans une âme et un corps et de créer cette expérience poétique du monde ... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (10) Voir plus Ajouter une critique
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Ce n'est pas à un simple voyage que nous invite Kenneth White qui part de Montréal pour atteindre tout au nord la baie d'Ungava qui signifie en esquimau «le lieu le plus lointain». Il poursuit ainsi la route vagabonde qu'il avait commencé à emprunter en découvrant l'existence (ou le rêve) du Labrador dans un livre de prix reçu à douze ans.

«Peut-être la route bleue est-elle ce passage parmi les silences bleus du Labrador.
Peut-être l'idée est-elle d'aller aussi loin que possible -- jusqu'au bout de soi-même -- jusqu'à un territoire où le temps se convertit en espace, où les choses apparaissent dans toute leur nudité et où le vent souffle, anonyme.
Peut-être.
La route bleue, c'est peut-être tout simplement le chemin du possible.
De toute façon, je voulais sortir, aller là-haut et voir.» (Préface)

Atteindre le Labrador c'est aussi retourner à la source, retrouver son visage originel, s'ouvrir et peut-être relier deux pôles de sa vie puisqu'il y cohabite une «Nouvelle Ecosse» et un «Cap Breton». Kenneth White nous entraîne dans cette redécouverte des origines en compagnie de ses auteurs préférés, Melville, Walt Whitman, Thoreau et Bashô et en tentant de faire jaillir la vérité perdue ou détruite des êtres qu'il croise sur sa route, en particulier les indiens ; une route bien souvent jonchée de bouteilles de bières vides et de hot dogs. Pour Kenneth White dont l'esprit vagabond est ouvert sur un monde multiple, tout prend part à ce qu'il nomme la «géopoétique».

Dans une librairie de Sept-Iles il achète un livre attiré par le titre ,«Le passage du Nord-Ouest», et se réfugie dans un café pour le lire. Un choc :
«L'auteur (Michel Serres) parlait mon langage. Même ses mots étaient les miens.
Merde et remerde !
J'avais envie de souligner chaque phrase.
(...) En revenant à ma chambre du North Coast Hotel, je suis passé devant une jeune fille qui vendait des pommes au bord de la route.
Elle avait les yeux les plus bleus que j'aie jamais vus
Dans ces yeux, j'ai vu le Labrador.» p 78-79

Il nous fait, par sauts, franchir l'espace entre rêve et réalité les reliant dans une «pensée qui nage et qui vole», «une philosophie océanique».
La route bleue «chemin de (re)naissance et de reconnaissance» se termine par un long poème que le vent lui a apporté, dont ce petit extrait :
«et ce monde était un nouveau monde
et ma pensée aussi était nouvelle
rien qui ressemble à un «esprit»
seulement les traces bleues sur la neige
le vol des oies sauvages
et les feuilles rouges de gel»

Cette route bleue que j'ai parcouru pour la seconde fois, à presque trente ans d'intervalle, a su me réserver encore de bien belles surprises et les rêves qu'elle avait fait naître, toujours vivants, se jouent de l'espace et du temps.
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LE FIGARO DU 16 AOUT 2023

Auteur d'une oeuvre riche, faite de poèmes, de récits et d'essais, il était le père du concept de « géopoétique », terme forgé à la fin des années 1980, lequel se proposait, à travers l'écriture, « de rétablir et d'enrichir le rapport Homme-Terre depuis longtemps rompu ».

Né à Glasgow en 1936, ce fils de cheminot syndicaliste se passionne très jeune pour la lecture (Conrad, Kipling, Hugo, Whitman, et plus tard Breton et Nietzsche) et accumule les petits boulots tout en commençant une vie d'errance à travers l'Europe, notamment près de Munich, où il vit dans une cabane, avec déjà le désir d'être un « beachcomber », un « écumeur de rivages ».

Au début des années 1960, il s'installe avec sa femme et fidèle traductrice, MarieClaude, dans une vieille ferme en Ardèche, alors qu'il est toujours en quête d'une « sorte d'alchimie mentale » qui nourrira son nomadisme intellectuel. Il en tirera les Lettres de Gourgounel. En 1964, paraît En toute candeur, où il affirme : « le monde m'est une provocation. Contre lui, j'affirme mon propre monde, qui est le monde réel. La poésie est affirmation de la réalité. Ni plus, ni moins. » On le retrouve plus tard entre Pau et Paris, où il enseigne, tout en s'intéressant au bouddhisme, au taoïsme et à la poésie japonaise classique.

De ses nombreux voyages, celui qu'on a appelé le « nihiliste gai » a rapporté de nombreux ouvrages, notamment le méditatif Visage du vent d'Est, sous-titré Errances asiatiques, paru en 1980, L'Archipel du songe, sur les Caraïbes, ou le Rocher du diamant, sur la Martinique, et le Rôdeur des confins. C'est d'ailleurs la publication de son récit canadien, La Route bleue, prix Médicis étranger en 1983, quatre ans après avoir obtenu la nationalité française, qui le fit connaître du grand public. Cette même année, il est nommé titulaire de la chaire de poétique du XXe siècle à la Sorbonne, poste qu'il occupera jusqu'en 1996. Toujours en 1983, il s'installe avec son épouse en Bretagne, dans le Trégor, près de Trébeurden, à quelques encablures de la côte de Granit rose, dans une ancienne maison de paysan pêcheur qu'il baptise « Gwenved », soit le « territoire blanc », qui deviendra son coin de paradis, son « champ d'énergie ». Elle sera au centre de sa Maison des marées, publié en 2005 (Albin Michel). C'est là également que Kenneth White écrira Une stratégie paradoxale. Essai de résistance culturelle, où l'on peut lire : « Ma prédilection va à un monde pré ou post-humaniste où tout ce qui vit en moi est au contact de ce qui est puissant et vivant dans l'univers – des forces, une vie bien plus que personnelle. »

Parallèlement, cet universitaire tenté par le large publiera de nombreuses études, portant sur Victor Segalen, Antonin Artaud, Henri Michaux, Emil Cioran, Thoreau, le bouddhiste Gary Snyder et dernier survivant de la Beat Generation, Ezra Pound, Dylan Thomas, Basho, Hokusai, Van Gogh, et même Richard Texier.

Sa retraite d'ermite breton lui inspirera sur le tard Mémorial de la terre océane (Mercure de France), son dernier recueil paru (dans une édition bilingue), où il reste attentif à « ce qui résonne/ Quand la mer/ Avec ses longueurs d'onde lyriques/ Et sa rude rumeur blanche/ Remonte avec force/ Ponctuée/ Par une multitude de cris excités ».

En 2007, la collection de poche « Poésie/Gallimard » lui avait consacré une importante anthologie, Un monde ouvert, reprenant l'essentiel de sa production poétique. Nous l'avions rencontré chez lui, sur les hauteurs de Trébeurden, à l'automne 2021, au moment où il publiait, soucieux de sa postérité, sa volumineuse autobiographie, Entre deux mondes. Il nous avait confié : « J'aime l'expression d'entre deux, qui me définit bien : entre l'Écosse et la France, entre matériel et existentiel, passé et présent, Orient et Occident, entre contemplatif et expressif. »



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Lorsque Kenneth White arrive à Montréal avec pour projet de se rendre au Labrador, il se heurte à l'incompréhension et la surprise de ces interlocuteurs. Les Québécois, pour qui ce lieu n'a qu'une signification lointaine et obscure, lui répondent invariablement qu'il est fou ou lui demandent si "c'est un joke ou quoi ?". Notre poète écossais en vient à douter, le Labrador serait-il un lieu sorti tout droit de son imagination ? Mais c'est une contrée belle et bien réelle, White entreprend donc son vagabondage qui le mène de Montréal au Labrador, en longeant la rive nord du Saint-Laurent, puis la côte nord. Il traverse des villes aux noms évocateurs et poétiques tels que Chicoutimi, Sept-Iles, Rivière-au-Tonnerre, Schefferville, Goose Bay pour enfin atteindre la baie d'Ungava qui veut dire "le lieu le plus lointain".

A travers ce voyage, Kenneth White, ressuscite ses "compagnons fantômes" : Cartier, Whitman, Thoreau et nous fait revivre cette attirance que beaucoup, avant lui, ont eu pour ces terres sauvages, ce grand dehors. La route bleue foisonne de caribous, d'érables et d'Indiens; elle est le théâtre de belles rencontres avec Eskimo Joe ou Jean-Baptiste Mackenzie. Mais c'est aussi la vérité et les conséquences dévastatrices de la civilisation sur les Indiens, une route bien souvent jonchée de bouteilles de bières vides et de hot dogs arrosés de ketchup comme partout ailleurs même dans "le lieu le plus lointain".
La route bleue est plus qu'un simple voyage, c'est une démarche personnelle de l'auteur qui vise à un retour aux sources, aux origines d'un monde encore sauvage où son esprit serait libre de rêver.

C'est une très belle découverte que ce récit ! J'ai pris du plaisir à suivre son parcours sur une carte, m'imaginant à ses côtés et c'est bien bien volontiers que je suivrais à nouveau Kenneth White sur la route bleue ou ailleurs...

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En entamant ce livre de Kenneth White, j'ai commencé par prendre une carte de l'Est Canadien suffisamment précise pour que je puisse accompagner ce poète depuis le Québec jusqu'au Labrador.
Et mon voyage a pu démarrer, mené de toute part par mon écrivain Écossais.
Celui-ci voulait donc aller au Labrador (genre de Sibérie Canadienne). Mais à Montréal, on lui a répondu: "il fait frouaid là haut" ou encore "Monsieur, c'est un joke ou quoi?". Comme dit Kenneth White: "le Labrador? Ce n'est tout de même pas une création de mon esprit! C'est un endroit, non? Et si c'est un endroit, çà veut dire qu'on peut y aller, il me semble".
Et, c'est donc ce qu'il a fait. il a pris les transports en commun, longé l'estuaire du St Laurent jusqu'à la fin de la route, puis monté vers Shefferville, au nord.
Il a rencontré des "Montagnais" (des Indiens), escamotés et même bouffés par notre civilisation dévastatrice; des gens qui ont perdu les liens étroits qui les unissaient à dame nature.
Et, pourtant, c'est çà que Kenneth White est venu chercher (et moi aussi) : un monde encore sauvage pour pouvoir rêver et poétiser.
"...au cours de mes allées solitaires
j'ai pensé à bien des choses
j'ai pensé à la terre
dans ses premiers sursauts
quand le temps était fait
de froides aurores
et l'espace envahi
du vol d'oiseaux déments..."

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« le sens de l'espace ».
De ses nombreuses pérégrinations intellectuelles et géographiques, Kenneth White prend le chemin bleu du fleuve Saint-Laurent que les Amérindiens ont de tout temps nommé le « chemin qui marche », de Montréal au Labrador, comme un itinéraire ample et inspirant, un cheminement mental vers le dépouillement et la clairvoyance. En cherchant à remonter aux « principes », le poète fraie avec les éléments primordiaux : « roche, vent, pluie, neige, lumière » et passe des seuils jusqu'à entrer dans le « grand rapport » pour pouvoir écrire le monde.
L'auteur relate ses rencontres avec humour et empathie. Sa route démarrée à Montréal s'émaille d'anecdotes drôles et révélatrices. Des listes de mots, des expressions québécoises, des haïkus s'égrènent et s'insèrent avec naturel dans le récit à mesure que les kilomètres défilent : Québec, Chicoutimi, Pointe-Bleue, Havre-Saint-Pierre, Schefferville, Goose Bay. Les terres nues du Labrador offre enfin avec la baie d'Ungava, [« le Lieu le plus lointain » en esquimau] et ouvre sur un long poème aux accents rimbaldiens, une dérive métaphysique, sans lieu ni formule, aux abords d'un immense espace blanc.
Ecrite avec allant et simplicité, fluidité et lucidité, « La Route bleue » peut trouver de nouveaux lecteurs à travers les rééditions successives (2013, 2017) et bon marché (8 €) de l'éditeur le Mot et le reste. Sises à Marseille, les éditions ont le bon goût de plonger dans les années fécondes de Kenneth White pour en exhumer des textes remarquables épuisés depuis des années à l'instar de « La Route bleue » [Grasset et Fasquelle, cop.1983]. Alors que le fondateur de l'Institut international de géopoétique a cédé sa place de président, il peut être éclairant pour lecteur d'aller à la rencontre d'un écrivain ensemençant les paysages de ses traversées éphémères, les fécondant durablement aux regards d'autrui avec des textes évocateurs. Bien des éléments du récit retiennent l'attention et aiguisent la curiosité. Kenneth White puise aux sources inspirantes de la littérature avec Thoreau, Lawrence, Whitman, Basho… et surtout il sait donner à ressentir la vastitude des terres d'Amérique avec une économie de moyens qui est le résultat d'une remarquable assimilation et d'une longue décantation fructueuses.
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Citations et extraits (17) Voir plus Ajouter une citation
l'homme a besoin d'arrimer son savoir
mais il lui faut un espace vide
dans lequel se mouvoir

je vivais et marchais
comme jamais encore
devenais un peu plus qu'humain
connaissais une plus large identité

les traces de caribou sur la neige
le vol des oies sauvages
l'érable rouge à l'automne
mordu par le gel
tout me devint plus réel
plus réellement moi
que mon nom même p 189
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Ecrire un haïku, c'est sauter hors de soi-même, c'est s'oublier et prendre un bon bol d'air frais.
(...) On dit dans les textes zen : quand tu arrives au sommet de la montagne, continue à grimper. Disons ici : quand tu arrives au bout de la route, continue à marcher. p 122
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Mais la civilisation a réussi à atteindre même "le lieu le plus lointain", sous la forme d'une agglomération qui porte le nom de Fort Chimo.
Fort Chimo, sur les bords de la rivière Koksack, est une confusion de baraques rouges et vertes et de hangars, avec une poignée de maisons plus bourgeoises en périphérie. On y trouve même quelques habitations en forme d'igloos, afin que les vieux Esquimaux se sentent chez eux.
Oui, tout cela est civilisé. On peut y jouer au billard, on peut même y jouer au Bingo. On peut aller au cinéma de la Mission catholique. On peut y jouir de tous les avantages sociaux. On n'y voit pas d'Esquimaux morde à belles dents dans la viande de baleine ou de caribou. Nenni. On y mange du kraft, du baloney et des hot dogs arrosés de ketchup comme partout ailleurs.
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«Un homme purement animal serait beau comme un cerf, brûlant comme une flamme nourrie directement au feu souterrain. Et il participerait de l’invisible. Il respirerait le silence et jamais ne cesserait de s’émerveiller.» Frère Lawrence
p 38
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On dit que les Indiens sont sales et négligés. C'est parce qu'ils ne vivent pas à leur façon. Quand ils vivent sous la tente, ils sont propres. Chaque jour, ils renouvellent le tapis de branches fraîches et odorantes. Les maisons, c'est très bien, mais ce n'est pas indien. C'est pour cela que les gens ne s'en occupent pas. Ils ne les astiquent pas et ne font pas de petits jardins comme les Blancs. Quand on a les bois, on n'a pas besoin de jardin. Un indien a besoin des bois. Sans les bois, il n'est pas heureux, alors il se soûle. On ne peut pas le lui reprocher. Les Blancs ne le comprennent pas, même ceux qui ont des bonnes intentions. Quelquefois, les Indiens ne se comprennent pas eux-mêmes. C'est bien ça, l'Indien ne se comprend plus...
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