Grosse déception à la lecture de ce récit dont j'attendais, de la part de l'auteure particulièrement connue et reconnue, mieux et plus.
Je m'intéresse depuis de nombreuses années aux récits et témoignages évoquant la Seconde Guerre mondiale et la Shoah en particulier. Il y avait donc pour moi une logique à m'intéresser à l'histoire de Raymonde, la mère juive de l'auteure, et d'Yves son père catholique qui ont traversé sans encombres - mais quand même après beaucoup de frayeurs - la traque des Juifs à Paris, grâce à la complicité inattendue d'un médecin allemand, le Dr Samuel Schütz, initialement exilé juif réfugié à Paris et pourtant devenu soldat dans la Wehrmacht (on ne comprend pas bien d'ailleurs comment cela a été possible) et manifestement bien informé.
Ce livre est dédié par l'auteure à sa fille Cécile, une façon pour elle sans doute de faire son devoir de
mémoire en lui transmettant, à elle et à ses descendants, ce qu'elle sait de l'histoire de sa famille évoluant, à un instant T, dans un contexte qu'il ne faut jamais oublier.
En fait, je crois que ma déception réside non pas dans le fond de ce récit mais bien plutôt dans sa forme. Car, force est de constater que l'auteure a assigné à cet ouvrage des objectifs multiples qui interagissent entre eux au risque de déprécier l'un ou l'autre de ces objectifs :
1/ raconter, par le biais d'un narrateur omniscient, l'histoire vécue de ses parents et grands-parents entre 1937 et 1945.
2/ informer, à la façon de courts extraits d'un documentaire factuel, les lecteurs sur l'actualité de la politique intérieure de la France durant cette période (contexte politique avant-guerre, politique de collaboration menée par Pétain et son gouvernement, le STO, la façon dont la traque des Juifs et autres indésirables s'est menée, la vie quotidienne des Français à Paris et en province, le rôle de la Milice, l'arrivée des Alliés, le retour des déportés, etc.), ainsi que celle liée à l'actualité internationale, tant en Allemagne qu'en Europe (Espagne, Italie...), en Russie, au Japon, aux USA, et autres théâtres d'opérations (Pearl Harbor, Algérie, etc.). Là encore, le narrateur est omniscient. Une partie particulièrement dense et documentée, mais qui me semble oblitérer le reste.
3/ Faire entendre, ici ou là, la voix de l'embryon, puis celle de la petite fille qu'a été
Catherine Clément confrontée aux événements et exprimant avec son style et ses mots d'enfant son ressenti.
Donc, beaucoup d'informations qui renseignent (pour moi, rien de nouveau sous le soleil), qui s'entremêlent - certes selon une logique chronologique - mais qui, selon moi, cassent le rythme de la narration et la perception sensible des émotions susceptibles d'être ressenties à l'évocation de l'histoire familiale. J'ai eu le sentiment, peut-être à tort, qu'à trop se réfugier derrière des informations politiques et historiques factuelles nationales et internationales, l'auteure n'allait pas vraiment au bout des choses, tant pour un objectif que pour un autre. Pour ma part, j'aurais aimé que l'auteure dépasse l'évocation des seuls faits, en développant plus d'aspects introspectifs liés à ces faits (ou comment ils ont été vécus, dans leur chair, dans leur coeur, dans leur esprit en temps réel et analysés a posteriori, à la fois par ses parents et par elle).
J'ai le sentiment que certains aspects ont été vraiment survolés. On ne sait pas grand-chose sur comment à la fois son père et sa mère vivaient les événements subis. Rien non plus de leurs engagements respectifs.
Même si pour des générations plus jeunes, c'est très intéressant (et nécessaire) d'avoir accès à certaines de ces informations, on a plus le sentiment de lire les pages d'un livre d'histoire que le récit d'une histoire de famille.
D'où une légère frustration et le sentiment que ce livre ne marquera pas mon souvenir.