FANNY. - Je t'ai fait un aveu pénible, un aveu qui m'a coûté cher, parce que le prêtre m'a apporté tout à l'heure l'ordre de ton père. Il a voulu que je te dise que tu n'étais pas son fils - et il te l'a écrit lui-même -, il ne m'a pas forcée à te dire le reste. A quoi bon?
CÉSARIOT. - Il est mort?
FANNY. - Pour moi, oui.
CÉSARIOT. - Ce qui veut dire qu'il vit encore.
FANNY. - Je le suppose. Je ne l'ai pas revu depuis vingt ans.
CÉSARIOT. - Après tout, Je n'ai aucune envie de savoir qui c'est. C'était sans doute un jeune homme riche, qui a séduit la petite marchande de coquillages, et qui l'a abandonnée avec un enfant. Je suis donc le fils d'un salaud.
FANNY. Ce n'est pas vrai. Il n'était pas riche, et il était honnête. Quand il m'a quittée, il ne savait pas que j'allais avoir un enfant, car je ne le savais pas non plus.
CÉSARIOT. - Tu ne l'as donc pas fréquenté bien longtemps. Alors, comme ça, en passant...? Tu as fait ça, toi?
FANNY. - Non, mon petit, non... Je le connaissais depuis longtemps.. Il était beau, et il m'aimait.
CÉSARIOT. - Et toi, tu l'aimais aussi ?
FANNY (elle a de grosses larmes qui commencent à rouler sur ses tremblantes.). - Si je ne l'avais pas aimé, tu ne serais pas là pour me le reprocher.
CÉSARIOT (il se rapproche d'elle, ému). - Alors, si vous vous aimiez tant que ça, pourquoi t'a-t-il quittée?
FANNY. - Il avait la folie de la mer, Il voulait naviguer... Une maladie.
CÉSARIOT. - Comme Marius, le fils de César.
FANNY. - Comme Marius, le fils de César. C'était lui.
Il demeure immobile, muet de stupeur. Les grosses larmes tombent toujours.
Dans le cadre de cette émission spéciale Festival de Cannes, Augustin Trapenard reçoit Daniel Auteuil pour son film "Le Fil", adapté de "Au guet-apens : chroniques de la justice pénale ordinaire", de Maître Mô ; Philippe Claudel, écrivain et réalisateur, au sujet de l'art de l'adaptation ; Zabou Breitman, pour évoquer son travail de réalisatrice et pour la lecture d'un texte de Marcel Pagnol ; Nicolas Pagnol, petit-fils de Marcel Pagnol, pour rendre hommage à l'écrivain disparu il y a cinquante ans ; Irène Frain, pour parler également de Marcel Pagnol.