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Grégoire Bouillier (Autre)
EAN : 9782073055224
Gallimard (02/05/2024)
4.25/5   8 notes
Résumé :
Highlands a été écrit en mouvement. Celui des trains de nuit et des autocars qui m’emportaient là-haut vers le nord de l’Écosse, puis celui des longues marches sur le sol souple de la lande, et enfin ce déplacement d’un autre type, plus intérieur, qui faisait revivre mon enfance à mesure que je m’approchais d’un certain lac sans nom.
De retour de mes vagabondages par les herbages et les tourbières, c’est le calme de mon atelier que je retrouvais, sa chaleur, ... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (6) Voir plus Ajouter une critique
❝Ulysse est revenu, plein d'espace et de temps.❞
Ossip Mandelstam, Simple promesse

❝C'est pour elle [la lande] que je suis revenu jusqu'ici, pour sa dureté, son humidité, sa sauvagerie et les innombrables lochs qu'elle recèle – turquoise, noirs ou azur –, les plus belles choses qu'il m'ait jamais été donné d'admirer et dont ma mémoire n'a fait qu'amplifier le sublime au cours des années. Il y en a un, surtout, que j'ai à coeur d'aller retrouver au plus vite. Un parmi les centaines de lacs semés à travers ce paysage comme une poignée de pierres précieuses par un petit dieu facétieux.
Il n'a pas de nom, ce lac. Et c'est en partie pour cela que je l'aime.❞

Highlands de Jérôme Magnier-Moreno vient de paraître dans la collection le sentiment géographique des éditions Gallimard. Quelques mots liminaires sur le livre, bel objet dont les pages à l'ivoire doux et au format généreux sont le meilleur écrin pour les photographies de la dizaine de toiles de l'auteur, que certains connaissent aussi sous son nom d'artiste, Rorcha (les cartels sont en fin d'ouvrage). Je confesse ici que j'ignorais qui il était, que je ne savais rien de son travail de peintre ni d'écrivain. Je n'ai pas lu – pas encore – le saut oblique de la truite, son premier livre paru il y a 7 ans aux éditions Phébus. Une première rencontre, donc, là-haut sur les Hautes-Terres d'Écosse. En début d'ouvrage, on trouve une préface de Grégoire Bouillier que je n'ai découverte qu'à la fin de ma lecture pour entrer sans a priori dans le livre, ainsi que deux cartes – une vue d'ensemble, l'autre détaillée, de l'itinéraire suivi par le narrateur à la fin du mois de mai 2013.

Highlands raconte une échappée soudaine, le besoin impérieux de fuir le bruit de la ville autant que celui des mots que l'on se jette à la tête quand le couple s'épuise. Highlands est aussi une quête qui secouerait la léthargie des souvenirs d'enfance en allant sur les lieux-mêmes retrouver les images du temps jadis quand le père, la mère, le narrateur et son frère jumeau formaient une famille à l'abri encore pour un temps des drames qui marquent une vie.

❝[…] ma famille avait eu la bonne idée de se rendre deux années de suite dans les highlands écossais, pour des jours qui comptaient parmi les plus beaux de ma vie.❞

J'ai eu l'intuition que ce que cherchait notre voyageur était toujours au-delà de ce qu'il avouait. Au voyage physique vers le Nord se superpose sur une même plaque sensible le voyage intime vers le passé, comme au texte se superposent les tableaux.

❝J'examine la carte de la région épinglée sur un mur du bar. Après l'avoir cherché pendant cinq bonnes minutes parmi la myriade de petites taches bleu clair figurant les lacs, je finis par poser le doigts dessus. C'est bien lui, pas plus grand sur le papier qu'un grain de riz et dont je reconnais pourtant le minuscule contour. Rien que de lire Unnamed me fait frémir. Personne ne t'a donc trouvé de nom depuis vingt ans, mon cher lac… […] Accessoirement, mon téléphone m'indique tes coordonnées spatiales – latitude 58°11'43'' Nord, longitude 4°57'13'' Ouest. Impression de lire les coordonnées de mon passé.❞

Highlands est un ouvrage que j'ai reçu doublement, en tant que lectrice et en tant que spectatrice. J'ai été séduite par cette manière d'autoportrait du peintre en voyageur et du voyageur en écrivain, la main et l'oeil complémentaires et pareillement habiles à retranscrire les nuances profondes d'un désir nostalgique ainsi que d'une révélation à soi-même, en se livrant à la première personne et au présent.

Chaque étape du voyage a son chapitre et chaque chapitre, sa couleur. La palette est féconde : le bleu pétrole du Caledonian Sleeper à bord duquel le narrateur passera une nuit blanche ; le vif argent de la course des gouttes de pluie sur la vitre ; le noir de bougie des encres de la nuit écossaise ; le caramel des vaches paissant dans les champs noyés de brume ; la rousseur d'une chevelure féminine ; le jaune entêtant des genêts qui plaisaient tant à sa mère aujourd'hui disparue ; les vagues mauves de la lande ; le pain d'épice du lit de la rivière ; le ruban doré de la route ; le vert amande d'une combe ; le camaïeu de gris du brouillard quand il descend pour tout envelopper ; le jaune écaillé du portail, jadis lieu de passage magique vers les moments suspendus et heureux. le narrateur mesure le risque qu'il y a à confronter le souvenir à la réalité, à vérifier sa mémoire.

❝[…] je me demande si, par ce voyage, je ne me livre pas moi-même à une sorte de taxidermie de l'enfance ; à mesure que j'en approche, je redoute que les hauts lieux de ma mythologie personnelle n'aient aujourd'hui plus grand-chose à m'offrir.❞

Les grands à-plats mêlés de tourbe, turquoise et vert sauge, que fend la ligne orangée de l'horizon se font tantôt enveloppants, tantôt inquiétants pour raconter ce qu'il se passe de l'autre côté du rideau de pluie. Énergie primitive ? Peinture mystique ? lyrique ? S'y dévoile une lande voluptueuse, toute en rondeurs, mais jalouse de son mystère que garde le Mont Suilven ; une lande piégeuse, minérale et tourbeuse, éclaboussée de lacs dont les profondeurs sont d'insondables et régénérantes matrices. S'y lit l'expression d'une solitude inquiète bien que désirée – et souhaitable à ce moment-là de sa vie, loin de toute présence parasite alentours. On pense à ce que Keats écrivait à Fanny Brawne : ❝Seul dans la splendeur❞.

Le texte, lui, explore les cheminements d'un homme égaré dans une vie chaotique, venu sur la lande pour trouver quelque chose qui fasse sens, pour se sauver, sauver son couple et sa famille. Un homme dont on ne compte plus les actes manqués (sac à dos oublié dans le train ; téléphone privé de batterie à des kilomètres de toute habitation ; absence de cartes comme de bulletin météo ; veste imperméable laissée sur le plaid dans la chambre alors qu'un ciel d'apocalypse déverse son courroux et que l'auberge est à plusieurs heures de marche, etc.).
Oublier ?
S'oublier ?
Qu'on l'oublie ?
Un homme en turbulences, qui ne sait ni où il en est ni ce qui l'attend à son retour à Paris, auprès d'une femme et d'un fils qu'il a laissés sur cinq mots griffonnés dans la hâte et la colère : ❝Je reviens dans une semaine❞.

Partir pour revenir, plein d'espace et de temps.
Un départ comme une désertion.
Un voyage comme une consolation.
Un déluge comme une rédemption.
Un retour comme une réconciliation ?

Très beau Highlands, douloureux et salvateur, dont les tableaux ne sont pas de simples illustrations, mais une autre manière de se raconter.
Lien : https://www.calliope-petrich..
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Les blogueuses les plus anciennes se souviennent certainement du " Saut oblique de la truite". C'était il y a dix ans et c'est le temps qu'il a fallu pour que l'auteur nous offre un nouveau roman, cette fois-ci illustré de ses tableaux puisqu'il est également peintre, sous le nom de Rorcha.

Changement de destination, c'est dans les Highlands que se passe le périple. le narrateur est dans une passe difficile, après une énième dispute avec sa compagne.

Il ne voit pas d'autre issue que de quitter l'appartement, en laissant un mot plutôt bref "Je reviens dans une semaine".

Ce sera l'occasion de ressortir son vieux sac à dos, et de revivre enfin un voyage qu'il faisait l'été avec ses parents et dont il garde de merveilleux souvenirs. Ah les couleurs de ce loch découvert avec sa mère, resté gravé dans son esprit, son père qui l'initiait à la pêche, ce serait si bien s'il transmettait la même chose à son petit garçon.

Le voilà parti, avec un bagage minimum, retrouvant les sensations du voyage en train, en bus, puis la marche, à l'affût de ses jeunes années.

C'est un livre dominé par les couleurs, celles des tableaux de l'auteur, intercalées avec le texte et ses somptueuses descriptions des landes écossaises.

Le ton peut se faire léger, ou nostalgique selon les moments, sans dissimuler l'inquiétude de fond liée à l'incertitude de l'avenir du narrateur. Inquiétude qui lui fera commettre une erreur de débutant et nous vaudra quelques chapitres angoissants, tout seul dans le brouillard, livré à des questions existentielles.

A noter une courte préface de Grégoire Bouillier où cet extrait a éclairé mes propres impressions "A première vue les bleus sont choquants, les bruns trop fauves ; mais c'est qu'ils sont imaginaires : ils appartiennent à la peinture et à elle seule. Comme les mots, les couleurs glissent au couteau les unes sur les autres, créant de nouvelles textures émotives, des unions au sens érotique du terme. Au sens où la liberté des uns (couleurs, mots) traverse la liberté des autres sans jamais s'y fondre ou s'y diluer, fusionner ou abdiquer."

L'objet livre est de belle qualité, très agréable à parcourir.
Lien : http://legoutdeslivres.haute..
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Partir sur un coup de tête, laisser derrière soi les disputes, la sensation d'étouffer dans l'appartement familial, une compagne et un enfant, dire simplement je reviens dans une semaine. Et improviser un départ, vers le nord.
Improviser ? Oui et non.
Car l'objectif de ce voyage, un lac méconnu des Highlands est synonyme de retour vers l'enfance, vers un temps où tout était encore en place, où les morts vivaient encore, sorte de bonheur perdu qui peine à être remplacé.
Partir pour mieux revenir. A soi puis chez soi.
C'est le voyage qui compte. le voyage d'un artiste qui arpente le monde par le prisme des couleurs autour desquelles s'organise son récit, ce qui était déjà le cas dans le premier roman de Jérôme Magnier-Moreno, le saut oblique de la truite. Là aussi une tentative de retour au bonheur de l'enfance mais en Corse où l'on croisait déjà des truites et des ruisseaux. Les paysages des Highlands sont plus minéraux, plus âpres, à l'image de l'état d'esprit du voyageur qui tente de se remettre en phase avec son environnement. Dans ce récit, plume et pinceau semblent former un instrument hybride qui explore l'intime à l'aune de la matière qui guide ou obstrue la progression du voyageur. Il fallait bien la rudesse des landes pelées, la beauté sauvage des étendues bleues des lochs, ce désert magnifique pour secouer une âme ensevelie sous la tristesse ; la douce pureté de l'onde des ruisseaux pour consoler et réconcilier.
Si la couleur est omniprésente sous la plume de l'auteur, ses peintures qui ponctuent le texte viennent compléter les sensations et illustrer les perceptions. Pour aboutir à un objet presque précieux, que l'on devine éminemment important pour lui, vital même, et qui offre à celui qui le lit un espace vers d'autres possibles, d'autres imaginaires, d'autres voyages vers ses propres lieux secrets, où qu'ils soient.
Effets secondaires probables : une irrésistible envie d'attraper le Caledonian Sleeper pour filer là-haut.
Lien : http://www.motspourmots.fr/2..
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C'est une belle surprise de printemps que ce roman ! Je ne connaissais pas l'auteur, j'avoue avoir acheté son livre grâce à la préface de Grégoire Bouillier... Mais bien m'en a pris. Ce récit est excellent. Dépaysement garanti et une furieuse envie de tout plaquer pour le nord de l'Ecosse en refermant la dernière page... (en plus les peintures en illustration, par l'auteur himself, sont pas mal du tout)
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Après une grave dispute avec sa femme, l'auteur décide de prendre un train de nuit pour l'Ecosse et de retrouver le petit loch sans nom où il allait pêcher avec son père, adolescent.

J'aime beaucoup l'Ecosse (où je n'ai toujours pas eu l'occasion d'aller, sniff), j'avais donc envie de découvrir ce roman, accompagné de peintures de l'auteur. Bon, j'ai été un peu déçue, car si d'ordinaire ça ne me dérange pas de recevoir des épreuves non corrigées pour lire, là, les illustrations étaient en noir et blanc, il a donc fallu que j'attende la sortie du livre pour profiter pleinement des peintures, aux couleurs flamboyantes.
L'histoire en elle-même n'est pas ce qui m'a le plus séduite (la fin est un peu abrupte), mais j'ai aimé la description des paysages traversés. ça me donne encore plus envie d'aller là-bas, maintenant... !
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Citations et extraits (6) Voir plus Ajouter une citation
J’examine la carte de la région épinglée sur un mur du bar. Après l’avoir cherché pendant cinq bonnes minutes parmi la myriade de petites taches bleu clair figurant les lacs, je finis par poser le doigts dessus. C’est bien lui, pas plus grand sur le papier qu’un grain de riz et dont je reconnais pourtant le minuscule contour. Rien que de lire Unnamed me fait frémir. Personne ne t’a donc trouvé de nom depuis vingt ans, mon cher lac… […] Accessoirement, mon téléphone m’indique tes coordonnées spatiales – latitude 58°11’43’’ Nord, longitude 4°57’13’’ Ouest. Impression de lire les coordonnées de mon passé.
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C'est pour elle [la lande] que je suis revenu jusqu'ici, pour sa dureté, son humidité, sa sauvagerie et les innombrables lochs qu'elle recèle – turquoise, noirs ou azur –, les plus belles choses qu'il m'ait jamais été donné d'admirer et dont ma mémoire n'a fait qu'amplifier le sublime au cours des années. Il y en a un, surtout, que j'ai à coeur d'aller retrouver au plus vite. Un parmi les centaines de lacs semés à travers ce paysage comme une poignée de pierres précieuses par un petit dieu facétieux.
Il n'a pas de nom, ce lac. Et c'est en partie pour cela que je l'aime.
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[...] je me demande si, par ce voyage, je ne me livre pas moi-même à une sorte de taxidermie de l’enfance ; à mesure que j’en approche, je redoute que les hauts lieux de ma mythologie personnelle n’aient aujourd’hui plus grand-chose à m’offrir.
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Mon cerveau s'engourdit. La terreur et le froid me pénètrent simultanément, les choses vont vite et pas dans le bon sens. Je n'arrive plus qu'à fixer mon attention sur cette pluie sans fin, sur mon pull aussi saturé d'eau que les mousses dégorgeant sous mes pieds. A peine ai-je compris que j'allais devoir survivre que j'ai déjà l'impression de mourir. Et puis curieusement dans un moment pareil, j'ai sommeil, une fatigue irrésistible. Je redoute un premier symptôme d'hypotermie.
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Sans aucun contrôle sur mon esprit, je ne peux que ressasser cette dernière séquence passée dans notre salon avec toi, mon impitoyable chérie, une matinée entière à nous déchirer à grands coups de griffes et de vérités douloureuses. Trois heures terribles où chaque mot qui sortait de nos bouches en appelait un autre pire encore, dans une sorte de courbe exponentielle, typique de ces embuscades de couple.
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