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EAN : 9782843049316
496 pages
Zulma (03/01/2020)
3.8/5   142 notes
Résumé :
Ils sont sur l’autoroute, chacun perdu dans ses pensées. La vie défile, scandée par les infos, les faits divers, les slogans, toutes ces histoires qu’on se raconte – la vie d’aujourd’hui, souvent cruelle, parfois drôle, avec ses faux gagnants et ses vrais loosers. Frédéric, lanceur d’alerte devenu conducteur de poids lourds, Catherine, qui voudrait gérer sa vie comme une multinationale du CAC 40, l’écrivain sans lecteurs en partance pour « Ailleurs », ou encore Sylv... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (43) Voir plus Ajouter une critique
3,8

sur 142 notes
Tout est déroutant dans cet audacieux roman tellement contemporain.

D'abord, il embrasse une multitude de personnages – 13 si j'ai bien compté – comme autant de morceaux de vie, en prenant le temps, soit environ 150 pages pour les présenter tour à tour, sans qu'aucun lien ne semble les attacher les uns aux autres de façon évidente, si ce n'est que tous roulent sur une même autoroute et traversent les mêmes aires et stations service. Marcus Malte ose même les présenter en ouvrant chaque chapitre du nom du véhicule utilisé, kilométrage et prix argus, voitures, caravane, camion et même chaussures de marche ! Chaque chapitre est scandé par les infos en continu ou par des slogans publicitaires, mais aussi par des extraits de cahiers / journaux intimes très introspectifs rédigés par un des protagonistes.

En fait, Marcus Malte ose tout dans ce roman, ce qui le rend à la fois fascinant, original mais qui rend aussi son accès assez difficile, voire hermétique, jusqu'à ce qu'on comprenne où l'auteur veut aller. J'ai mis un peu de temps pour y parvenir, un peu perdue, mais sans que mon intérêt ne retombe, tenue par la tension qui s'instaure pour découvrir le fil qui relie toutes ses vies.

Ce roman se révèle terriblement noir, voire désespéré . Les morceaux de vie qu'il raconte sont tout à la fois foncièrement banals et humains : un homme qui rejoint la femme qu'il a aimé et qui se meurt, un père blessé par son récent divorce qui se heurte au mutisme de son jeune fils, une serveuse éclairé par la foi qui se projette dans une vie possiblement belle, une femme installée dans le couple et la maternité qui doute ... Des trajectoires parallèles qui finissent par se croiser, s'emboîter, se heurter, se repousser en un chaos qui ressemble au hasard ou au destin, mais qui n'occulte en rien la solitude profonde de l'être humain depuis la perte de l'enfance.

« Un enfant qui marche dans les flaques pour éclabousser. Un enfant qui saute sur un trampoline ou qui tape dans un ballon. Un enfant qui joue. Qui s'amuse. Jouer, s'amuser, et rien d'autre. Cette insouciance, cette légèreté, elles nous ont été données, à tous, au départ. Cela s'appelle l'enfance. Et cela dure plus ou moins longtemps, selon l'histoire de chacun, selon les conditions d'attribution et de développement. Certains en sont très vite dépossédés, d'autres ont la chance de pouvoir prolonger cette période. Mais personne, personne ne parvient à la conserver au-delà d'une certaine limite. La joie. La joie première. La joie égocentrique. Notre capacité à l'accueillir. Nous perdons cela. Avec les année vient la conscience, et avec la conscience vient le poids. Tout devient lourd, plus pesant. Toute nous écrase. Regardez-nous marcher, l'échine voutée, ployant sous le joug, le pas lent, comme si nous trainions des boulets à nos chevilles. Esclaves de notre propre conscience, de notre connaissance du monde, de notre expérience du monde, de notre lucidité. C'est long. C'est pénible et fastidieux. Quand on marche dans les flaques, dorénavant, c'est parce qu'on n'a pas réussi à les éviter. (...) Retourne-toi. Souviens-toi. Vois ce que tu n'as plus et n'auras plus jamais. Tends l'oreille pour entendre l'écho de ton rire, du pur cristal de rire, des perles, des bulles, légères, si légères, envolées, impossibles à saisir sans les faire éclater. Quand tu ris aujourd'hui ce n'est plus qu'un bruit, pareil à celui d'une chaîne qu'on secoue, c'est un relent sonore, un rot moqueur ou sarcastique, ce n'est plus le fer de lance joyeux jaillissant dans les airs et accrochant le reflet du soleil. »

Cette lecture fait réfléchir avec acuité et classe sur les dérives de notre société de consommation, en dénonce les travers, avec subtilité, parfois avec tendresse, parfois rudesse , mais toujours avec un humour ravageur qui décille les yeux pour nous forcer à nous confronter à nos petites lâchetés ordinaires. Ce n'est pas une lecture confortable, je n'ai pas ressenti le même plaisir absolu qu'en découvrant le Garçon ( un des plus beaux romans que j'ai lu ces dernières années ). Mais c'est une lecture riche, qui secoue. Alors que l'émotion mettait du temps à arriver, elle m'a percutée puissamment dans les dernières chapitres, m'a broyé le coeur et serré l'âme.

Et puis, il y a toujours, l'écriture superbe de l'auteur, un vrai styliste qui jamais ne se laisse aller à l'exercice de style : il parvient à déployer une panoplie dingue de variations, maniant aussi bien la poésie que l'ironie, le lyrisme que le rythme jusqu'à un final assez étourdissant.

Un roman exigeant, sans séduction facile, qui prend le risque de dérouter ceux et celles qui gardent en mémoire le Garçon. Un roman impressionnant tant dans sa forme que dans son fond. Un roman marquant qui donne envie de sauter dans les flaques sans chercher à les éviter.
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Pas glop, le dernier Marcus Malte, pas glop et même très noir.

Ça commence brillamment, dans une sorte de Novlangue façon SF post apocalyptique. On va examiner quelques specimens de l'humanité disparue, ça vous va ? Démarrage sur les chapeaux de roues, pour une équipée sauvage,  drôle et féroce. Démarrage inventif: on va se régaler ! Glop, glop ?

Non, on embraye- c'est le mot!- sur un roman choral plus classique et à première vue plus plan- plan . Sauf que les chapitres portent des noms  de voitures assortis de leur présentation façon Argus. Je rectifie: pas plan-plan, plutôt pouèt-pouèt!

Moi qui ai déjà du mal à distinguer une Renault d'une Nissan,  pas Ghosn-Ghosn,  vous m'avez repérée- et qui ai roulé des années en Cox ou en 2 pattes  parce que c'étaient les seules que je retrouvais dans les parkings- je cafouille sec! À part se retrouver dans le même embouteillage un jour de canicule aoûtienne, je ne vois pas trop ce qu'ils ont à faire ensemble, ces conducteurs ou passagers.

Voyez plutôt :
-Catherine , une fille à papa du Cac40, narcoleptique et cynique, dans sa Lexus
 -Peter un vieux rocker british un peu clodo et tout à fait à la masse dans son camping car en stationnement permanent sur une aire d'autoroute,
 - Sylvain, un père A.C. (Acheteur compulsif), criblé de dettes et, sur le siège arrière de son bolide à crédit "revolver",  Ju',  son petit garçon ,  geek et mutique, les yeux rivés sur sa console et ne répondant à son père que par signes de tête -tac tac!-, 
- Maryse et Lucien, un vieux couple en Dacia, la petite roumaine pas chère,  toujours amoureux, toujours communistes,
- leur fils Fred devenu chauffeur de poids lourd apres des mésaventures professionnelles -bien la peine que Maryse et Lucien aient sollicité l'ascenseur social  à coup de Pif Gadget et d'articles de l'Huma! le diplômé est revenu à la case prolo!-  et avec lui, dans la cabine de son 15 tonnes, un autostoppeur  mystérieux,  écrivain, et fumeur,
- Roland Carretero, ancien prof de techno,  avec Placido, sa tortue géante , qui part sur la route retrouver sa Rolande, bouffée par un vilain crabe, avant qu'il soit trop tard , pour lui dire que depuis 25 ans qu'ils se sont quittés,  il n'aime et n'a aimé qu'elle, 
- la petite famille  Jourde dont la mère,  pas Claire, décidément,  s'apprête à faire un grand saut sexuel et conjugal dans l'inconnu,
- Audrey et Romain incolores petits spécimens d'amoureux dans le vent ( du boulet?) "à qui il faudrait apprendre une langue"
- et enfin Zoé,  petite serveuse du restauroute l'Arche. L'arche de Zoé.  Ah! Ah! On se marre.. .

Bon, je suis sympa, je vous ai mis un peu d'ordre, là,  histoire que vous soyez moins perdus que moi, au debut,. ...sauf pour quelques bagnoles, mais ne me demandez pas l'impossible! Vous allez pouvoir, comme moi, vous prendre à la tension insoutenable de savoir comment le destin avec ses grosses pognes vachardes va les faire se "rencontrer" tous ceux-là. En même temps, comme ils sont en voiture, on a bien une petite idée..

Avec la maestria d'un joueur de modèles réduits sur circuit,  Marcus Malte aiguille ses personnages vers les points chauds, les carrefours dangereux, les aires sauvages, les glissières fragiles, il fait monter la pression, semant présages et avertissements sous forme de bulletins de trafic, de slogans publicitaires,  de chansons  ou de spots d'information -la radio, toujours allumée pour réveiller l'attention des conducteurs, est, dans chaque habitacle,  le messager involontaire des mauvaises nouvelles ou le commentateur sans état d'âme des us et coutumes  de ce siècle qui, on le sait depuis la première page, sera le dernier.

En même temps que se préparent les fatales catastrophes, les petits hannetons jacassant dans les carlingues nous deviennent plus familiers, plus proches, plus inquiétants, plus franchement odieux, c'est selon..

La terreur et la pitié dont les grands ressorts de la tragédie disait Aristote.
La dérision qui mord et la tendresse qui caresse sont ceux de ce grand roman choral qui nous emmène allegretto , en klaxonnant, dans le mur.

Pas glop,  pas glop.  Mais très réussi. 
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Le dernier roman de Marcus Malte :Aires est étourdissant à bien des égards...
Une fois de plus j'ai été épatée par le talent multiforme de l'auteur. D'abord l'écriture toujours aussi inventive, surprenante avec dans le prologue un florilège de jeux de mots, de calembours à couper le souffle et souvent fort drôles. Mais cette entrée en matière est suivie par un savoureux mélange de récits entrecoupés de flash d'informations, de publicités ou de courts poèmes. Récits qui alternent également avec des textes théâtraux, des extraits de journaux ou des parodies de tracts publicitaires. On s'aperçoit très vite à la lecture que ces "fantaisies" digressives n'ont rien de gratuit et que le jeu pour la lectrice ou le lecteur va être de trouver la clé de leur présence dans le roman... Présence aussi d'un humour noir ravageur qui est, à mon avis,l'un des points forts de l'écriture de l'auteur. Marcus Malte pense l'horreur, la met en mots sans jamais tombers dans l'obscénité. Un vrai tour de force à mes yeux ! En témoignent les violentes satires qui jalonnent le roman comme celle par exemple où il évoque les dessous croustillants d,une grande conférence internationale à Genève ou pire encore le passage où il imagine une nouvelle attraction d'un parc Disney le "Shoah Show" calqué sur les pires tortures des camps nazis...
Cette écriture vagabonde, iconoclaste joue aussi beaucoup sur l'effet de surprise et le dévoilement progressif d'une narration conçue comme une toile d'araignée à l'image de la trajectoire de vie de personnages qui, au début du roman, n'ont comme seul point commun que le fait de se trouver sur une autoroute, le même jour, à la même heure.
Je me suis très vite attachée à ces hommes et à ces femmes confrontés à des determinismes intérieurs - maladie psychiatrique ou physique, addiction, identité sexuelle refoulée - ou socio économiques qui les rongent, les obsèdent et les lancent dans une quête identitaire ou des choix perdus d'avance. Et c'est en cela qu'ils sont pathétiques, car nous savons depuis le début ou presque qu'ils s'acheminent vers un drame... Nous sommes à la fois en totale empathie avec eux grâce à la force et l'intensité des monologues intérieurs et aussi en connivence avec l'auteur qui nous laisse entrevoir à de multiples reprises la tragédie qui les attend. Fatalité, hasard, acte délibéré ? Rien n'est tranché... C'est aussi cette liberté laissée à la lectrice ou au lecteur de se faire son propre jugement que j'ai aimé. Car rien n'est simple et l'auteur laisse une belle place à l'incertitude et la complexité ! Qu,il s'agisse de questionnements existentiels, politiques ou socio économiques il nous renvoient à nos contradictions, à notre liberté de choix bien restreinte ou conditionnée par des éléments qui nous échappent....
On peut ne pas aimer ce roman car il est transgressif dans l'écriture et le contenu. Mais quand on accepte d,entrer dans le labyrinthe où nous entraîne Marcus Malte des le début c'est un vrai régal !
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Encore une fois je suis éblouie par le talent de Marcus Malte.
Autant que dans « le garçon », bien que le genre soit ici totalement différent.

« -Plusieurs histoires, en fait. Mais qui n'en font qu'une. Parce que c'est le principe même de la vie, sa trame : des destins qui s'enchevêtrent. Et c'est quelque chose que je trouve fascinant. Toutes ces trajectoires parallèles qui finissent par se croiser »

Cet extrait résume parfaitement le roman.
J'ai l'impression d'avoir lu plusieurs livres, d'avoir croisé plusieurs vies.
Tout se passe sur l'A10, une autoroute où circulent des gens dont les destinées de certains vont se croiser.
Au gré des personnages, d'innombrables sujets sont traités.
L'auteur tourne en dérision les excès de notre société. Il dénonce des faits divers de l'actualité.
Il ya de anecdotes, des drames.
On y trouve des sentiments, de l'amour, de la passion, de l'addiction.
De la fougue et du désespoir.
Tout est entrecoupé de spots publicitaires, de flashs radio, de chansons selon les stations écoutées par les automobilistes.

Il est beaucoup question de société et de politique.
C'est un livre jubilatoire et puissant.
Le style, le vocabulaire, l'originalité, tout est délice.
L'humour côtoie la profondeur.
Sûr qu'après cette lecture, on ne parcourra plus les autoroutes sans y penser.
Un livre pour lequel on souhaiterait avoir plus d'insomnies pour ne pas avoir à le refermer avant de l'avoir terminé.
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Nous sommes le 6 août, quelque part sur l'A7.
Bitume, canicule, chassé-croisé.
Des tonnes de particules fines, des milliers de bolides chromés et parmi eux Roland, Claire, Peter, Zoé, quelques autres... Une douzaine d'âmes piochées au hasard dans la foule anonyme des automobilistes, douze usagers de la route comme autant de cobayes pour une expérience romanesque épatante.
Dans chaque véhicule un homme, une femme, un enfant, et dans chaque boite cranienne des pensées, des souvenirs, des rêves, des idées noires...
Qui sont-ils, où vont-ils, que faut-il voir dans les trajectoires enchevêtrées de ces fourmis pressées, qui n'ont a priori pas grand chose en commun ?
Faut-il d'ailleurs y voir autre chose qu'un bête mouvement brownien, vain, désordonné, une fuite en avant sans véritable finalité ?

Pour répondre à ce genre de questions tordues, on peut compter Marcus Malte !
Très imaginatif et un brin facétieux, il joue à merveille les bisons futés et se penche pour nous, depuis son poste d'observateur omnisicient, sur cette poignée de voyageurs et sur leurs parcours plus ou moins tortueux, qu'il décrypte sur un ton à la fois cynique et désabusé, émaillé de calembours et de traits d'esprit souvent percutants.
À mesure que les kilomètres défilent, l'auteur alterne les histoires individuelles, fouille dans le passé de ses personnages et saute allégrement de l'un à l'autre, avec toujours en fond sonore les pubs stupides, les slogans criards et les mauvaises nouvelles du monde que l'intarissable bande FM diffuse en continu dans chaque habitacle, sur chaque aire de repos.
C'est vif, original, intelligent et teinté d'humour noir : un régal !

Après l'inoubliable rencontre avec "Le garçon" (l'unique Marcus Malte trônant jusqu'alors dans ma bibliothèque), j'avais peur que ce nouveau roman radicalement différent ne souffre un peu de la comparaison. Fort heureusement il n'en fut rien, et je ne me suis pas ennuyé une seconde !
Sans trop savoir où l'auteur nous conduit, on est rapidement conquis par cette galerie de personnages en mouvement et finement croqués, on se laisse facilement embarquer, on avance ("on avance, on avance, c'est une évidence", comme chante le poète) avec eux, les mains bien cramponées à 10h10, l'oeil rivé sur l'asphalte.
Bien sûr on attend une explication, une révélation qui tarde à venir, un alignement des planètes. On se doute bien que "tout est lié [...], les événements, les êtres, les trajectoires, tout s'imbrique et se confond et va-t-en démêler tout ça". Alors très vite on se prend au jeu, on cherche à assembler les pièces du puzzle, on traque les indices qui nous permettraient de relier les destins de ces individus d'horizons si divers, on guette les coups du sort et les éventuelles collisions...
Un accident est si vite arrivé !

Avec ce roman étonnant, inventif et proétiforme, Marcus Malte dénonce en outre avec habileté quelques travers de notre époque (individualisme, course au profit, duplicité dans les rapports humains).
Par la même occasion il nous met en garde, non sans humour, contre les maux de notre société malade (crises économiques, inégalités, instabilité du marché l'emploi, perte de repères, addictions...) et les ornières qui jalonnent les autoroutes de nos existences.

Comme Roland, Claire, Peter et les autres, ne sommes-nous pas tous embarqués dans une même course contre la montre ? Chacun à son rythme, chacun sur sa voie mais tous dans le même sens, marche arrière interdite. Quelques coups d'oeil quand même dans les rétroviseurs, des manoeuvres hasardeuses, des échangeurs manqués, certains convoiturages heureux, et la nécessité toujours d'aller un peu plus loin...
Jusqu'au prochain virage, jusqu'à la prochaine aire.
En avant toute !
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critiques presse (2)
Actualitte
04 février 2020
Ce qui frappe dans cet ouvrage, révélateur d’une société un peu perdue, c’est d’abord la franchise de ton de l’auteur dans un style ouvert et puissant sans transiger au final sur le contenu parfois pervers de la domination, celle qui fait souffrir et détruit les rêves.
Lire la critique sur le site : Actualitte
LeSoir
14 janvier 2020
On ne sait par quel bout le prendre ou l’évoquer. Celui du roman social, celui de l’humour, celui du roman puzzle… Résumer Aires, c’est essayer de contenir le mouvement de la vie et de toutes les vies que Marcus Malte y a injectées.
Lire la critique sur le site : LeSoir
Citations et extraits (51) Voir plus Ajouter une citation
La France a produit Baudelaire,Verlaine Rimbaud,Hugo, Flaubert,Céline...
- Que des morts,
Vous pouvez me citer des auteurs vivants de cette envergure ?
- Euh...
- C'est bien ce que je dis ! Et de toute façon, on s'en fout, puisque l'auteur français le plus vendu dans le monde, c'est ?
- C'est ?
Marc Levy.
Pas lu.
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ELLE : Dis donc, comment ça se fait que tu saches tout ça, toi ?
LUI : Je l'avais lu, à une époque, et ça m'est resté.
ELLE : Ben, tant mieux, comme ça tu pourras le raconter à ta petite-fille. Elle va dorer Pif Gadget, et au moins elle saura que c'est grâce aux communistes, encore une fois, qu'elle peut lire sa BD préférée !
LUI : les communistes, ça n'existe plus, Maryse. Et ça existera encore moins quand Océane sera en âge de comprendre. Elle ne saura même pas de quoi on lui parle. « Les communistes ? C'est quoi,Papy, les communistes ? » Euh... c'est comme les dinosaures, ma chérie. Des grosses bêtes qui vivaient sur la Terre, il y a très longtemps de ça...
ELLE : Et qui rêvaient d'un monde meilleur. Qui se bagarraient pour un monde meilleur.
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Demain soir, si tout se passe bien, il pense qu'il aura quelque chose à leur raconter [...] : sa rencontre avec ce drôle de type [...]. Un original. Nous le sommes tous, c'est vrai aussi. Des originaux. Des êtres uniques. Chacun à sa manière. Uniques et seuls. Seuls, bien sûr, même entourés, même regroupés, inclus dans un ensemble - couple, famille, clan, tribu, nation, pays - chacun au fond absolument et inexorablement seul, du début à la fin, malgré toutes ces tentatives de rapprochement, de fusion, désespérées souvent, vaines toujours, on peut réussir à partager mais chacun n'aura quand même que sa propre part, c'est ainsi, c'est inscrit dans le gène de l'humain, c'est notre condition, songe Frédéric Gruson. Oh oh ! On dirait que les embouteillages se prêtent au vagabondage de l'esprit. Les pensées flottent comme les gaz des pots d'échappement. Est-ce que les pensées polluent ? Ça dépend.
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[ Roland Carratero s'aventure dans les toilettes d'une aire d'autoroute, muni d'une gamelle à remplir pour faire boire son animal de compagnie ]

Il arrive. Roland Carratero atteint le bloc des sanitaires. Pas trop tôt. Béton, céramique, tuyaux [...] Il est en nage, cœur battant comme au terme d'un marathon, et pris subitement d'une irrépressible envie de pisser. Le trac, peut-être. Problème : il n'est pas le seul. Les grandes manoeuvres se poursuivent [...], les troupes sont légion et la bataille fait rage pour le moindre pouce de terrain. La conquête des chiottes ça s'appelle. Nécessite patience et stratégie. De l'audace aussi, quelquefois. Les cabinets sont pris d'assaut, cependant - là ! - une brèche s'ouvre tout à coup sur la gauche, du côté des vespasiennes, et Roland Carratero s'y engouffre, délaissant les Turcs au profit des Romains. Il rejoint le rang. Tous au front. Ils sont six, debout, côte à côte, en position. Certains qui arrosent déjà. Il s'apprête à les imiter, mais freine soudain son élan. Halte ! Problème : nul endroit où poser son quart (gamelle, écuelle, sébile, au choix). Mince. Bien embêté, le soldat Roland. L'objet l'encombre. Et avec ça sa vessie qui continue de le presser et toute une escouade, derrière, qui piaffe. Que faire ? Improvise, mon gars. OK. Sans plus réfléchir il porte le récipient à la bouche et en mord le bord, le coince entre ses dents. Bien. Bonne initiative. Ses mains sont libres. Presto, Roland Carratero se déboutonne. Le soulagement est proche. Las, c'est à l'instant de lâcher les vannes que le danger lui saute aux yeux : il ne voit rien ! Maintenue de cette façon, en effet, sa gamelle (écuelle, sébile, quart) lui bouche la vue. Urinoir comme dans un four. Impossible de viser. Et s'il manquait l'objectif ? S'il canardait à côté ? S'il venait à se tirer une salve dans le pied, ou, pire, à mitrailler les bottes (tongs) de son plus proche voisin et compagnon d'armes - lequel commence d'ailleurs à le regarder en coin, d'un drôle d'air, un air qui semble dire qu'est-ce que c'est que ce bleu-bite qu'on nous envoie en renfort ? Non. Il ne peut décemment pas prendre ce risque. Alors ? Roland. Merde. Combien de temps tu vas rester comme ça à baver dans ton écuelle (quart, sébile, gamelle) ? Une idée, vite. Ça urge. Trouve une solution. C'est au pied du mur (de l'Atlantique, des latrines, des lamentations) que les braves se révèlent : brusque changement de tactique, Roland Carratero se saisit du récipient et s'en couvre le chef. Là ! Ça, c'est de l'inspiration ! Casque en place - ou calotte (non glaciaire), ou kippa (en plastoc), ou bob (c'est la saison), qu'importe, à la guerre comme à la guerre (et réciproquement) ! On pardonnera cette tenue pas très réglementaire pourvu qu'elle libère le troufion et lui permette enfin d'ouvrir le feu - sous le regard cette fois franchement consterné du compisseur posté sur son flanc. Longue, longue rafale. En plein dans le mille. Ouf. Miction accomplie. Victoire (il n'y en a pas de petites). Puis repli immédiat vers les lavabos.
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- Ce qui nous manque, c'est l'insouciance. C'est la légèreté. Ce qui nous manque, c'est la joie. C'est d'être ouvert à la joie. La joie toute simple, pure, sans taches. Ce qui nous manque, c'est la capacité de vivre dans l'instant, à chaque instant, et de l'apprécier, d'y prendre plaisir. Le plaisir, oui. Le plaisir brut, primaire, de la vie. C'est-à-dire le fait même d'être en vie et de ne pas avoir peur de ce qu'elle nous réserve, de ne pas même y songer.
[...]
- Comme un enfant, dit l'homme. Un enfant qui rit. Un enfant qui marche dans les flaques pour éclabousser. Un enfant qui saute sur un trampoline ou qui tape dans un ballon. Un enfant qui joue. Qui s'amuse. Jouer, s'amuser, et rien d'autre. Cette insouciance, cette légèreté, elles nous ont été données, à tous, au départ. Cela s'appelle l'enfance. Et cela dure plus ou moins longtemps, selon l'histoire de chacun, selon les conditions d'attribution et de développement. Certains en sont très vite dépossédés, d'autres ont la chance de pouvoir prolonger cette période. Mais personne, dit l'homme, personne ne parvient à la conserver au-delà d'une certaine limite. La joie. La joie première. La joie égocentrique. Notre capacité à l'accueillir. Nous perdons cela. Avec les années vient la conscience, et avec la conscience vient le poids. Tout devient plus lourd, plus pesant. Tout nous écrase. Regardez nous marcher, l'échine voûtée, ployant sous le joug, le pas lent comme si nous traînions des boulets à nos chevilles. Esclaves de notre propre conscience, de notre connaissance du monde, de notre expérience du monde, de notre lucidité. C'est long. C'est pénible et fastidieux. Quand on marche dans les flaques, dorénavant, c'est parce qu'on ne réussit pas à les éviter. Où est passée la joie d'éclabousser ? Elle est derrière nous, elle est loin. Tout ce qu'il nous en reste, c'est le souvenir. Hélas, dit l'homme. Hélas, oui, car mieux vaudrait pour nous qu'on l'oublie tout à fait. Ce serait moins cruel, moins douloureux. On en a subi la perte et il faut encore qu'on en subisse le souvenir. C'est là, au fond de nous, telle une écharde plantée sous la peau, qu'on n'a pas su retirer. C'est une douleur lancinante, au long cours, à laquelle s'ajoute de temps à autre de plus brèves et plus vives piqûres de rappel. Retourne-toi. Souviens-toi. Vois ce que tu n'as plus et n'auras plus jamais. Tends l'oreille pour entendre l'écho de ton rire, du pur cristal de rire, des perles, des bulles, légères, si légères, envolées, impossibles à saisir sans les faire éclater. Quand tu ris aujourd'hui ce n'est plus qu'un bruit, pareil à celui d'une chaîne qu'on secoue, c'est un relent sonore, un rot moqueur ou sarcastique, ce n'est plus le fer de lance joyeux jaillissant dans les airs et accrochant le reflet du soleil. Tout est pareil, mais tout a changé.
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Vidéo de Marcus Malte
Cet épisode a été enregistré avec des patients hospitalisés au Centre d'Activité Thérapeutique et d'Eveil à l'hôpital San Salvadour de l'AP-HP situé à Hyères à l'automne 2023.
Le livre lu dans cet épisode est « Ne le dis à personne » d'Harlan Coben paru aux éditions Pocket. Avec la participation de Baptiste Montaigne, champion du grand concours national de lecture « Si on lisait à voix haute » 2023 pour le générique, Benoit Artaud à la prise de son et montage.
Remerciements à Marie-Thérèse Poppe, éducatrice spécialisée au Centre d'Activité Thérapeutique et d'Eveil à l'hôpital San Salvadour, Paul Grégoire, éducateur spécialisé au Centre d'Activité Thérapeutique et d'Eveil à l'hôpital San Salvadour et Isabelle Michel, cadre socio-éducatif de l'hôpital San Salvadour à Hyères, ainsi qu'à Marcus Malte, écrivain.
 
*** Le Centre national du livre lance un programme en direction des hôpitaux, Mots parleurs, en partenariat avec l'Assistance Publique-Hôpitaux de Paris (AP-HP). Cette action s'inscrit dans la continuité des actions menées pour transmettre le goût de la lecture à tous et notamment aux publics éloignés du livre.Définitivement tournée vers la jeunesse, cette action vise à conjuguer lecture, écriture et mise en voix. Les adolescents et les jeunes adultes, en collaboration avec le personnel hospitalier, sont ainsi inviter à choisir un livre parmi une sélection, en lien avec la thématique de l'édition 2023 des Nuits de la lecture : la peur.
Pour cette première édition 2023, six établissements de l'AP-HP participent. Quatre établissements sont situés en Île-de-France et deux en région (Provence-Alpes-Côte d'Azur et Nouvelle-Aquitaine). le projet se déroule de fin septembre 2023 à début janvier 2024. A partir d'un ouvrage sélectionné avec le personnel hospitalier, les adolescents et jeunes adultes sont amenés à choisir des extraits de textes pour les lire et les commenter. Sur la base du volontariat, Mots parleurs propose ainsi à des groupes de cinq à dix patients accompagnés de personnel soignant d'écrire et d'enregistrer leur production, au cours de six ateliers répartis dans différents hôpitaux. Ils débattent pour élire l'ouvrage qui constituera la matière de leur travail.
Afin de les guider dans la sélection des extraits, dans la rédaction et dans l'enregistrement du podcast, ils sont accompagnés par un écrivain ou un comédien, ainsi qu'un technicien du spectacle. Ce podcast, d'une trentaine de minute, sera ensuite mis à disposition de tous les patients et personnels soignants de l'AP-HP.
 
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