J'étais loin d'imaginer que Perret pouvait aussi écrire comme un cochon des choses aussi peu sympathiques qu'insignifiantes. J'ai été si souvent émerveillée par Perret que c'est une mauvaise surprise de taille. La raison de cet échec est assez évidente: Perret méprise son sujet. Il méprise les sportifs, il méprise le sport. Et ce mépris est inspiré par une arrogance injustifiée, par un tropisme culturel de trou du cul petit-bourgeois que je ne soupçonnais pas chez Perret.
Car le sport, à l'époque, était très différent du sport d'aujourd'hui. C'était une activité 1/autochtone, 2/d'amateurs. Pas une fête des singes. On pouvait ne pas aimer, c'est le droit le plus absolu de Perret, mais on n'avait aucun mobile valable de mépriser des gars qui allaient boxer à la sortie de l'usine comme dans le merveilleux L'Air de Paris de
Marcel Carné, avec Jean Gabin. Il y a chez Perret, ici, du mépris de classe sans réflexion que je n'aime pas.
On pouvait écrire de grandes pages, poétiques, émouvantes, épiques sur le sport, comme
Henry de Montherlant ou
Emmanuel Legeard. On pouvait écrire des pages ironiques, mais pleines de tendresse sur le sport comme celles d'
Antoine Blondin ou celles de
René Fallet. Les amateurs de cinéma se souviendront du Triporteur avec
Darry Cowl: "le vrai football, Messieurs..." Les footballers n'étaient pas pris au sérieux, et les supporters encore moins, mais Fallet, d'ailleurs fou de cyclisme, les AIMAIT. Evidemment, les équipes de l'époque reflétaient la France des terroirs et des usines (ou des mines); elles n'appartenaient pas encore au Qatar et ne battaient pas un pavillon "Fly Emirates"; il n'y a donc AUCUNE comparaison possible avec les "Trente honteuses" post-Mitterrand.
La contre-performance de Perret, pour parler sport, m'a poussée à réfléchir sur les causes de cet échec infra-littéraire. Et ma conclusion, c'est que, pour bien écrire, il faut aimer. Il faut aimer son sujet. Ou alors, peut-être, le haïr de toutes ses fibres vitales; mais la haine, c'est l'envers de l'amour; c'est le sentiment inspiré contre ceux et celles qui veulent détruire ce qu'on aime.
Ici, ni amour ni haine, aucun sentiment vital, vigoureux, bref: grand. Seulement du mépris, du mépris sans réflexion, du réflexe de classe, du mépris social. Egalement méprisable par sa mesquinerie et sa bêtise. Et indigne de Perret. La Table ronde aurait mieux fait de publier Kassak que de republier cette daube. Mais la Table ronde elle-même est devenue méconnaissable. Si Laudenbach voyait ce que Tillinac, la fille Déon et le polardeux communiste de salon sans talent dont j'oublie le nom ont fait de cette maison d'éditions - une nième officine du politiquement correct - il pèterait un plomb. Heureusement pour lui, il est mort en 1991.