CLAIRON : De tout ce que tu as vu aujourd’hui et qui t’a émerveillé, qu’as-tu trouvé de plus à ton goût ?
SIGISMOND : Rien ne m’a ébloui, car j’étais préparé à tout ; mais s’il y avait quelque chose au monde dont je dusse m’émerveiller, ce serait de la beauté de la femme. Je lisais un jour, dans les livres que j’avais, que ce à quoi Dieu a apporté le plus d’application, c’était l’homme, parce qu’il est un monde en raccourci, et la femme, car avec elle est apparu un ciel en raccourci, et la beauté qu’elle renferme est supérieure à celle de l’homme de toute la distance qui sépare le ciel et la terre.
IIème journée.
SIGISMOND : Puisque la vie est si courte, rêvons, mon âme, rêvons une fois encore, mais que ce soit en prenant garde et en considérant que nous devons au moment le plus imprévu nous réveiller de ce bonheur ; si en effet nous nous souvenons de cela, la désillusion sera moindre, car c’est déjouer le malheur que de le devancer par la pensée. Sachant ainsi d’avance que, lors même qu’il serait réel, tout pouvoir est d’emprunt et doit être rendu à son possesseur, affrontons tous les risques.
IIIème journée.
ÉTOILE : Ce sont des titres sans valeur devant le tribunal d'amour que les déclarations et les serments.
IIème journée.
SIGISMOND :
(...)
Qu'est-ce que la vie? Un délire.
Qu'est-ce donc la vie? Une illusion,
une ombre, une fiction.
le plus grand bien est peu de chose,
car toute la vie n'est qu'un songe,
et les songes rien que des songes.
SIGISMOND : Chaque regard porté sur toi me captive davantage, et plus je te regarde, plus forte encore est mon envie de te regarder. Je crois bien que mes yeux doivent être hydropiques, car, alors que boire c'est la mort, ils boivent toujours plus, et pareillement, voyant que voir me donne la mort, je meurs d'envie de voir.
Ière journée.
“BASILIO : Que s’est il passé ?
SEGISMUNDO: Ce n’est rien. C’est un homme qui m’as irrité et que j’ai jeté du haut du balcon.”
BASILE : Le mérite même est un glaive, puisque qui est victime de son savoir est homicide de lui-même !
Ière journée.
SIGISMOND - [...] Qu’est-ce que la vie ? Une illusion. Qu’est-ce que la vie ? Une ombre, une fiction. Et c’est pourquoi le plus grand bien est peu de chose, puisque la vie n’est qu’un rêve et que les rêves ne sont que des rêves.
Journée II. Scène 2.
BASILE : La destinée la plus inhumaine, l'inclination la plus violente, la planète la plus implacable ne font qu'incliner le libre arbitre, elles ne le contraignent point.
Acte I (Ière journée).
SIGISMOND. Eh bien ! tu vas mourir ; car je ne veux pas qu’il existe personne qui soit instruit de ma faiblesse ; et seulement parce que tu m’a entendu, je vais te presser entre mes bras robustes et te mettre en pièces.
CLAIRON. Pour moi je suis sourd, et par conséquent je n’ai pas pu vous entendre.
ROSAURA. Si tu as en toi quelque chose d’humain, me voilà à tes pieds, épargne-moi.
SIGISMOND. Je ne sais par quelle secrète puissance, mais ta voix m’attendrit et ta présence me trouble. Qui es-tu ? — Car bien que je ne connaisse rien du monde, puisque cette tour, ou, pour mieux dire, cette caverne, a été jusqu’ici mon berceau et mon tombeau ; bien que depuis ma naissance je n’aie jamais vu que cet affreux désert, où je n’ai qu’une misérable existence aussi monotone et aussi triste que la mort ; bien que je n’aie jamais parlé à aucun être vivant, si ce n’est à un homme qui partage ma disgrâce et qui m’a donné quelques renseignements sur le ciel et sur la terre, sur le cours des astres, sur l’art de gouverner les états ; bien qu’à vrai dire, — ce qui cause ton effroi, — je sois un homme parmi les bêtes sauvages et une bête sauvage parmi les hommes, et que tu puisses à bon droit m’appeler un monstre ; — toi seul, sache-le, tu as suspendu ma colère, adouci ma tristesse, et charmé mon oreille et ma vue. Chaque fois que je te regarde, je t’admire davantage, et à mesure que je le regarde je désire davantage te regarder. Je ne comprends pas que mes yeux se fixent ainsi sur loi, car en te voyant je meurs d’envie de te voir. Mais n’importe, laisse-moi te voir, et que je meure ! car si à te voir je ressens un tel effet, que ressentirais-je donc à ne te voir pas ? Ne serait-ce pas une douleur cruelle, une fureur, une rage pires que la mort ? car, après avoir vécu si malheureux, ne serait-ce pas horrible de mourir au moment du bonheur ?