Ouvrage sérieux et de qualité qui se présente comme un défrichage de ce qui entrave l'épanouissement des relations femmes/hommes dans le couple et esquisse des propositions pour y porter remède.
On ne découvre rien, mais tout est mis en ordre en un discours cohérent, ce qui permet une meilleure approche du problème.
Le constat de départ est que tout oppose femmes et hommes dans leur éducation et la symbolique sociale attachée à leurs rôles. Même si les comportements ont bien changé depuis le 19 ème siècle, la façon globale d'appréhender masculinité et féminité est restée la même, la féminité étant toujours synonyme d'infériorité, si elle n'est réelle (occasionnellement), du moins surjouée, et c'est là l'essentiel : que chacun assume le rôle qui lui est imparti, indépendamment de ses qualités propres.
Les hommes, culturellement égo-centrés, sont figés dans le culte de la domination, de la force, de l'indépendance et du mutisme relationnel ; les femmes dans celui de la soumission, du terrorisme affectif lié à la dépendance amoureuse ("dis, tu m'aimes, dis, tu m'aimes m'aimes m'aimes ?"), du souci de ne pas "paraître" supérieures, prêtes pour cela à tous les subterfuges (renoncer aux talons si elles sont grandes, dissimuler leur salaire et parfois leur promotion professionnelle, rester en deçà de leurs possibilités dans les conversations, porter sur leurs épaules le quotidien si prosaïque et tue-l'amour s'il est effectué comme un service obligatoire et gratuit alors que partagé, il pourrait favoriser les échanges affectifs, ludiques, et pourquoi pas érotiques).
Des pistes sont ébauchées, des propositions suggérées : pas de dogmatisme, ni d'anathèmes contre les couples traditionnels : on a le droit de "faillir" et c'est bien rassurant.
Mais on peut aussi essayer de s'harmoniser davantage, au prix d'efforts minuscules ou plus décisifs : ne pas ramasser tous les objets qui traînent, ne jamais renoncer, jamais, à ce qui nourrit notre élan vital, éduquer les enfants vers une plus grande empathie pour les garçons et une plus grande autonomie pour les filles ; ne pas se conformer aveuglément aux diktats imposés par la société : ne pas vieillir, ne pas grossir, ne pas trop "réussir", ne pas être trop intelligentes, rester en-deça (les femmes étant les seuls êtres dont les qualités sont souvent considérées comme autant de défauts) : puisque au final le respect de ces injonctions ne garantit nullement une meilleure réussite conjugale ou sentimentale, mais crée des frustrations affectives, évidentes, et aussi économiques (appauvrissement financier de plus d'un tiers des femmes vivant en couple) pouvant générer une redoutable rancoeur qui laisse les hommes sur le flanc ou arme leurs poings.
Le regard de
Mona Chollet sur la perversion narcissique dont souffriraient 10 % des hommes m'a paru fort intéressant : ce dysfonctionnement ne serait pas un trait individuel, mais la trace sur une psyché masculine accidentellement infantile et insécure, des omniprésentes injonctions de toute puissance faites à l'homme par les représentations sociales : le pervers narcissique ne serait donc qu'un monstre robotisé caricaturant par manque d'être, par vacuité fondamentale, les caractéristiques masculines de domination : lui et son conjoint, seraient les symptômes d'une maladie sociale.
Mona Chollet examine la réflexion désenchantée de certains : "depuis qu'elles sont nos égales", disent-ils, "il n'y a plus rien de possible entre les hommes et les femmes. Ce sont des castratrices".
Une telle observation contient bien l'aveu d'une conjugalité engluée dans des rapports de pouvoir dont le modèle est celui des relations de maître à servante. Ceux qui s'en croyaient les bénéficiaires l'étaient, jusqu'à un certain point, s'ils voyaient dans le couple un espace de domesticité.
L'étaient-ils réellement ? Leur taux de réussite permet d'en douter.