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Critiques filtrées sur 4 étoiles  
Attablé au bar du Gros Temps, j'ai commandé une salade de homard en guise de dîner. La serveuse, une fille qui n'a vu de ses yeux gris que l'horizon proposé du rivage de Terre-Neuve, m'amène ma bière, bien fraîche. Les portes claquent, les volets cognent, la lumière s'affaiblit par instant, une énième tempête. Je n'ose même pas proposé mon regard à la vitre, je sais que je n'y verrais rien. Que de la brume sur cette terre abandonnée où autrefois vécurent des vikings et des inuits. Une brume de lait. Alors autant regarder le fond de mon verre, et ainsi ne plus penser à la vie. Putain de blizzard qui se lève aux aurores et qui semble jamais ne se fatiguer sur cette lande entre terre et mer. Dans le temps, les voyageurs pouvaient s'émerveiller de voir une baleine au loin, un soupir de désespoir ou d'exaspération qui s'élève de l'océan, ou un phoque allongé sur un morceau de glace qui dérive lentement, le long de l'horizon, une virgule noire sur un banc blanc. Je feuillette le journal local, L'Eider Cancaneur, savourant ainsi ces cancans éloignés.

A la une, les accidents de voiture. le rédac' en chef semble avoir un point d'honneur à mettre à l'honneur les accidents de la route, photos à l'appui. A défaut les accidents de bateaux, ou de motos-neige. Difficile à supporter, j'ai envie de tourner la page rapidement, mes doigts fébriles devant l'horreur d'une carcasse en feu tentent d'attraper mon verre de bière, sans en renverser la moindre goutte. Mission accomplie. J'ose tourner la page, d'autres carcasses en photos, des phoques chassés, des baleines échouées. C'est la vie et la mort en territoire hostile. Bien sûr, des tas d'annonces, signe d'un journal en pleine expansion, alors que la vie semble s'éteindre à petits feux ici. En dernière page le bulletin météorologique. Primordial, pour les pécheurs, ou simplement pour aller au boulot. Savoir si l'on prend la route ou la mer, ou si l'on reste calfeutré chez soi, avec sa bouteille de rhum, pendant que les vents remuent terre et cieux. Puis le mouvements des bateaux, ceux qui sont arrivés dans la baie, ceux qui en partent, ceux qui échouent, avaries matérielles, comme moi ici.

Le Bar du Gros temps ferme ses portes, ses volets, ses lumières. Il est donc l'heure de rentrer chez soi, mais où est-ce chez moi, dans quelle cabane je vis, oublié par les bières de Terre-Neuve mon refuge. J'erre sur cette terre, de blanc glacée, une dernière danse dans le ciel semblent chanter albatros et lagopèdes à queue blanche. Guidée par la lune d'un bleu immaculée, j'échoue sur le rivage comme une grosse baleine en mal d'amour, ou un ivrogne en mal de caniveaux. En quelques pages, j'ai senti que cette terre était pour moi, belle et silencieuse, comme je les aime. Une ode à Terre-Neuve, brumeuse et enneigée. Des récifs sous l'eau ridée, une terre pour s'y abandonner.
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J'ai choisi de lire ce livre car je me souviens avoir écouté une émission à la radio où une lecture de ce roman était faite et j'avais été très touchée par la puissance de ce texte. J'ai ensuite lu dans America N° 5 consacré à l'Amérique Sauvage, un articled'Annie Proulx qui avait confirmé mon envie de la découvrir, elle, qualifiée comme une des grandes écrivaines de la littérature américaine et dont le nom est très peu cité.

Terre-Neuve, vie neuve, territoire entre ciel et mer, terre de caractère, exigeante et rude mais terre de résurrection pour Quoyle.

Un quoyle est, comme décrit par Clifford W. Aschley dans le grand livre des Noeuds? livre-référence du roman, une galette de cordage enroulée et posée à plat sur laquelle on peut marcher. Une grande partie des chapitres de ce roman, couronné par le prix Pulitzer en 1994, commence par la description d'un noeud de marine : comment le faire et son utilisation. Ces noeuds correspondent aux étapes de la vie de Quoyle, celle qu'il se construit, petit à petit sur la terre de ses ancêtres où il espère trouver un nouveau départ avec sa tante et ses filles Bunny et Sunshine après le décès de Petal sa femme.

Annie Proulx a une écriture bien particulière, sèche, saccadée, faite de phrases courtes comme des énumérations lorsqu'il s'agit de décrire les paysages, les sensations, les faits. J'ai été un peu déroutée par ce style au début mais comme l'histoire de cet homme malmené par la vie, qui n'est pas sans me rappeler certains personnages de romans de Steinbeck par exemple, m'a touchée, émue, tellement malmené dès les premières pages, j'ai poursuivi ma lecture. Et bien m'en a pris, car au-delà de cette reconstruction humaine, c'est dans un voyage au Canada, à Terre Neuve qu'Annie Proulx nous convie.

Ce territoire elle le connaît, elle y vit une partie de l'année ce qui explique la richesse des descriptions, l'attachement qui transpire entre les lignes, l'évocation des ravages du monde moderne sur la nature, les hommes et la faune, sur le désespoir de certains de devoir partir pour ne jamais revenir.

Il y a des drames, il y a parfois des situations cocasses, il y a des joies, des silences, des haines tenaces, les secrets du passé jamais révélés qui refont surface mais aussi des solidarités car comme dans toute région soumise aux soubresauts et aux caprices du temps, les habitants, sous des dehors assez rugueux, font preuve d'humanité.

La vie est faite de noeuds, plus ou moins complexes, qui construisent, qui étranglent parfois mais dont le dénouement permet de grandir, de trouver les réponses aux questionnements pour trouver la paix.

C'est la quête de Quoyle, lui le doux, le naïf, le gentil, observateur mais n'ayant pas toujours les réponses à ses questionnements, lui le timide, le réservé, lui qui prend la vie comme elle se présente, heureux de ce qu'elle lui donne de positif et au fil des étapes, des noeuds qui se dénouent, il prend de l'assurance, il prend sa vie en mains.

C'est l'histoire d'une renaissance dans cette maison verte du bout du monde qui ne tient debout par on ne sait quel miracle. à Cap Quoyle, au gré des rencontres, au gré des coups de vent, des rudesses de cette terre et de la mer, subissant parfois les caprices de la nature, mais dont on peut ressortir grandi, plus fort. C'est l'histoire des amitiés qui vont se nouer, d'un amour avec celle qui, comme lui, a enduré en silence souffrances et humiliations. Elle lui montrera le chemin qui le mènera à comprendre ses enfants, à décrypter leurs messages, à l'aimer et à s'accepter.

Comment ne pas être touchée par cet homme au grand coeur qui va trouver le chemin pour devenir le père qu'il ne savait pas être, pour devenir le journaliste d'une petite gazette l'Eider Cancaneur, passant des faits divers maritimes à un rôle de rédacteur en chef, prenant de l'assurance, acteur au lieu de victime, qui va découvrir des secrets bien cachés comme souvent ils le sont dans des régions où l'urgence n'est pas de s'attarder sur ses souffrances mais de tenir, de survivre.

Et des souffrances il y en a comme partout ailleurs mais ramenés à l'échelle d'une île, isolée : pédophilie, abus sexuels, folie, Annie Proulx passe en revue toutes les misères humaines mais aussi une étude des désastres qui touchent la nature et en particulier la pêche.

On pourrait penser que c'est une histoire triste alors que c'est un roman plein de poésie, de tendresse et d'amour. Rien n'est joué, tout peut se reconstruire. Quoyle fait partie de cette humanité des laissés pour compte, jugés sur leur apparence mais qui vont saisir, parfois sans le savoir, le bon cordage, vont s'y accrocher, vont résister aux tempêtes et savoir écouter ceux qui l'aiment pour ce qu'il est.

Au final c'est roman d'espérance, une sorte de documentaire riche en détails sur la vie des terre neuviens. Annie Proulx est souvent comparée à John Steinbeck et William Faulkner et c'est vrai que son style, mêlant l'histoire des déshérités, des abîmés par la vie, à celle de l'environnement de son pays, est proche des thèmes de ces deux auteurs.

C'est une lecture exigeante, qui demande une certaine attention, qui allie les éléments humains et environnementaux et nous embarque pour un voyage sur une terre canadienne peu évoquée, où la vie est rude, où les âmes vivent, aiment, souffrent, peuvent sombrer où devenir plus fortes. Car sur ces terres battues par les vents et les vagues, les natures humaines sont mises à nue et les plus forts survivent et parfois ressuscitent.

Il y a tout un panel de « petites histoires » parfois comiques, parfois tragiques, comme les faits divers qui remplissent les pages de la gazette où travaille Quoyle, où les orientations d'un journal peuvent se prendre tout en pêchant. Ce sont des personnages au fort tempérament dont les visages sont marqués par les épreuves, le climat et le regard toujours porté sur le temps à venir.

C'est en tout cas une belle découverte d'une auteure, d'un style, une construction originale qui rejoint tous ces écrivains « nature writing » comme Pete Fromm, Jim Fergus, Henry Thoreau, David Vann, Jean Hegland, Jim Harrison etc… (pour ceux que je connais? que j'ai lu ou dans ma PAL).

"Car si Jack Buggit avait pu sortir de son bocal de cornichons, si un oiseau au cou brisé avait pu s'envoler, que restait-il d'impossible ? Pourquoi l'eau ne pourrait-elle être plus vieille que la lumière, les diamants jaillir du sang chaud d'une chèvre, le sommet des montagnes cracher un feu glacé, des forêts pousser au milieu de l'océan ? Il arrive que l'on attrape un crabe avec l'ombre d'une main, que l'on retienne le vent du soir avec un bout de ficelle noué.

Et il se peut parfois qu'un amour existe sans chagrin ni souffrance. (p466)"

Un film est sorti en 2001 adapté de ce roman, Terre-Neuve, avec Kevin Spacey et Julianne Moore que j'espère voir un jour
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Un livre très émouvant et sincère dont le personnage principal n'est pas Quoyle, mari trompé qui doute de lui-même et qui devient bientôt veuf, ne gardant de Petal, sa femme disparue, que leur deux filles encore enfants, mais bien l'île canadienne de Terre-Neuve, son petit port à la communauté isolée mais soudée, ses habitants alcooliques, pêcheurs, futurs noyés, mais solidaires, son climat humide et glacial tourmenté de tempêtes arctiques. Accompagné d'une tante énergique décidée à revenir aux origines de la famille Quoyle, le père de famille, d'abord desemparé, trouve du travail dans le journal local, s'insère dans la communauté, retrouve un sens à sa vie, grâce à la chaleureuse amitié des Buggit, et surtout à la compagnie d'une jeune femme discrète et calme, précocement veuve, auprès de laquelle il va redécouvrir qu'amour ne rime pas nécessairement avec souffrance. C'est le roman d'une renaissance paradoxale, en contraste total avec le caractère inhospitalier des lieux. Beau livre, original, chaleureux et poétique.
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Une vraie découverte que ce roman tonifiant ! C'est une rencontre avec un style, une atmosphère et une histoire.
le style d'Annie Proulx m'a un peu désarçonnée au début de ma lecture. Ses phrases courtes partent comme des balles de ping-pong, rapides, sèches, efficaces. Elles atteignent leur but grâce à leur fausse simplicité. Et leur but est de susciter étonnement et curiosité chez le lecteur. Mais il ne faut pas prêter à Annie Proulx les intentions des auteurs de best-sellers qui ont plus d'habileté que de créativité. Elle possède un vrai talent poétique et son livre montre sans cesse, par fines touches, une sensibilité aiguë à la nature, aux saisons, à une forme d'harmonie entre l'homme et son environnement.
Annie Proulx nous livre une histoire où se conjuguent renaissance et résilience. La famille Quoyle est au bord de la désintégration : le père, négligé et un tantinet obèse, est un journaliste intermittent cantonné à la rubrique des chiens écrasés ; la mère, Petal Bear, vient de mourir dans un accident de voiture après avoir abandonné sa famille pour s'enfuir avec l'un de ses nombreux amants ; les deux enfants Quoyle, Bunny et Sunshine, ont une éducation qui laisse beaucoup à désirer et déjà quelques troubles du comportement ; et la tante Agnis masque un solide bon sens sous une bonne couche d'excentricité. Sur le point de sombrer, la famille Quoyle s'embarque pour Terre-Neuve d'où elle est originaire. le retour pourrait être catastrophique, mais il va créer un choc salutaire chez ces êtres malmenés par la vie.
L'histoire des Quoyle n'est pas un roman à l'eau de rose et le sordide n'est jamais très loin. Les enfances brisées, l'inceste, la cruauté, le sentiment d'échec ont marqué ses membres d'une empreinte indélébile. Mais Annie Proulx évite tous les pièges du misérabilisme et du larmoiement grâce à un humour décalé et en conférant à ses personnages une grande pudeur des sentiments.
le message d'Annie Proulx n'en est que plus réconfortant : la vie ne ménage pas les individus, son fil est souvent marqué par une succession de noeuds que seuls la persévérance et le courage peuvent dénouer.
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Quoyle est un fameux poissard, assez embarrassé de sa personne, il semble posséder un paratonnerre attirant tous les déboires imaginables. Adepte des petits boulots, il est, de manière fort intermittente, journaliste pour la chronique municipale d'un journal de troisième ordre, dans un bled perdu de l'état de New-York. Il loge dans une caravane de location, adresse : impasse des laissés-pour-compte. Il est affligé d'une épouse multipliant les frasques, ayant la jambe plus légère qu'une danseuse de claquette; elle trouve la mort dans un accident de voiture, en compagnie du dernier amant en date, après avoir vendu ses deux filles, s'il vous plaît. Pour comble, les parents de Quoyle, ont décidé de mettre dignement fin à leur jour, frappés tout deux par une tumeur maligne. Bref, le bonheur. Toutes ces tribulations, cette déveine formidable, pousse Quoyle à partir avec ses filles, accompagnée de sa tante, vers la région d'origine de leurs ancêtres, Terre-Neuve, et la maison familiale jadis abandonnée pour l'immigration en Amérique.

Le roman présente l'aspect d'une chronique attachante, mettant un scène les habitants de cette région reculée du Canada, au climat rigoureux, balayée des vents, des blizzards colossaux; habitants à la vie modeste, mais hospitaliers et solidaires entre eux, marqués par les histoires familiales de marins pêcheurs disparus en mer, d'unions consanguines désastreuses, de coup de folie terribles, d'immigration désespérée. Un beau récit, prenant, avec une jolie pointe d'humour.
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Captain le Bison, qui traîne pas mal dans des lieux inhospitaliers, m'a envoyé en mission à Terre-Neuve. Ce fut un peu rude à l'arrivée. Ce coin d'Atlantique Nord n'accueille pas avec des colliers de fleurs. Maudit Bison. Et puis j'ai apprécié le retour de Quoyle sur son île natale, venant de New York après la mort de sa femme, une garce, avec ses deux petites filles assez perturbées et une vieille tante. Quoyle est un poissard, un machanceux, un vrai. Il trouve un job de journaleux plus que de journaliste au Shipping News (c'est aussi le titre original du roman), habilement traduit en français par L'Eider cancaneur.

Alors il y a des tempêtes, du rhum, des cuites, des querelles. Une histoire qui nous évoque Melville et Stevenson, ces modestes écrivains de marine. Annie Proulx (Brokeback Mountain) a obtenu le Pulitzer pour cette aventure un peu extrême qui reste néanmoins une comédie aux personnages pittoresques dans ce petit monde de pêcheurs, de chasseurs de phoques (sensibles s'abstenir) et de fonctionnaires détachés. Quoyle tente donc de refaire sa vie mais c'est plutôt un timide peu gracieux doublé d'un brave type un peu déphasé.

A Terre-Neuve on sent aussi les miasmes d'une certaine consanguinité. Proulx nous inciterait à penser que les gens y sont plus dégénérés qu'ailleurs. Doit-on y voir les conséquences de l'insularité? Ou un mépris des continentaux canadiens? Plus enjoués, les noms des lieux de là-bas dont certains en français, résultat des campagnes des terre-neuvas de jadis, ça donne une certaine poésie. Gros Morne, Belle Isle, Port-aux-Basques, L'Anse-sans-Nom, Patte-de-Grappin, Port-Crachin. Et de sympathiques endroits, Naufrage, Petite-Désespérance. Si vous voulez on s'y retrouve pour quelque's) bière(s) au Nid du Grand Petrel. Vous comprenez maintenant pourquoi le Bison m'a conseillé ce pélerinage. Pour lequel il faut cependant un certain souffle.

A propos de souffle ça dépote pas mal dans Noeuds et dénouement. Ecoutez ce qu'en dit Annie Proulx. Vers minuit le vent souffla plein ouest et il entendit sa plainte se transformer en hurlement, un vent terrible dans le catalogue des vents. Un vent qui se rapprochait du Vent bleu du nord, du Blaast glacial et du Landlash. Un cousin du Bull's Eye, toujours annoncé par un petit nuage au centre rougeâtre, la belle-mère du Vinds-gnyr des sagas norvégiennes, des nordets qui soufflent trois jours durant sur les côtes de la Nouvelle-Angleterre. un oncle du Williwaw de l'Alaska, et du Doinionn sauvage d'Irlande. La demi-soeur du Koshava chargée des neiges russes qu'elle pousse à l'assaut des plaines yougoslaves, du Steppenwind, et du violent Buran des plaines infinies de l'Asie Centrale, du Crivetz, des Viugas et des Purgas de Sibérie, et du féroce Myatel qui balaye la Russie du nord. Un frère de sang du Blizzard de la prairie, de cette clameur venue de l'Arctique canadien connue simplement sous le nom de Vent du nord, et du Pittarak qui fait fumer la banquise du Groenland. Un vent abominable, tranchant comme une lame d'acier.

Sacré Bison! M'étonne pas que ça lui ait plu, tout ça. Passez donc le voir, munis d'une bonne écharpe. Voir L'Eider Cancaneur
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Dans ce dernier, il est question d'un homme, Quoyle, un anti-héros. Trompé par sa femme, la belle Petal, à maintes reprises avec différents hommes, il tente tant bien que mal de s'occuper de ses deux fillettes Bunny et Sunshine. Ils vivent en Nouvelle-Angleterre et Quoyle exerce la profession de journaliste. Un événement vient faire basculer la vie de Quoyle. Sa femme meurt dans un accident d'auto en compagnie de son amant du moment. Quoyle devient alors veuf et père célibataire à 36 ans. Une tante vient à sa rescousse et ils décident de partir s'établir à Terre-Neuve, au Canada, dans la maison verte ancestrale abandonnée depuis très longtemps.

À Terre-Neuve, Quoyle va travailler comme journaliste à l'Eider cancaneur, la petite gazette du coin. Au fil du temps, Quoyle va apprendre à défaire les noeuds de son existence pour reprendre en mains sa vie. Il fera la connaissance de Wavey qui lui apprendra l'amour simple, celui qui ne fait pas mal, celui qui ne détruit pas tout.

Il est aussi question d'une communauté où il importe de compter les uns sur les autres pour survivre. Car, sur une île comme Terre-Neuve, il est difficile de survivre aux vents mauvais, aux vagues plus grandes que nature, aux tempêtes hivernales, aux démons des uns et des autres. Ainsi, Quoyle nouera des liens avec les individus qui croisent son chemin. À cet égard, il pourra défaire les mauvais noeuds tributaires du passé.

Mais encore, la nature détient une place importante dans ce roman. Elle est décrite dans toute sa splendeur. Une nature violente, une nature qui fait mal, une nature impitoyable comme elle est souvent au Canada. Quoyle grandira grâce à cette dernière et il deviendra plus fort. D'ailleurs, on lui confie la rubrique des faits divers maritimes, jouant ainsi avec ses peurs les plus profondes car il ne connaît rien à la mer et au bateau et il ne sait même pas nager. Il apprendra aussi que le temps a laissé sa marque sur la nature. Comme le mentionne Billy Pretty :

« J'ai vu la morue et le capelan se réduire de millions de tonnes à deux ou trois seaux. J'ai vu la pêche saisonnière, côtière, pratiquée sur de petits bateaux, devenir l'affaire de navires-usines et de chalutiers à pêche arrière travaillant toute l'année. Maintenant, le poisson a disparu et les forêts ont été rasées. Dévastées, détruites! Pas étonnant qu'il y ait des fantômes par ici. Ce sont les morts arrachés de leur terre par les bulldozers. » (p. 292)
Comment ne pas aimer ce Quoyle? Comment ne ressentir un sentiment de compassion pour lui? Dans sa vie, ce qu'il a reçu en cadeau de sa femme ce sont deux oeufs alors qu'il lui achetait de belles choses. Mais, sur cette nouvelle terre, il prendra racines devant l'immensité de l'océan Atlantique jusqu'à être capable de ressentir un «plaisir indéfinissable» en mer. (p. 241)

L'écriture d'Annie Proulx est magnifique, parfois ironique, souvent touchante et poétique. Je suis très contente d'avoir lu ce roman. C'est un peu le chant de la mer, c'est beaucoup la misère des uns et l'espoir des autres qui sont relatés. Comme il est dit :

«Car si Jack Buggit avait pu sortir de son bocal de cornichons, si un oiseau au cou brisé avait pu s'envoler, que restait-il d'impossible ? Pourquoi l'eau ne pourrait-elle être plus vieille que la lumière, les diamants jaillir du sang chaud d'une chèvre, le sommet des montagnes cracher un feu glacé, des forêts pousser au milieu de l'océan ? Il arrive que l'on attrape un crabe avec l'ombre d'une main, que l'on retienne le vent du soir avec un bout de ficelle noué.
Et il se peut parfois qu'un amour existe sans chagrin ni souffrance.» (p466)
Je vous invite bien humblement à aller à la rencontre de Quoyle, à l'accompagner dans ses balades en mer, à scruter le ciel en sa compagnie, à retrouver à ses côtés un semblant d'espérance et d'humanité.

C'est une ode à la vie malgré les vents mauvais.

https://madamelit.ca/2020/06/22/madame-lit-noeuds-et-denouement-dannie-proulx/
Lien : https://madamelit.ca/2020/06..
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Quoyle, grand et gros type au menton proéminent, peu sur de lui, mal aimé par ses parents, vivote. Grâce à Partridge, son seul ami, il entre dans un journal local près de New York en tant que pigiste. Une femme, Petal, jette son dévolu sur lui. Ils se marient illico, elle lui fait deux filles dont Bunny, petite peste attachante mais n'est jamais à la maison, partant aux quatre coins du pays avec ses amants. Un jour, elle embarque les filles, les vends mais se tue accidentellement en voiture. Quoyle ira récupérer ses filles adorées et décidera de changer de vie, suivant sa tante à Terre Neuve dans la maison familiale désertée depuis quarante ans. Là-bas, il affrontera des conditions météo extrêmes mais rencontrera des personnes farfelues qui pour certaines deviendront des amis fidèles et décrochera peut être une seconde chance en amour en la présence de Wavey, autre écorchée de la vie.
Paru en 1993, récompensé du National Book Award et du prix Pulitzer, Noeuds et dénouements souffle un vent de fraîcheur au visage du lecteur français, complètement dépaysé par cette histoire. Des personnages hauts en couleurs, un décor original, des coutumes pittoresques : un beau voyage littéraire tendrement drôle et poétique.
Lien : http://puchkinalit.tumblr.com/
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Quoyle banal, parfois stupide de crédulité et sans ambition.
Journaliste sans épaisseur dans le comté de New York, il est marié à Petal une «chienne de pute typique» qui le trompe abondamment.
Trop amoureux, trop aveugle pour s'en offusquer, père de deux fillettes que sa femme se complait à ignorer, il s'enfonce dans la décrépitude. Mais suite à une série de décès il part à terre neuve en compagnie de sa tante.

On découvre Terre Neuve. Des terres éloignées du commun des mortels qui recèle des personnalités atypique et un rythme de vie particulier.

Et Quoyle qui arrive sur la terre de ses ancêtres, qui apprend à s'imposer à surmonter la mort de sa femme. Quoyle un homme qui par la force des choses reverra sa personnalité et réussira à surmonter sa propension à s'effacer, à n'être rien.

L'évolution du personnage principal de Quoyle et Terre Neuve sont les deux trames majeures de cette oeuvre. Grace à sa plume brute, je suis tombée sous le charme de ces terres méconnues. Quoyle qui m'agaçait a finit par faire mon admiration.

Le petit plus qui m'a plu ; cette façon d'écrire en occultant les déterminants.
Les citations provenant du dictionnaire des marins.

Ce qui m'a moins plu ; certains monologues un peu trop long. La fin abrupte.
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Tellement de qualités dans ce livre : écriture d'une précision chirurgicale et qui relève tellement bien la connaissance d'un milieu : sa nature, ses humains qui le peuplent et le vivent, la langue... Il ne manque ni de fantaisie, ni d'intelligence, des loufoqueries de certains personnages (j'ai particulièrement apprécié la Tante du personnage central). Ce livre me rappelle certains Steinbeck, certains Irving, certains Faulkner, même.
Et pourtant, j'ai peiné. C'est un livre qui nécessite une certaine rigueur du lecteur, et j'ai eu du mal sur la longueur, perdant ma concentration, je suis sorti trop de fois de la corde à noeuds... Trop de fois pour adorer ce livre.
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