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Élisabeth Peellaert (Traducteur)
EAN : 9782383612308
368 pages
Globe (04/04/2024)
4.4/5   5 notes
Résumé :
C'est l'histoire d'une femme qui passe sa vie dans les couches et le lait en tâchant de maintenir l'équilibre précaire d'une famille de la classe ouvrière dans l'Irlande d'aujourd'hui. Malgré la charge mentale et l'épuisement, elle s'épanouit dans la maternité et le dévouement total à sa condition de mère. Mais quand son quatrième enfant manque de mourir à la naissance, elle perd pied. Elle trouve alors du réconfort dans la lecture du célèbre "Caoineadh" , un poème ... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (3) Ajouter une critique
Ma meilleure lecture du mois de mai !
J'ai vu mille fois ce livre dans les librairies irlandaises il y a quelques années. Enfin, il a paru en France !

La narratrice est une femme au foyer dans l'Irlande d'aujourd'hui, occupée par les tâches quotidiennes d'une famille de la classe ouvrière. Sa charge mentale l'occupe à tel point qu'elle fait des listes sur les choses quotidiennes et répétitives à faire et les raye consciencieusement, avec satisfaction, une fois que c'est du passé. Mère de plusieurs enfants, enceinte du quatrième, son quotidien la satisfait, elle est d'un dévouement totale à son rôle de mère et d'épouse. Elle allaite ses enfants et utilise même un tire-lait pour envoyer son lait à d'autres qui n'ont pas cette chance, via un système qui existe en Irlande.

C'est à la découverte de cette femme ayant réellement existé que nous emmène la narratrice. Nous lui emboitons le pas car plus le temps passe, plus cette femme 18e siècle l'obsède ainsi que d'un chant funèbre, Caoineadh, dont elle est l'autrice. Caoineadh est né d'une histoire d'amour tragique entre Eibhlin Dubh Ni Chonaill et Art O'Laoghaire. Nous plongeons dans l'histoire de l'Irlande, sur la trace des O'Connell. Cette femme au foyer nous faire rêver par ses découvertes de chercheuse néophyte. Ses recherches vont totalement l'absorber et finalement lui faire prendre conscience qu'à un moment donné, elle devra rendre sa liberté à cette femme devenue un fantôme obsédant qu'elle harcèle, qu'il faut tourner la page, passer à autre chose. Cette femme oubliée au détriment du héros qu'est son amant, gardera une partie de son mystère. Une naissance prématurée et le risque pour le bébé vont être un fil ténu entre le passé et le présent.

Reprenant pied dans sa réalité de femme au foyer, avec entre-temps un enfant supplémentaire et un mari qui lui dit stop, je vais me faire stériliser, elle encaisse le choc, mais son pas de côté dans son quotidien à travers sa recherche aura changé la perception de sa vie et de sa vie de couple.

Si comme moi vous êtes du genre à partir vous promener à la recherche d'un monde disparu dans des lieux improbables, ce livre est pour vous ! Kilcrea est maintenant un endroit qui n'est plus tout à fait comme les autres.

Par ailleurs, Doireann Ni Ghriofa redonne ses lettres de noblesse à une poétesse oubliée du monde des hommes et la rend accessible aux lecteurs.

Un récit féminin et féministe, subtil, superbement écrit. Et la cerise sur le gâteau est l'intégralité du poème traduit du gaélique en français accessible à la fin de l'ouvrage. Parfois, j'ai souri à sa lecture. Oui, c'était une femme de caractère :

"ô mon bien-aimé, hardi !
Lève-toi maintenant, allez, debout,
rentre à la maison avec moi, main dans la main,
je ferai tuer des boeufs (...)"

(je la voyais bien tapant du pied, lui disant, ça suffit, arrête de faire l'andouille... tant elle ne peut évidemment accepter la réalité de sa mort).

Ce livre est un coup de coeur. Un peu difficile à résumer mais faites l'expérience de sa lecture et vous m'en direz des nouvelles !

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Je l'ai écrit plusieurs fois mais je le redis. J'ai « rencontré » « Liberté » de Paul Éluard sur mon livre de lecture à l'âge de dix ans. La poésie était entrée dans ma vie. Pour la narratrice de ce roman, c'est le poème « Caoineadh », rédigé par Eibhlín Dubh Ní Chonaill qui l'a bouleversée. Il date du XVIIIe siècle. Elle aussi l'a connu alors qu'elle était écolière.
« Sa voix engendre un écho si puissant qu'il parvient très loin, jusqu'à une petite fille aux cheveux noirs et aux ongles rongés. Moi. »
« Ceci est un texte féminin », dès les premiers mots, le ton est donné. C'est une femme, une mère, qui s'exprime. Elle ne cache rien de son mal-être, de ses difficultés. Elle a quatre jeunes enfants dont la petite dernière qu'elle allaite. Ses journées sont rythmées par ce qu'elle écrit sur ses listes : école, lessive, laver les toilettes, poubelle, tire-lait (elle donne son lait pour d'autres bébés) etc… Elle se noie dans ses tâches, mais jamais elle ne se plaint de surmenage.
« On éprouve un singulier contentement à s'absenter ainsi de son être, à le subsumer aux besoins des autres : c'est d'un tel effacement que, pour moi, naît la joie. »
En parallèle de ses activités, elle décortique «Caoineadh » qui parle d'une femme et de son amour pour son époux, décédé alors qu'elle était enceinte. C'est ce qui « la tient debout ». Ce texte a d'abord traversé le temps oralement avant d'être plus connu par écrit. Il y a peu d'informations sur son auteur et elle veut en savoir plus sur elle. Alors, au milieu des couches, des gamins, du quotidien parfois éprouvant, la mère de famille reprend les feuilles défraichies où se trouve Caoineadh. Elle le relit, elle le répète, et la voix de celle qui a écrit envahit sa gorge, comme un fantôme très présent. Dans la solitude de ses journées, cette voix, cette espèce d'échange lui fait du bien.
À travers ce récit d'un lyrisme lumineux, une comparaison est établie entre ces deux épouses, devenues mères. Leurs vies se tissent, s'entrecroisent à plusieurs siècles de distance. Doireann Ní Ghríofa fait des recherches pour mieux connaître Eibhlín Dubh Ní Chonaill. Il y a des lacunes, des trous dans son passé. Elle se rend sur les lieux où cette dernière a vécu, elle veut comprendre qui elle a été. C'est comme une obsession de tout cerner.
À travers cette quête, c'est une meilleure perception d'elle-même qu'elle a aussi. Elle raconte son quotidien, ce qui la porte, ce qui est plus délicat à gérer. Elle se met vraiment à nu, se confiant en toute simplicité, sans fard, sans limite penseront peut-être certains.
L'écriture est très riche, merci à la traductrice qui a sans doute choisi un vocabulaire de qualité pour que ce livre ne perde rien de sa force. On sent toute la volonté de l'auteur de réussir ses recherches. Lorsqu'elle n'a plus de piste, elle contourne, repart dans une autre direction, aborde le peu qu'elle sait sous un autre angle pour relier les bribes découvertes. Elle écrit où elle peut, quand elle peut, entre deux biberons, pendant la sieste des petits, elle irait jusqu'à s'excuser, comme si elle n'était pas légitime mais elle pose sur le papier son ressenti et le lien unique qu'elle a avec cette femme et son hommage à Art, son époux décédé.
Chaque chapitre commence par un extrait du poème qu'on aura en entier à la fin. Car le fil conducteur, le fil porteur, c'est bien lui, extrait du passé, offert dans le présent, vibrant d'amour «Caoineadh ».

Lien : https://wcassiopee.blogspot...
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Notre narratrice est mère de trois fils et d'une fille dont la naissance a été une véritable secousse. Elle est pleinement dévouée, corps, âmes, seins à ses enfants. « Je me suis rendue invisible, en me cachant soigneusement dans des chambres créées par le travail féminin, la répétition et le lait. »

Jamais il n'est question de fatigue, d'épuisement, de maux physiques, elle est tenue en haleine par une quête insatiable sur la poétesse Eibhlín Dubh qui a écrit « Caoineadh » aux dix-huitième siècle. Dans ce poème elle décortique son amour pour Art, son homme, le père de ses trois enfants, mort quand alors leur troisième enfant remplissait justement le ventre de sa femme. Eibhlin a vécu en tant que femme libre, amoureuse éperdument d'Art, dans un gynécée effervescent.

La narratrice fait des ponts entre sa propre existence et celle d'Eibhlin, valorisant la femme dans ses méditations, ses combats. Elle doit sauvagement lutter pour assembler le puzzle de la vie de la poétesse car les traces de son passé sont nébuleuses, les hommes sont passés par là. Mais ses recherches lui permettent de ne jamais être seule tout en vivant dans une sorte de solitude accomplie. Un texte hautement féministe, doté d'une poésie sensible qui s'agrippe à son lecteur.
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critiques presse (2)
LaLibreBelgique
17 mai 2024
Dans ce texte hybride mêlant intime et essai, l’auteure nous livre sa vie au service d’une poétesse d’autrefois, comme au service des autres.
Lire la critique sur le site : LaLibreBelgique
Bibliobs
10 avril 2024
Une méditation sur les limites de la biographie et une autofiction postféministe sur la maternité. Un roman hybride qui bouscule les genres.
Lire la critique sur le site : Bibliobs
Citations et extraits (4) Ajouter une citation
Il y a des matins, quand je me sens particulièrement fatiguée. où je me laisse aller à rêver un peu, à passer dix minutes sur un livre de bibliothèque, mais aujourd'hui, comme tant d'autres jours, je prends ma photocopie usée de Caoineadh Art Ui Laoghaire, et j'invite la voix d'une autre femme à hanter ma gorge un moment. C'est de cette façon que je remplis le seul petit silence de ma journée, en montant le volume de cette voix et en la mêlant au ronron sifflant de la pompe, jusqu'à ce que mon oreille occulte tout le reste. Dans la marge, mon crayon entame un dialogue avec de nombreuses versions antérieures de moi-même, une transcription de pensées flottantes dans laquelle chaque point d'interrogation s'attache à la vie de la poétesse auteure du Caoineadh , mais n'interroge jamais la mienne. Après plusieurs minutes, je reviens à moi tout étonnée, devant le tire-lait débordant de liquide pâle et tiède.
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Avec lui, enfin, j'ai commencé à rire. Il est entré dans ma vie sans fanfare ni glamour. Nous ne nous sommes pas enfuis. Il s'est simplement mis à marcher au même rythme que moi, à mes côtés, avec son sourire facie, ses vieux tee-shirts, ses jeans usés, et son pas fidèle.
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Quand nousnous sommes connues, j'étais enfant et elle, morte depuis des siècles.
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Ceci est un texte féminin cousu de culpabilité et de désir, assemblé au son des comptines de dessins animés.
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