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EAN : 9782364687516
288 pages
Editions du sous-sol (05/01/2024)
3.78/5   125 notes
Résumé :
Fauvel accepte de garder la chienne du père d’une de ses amies dans une maison isolée à la campagne. Hannah n’est pas un chien comme les autres, c’est le clone d’une première Hannah, qui trône empaillée au milieu du salon. Elle suscite les peurs et les reproches muets du village, à mesure qu’on découvre au matin des animaux massacrés, et qu’elle-même rentre parfois ensanglantée.
Cette situation est le point de départ d’un récit de traque et de cauchemar délic... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (26) Voir plus Ajouter une critique
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Roman du terroir dans la lignée des romans rustiques mâtinés de fantastique d'une Cécile Coulon (Une bête au paradis), d'une Adeline Fleury (le ciel en sa fureur) ou encore d'un Franck Buysse (L'homme peuplé), Aliène s'avère être un véritable roman social, radiographie des maux de notre époque, radioscopie d'une certaine jeunesse, roman mâtiné de façon surprenante de touches de science-fiction, prétexte au déploiement du fantastique. Une lecture surprenante, moderne, captivante. Une étrangeté terriblement excitante.

Fauvel, jeune femme d'une vingtaine d'année, éborgnée par un tir de LBD lors d'une manifestation, paumée et sous l'emprise d'une peur permanente depuis son incident, débarque à Cournac pour garder durant quelques jours la chienne du père d'une amie, l'exubérante Mado. Quitter la ville pour la pleine campagne lui sera sans doute salvateur, ce d'autant plus que la sécheresse destructrice est encore plus dure à vivre en ville.
Mais l'ambiance apparait immédiatement étrange. Hannah, la chienne, s'avère être le clone d'une chienne morte adorée (notez que le nom est un palindrome), et entre ses origines peu communes et son agressivité latente, la jeune femme sent que ce séjour en tête à tête avec cette chienne massive ne va pas être une sinécure, ce d'autant plus que les habitant de Cournac semblent très méfiants vis-à-vis de la chienne. Serait-elle responsable des découvertes macabres qui ne cessent depuis qu'elle est arrivée il y a environ deux ans ? Leur bétail est en effet massacré, mutilé.
Ce climat délétère est entretenu par un groupe de jeunes chasseurs particulièrement agressifs, tous ouvriers dans l'usine d'eau minérale du coin, notamment un certain Julien à la virilité crasse et dominatrice, qui eux colportent des récits d'enlèvements d'extraterrestres. A moins que ces récits ne soient que les anciennes légendes du coin revisitées ?
Dans tous les cas, le bouc émissaire semble tout trouver en Hannah.

Ces aliens qui viennent d'en haut donnent le la au thème plus général et plus profond du récit qui est celui de la domination. Domination de l'homme sur la femme, domination de l'homme sur les animaux, domination du capitalisme sur les salariés. Domination des hétérosexuels sur les homosexuels. Domination de la capitale sur la ruralité abandonnée à son sort. Des aliénés.
Les liens que vont tisser la chienne et Fauvel permettra à la jeune femme de se reprendre en main, de retrouver une certaine verticalité, de se transcender et d'être en lien avec un être vivant au-delà de tout rapport de domination. Dans un sentiment d'amour vrai. C'est la rencontre salvatrice entre deux colères, celle d'une chienne mutante et d'une femme mutilée permettant de se défendre et de défendre ce qui a été blessé et tué.

« Les penses d'Hannah et de Fauvel s'entortillent l'une à l'autre. Crues, rugueuses, infundibuliformes ».

L'ambiance est haletante, la traque de la bête permanente en pleine forêt, où Fauvel ne cesse de s'y égarer, à la fois proie et chasseuse, plongée dans une réalité confuse, poreuse aux divagations et à un onirisme croissant au fur et à mesure du récit. La végétation est broussailleuse, grise, la roche affleure sous la terre, l'herbe est rêche, mêlée de mousses visqueuses, les sentiers inconnus et orniéreux, à l'image du chaos qui règne en maitre dans la tête de Fauvel.
J'ai beaucoup aimé cette ambiance inquiétante où l'ombre de la bête plane entre découvertes sanglantes qui émergent parfois du brouillard épais nimbant le paysage, entre hallucinations et rêves. La plume de l'auteure est éminemment sensorielle, odeurs, couleurs, texture, bruits, et sensations (notamment cet oeil disparu qui pulse derrière l'orbite) sont au centre du récit.

« Elle pense à l'aspect de son visage blessé, elle sent son oeil brûler dans son orbite, elle le sent visé par ces regards, l'oeil de poisson mort qui se liquéfie dans sa joue rougie par les cicatrices, oeil qui coule de façon impromptue, qui ne reflète qu'amati le monde, et cet oeil lui revient comme une marque d'infamie ».

« Lorsqu'il se mettait en colère, toujours pour des raisons inexplicables, il émettait une odeur extravagante et dégueulasse, l'humus aux branchages morts, le soufre des oeufs pourris, la point de fer du sang ou de l'étron malade ».

Roman ultra-contemporain soulevant les questions de l'identité et du genre, de l'animalité, de notre rapport de domination, des manifestations, de la violence et des peurs de notre monde, violence policière, violence masculiniste, violence du réchauffement climatique, j'ai été emportée par ce livre sans rien connaitre de l'auteure. Il s'avère que Phoebe Hadjimarkos Clarke est une autrice franco-américaine qui avait publié un premier roman Tabor dont il est fait référence dans ce livre sous forme de clins d'oeil. Elle serait classée du côté de la science-fiction queer. Ici le sens de Queer proviendrait pour moi bien de son sens premier, à savoir l'étrangeté qui plane dans ce roman. Aliène vient plonger, sous une forme terriblement actuelle, dans les eaux de la mythologie collective, entre loup-garou et bête du Gévaudan. L'amour noué entre Fauvel et la chienne Hannah sera la seule éclaircie dans ce roman par ailleurs d'une noirceur redoutable car éminemment contemporaine. Un roman atypique à découvrir !

Merci à @latelierlitteraire à qui je dois cette découverte ! Son retour est très très convaincant !

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Fauvel, une jeune femme, arrive à Cournac, un village dans la campagne, pour garder la chienne de Luc pendant qu'il fait le tour du monde avec sa riche amie Hélène qui lui offre ce voyage. Hannah est une chienne clonée d'une première chienne ayant le même nom. Fauvel connaît Luc par sa fille Mado, les deux jeunes femmes ayant été étudiantes à Paris en même temps. En arrivant, Fauvel trouve la chienne assez antipathique et se demande un peu ce qu'elle fait là. Elle va découvrir des choses étranges… ● Ce roman avait tout pour me déplaire, à commencer par la recommandation dithyrambique des critiques du Masque et la plume (comme pour Télérama, en général je fais le contraire de ce qu'ils disent), puis par ses thématiques, par son onirisme, à tel point que je m'étais dit que je ne le lirai pas, malgré tous les éloges dans la presse. Mais par acquit de conscience j'ai quand même téléchargé le début, et ce fut un foudroiement : dès les premières lignes j'ai été happé, subjugué par le style, absolument magnifique et profondément original. ● Je m'étais attendu aussi à lire une sorte de manifeste grossièrement militant, or ce n'est pas du tout cela, le militantisme, bien présent, est très subtil ; on est loin, très loin des gros sabots, même si l'on comprend bien que l'autrice lutte contre le patriarcat, pour l'antispécisme, pour le féminisme, pour le « queer »... Et tout passe par la narration – et par l'écriture ; on est à l'opposé des grandes déclarations théoriques. ● le titre, « aliène », c'est à la fois le verbe aliéner et les aliens, les extra-terrestres qui jouent un rôle dans cette histoire. Mais si aliens il y a, on reste toujours dans ce qui est possible, on est sur cette ligne de crête fragile entre réalisme et onirisme fantastique, sans jamais basculer du côté où le récit n'aurait plus de sens. ● Les images, métaphores et comparaisons, foisonnent et sont superbes, on se demande où l'autrice va chercher tout ça, on est stupéfait de constater qu'elle va toujours plus loin dans l'écriture de l'analogie, qu'elle en invente toujours davantage. Par exemple : « Les yeux se révulsent, un peu de bave épaisse comme un lichen au coin des lèvres. Dans son corps, les molécules s'assemblent, se dissolvent, se collent, coursant à travers ses muscles, ses mains, son cerveau. Il est un homme nouveau, un homme de mystère, reconfiguré et secret, où est le siège de soi se demande-t-il, se demandent-ils tous tandis qu'ils se bouleversent sur le carrelage marron du salon, eux-mêmes et pas eux-mêmes, plus jamais comme ils l'ont été, différents encore de ce qu'ils seront, qui sommes-nous se demandent-ils avec de grands regards mais sans le penser totalement toutefois, car ils savent bien qu'ils sont cela : leurs corps, des flambées de plaisir. Probablement il n'y a que cela qui importe, et tant pis pour cette idée d'identité, ils ne sont jamais que ça, un assemblage de données physiques quelconques. Des atomes momentanés rassemblés qui se désagrègent lentement vers autre chose. » ● L'originalité de l'écriture vient aussi de l'association d'un vocabulaire soutenu et même parfois de mots rares avec un lexique familier, sans jamais rompre l'homogénéité de l'ensemble. ● le nom du personnage principal, Fauvel, est particulièrement bien trouvé (« fauve » + « elle ») et on nous précise que ce nom a été inventé par Fauvel elle-même, dont ce n'est pas le vrai prénom. ● Si le style de l'autrice m'a laissé pantois d'admiration, j'ai cependant trouvé que l'histoire se répétait un peu, surtout dans le troisième tiers, et que le roman aurait gagné à être un peu plus court. ● C'est néanmoins une expérience de lecture saisissante, tout à fait singulière, et que je recommande.
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Ce roman, découvert grâce au superbe billet de Chrystèle (@HordeDuContrevent) que je remercie vivement, avait tout pour m'attirer : un titre évocateur, mystérieux, et, en couverture, le tableau du peintre de la Renaissance allemande Cranach l'Ancien, offrant une allégorie de la mélancolie.
Le livre à peine refermé, je trouve difficile de trouver les mots pour rendre compte de mes émotions tant cette lecture est originale, fascinante, dérangeante, troublante.

* *
Fauvel, la narratrice, suite à un accident qui l'a rendue borgne, accepte de partir pour quelques semaines à la campagne s'occuper de Hannah, la chienne du père d'une de ses amies parti en voyage à l'étranger. Elle espère que ce lieu paisible et retiré l'aidera à se reconstruire suite à son agression et à reprendre pied dans un monde social qui se dégrade et accentue les inégalités.

Mais Fauvel, à la vue de Hannah, a un mouvement de recul : la gueule immense et grondante, la jeune chienne est impressionnante, un fauve imprévisible, incontrôlable, empli d'une force brute.
Son séjour, qui devait être reposant, va s'avérer cauchemardesque, je dirais presque dantesque. Car Hannah n'est pas un animal comme les autres : elle est le clone d'une première Hannah. La jeune Hannah est en tout point identique à la vieille chienne empaillée au milieu du salon. La ressemblance est parfaite jusque dans les traits de son caractère. Mais la chienne, étrange, malaisante, agressive, suscite la crainte autour d'elle. Les villageois lui imputent même l'attaque de troupeaux, la nuit.

La sensation de peur, d'angoisse et de malaise est exacerbée par la présence des chasseurs de la région qui ont la gâchette facile. Menés par Julien, un homme irascible et sanguin, persuadé d'avoir été kidnappé et torturé par des extraterrestres, ils ont décidé de faire la peau à la chienne.
Fauvel est bien décidée à rechercher la vérité dans ces tueries.

*
Ce roman est une expérience de lecture insolite qui demande un certain lâcher-prise. En effet, le lecteur perd totalement ses repères dans un récit qui entremêle rêves et conscience, fantaisie et réalité, cruauté et animalité. Je me suis retrouvée dans un ailleurs indéfinissable et sombre, confinée dans un univers de sexe et de drogue, nimbé d'extravagance, d'incompréhension et d'irréalité.

Progressivement, différentes réalités se superposent les unes aux autres dans un monde confus, décousu, tumultueux, heurté, menaçant, fascinant, envahi par l'anxiété, la douleur et la violence.
Un fil invisible tissé de colère et de crainte semble relier Fauvel et Hannah, les unir l'une à l'autre, jusque dans les rêves de la jeune femme où elles ne font plus qu'un.

« Elle passe toute la nuit à rêver d'Hannah, elle est Hannah, elle aime ça, le sommeil est devenu un continent fantastique et confus où chaque nuit elle se plonge pour devenir une chienne extravaguant dans les forêts. »

*
Pour moi, toute la force de ce roman vient non seulement du fait que Phoebe Hadjimarkos Clarke excelle à créer une ambiance onirique et oppressante, à exprimer cette bouffée d'anxiété et de trouble que l'on peut ressentir à une lecture, mais aussi à renforcer le climat de confusion qui s'accroit au fil du récit. J'ai été happée par cette atmosphère brumeuse et sensible, par la puissance suggestive de la nuit, par la proximité de la forêt source d'inquiétude et de fascination, par ses instants suspendus qui se désintègrent sous notre regard pour revenir à une réalité brutale, frontale.

C'est un roman où nos sens sont exacerbés par la consommation de drogue : la forêt revêtue d'habits de nuit et de brume provoque une impression d'irréalité et de perte de contrôle ; les bruits résonnent dans la campagne, notamment les coups de fusil et les aboiements des chiens de chasse rendus nerveux par les mauvais traitements. L'odorat ne fait pas exception non plus, emplissant les pages, enveloppant le lecteur d'odeurs terreuses, fongiques ou métalliques, souvent écoeurantes.

*
Les personnages de ce récit sont en marge de la société, des êtres torturés, aliénés, et je n'ose le dire, pour moi, caricaturaux pour certains. S'ils ne m'ont pas émue, ni transportée, je dois reconnaître que l'autrice a néanmoins soigné la caractérisation de Fauvel. On entre dans son esprit malmené par la drogue et la tension, dans sa solitude et ses peurs, dans ses rêves hallucinatoires.
Par une sorte de symbiose homme-animal, je me suis liée également à Hannah, un animal fascinant autant qu'inquiétant ; et je me suis bien souvent demandée si elle était vraiment la bête qui massacrait le bétail à la faveur de la nuit.

*
Quant au style, j'ai du mal à avoir un avis tranché : si j'ai trouvé certains passages magnifiques de poésie et d'onirisme, l'instant d'après, le choix de certains mots m'a paru trop cru ou maladroit. Au vu de l'écriture, ce choix m'a paru réfléchi et délibéré de la part de l'autrice, mais je n'y ai pas adhéré. En effet, j'ai trouvé que cette rupture dans le style brisait le rythme et la mélodie du texte.
Pourtant, je peux le comprendre. Dans une conscience agitée, chaotique et fragmentée, l'absorption de drogue peut être associée à une perte d'inhibition.

A travers une critique politique et sociétale, Phoebe Hadjimarkos Clarke parle de violence et de traumatisme, de perte, de colère et de peur. Elle propose une réflexion très intéressante sur nos rapports au monde et à l'autre, sur la frontière entre l'humanité et l'animalité, sur l'identité et le genre, sur les préjugés liés à la différence.
De plus, l'autrice joue sur les oppositions : la place de l'homme et de l'animal, la vie en ville et à la campagne, la chasse et le respect de la vie animale.

« Elle caresse Hannah sa main court sur son échine, se repose sur ses vertèbres, ses omoplates, ses os physiques de chien magique, presque irréel, un chien façonné dans un laboratoire, un chien venu d'un rêve. Une idée de chien. »

* *
Je retiendrai de ce roman la plume poétique et brutale de Phoebe Hadjimarkos Clarke, cette sensation d'irréalité et de rêve qui apporte une touche de réalisme magique et de fantastique au récit.
Le temps semble suspendu, flottant dans un entre-deux où le désir, les fantasmes, le sexe, la drogue et la sauvagerie forment un entrelacs complexe et subtil qui nous questionnent sur le monde d'aujourd'hui.
Les éditions du Sous-sol roman proposent un roman hors norme, qui ne plaira certes pas à tous, mais qui saura séduire par sa singularité et la force de son style !
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Nous sommes dans un territoire rural, non loin de la forêt avec tout ce qu'elle implique de peurs ancestrales et de dangers réels. C'est dans cet univers hostile que Fauvel s'installe, pour s'occuper d'Hannah, la chienne clonée de Luc qui lui laisse sa maison et les consignes pour l'animal.

Hannah est sans doute le personnage principal de ce roman, car toutes les attentions se focalisent sur elle, et cherchent à l'accuser des massacres d'animaux aux alentours, même si les forfaits vont bien au-delà de ce que peut faire un chien, fût-il issu de la procréation assistée.
Ambiance bête du Gevaudan garantie !

C'est dans ce climat de suspicion généralisée que s'inscrivent les histoires d'amour de Mado, fille de Luc et de Fauvel, loin d'être romantiques, d'autant que les élus sont parfois bien inquiétants !


On ne peut nier l'originalité du récit, qui flirte parfois avec le fantastique, tout en maintenant le doute ! On reprochera la violence de certaines scènes, qui n'ont peut être pas toujours une justification pour le déroulé de l'intrigue.
L'écriture est maitrisée, et réussit le pari d'accrocher le lecteur, grâce à la quête d'un coupable, artifice toujours efficace.



288 pages Sous-sol 5 janvier 2024
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Après son premier roman, "Tabor", que certains ont qualifié  de" post-apo queer ", Phoebe Hadjimarkos Clarke livre un nouveau roman qui mêle science-fiction, fantastique et réalisme magique.

Tout commence lorsque Fauvel, une jeune femme qui a perdu un oeil à cause d'un tir de LBD lors d'une manifestation des gilets jaunes, s'installe à la campagne pour garder le chien du père de sa meilleure amie.
Déprimée et désoeuvrée, elle accepte de quitter la ville avec un reste du fantasme d'un retour à une nature enchantée tout en craignant l'ennui et la monotonie de la campagne en automne.
La chienne Hannah a une particularité qui relève encore pour nous de la science-fiction : elle a été clonée aux États-Unis à partir d'une chienne morte de vieillesse. Et contrairement à la chienne originelle, elle se montre parfois très agressive ce qui inquiète les habitants du village. D'autant plus que de nombreux animaux sont retrouvés sauvagement massacrés.

L'animal cloné n'est pas la seule incursion de la SF dans le roman. L'homophonie du titre évoque nécessairement le film de Ridley Scott et ainsi la menace de domination par l'organique. Ainsi que des connotations sexuelles qui surgissent au fil du roman jusqu'à ce qui s'apparente à une gigantesque éjaculation .
"Elle a senti tout ça, les présences alienes, elle en est certaine tout d'un coup. Elle comprend, elle a compris ce qu'il lui arrivait, lorsque les entités l'ont pénétrée. Son cerveau s'était ouvert comme une orange avec ses quartiers, comme un fruit quelconque d'ailleurs, délicat et offert, les alvéoles entrelacées, et puis des communications lui avaient été faites, versées dans le réceptacle béant des cavités, elle n'avait fait que prendre, acquérir mentalement, ça avait fendu son tronc, son sexe, passant le long des arcs de la jambe. "

Par ailleurs, lorsque Fauvel rencontre Mitch, un jeune étudiant en sociologie, elle découvre qu'il enquête sur des récits d'enlèvements par les extraterrestres, nombreux dans la région, surtout auprès de la population masculine qui cumule la passion pour la chasse et le métier d'ouvrier dans l'usine locale d'embouteillage.
Julien semble être le leader du groupe de chasseurs, il est aussi celui qui prétend être en contact avec les extraterrestres depuis son enfance et le détenteur de lourds secrets qu'ils lui ont confiés. Il a la réputation d'être un chasseur sans pitié et d'avoir une sexualité active, ce qui fait naître des fantasmes, tantôt sexuels, tantôt horrifiques chez Fauvel et chez Mitch. Tous les deux sont persuadés qu'il est responsable du massacre des animaux.

En mettant en scène les relations fusionnelles entre Fauvel et Hannah, notamment par les rêves communs, l'auteure nous plonge dans un conte fantastique tout en explorant les notions d'animalite et de violence.
Malheureusement pour moi, les dernières pages qui cherchent à exprimer une volonté de domination et la peur qui en résulte pour celles qui la subissent, m'ont perdue dans un délire d'hallucinations que je n'ai pas pu démêler.
La grande scène finale évoque davantage un exercice de style et n'apporte pas de conclusion cohérente. Si les fins ouvertes me conviennent parfaitement, il m'importe de comprendre vers où l'auteure a voulu m'emmener.
Et ce n'est pas le cas ici.

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critiques presse (4)
LaLibreBelgique
30 avril 2024
Dans une ruralité crépusculaire, une enquête hallucinée de l'écrivaine Phœbe Hadjimarkos Clarke, qui élargit notre rapport à l'animalité et au vivant.
Lire la critique sur le site : LaLibreBelgique
LesInrocks
20 février 2024
Bienvenue dans l’un des romans les plus ambitieux de cette rentrée d’hiver : entre faux thriller et roman d’anticipation halluciné, Phoebe Hajimarkos Clarke signe le conte très noir de notre temps.
Lire la critique sur le site : LesInrocks
LeMonde
08 janvier 2024
Le deuxième livre de cette écrivaine est un vrai roman social sous des dehors de science-fiction rustique.
Lire la critique sur le site : LeMonde
LesInrocks
03 janvier 2024
L’autrice franco-américaine signe un roman d’anticipation en constante mutation pour aborder les grands enjeux et violences de notre monde. L’une des propositions les plus excitantes de la rentrée littéraire d’hiver.
Lire la critique sur le site : LesInrocks
Citations et extraits (22) Voir plus Ajouter une citation
Le temps avait passé, c'était son tour à présent. Il y eut des petits copains pas cools, des types louches dans la rue, des relous plus ou moins effrayants dans le métro, au café, à l'école, au travail.

Elle avait appris que parfois, il fallait regarder discrètement autour de soi, calmer par la parole, rire aux blagues si le type était d'humeur à plai- santer, être patiente et gentille, être polie, trouver une échappée possible, commencer à réfléchir à la manière de se protéger s'il n'y avait plus d'autre solution, comment protéger son crâne sans en avoir l'air (sans mettre en colère le mec), et puis ensuite se couler s'il le fallait dans un nouveau rôle : se laisser faire, ne rien dire, laisser son corps à autrui, ne plus s'en soucier, éteindre le courant, éteindre son cerveau, tout éteindre pour un moment, c'est toujours mieux que de mourir.

Savoir jusque dans les tréfonds de soi-même, dans les organes, les tissus, les ossements, que ça peut recommencer, que la violence n'est jamais vraiment très loin, que ses attitudes et son regard craintifs ne font parfois qu'exciter la férocité, qu'il n'y a probablement pas d'échappatoire.

Que sentir la faiblesse d'autrui fait naître le désir d'exercer plus absolument la domination que cette faiblesse dessine. Qu'alors écraser devient une issue délicieuse.
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Mais Fauvel et tous les autres ont continué à sortir dans les rues, à courir, marcher, pleurer dans les rues, pour conjurer la terreur, les cauchemars, ne pas les laisser vaincre. Tous ensemble, à gueuler dans la rue, au milieu des voitures de flics et des chiens mortels. Enfin il devient envisageable, dans toute cette terreur, de ne plus avoir peur. Enfin on est incarnés. Le corps n'est plus juste une machine à alimenter, à soigner, à purger, où circulent la merde et le sang qui versent à la moindre occasion. On s'en sert pour autre chose que de la mécanique.
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Les chiens ? C’est que Fauvel n’en a jamais raffolé. Ils ne lui déplaisent pas, c’est juste qu’elle ne ressent pas l’affection débordante que certains leur témoignent, ni même de connivence – pas spécialement, en tout cas. Les raisons à cela n’ont rien d’exceptionnel : elle trouve les chiens empressés, trop serviles, et puis ils donnent l’impression de manquer de finesse ou d’élégance, avec leurs grosses pattes poilues et l’odeur que l’on sait.
Ok, Fauvel n’a jamais adoré les chiens, mais c’est peut-être parce qu’elle n’a jamais eu l’occasion d’en rencontrer un pour de vrai. Pourtant ça y est, la voilà enfin face à une chienne, avec laquelle, en plus, elle devra cohabiter.
(Incipit)
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Il est campé les jambes écartées, la crosse de son fusil bat contre les cuisses fantasmées que l’on devine, même à travers le tissu épais du treillis, à la fois musclées et grasses, probablement boutonneuses sous les poils blondins. Il a surgi de l’épaisse muraille de brouillard, comme une apparition, flanqué de deux personnes sans visage, et tous se sont mis en devoir d’installer un poste d’observation là, dans le jardin.
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Elle se sent ours réintroduit, elle se sent eau minérale en bouteille, elle se sent aliène, l’autre, la friche, détruite par le feu du brûlis. Dans la faiblesse artificielle de son corps, les braises de sa colère se ravivent.
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Vidéo de Phoebe Hadjimarkos Clarke
Lecture par l'autrice & rencontre animée par Sylvie Tanette
Fauvel a perdu un oeil suite à un tir de LBD. Elle accepte de garder la chienne du père d'une de ses amies dans une maison isolée à la campagne. Hannah n'est pas un chien comme les autres, c'est le clone d'une première Hannah, qui trône empaillée au milieu du salon. Elle suscite les peurs et les reproches muets du village, à mesure qu'on découvre au matin des animaux massacrés, et qu'elle-même rentre parfois ensanglantée. Cette situation est le point de départ d'un récit de traque et de cauchemar délicatement progressif. Au fil d'une pseudo-enquête hallucinée, le roman explore les notions de domination, d'animalité et de violence. À travers la proximité, voire l'amalgame entre animaux et humains, Aliène questionne la nature de ce qui est caché, la vie animale, et surtout l'instinct de peur. Tel est le véritable fil du récit, rarement traité avec autant de nuance et de force.
« Ainsi il existe encore des lieux sur ce continent et dans ce pays qui est malencontreusement le mien, dans la mesure où cent fois préférable aurait été de naître apatride ou de ne pas naître du tout, il existe encore des lieux qui ressemblent à l'image idéale que l'on s'en fait. » Phoebe Hadjimarkos Clarke, Aliène.
À lire – Phoebe Hadjimarkos Clarke, Aliène, éd. du sous-sol, 2024.
Son : Axel Bigot Lumière : Patrick Clitus Direction technique : Guillaume Parra Captation : Claire Jarlan
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