Tout d'abord, je voudrais remercier très chaleureusement Babelio et sa masse critique et les éditions
Philippe Rey de m'avoir permis de recevoir et lire ce roman.
Quelle lecture! Pour moi, c'est un grand roman, passionnant et important dans ce qu'il dit.
Tout commence par Margy et Yaëlle, dite Yaya, deux jeunes guadeloupéennes qui voient la France (métropolitaine) comme porte d'entrée de leur réussite, et acceptent d'être les mules pour une petite bande de dealers sévissant sur l'île. Si pour Margy, l'aller-retour en avion de la Guadeloupe à Paris, une trentaine de boulettes de cocaÏne dans le corps, se passe sans accro, celui de Yaya se transforme vite en enfer. Les capsules se rompent, la jeune femme fait une overdose et se retrouve dans le coma dans un hôpital parisien. Heureusement, sa tante Annette vit dans la capitale et s'occupe d'elle, bientôt accompagnée de Margy qui fuit l'île de peur de représailles. Commence une cohabitation à trois, trois femmes blessées par la vie se reconstruisant ensemble.
Yaya, pendant sa convalescence, entend l'histoire d'Agontimé, première femme parmi ses ancêtres à avoir été déportée de l'Afrique pour les Antilles 150 ans plus tôt, laissant une enfant dans son pays, donnant la vie à trois autres avant de se jeter dans la rivière avec la dernière qui sera, heureusement, sauvée, et donnera naissance à toute une lignée dont Yaya et Annette sont les descendantes.
Ce roman est l'occasion pour
Gisèle Pineau de déployer l'histoire de l'esclavagisme et du traumatisme subi par tous les descendants d'esclaves, un sujet d'actualité qui tente d'expliquer le malaise toujours actuel dans la population afro-américaine.
C'est un roman magistral qui nous amène de la France à l'Afrique et de l'Afrique au continent américain, Québec, Etats-unis et Caraïbes par le biais de l'esclavagisme. Grâce à la démocratisation des regroupements par
L ADN, des liens familiaux ancestraux se retissent entre les trois continents, réécrivant l'histoire d'un traumatisme de plusieurs siècles.
Je n'avais jamais lu une telle évocation de l'Histoire guadeloupéenne et l'impact qu'elle a encore sur la génération actuelle, le tout d'une écriture totalement maîtrisée. Quant à ces femmes qui peuplent le livre, elles sont éminement fortes malgré leurs fragilités et on ne peut qu'être admirative face à leur lutte pour vivre au-delà de leurs traumatismes passés.