Je lis peu de BD et même si je connais
Manu Larcenet, à travers Blast évoqué à plusieurs reprises dans mon groupe de lecture à la bibliothèque, j'appréhendais un peu de me plonger dans cette oeuvre si noire. de même le fameux chef d'oeuvre "
la route" de
Cormac McCarthy m'attend dans mes rayonnages sans que je me résolve à le lire. Ces univers glauques post-apocalyptiques où les horreurs se succèdent et où la survie des uns passe par l'anéantissement des autres et de toute humanité... N'est pas franchement ma tasse de thé ! Bon voilà c'est dit, mais j'ai franchi le cap et je dois admettre que cette BD est un vrai travail d'artiste, époustouflant mais aussi éprouvant. Il y a une tension effroyable dès le départ qui oblige à lire cette BD d'une traite. Cela tient tant à l'histoire de cette fuite en avant vers un très hypothétique sud meilleur, moins glacial et par le style graphique adopté. J'ai lu un article où
Manu Larcenet explique sa démarche : plonger dans le réel en s'inspirant de planches d'anatomie. Peu de dialogue, pas de texte off. Des planches dans des tonalités de gris teintées parfois de bleu, vert, orangé, où ces rehauts de couleurs sont judicieusement placés....sombres, avec une foule de détails. "J'ai senti la nécessité d'enlever, d'estomper les formes, de faire disparaître un peu le paysage, de gommer un bout de quelque chose dans chaque case"
Manu Larcenet a habilement utilisé ce procédé qui crée une ambiance un peu irréelle, comme dans un mauvais rêve. Est ce le mauvais temps, cette cendre grise qui recouvre tout et empêche de respirer ou tout simplement l'évanescence de l'ancien monde qui n'en finit pas de disparaitre, comme de très vieilles photos ... On ressent physiquement cette dilution, mais aussi la peur. Car croiser quelqu'un est un péril, sans parler des hordes sauvages, violentes, cannibales et pseudo mystiques. On comprend que la mère s'est suicidée pour échapper à cette horreur. le père et son jeune fils, ne font qu'un dans leur marche harassante, en poussant un caddie qui contient les quelques objets de leur survie. Solidaires mais totalement dépendants l'un de l'autre. A quoi bon survivre au fils et comment vivre si le père n'est plus là pour guider ou mettre en garde. le père expliquant à son fils comment utiliser la dernière balle à bon escient, c'est-à-dire pour soi-même ! Même le répit accordé par une baignade ne peut durer, un tel endroit va attirer des indésirables et le bruit de l'eau empêchera de les entendre venir. Toujours être sur ses gardes ! Existe-t-il encore des gentils questionne le jeune garçon ?
Une vague lueur clot cette histoire sombre et crépusculaire.
C'est la teneur désespérée, inhérente à cette oeuvre qui explique ma réserve.