1942. Deux Juifs font face au peloton d'exécution. L'un d'eux , s'adressant à l'officier nazi, exige un bandeau. Son ami le regarde et lui dit: "Arrête. Tu vas nous attirer des ennuis."
Parce que la démocratie est une conversation entre gens civilisés, la tolérance prend fin avec l'intolérable. Quiconque sème la haine de l'autre ne mérite pas l'hospitalité d'une discussion . Quiconque veut l'inégalité des hommes n'a pas droit à l'égalité dans l'échange. La formule lapidaire de l'historien et résistant Jean-Pierre Verbant me convient : " On ne discute pas recettes de cuisine avec des anthropophages."
Si Queneau a raison, et si l'Histoire est la science du malheur des hommes, alors Simone y tient son rang, et ce livre pourrait lui être dédié.
Ce que je sais, c'est que sans ce nom gravé sur un mur, sans André Chaix comme fil à plomb, je n'aurais su explorer cette époque où la générosité et le courage ont côtoyé comme rarement l'égoïsme et l'abject.
Un haïku, aussi naïf que profond, comme un haïku se doit de l'être, dit que l'on fete chaque année sans le savoir l'anniversaire de sa future mort.
(p. 28)
(...) j'ai préféré voyager dans cette époque que je n'ai pas connue, mais qui m'a constitué.
Je n'arrive pas à penser la mort, ma mort, à l'apprivoiser, à donner enfin un sens à une vie qui n'en a pas. J'ai dû espèrer qu'un livre respectueux, honnête et pudique sur ce jeune homme et ce que je crois savoir de lui comme moi serait une borne sur ce chemin.
Je n’écrirai pas que ce texte était une « évidence », une « obligation », ou une « obsession ». À son ami Oskar Pollak, Franz Kafka dit qu’« un livre doit être la hache qui brise la mer gelée en nous ». Il parle de lectures, plus que d’écriture. Disons que pour moi, parler avec simplicité d’André Chaix est devenu nécessaire.
Je n’arrive pas à penser la mort, ma mort, à l’apprivoiser, à donner enfin un sens à une vie qui n’en a pas. J’ai dû espérer qu’un livre respectueux, honnête et pudique sur ce jeune homme et ce que je crois savoir de lui comme de moi serait une borne sur ce chemin.
Nous sommes des primates conformistes et mimétiques. Notre cerveau sait d’instinct qu’il y a de la puissance dans le nombre, et sous la pression invisible de nos « pairs », qui sont pourtant de parfaits inconnus, nous adoptons leurs pratiques. C’est une source de confort : résister exigerait un effort, un début de rébellion.
Je ne sais pas si nous sommes spontanément « fascistes », si c’est notre pente naturelle d’abdiquer devant la force, l’autorité et la pression du collectif.
S'en souvenir : les fascistes marchent plus vite que n'importe quelle démocratie.