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EAN : 9782213007793
432 pages
Fayard (14/02/1980)
4.2/5   10 notes
Résumé :
"Depuis que j'ai quitté l'Espagne en 1936, j'ai toujours vécu en état d'urgence" écrit Maria Casarès. D'où, sur les chemins de la mémoire, cette quête passionnée d'une identité égarée. D'où ce singulier voyage à la recherche des signes qui la révéleraient. Peu à peu tout resurgit : l'enfance galicienne, Madrid fatidique, la guerre civile et la fuite, l'apprentissage d'une nouvelle patrie, d'un autre langage, la guerre encore et l'exode, le conservatoire, les premier... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (4) Ajouter une critique
J'ai désiré lire ce livre après avoir entamé la lecture de la correspondance de Maria Casarès et Albert Camus pour mieux comprendre toute la profondeur, les doutes et la beauté lumineuse de cette passion qui les a unis et déchirés aussi.
Je sors bouleversée de cette lecture car si je connaissais l'actrice, qui pour moi se confondait avec le personnage de Phèdre, la femme solaire que j'ai découverte dans ce livre avec aussi ses doutes, ses hésitations, m'a entraînée à sa suite. Ce qu'elle offre d'elle-même peut aider tout être humain à se trouver. Et tout cela est écrit dans une très belle langue, maîtrisée qui laisse à penser qu'elle aurait pu être écrivain.
Elle respire la vie, elle se laisse traverser, elle s'y brûle. Elle sait instinctivement quand elle est en train de s'en éloigner pour s'être laissée aller à suivre ses démons. Car pour elle, sans cesse en quête d'absolu, intransigeante, c'est Tout ou Rien. Et quand elle voit que ce ne peut être Tout, elle choisit Rien. C'est la rencontre avec Albert Camus qui lui permettra de finir par accepter et faire siennes « les paroles tant entendues, à savoir qu'entre le Tout et le Rien, il y a… le 75 p. 100 possible et qu'en se tenant à égale distance du Tout et du Rien, on peut atteindre parfois le 75 p. 100. »
Seul le théâtre la relie intensément à la vie et même si de belles rencontres la jalonnent, c'est par le théâtre qu'elle se retrouve et se réconcilie avec elle-même pour continuer, malgré les souffrances, les errances et la perte cruelle des êtres chers, à dire oui au monde et à la vie.

Dans une interview au journal El Pais elle disait : « Tout est éphémère. C'est pourquoi j'aime le théâtre et pas le cinéma. C'est ici et maintenant et c'est là que tout s'achève. Ce n'est pas un jeu, mais c'en est un cependant. C'est la meilleure représentation de la vie. »

Je vais pouvoir reprendre la correspondance avec Camus et l'apprécier bien plus maintenant que je connais mieux Maria Casarès, femme incandescente qui me fait penser à un acteur qui bien des fois m'a bouleversée quand j'ai été le voir au théâtre ou en l'écoutant lire des poèmes, Laurent Terzieff. Il déclarait sur France 3 : « Le théâtre n'est pas plus important que la vie, vu que ma vie c'est le théâtre »
Et je réalise en écrivant cela que Maria Casarés comme Laurent Terzieff ont endossé le rôle du roi Lear
Elle disait : «Jouer un homme, et après? L'important, chez Lear, c'est son humanité. Celle d'un père, d'un monarque, soudain pris du désir de renoncer à l'autorité. Son premier geste de folie.»
Quelle femme !!
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J'avais découvert et aimé l'écriture de Maria Casarès à travers les lettres, nombreuses, qu'elle adressa à Camus. J'ai retrouvé avec un plaisir jubilatoire son style dans cette autobiographie engagée, le livre de la mémoire, de la nostalgie, empreint  d'un humour teinté d'ironie qui n'est pas sans rappeler celui de Camus, une écriture fleurie, lyrique. Un récit enrichi par un vocabulaire choisi, imagé.
Maria qui se raconte avec franchise, avec un brin de provocation, toujours spirituelle, et spontanée. Maria la fusionnelle qui aime autant la douce caresse d'une main sur sa chevelure noire, que celle des embruns de l'océan atlantique qui lui picotent les joues. Maria la farouche, Maria la généreuse, l'engagée , Maria la galicienne solaire, Maria la ténébreuse, Maria la tragédienne hors norme, Maria la moderne, Maria amoureuse des mots et des livres, Maria l'éternelle .
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Comme pour beaucoup de lecteurs de la correspondance sublime entre Camus et Maria Casarès, j'ai eu le désir de lire ses mémoires parues en 1980. Si elle n'avait à l'époque que 58 ans, la remarquable densité de sa vie justifiait à elle seule qu'elle se lance dans cette entreprise qui eut parue prématurée pour d'autres à un tel âge. Mais on peut surtout se demander si ces pages ne procédaient pas d'une autre nécessité, si elles n'avaient pas d'autre but que de rendre hommage à André Schlesser, compagnon de longue date, qu'elle avait fini par épouser en 1978, « le seul homme qui lui ait donné son nom après son père ; celui à qui elle est allée tout naturellement pour qu'il l'unisse à sa patrie nouvelle. Celui qu'elle a suivi en posant ses pieds sur les traces de ses pas comme elle l'avait fait toute petite sur les traces de pas de sa mère. » André Schlesser lui avait permis de trouver enfin l'identité après laquelle elle avait couru toute sa vie.

Réfugiée espagnole dès l'âge de quatorze ans, elle vécu « résidente privilégiée » en France, qui, à l'image du Pelele de Francisco Goya, fut ballottée comme un pantin désarticulé sur les scènes de la vie. Elle ne retrouvera son pays natal que quarante ans plus tard. En somme, et même si elle évoque parfois la nécessité d'écrire un second livre pour développer certains sujets, ces mémoires sont vraisemblablement pour elle l'aboutissement d'un long, très long parcours, sur lequel le lecteur doit l'accompagner pour voir le cercle enfin se refermer et comprendre ce qu'elle doit à son « tout jeune » mari sexagénaire.

Des pages remarquablement écrites empruntes de nostalgie, d'humour, d'une poésie élégiaque et bien souvent onirique. le théâtre y prend bien sûr une très grande part et l'on sent qu'il fut son seul amer, celui à même de capter et rassasier son énergie vitale débordante. Et l'on comprend, par les épreuves qu'elle a traversées, les raisons intimes qui firent d'elle l'une des plus grandes tragédiennes de l'après-guerre. Elle a fait de sa vie hors du commun le matériau à partir duquel elle a pu faire exister réellement les personnages qu'elle a incarné sur les planches. Elle a enfoui en elle chaque coup du sort, pour ne pas se détourner de la vie, en être fécondée dans ses joies comme dans ses malheurs.

De beaux portraits de ses compagnons de scène, Gérard Philippe notamment, de ses amis, de son entourage proche, de son père, figure de la République Espagnole au tragique destin politique et de sa mère, femme libre, sensuelle et d'une grace unique. Camus, son grand amour avec qui elle partagera douze ans de connivence intellectuelle et amoureuse, y tient bien évidemment une place toute particulière. Il fut « son père, son fils, son ami et son amant », lui fit comprendre et adopter la France et la sauva d'une jeunesse qui prenait un tour débridé.

Une très grande et très belle femme, d'un grand talent littéraire, d'une force vitale qui galvanise et dont la profondeur de la réflexion grandit le lecteur.
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Quelle vie intense et riche de tant de mots, "ruminés" oui, mais offerts également dans cette autobiographie qui tait beaucoup bien sûr mais qui montre le cheminement d'une pensée qui s'appuie sur des êtres forts, qui n'ont pu être que des étoiles filantes.
Une vraie lecture plaisir pour me sortir de mon quotidien. L'intensité de cette femme transperce à chaque page et sa voix continue à diffuser à travers le temps.
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Citations et extraits (8) Voir plus Ajouter une citation
... comme les prêtresses qui entretenaient le feu sacré dans le temple de Vesta étaient condamnées quand elles manquaient à leurs voeux à être enterrées vivantes, le comédien -- lui -- chargé au théâtre d'entretenir la flamme de vie, se condamne à être embaumé vivant s'il cesse de souffrir la vie. Là, plus qu'ailleurs, dans cette patrie qu'est pour nous le monde de la fiction, dans cette terre vive qui tire ses lettres de noblesse de la vie même -- représentée, grossie, multipliée -- pour révéler, dénoncer, échapper et se retrouver, pour mettre le roi à nu et vêtir de rêves le mendiant dans ce rendez-vous de la frayeur, de la pitié, de la fête, des larmes et du rire--- la plus grande faute, le dernier des crimes est de s'assoupir, de se distraire, de se détourner de la vie. Là, plus qu'ailleurs, il faut se tenir en état de veille. Dans le pari que le théâtre engage contre la mort, la mise est la vie elle-même, et les risques encourus et les pièges enfouis sont ceux-là mêmes -- multiples, subtils, inattendus, retors -- que l'on rencontre dans la vie. Comme dans la forêt vierge, chaque pas est un danger, et la constante attention et la remise en question même peuvent à leur tour, par des chemins troubles, se changer en manies pour fixer leurs tics en grimace, quand le flux de vie tarit. p 507-508 Livre de poche
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La Galice, cette veuve qui chante doucement avec la pluie sa nostalgie de "l'ailleurs" dans les climats tempérés du Gulf Stream.
(...) Le ciel recule, la lumière bascule, l'arc-en-ciel se cambre pour embrasser la terre et au loin apparaît la ligne pure des vastes plages, énormes coquillages d'or accrochés à l'extrême limite des terres, enchâssées dans l'ocre sombre des rochers éclatants de sel et de pluie, peints par les amas iodés d'algues, par la multitude crayeuse des chapeaux chinois qui les couvrent, l'agglutinement bleu des moules, les rayons pâles et roses des étoiles de mer, le miroitement blanc des flaques salées et les trous d'ombre des grottes--- Au-delà --- le père --- l'océan du Finistère--- se retire en ressac rageur, en colères blanches, grogne sa tendresse et s'attarde en caresses que seule la force peut inventer sur cette grève étendue qu'il quitte avec peine, doucement ; fauve soumis, il suit lentement le soleil dans sa course, l'horizon saigne l'heure du couchant et des marées basses----- et le jour finissant chante ses noces avec la nuit.
p 27-28 (livre de poche)
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Je n'ai rien pris à personne. Dans ce domaine on ne peut prendre que ce qui est libre ou libéré ; et il ne m'est jamais venu à l'esprit dans la passion dépassée et l'amour régnant de me formaliser des liens nouveaux qui pouvaient l'attacher (Camus) à quelqu'un d'autre ; comme, de son côté, il n'a jamais cherché à combattre ceux que je nouais avec d'autres que lui. Et s'il est vrai aussi qu'à ce moment-là, nous nous sentions si assurés l'un de l'autre que rien ne pouvait nous faire douter et que, sûrs d'être élus l'un par l'autre, tout devenait possible, il n'empêche que pour en arriver là, l'un comme l'autre nous avons dû vaincre en nous, pour dépasser la période risquée et tourmentée de l'épreuve, toute idée conventionnelle du monde où nous nous mouvions et qui était en nous, toute tentation de possession abusive, tout ce en quoi. la vanité peut se déguiser, et le plus difficile, l'orgueil qui nous tenait l'un comme l'autre et qui criait chez l'un comme chez l'autre sa soif intarissable d'absolu. p 355-356, Livre de poche
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... la vitalité, le goût de vivre de maman, qu'elle m'a d'ailleurs légués, suffiraient à me la rendre chère si tout en elle ne m'était déjà si cher, si tendrement aimé ; car s'il m'arrive de parler plus souvent de mon père, c'est que ma mère a toujours été en moi comme moi-même ; elle fait partie de ma chair au point que je ne sais plus si le sentiment que j'ai pour elle est filial ou maternel.
Maintenant, en 1940, nous voilà toutes les deux, nichées dans notre pigeonnier (elles habitent au 6ème étage d'un immeuble sis au coin de la rue de Vaugirard et de l'Impasse de l'Enfant Jésus dans le 15ème), seules, ensemble, aux prises avec l'exil, la guerre, notre situation, et la vie que, toutes deux, nous voulons mordre à belles dents, moi pour la prendre, elle, déjà, pour ne pas la perdre. Alors, tout est prétexte à voir, connaître, partager, espérer, s'amuser, s'enthousiasmer, séduire, conquérir, rire et même pleurer, puisque pleurer veut dire aussi vivre. p 248
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A Ronda en Andalousie, en compagnie de ses parents, après une bronchopneumonie :
C'est là que j'ai réappris à vivre, au coeur de cette magnificence de couleurs, de senteurs, à l'extrémité de cette petite ville blanche grillagée de fer noir ; carrelée de blanc, bleu, jaune et noir dans la fraîcheur des patios ; chuchotante de fleurs, de fontaines et de jets d'eau. Ce bijou suspendu depuis je ne sais plus quel siècle au bord de l'abîme ; un goufre où la lumière se perdait en jeux d'une richesse telle que les peintres, venus pour travailler, restaient là, les bras ballants ---- je me souviens ---- si beaux eux-aussi dans leur contemplation ---- devant ses teintes qui s'engouffraient dans l'ombre ; cette ombre enfin, qui semblait paradoxalement rassembler en elle, jusqu'au noir, toutes les couleurs du prisme solaire reflétées par le pur miroir du ciel --- dense et bleu de tant de vide --- qui dessinait les crêtes escarpées en gueule ouverte autour du regard. p 131
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Vidéo de Maria Casarès
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