Emilienne Malfatto a obtenu le prix Goncourt du premier roman pour "
Que sur toi se lamente le Tigre"
Dans une alternance de poésie et des points de vue en prose de tous les membres d'une famille irakienne et du fleuve pluri-millénaire Tigre, l'auteure aborde l'abominable guerre qui met fin aux vies des enfants, des femmes et des hommes à chaque coin de rue et le redoutable sens de l'honneur qui exige le sacrifice des femmes qui portent la vie sans être mariées.
On ressent une connaissance intime du monde irakien et la force poétique de ce court roman est inspirée.
Cependant je l'ai moins aimé que "
Le colonel ne dort pas", injustement sans doute du fait de son thème : l'abomination de la guerre, la grande souffrance des femmes soumises aux violences des hommes qui vont jusqu'au meurtre de sang froid sous des prétextes d'honneur familial (l'assassinat, lui, ne semble pas déshonorer), sont tellement évoquées sans résultat dans les littératures actuelles, que la nausée prend à lire ces lignes évoquant toujours la même brutalité masculine, la même apathie féminine, chacun pris dans un étau qu'il ne peut apparemment pas desserrer.
Mais ce qui surprend toujours, c'est l'absence apparente de culpabilité des hommes, les hommes en tant que sous-groupe social, ceux qui se taisent face aux exactions de leurs semblables. Comme si être un homme exonérait de la honte du sang versé.
Le paléoanthropologue
Pascal Picq, dans son dernier ouvrage, "
Et l'évolution créa la femme" (2020) précise : « Les mâles de notre espèce sont parmi les primates les plus violents envers leurs femelles, les femmes (...) le contrôle des femmes et leur coercition s'aggravent avec la recherche de statuts sociaux chez les hommes, notamment plus âgés. »
Si au moins on ne témoigne pas sans relâche pour ne pas oublier les fléaux engendrés par l'exercice de la violence et prendre conscience nous-même de la fragilité de nos propres acquis, de quoi témoignerions-nous d'autre ?
Bravo donc à
Emilienne Malfatto !