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EAN : 9782246155720
323 pages
Grasset (25/01/1989)
3.59/5   16 notes
Résumé :
Sang et Lumières (Prix Goncourt 1935) n'est pas seulement un roman tauromachique. Dans les plis de l'habit de lumière de Ricardo Garcia, le "Greta Garbo masculin" de la corrida, se cache un autre drame: l'intense solitude d'un dieu déchu, les préparatifs de son suicide dans les arènes.
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Critiques, Analyses et Avis (4) Ajouter une critique
Passer de l'ombre à la lumière, c'est ce que tout Torero recherche. Se trouver face au taureau au centre de l'arène, sous le soleil brûlant, implacable témoin du drame qui se joue dans le cercle de sable, et gagner la foule, la faire vibrer et être adulé tel un nouveau dieu, de course en course, telle est la trajectoire d'étoile visée par les hommes capés.

Mais que devient l'Homme à l'habit de lumière lorsque sa gloire s'étiole, que ceux qui l'ont acclamé tendent maintenant à le moquer ? Comment garder le fil du destin entre ses mains lorsque les poignets de verre et la jambe faible vous font douter, que grandit l'inquiétude lorsque il faut de nouveau se saisir de la muleta ?

Ricardo Garcias en est à ce moment fatal qui précède le déclin ou la résurrection, et si ses amis toujours fidèles, sa garde rapprochée, donnent encore l'illusion de croire en des lendemains chantants, tous savent cependant que le chant du cygne approche, et que les taureaux contre lesquels il faudra se mesurer peuvent trouver la voie fatale, qui peut conduire au déshonneur, ou à la mort. Tous savent que les blessures passées ont laissé des traces profondes, et pas uniquement dans le corps maintenant usé du Torero.

José, narrateur de la tragédie qui se dessine, voit son ami se ruiner en illusions amoureuses, accroché comme un funambule aux sentiments illusoires d'une maîtresse, tandis que la femme aimante se meure doucement de consomption. Cette dispersion du coeur et de l'esprit n'augurent rien de bon. Il faudra cependant bien à nouveau affronter l'arène, sa foule surtout, versatile et dangereuse, comme le sont les foules à la veille des guerres civiles. Il faudra encore sacrifier au rituel de l'habillage, rassurer le picador déjà bien trop vieux pour entrer en scène, et se placer face à l'animal fabuleux, le défier alors que la foule se défie de vous. Dans cet affrontement sanglant, le taureau fulmine, rejetant sa sourde colère contre tous ces pantins colorés qui le harcèlent. Ricardo sera face à lui-même, pour le grand spectacle.

Un très beau livre, qui ne doit pas rebuter ceux qui rejettent la tauromachie, car Joseph Peyré témoigne d'un immense respect pour le taureau, sans tomber dans le travers d'une adulation sacralisée pour le jeu sanglant de l'arène.
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La corrida c'est comme le céleri, on aime ou on n'aime pas, c'est instinctif : moi c'est simple le céleri me fait vomir (en vrai), la corrida aussi (moralement). Mais je peux très bien comprendre que des gens aiment le céleri, ou que des gens aiment la corrida (plus exactement je veux bien l'accepter mais il m'est difficile de le comprendre). Quoi qu'il en soit la corrida existe. Et le concept « corrida » a inspiré plusieurs oeuvres artistiques (« Carmen » de Bizet, par exemple) et au moins deux excellents romans : « Arènes sanglantes » (1908) de Vicente Blasco Ibañez, et « Sang et lumières » (1935) de Joseph Peyré, auxquels il faut ajouter le récit d'Ernest Hemingway « Mort dans l'après-midi » (1932) et plus près de nous le reportage historique de Dominique Lapierre et Larry Collins « … Ou tu porteras mon deuil » consacré à la vie d'El Cordobès. Toutes ces oeuvres ont comme point commun de présenter la corrida non pas comme simplement la mise à mort d'un animal (ce qu'elle est assurément) mais aussi l'accomplissement d'un rituel, (ce qu'elle est aussi, aussi discutable que soit ce rituel).
Sol y sombra. Ombre et lumière. C'est ainsi que se répartissent pour les spectateurs les gradins des arènes. C'est aussi un résumé fulgurant de la vie du torero (il n'y a qu'à l'Opéra que l'on voit des toréadors). L'habit de lumière qu'il revêt pour effectuer la faena face au taureau contraste avec la face cachée de son métier, particulièrement le fait qu'il remet à chaque fois sa vie en jeu (le taureau aussi, vous me direz, et lui une fois seulement). Sol y sombra, Vie et mort, Lumière et sang. Et pour les deux adversaires.
Le roman de Joseph Peyré, comme d'ailleurs celui de Blasco Ibañez, n'est pas une apologie de la corrida. Il n'y a pas de complaisance dans l'évocation de la mort du taureau, au contraire, les deux écrivains témoignent du respect pour l'animal qui défend sa vie. Car tel est l'enjeu pour les deux combattants : défendre leur vie, même si l'un est mieux armé que l'autre (a priori, parce que ce n'est pas toujours évident). C'est le drame du torero. Il vient un moment où il est plus dans l'ombre qu'au soleil. Il est fragilisé physiquement, et surtout moralement. Jamais peut-être le sens de la vie et de la mort n'est aussi aigu que chez ces êtres sur la corde raide.
Ricardo Garcia, une gloire de l'arène en fin de carrière, est poussé par sa femme et son imprésario (apoderado, dans le texte) à faire une dernière corrida. L'histoire est racontée par don José, un de ses amis. L'adversaire, le taureau, s'il est bien réel, prend également une fonction symbolique : Ricardo se bat contre lui-même, contre ses faiblesses, il se bat contre l'adversité (nous sommes dans une Espagne en pleine crise, à la veille de la Guerre Civile), il se bat contre la Mort, sa propre mort et la mort d'un monde en passe d'être révolu.
Joseph Peyré n'a pas son pareil pour décrire avec finesse et sensibilité, cette âme espagnole, fière et hautaine, et en même temps immensément fragile, il dépeint avec vérité cette Espagne éternelle et contemporaine en même temps, il met toute son expressivité dans ces tableaux aussi dramatiques que pittoresques que représente ce double drame, celui du torero et celui du taureau.
Je comprendrai aisément que les anti-corridas ne lisent pas ce livre. Pourtant je les invite à le lire, ne serait-ce que pour l'évocation du drame humain. Joseph Peyré a l'habitude de mettre en scène des êtres exceptionnels placés dans des situations exceptionnelles : le lieutenant Marçay dans « L'Escadron blanc », Jos-Mari dans « Matterhorn », et ici Ricardo Garcia dans « Sang et lumières », tous en arrivent à un moment donné à se poser les questions essentielles.
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Voici un sujet que je n'avais jamais rencontré dans mes lectures!
Avec un apriori négatif sur la tauromachie, que je ne connais pas, je me suis laissé emporter par l'histoire, tout particulièrement sur la fin.
L'ensemble peut paraitre un peu long avant d'arriver à cette fin écrite d'une main de maître et qui donne toute sa valeur au livre.
Je ne cautionne pas pour autant cette barbarie envers les animaux.
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Prix Goncourt 1935. Roman qui m'a fait revivre l'ambiance des corridas. le soleil éblouissant, la foule déchainée, qui s'extasie, qui hurle devant le spectacle. Ricardo, le torero, seul avec le taureau qu'il essaiera de vaincre.
Roman qui décrit si bien ce sport national espagnol. Ambiance garantie.
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Citations et extraits (4) Ajouter une citation
Enfin, je distinguais en face de moi les monteras et les ors des toreros massés dans le passage du défilé, la brève prison des angoisses où les hommes tournent comme des bêtes dans leur fosse, front bas, la main gauche mouillée de sueur sur les cornes de la cape serrée, palais et gorge secs à ne pas pouvoir saliver.
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Fou de liberté, de lumière, de bruit, le jeune taureau avait balayé toute l'étendue de l'arène, désarmant les banderilleros, les faisant fuir de toutes parts, s'envoler par-dessus la barrière. Il venait d'en pourchasser un jusqu'à la palissade, et, déchirant de la corne la cape rose qu'il lui avait arrachée, et qui l'aveuglait, la musculature du garrot hérissée, il faisait sauter les planches de l'obstacle. Puis il se retourna, menaçant, vers l'espace qu'il avait vidé.
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J'avais la révélation du combat primitif dont la mise en scène et le décor de la plaza travestissent les lignes; la lente, la haletante défaite du fauve devant un homme désarmé qui, par le seul jeu intelligent du leurre, le réduit à l'épuisement et au désespoir.
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J'avais encore dans les oreilles le silence de celui que j'avais vu à Saragosse, le silence qui règne sur tous les mouvements des fauves et ajoute à leur mystère, la voix du mayoral de l'élevage qui manœuvre lui-même les condamnés "Huera, hu hu hu", et le souffle d'émotion de la bête tournant au fond de sa fosse, dans la ténèbre des volets fermés.
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