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Natalie Zimmermann (Traducteur)
EAN : 9791041417223
696 pages
Points (17/05/2024)
3.71/5   135 notes
Résumé :
Magnus Pym a disparu; un vent de panique souffle sur les services secrets de Sa très Gracieuse Majesté. I:honorable espion britannique serait-il un traître, comme les Américains se tuent à le répéter ?
Comme toujours chez John le Carré, une telle question ne saurait trouver une réponse tranchée. C'est ici la porte du plus fascinant des mondes qu'il ouvre pour ses lecteurs : l'univers intérieur d'un espion, avec ses mobiles secrets, ses démons, ses fêlures. Qu... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (12) Voir plus Ajouter une critique
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Le Carré affirme qu'il a créé le personnage de George Smiley pour remplacer le père, honnête et respectable, qu'il n'avait pas eu. "Je me sentais socialement désorienté, privé de repères parentaux auxquels me raccrocher, et je me suis inventé ce père de substitution", dit-il. "Il représentait pour moi une catégorie de gens en voie de disparition, dotés d'une sorte de décence, de dignité, dont on pensait communément qu'elle était l'apanage du gentleman britannique", dit-il encore avec un sourire indéfinissable (Arte. 9 nov 2008).
Ici, il règle (une partie de) ses comptes avec ce père qu'il décrit sans concessions, comme charmeur, hâbleur, noceur, flambeur, menteur, voleur, tricheur, sans coeur et sans honneur. C'est fait avec la distance et le style admirable qu'on lui connaît. L'ironie est implacable d'autant qu'elle est placée dans la bouche et les pensées de l'enfant d'une dizaine d'années qu'était l'auteur à l'époque.
Il règle également le compte des services secrets, de leurs rivalités intestines, de leurs égos et de leurs chefs de service ineptes, prenant les vessies qu'on leur sert pour des lanternes qu'ils vont ensuite agiter en hauts lieux avec autant de certitudes que de satisfactions. Derrière les paravents des Défenses nationales, ne cache-t-on pas également de nombreux intérêts personnels ?
Que reste-t-il, sinon l'amitié ? Une amitié de jeunesse, celle des années de vaches maigres et de bohême. Si elle a bien survécu à la séparation et à l'usure du temps, est-elle, pour autant, exempte d'arrières pensées ? L'amitié est-elle de taille à résister à la raison d'état ?
Nous sommes ici au coeur de l'oeuvre de le Carré, toute entière centrée sur le mensonge et l'abandon. le rideau de fumée initial toujours très épais ne se dissipe que sur la fin en posant une nouvelle fois une des questions centrales de son oeuvre : tous ces mensonges, ces coups tordus, ces renoncements, ces sacrifices, ces existences en pointillés ou massacrées sont-ils justifiés par un intérêt supérieur ? Si dans certains de ses chefs-d'oeuvre, la réponse est positive, ici elle est clairement négative. Et lorsqu'il apprend que son escroc de père a rendu son dernier soupir, au moment où il déclare « Je suis libre », c'est toute une vie de mensonges qui peut enfin voler en éclat. Il va, en remontant le temps, entraîner son lecteur à la recherche de l'ultime escroquerie, plus forte que toutes celles de son père, l'escroquerie de sa vie entière, lui l'espion de haut vol, méthodique, sérieux et brillant.
« Dans la vie, dit Proust, on finit toujours par faire ce qu'on fait le moins bien. Je ne saurai jamais ce que Pym aurait pu faire de mieux. Il accepta la proposition de la Firme. Il ouvrit son Times et découvrit avec un détachement similaire l'annonce de ses fiançailles avec Belinda. Voilà, je suis casé, songea-t-il. Si la Firme se charge d'une partie de moi-même et Belinda de l'autre, je ne manquerai plus jamais de rien. »
Il ne pouvait pas savoir que, sur la fin, c'est la vérité qui lui manquerait le plus. Peut-être était-il fait pour une vie limpide, droite et digne. Comme un George Smiley ?
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Trente ans après Un pur Espion est ressorti encore grandi de ma relecture et garde sa place dans mon panthéon le Carré où les places sont pourtant chères.
Toute l'oeuvre de le Carré interroge la loyauté. Envers qui et envers quoi devons nous être loyaux ? Quel est le ciment de notre personnalité ? Est ce la famille, les amitiés, la patrie ou tout simplement nos idéaux? Cette question traverse le roman autour de son principal personnage Magnus Pym, qui est souvent présenté comme un double de le Carré, le roman étant très autobiographique de l'aveu même de son auteur.

Pym est donc le parfait espion, il faut dire que son enfance l'a bien préparé avec un père escroc flamboyant et virtuose du mensonge.Sa mère ayant disparu du paysage il doit se construire seul développant un sens aigu de l'observation et de la dissimulation en relation avec un père aimant mais manipulateur et inquiétant.

Dans les moments de fortune de son père il est élève de ces publics schools anglaises qui forment autant aux humanités qu'à la perversité et aux préjugés de classes, ce qui n'arrange pas son cas.
Plus tard en Suisse devenu un étudiant heureux il découvre une forme de liberté riche de savoir et d'amitiés qui le suivront pour le meilleur et le pire. Mais sa personnalité n'échappe pas aux recruteurs des deux camps de la guerre froide qui le reconnaissent rapidement comme un des leurs.

Comme souvent chez le Carré on retrouve le personnage en fin de carrière à la croisée des chemins au moment où les étaux se resserrent.
Ce métier d'espion était fait pour lui mais qui a vraiment été Magnus Pym, quelles ont été ses loyautés et ses trahisons voilà le sujet de ce roman dense où l'ecriture de l'auteur atteint son sommet en posant, dans une phrase proustienne, les questions de toute une vie.
Immense roman qui analyse les rapports père/fils, l'éducation, les relations sociales et amoureuses et pour peu que l'on s'accroche nous donne à comprendre la complexité d'un homme.
Le livre est aussi un hommage aux grands écrivains du XIXème que le Carré admire particulièrement De Balzac à Dickens, on ne peut que rapprocher Pym et Pip le héros Des Grandes Espérances qui doit sa fortune à un malfaiteur. le Carré s'inscrit dans cette lignée, celle des écrivains qui n'ont pas peur du romanesque pour décrire une société.
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Gros roman de John le Carré qu'"un pur espion", dont il dit lui-même que c'est un de ses romans préférés.
Il y raconte la vie d'un espion en alternant l'action présente et le passé de ce dernier. Au fil du texte, nous allons découvrir toute son histoire, marquée depuis son enfance par un père escroc auquel il restera attaché jusqu'au bout. Nous verrons comment cela influencera ses comportements et ses choix et déterminera sa vie.
Je ne vais pas raconter l'histoire ce serait dommage.
Sachez que la lecture de ce roman demande concentration et attention. Les romans de John le Carré sont toujours denses, mais j'ai trouvé que celui-ci l'était particulièrement. Surtout dans les chapitres où il évoque son passé.
D'une part par le nombre de personnages intervenant dans son histoire, et tous joueront un rôle à un moment ou un autre.
D'autre part parce qu'il raconte son passé en s'adressant tantôt à son fils Tom, à son mentor en espionnage Jack, que Tom appelle oncle, et encore à d'autres personnages, dont parfois lui-même.
Parfois, il y a aussi des glissements de temps (quelque temps avant, trois heures en arrière.) qui m'ont échappé et m'ont fait reprendre un chapitre.
Mais si vous aimez cet auteur et c'est mon cas, vous ne serez pas déçu.
D'abord parce que Pym, son espion est attachant. C'est un homme efficace, compétent mais déchiré, torturé par son passé.
Ensuite parce que John le carré évoque un monde de l'espionnage complexe touffu tel qu'on peut l'imaginer.
Mais aussi parce qu'à travers l'introduction on comprend que John le Carré s'est inspiré de son propre passé quant à ses rapports avec son père.
Enfin parce que John le Carré sait écrire tout simplement.
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De tous les John le Carré (que j'ai lus) c'est celui qui m'a le plus captivé. L'auteur explique (ou je l'ai lu ailleurs), qu'il voulait écrire une autobiographie, mais qu'il n'y est pas parvenu, et que cela a donné ce résultat hybride. La figure du père, escroc incorrigible (qu'il était dans la réalité aussi) est remarquable. La peinture de l'Angleterre, misérable au sortir de la guerre est également hautement instructive. La bulle qui se crée, entre l'Est et l'Ouest, est une autre bonne idée de ce roman d'espionnage décidément bien atypique.
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Un autre grand livre d'espionnage que j'ai lu il y a quelques années est "La Compagnie" de Robert Littell, où l'auteur part de faits d'espionnages pour accéder à la vérité et la profondeur de ses personnages. Or, dans ce livre de le Carré, il me semble que c'est presque le contraire : l'auteur part d'emblée dans l'exploration de l'âme de son personnage, et il est presque accessoire que celui-ci soit un espion. Il pourrait être un des érudits mélancoliques peuplant les livres d'Aldous Huxley, par exemple, où les moments de vie sont bien sûr différents, mais où la démarche est au fond la même.
En parcourant hier quelques avis (francophones) en ligne sur ce livre, j'ai pu voir qu'on lui trouvait ici et là quelque chose de proustien. Je me suis souvenu que c'est plutôt à Shakespeare qu'il m'avait fait penser, de par ce personnage en bout de course se retournant sur une vie de "bruit et de fureur", même remplacés ici, à bas bruit, par l'intrigue, le mensonge, le calcul et autres manipulations, mais qui, tout comme le fracas, "ne signifient rien".
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Citations et extraits (39) Voir plus Ajouter une citation
Après la conférence, Axel conduisit Pym dans les coulisses et frappa à la porte du vestiaire. Jusqu'alors, Pym n'avait pas tellement prisé Thomas Mann. Il trouvait sa prose lourde et fumeuse malgré les efforts répétés qu'il avait faits pour plaire à Axel. Maintenant pourtant, c'était Dieu en personne qui se tenait devant lui, grand et anguleux comme oncle Makepeace. "Ce jeune gentleman anglais voudrait vous serrer la main, monsieur", l'informa Axel avec autorité. Thomas Mann examina Pym, puis Axel, que la fièvre avait rendu extrêmement pâle, presque diaphane. L'écrivain contempla ensuite la paume de sa propre main comme s'il se demandait si elle pourrait endurer l'effort de cette étreinte aristocratique. Puis il finit quand même par tendre une main que Pym serra, attendant de sentir le génie de Mann s'écouler en lui comme l'une de ces décharges électriques qu'on pouvait s'acheter dans les gares de chemin de fer : prenez cette poignée et laissez mon énergie vous régénérer. Rien ne se produisit mais l'enthousiasme d'Axel était assez grand pour deux.
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"Mon père travaille pour les Services Secrets, assura Pym une autre fois. Il a été torturé à mort par la Gestapo, mais je n'ai pas le droit d'en parler. Il s'appelle en vérité Wentworth."
Passé la première surprise que lui causa sa propre déclaration, Pym développa l'idée. Un autre nom et une mort héroïque convenaient parfaitement à Rick. Ils lui conféraient une classe dont Pym commençait à soupçonner qu'elle lui faisait défaut. C'est ainsi que quand Rick revint un beau jour sans crier gare, ni torturé ni abimé de quelque façon que ce soit mais accompagné de deux jockeys, d'une caisse de brugnons et d'une toute nouvelle mère coiffée d'un chapeau qu'ornait une plume, Pym songea très sérieusement à travailler pour la Gestapo et se demanda ce qu'il fallait faire pour s'engager. Et il aurait sûrement mis son projet à exécution si la paix n'était malheureusement le priver de cette occasion.
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Tante Nell possédait une canne blanche pour s'aider à voir, et une canne brune pour s'aider à marcher. Elle avait en réalité une vue parfaite, sauf quand elle portait sa canne blanche.
"C'est dans une bouteille que Tante Nell prend tous ses tremblements, dit un jour Pym à Dorothy (sa mère), pensant que cela allait la faire sourire. Elle a une bouteille cachée dans la serre." Dorothy ne sourit pas mais prit au contraire une mine effrayée, et lui fit jurer de ne jamais répéter une chose pareille.
Pym porta pendant des semaines ce merveilleux savoir, un peu comme il avait gardé brièvement le secret de Rick (son père)... C'était comme le premier argent qu'il eût jamais gagné, sa première parcelle de pouvoir. Pour qui le dépenser ? se demanda-t-il. Avec qui le partager ? Il opta pour Mrs. Banister, la cuisinière. "C'est dans une bouteille que Tante Nell prend tous ses tremblements", informa-t-il Mrs. Banister en prenant bien garde de répéter mot pour mot ce qui avait tant épouvanté Dorothy. Mrs. Banister, qui était déjà au courant, lui donna une bonne gifle pour son insolence. Pis encore, elle dut aller répéter son histoire à oncle Makepeace qui, ce soir-là, fit une visite inaccoutumée dans l'aile prison de la demeure. Il oscillait et rugissait et transpirait et montrait Pym du doigt tout en parlant du Diable qu'était Rick. Quand il fut parti, Pym se coucha en travers de la porte au cas où Makepeace déciderait de revenir crier. Notre espion en herbe venait néanmoins d'apprendre une leçon essentielle du métier périlleux qu'est le renseignement : tout le monde parle.
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Le vieux Goodman était gallois; c'était un misérable potier, prédicateur, chanteur et veuf, père de deux enfants nés à vingt-cinq ans d'intervalle. Quand Goodman arriva ici, il essaya la glaise, respira l'air marin et construisit un atelier de poterie. Deux ans plus tard, il en construisait deux autres et faisait venir de la main d'oeuvre bon marché pour les faire tourner, d'abord des Gallois du sud, comme lui-même, puis des Irlandais du sud qui revenaient encore moins cher. Goodman les allécha avec ses maisons ouvrières, les affama avec ses salaires de misère et leur inculqua la terreur de l'Enfer depuis le haut de sa chaire avant d'être lui-même emporté au Paradis.
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Qu'est-ce qui l'avait attiré ici, en ces sombres années d'il y a bien des vies ? Même maintenant, alors que tant de choses lui paraissaient si claires, une sorte de somnolence l'envahissait dès qu'il essayait de se souvenir. Tant de voyages solitaires et de marches sans but dans des villes étrangères m'ont conduit ici, tant de périodes esseulées et stériles. Il n'avait cessé d'attraper des trains, de chercher un endroit, d'en fuir d'autres. Mary se trouvait à Berlin... non, elle se trouvait à Prague où ils avaient été envoyés deux mois plus tôt, et on lui avait clairement fait comprendre que s'il se tenait à carreau à Prague, la prochaine affectation serait Washington. Tom... mon Dieu, Tom n'était pas encore né. Quant à Pym, il séjournait à Londres pour une conférence... non, pas du tout, il suivait trois jours de cours sur les dernières méthodes de communication clandestine dans un infect petit centre de formation tout prêt de Smith Square. Une fois les cours terminés, il avait pris un taxi jusqu'à Paddington. Sans réfléchir, la tête toujours farcie d'informations inutiles à propos d'anodes et de transmissions condensées. Il sauta dans un train qui s'apprêtait à partir, descendit à Exeter, traversa le quai et prit une autre ligne. Comment imaginer plus grande liberté que celle de ne pas savoir où l'on va ni pourquoi ?
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