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EAN : 9782070371259
224 pages
Gallimard (03/07/1979)
3.89/5   22 notes
Résumé :
Une rue qui sue la misère. Chez Méhoul, deux fois assassin, se cache un autre repris de justice, Serreguemoine, qui a une fille. Noa a dix-huit ans, elle est mince et belle. La rue va l'aimer. Et trois hommes vont se la disputer...
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Critiques, Analyses et Avis (3) Ajouter une critique
Dès cinq heures, la rue de ce quartier populaire résonne de l'écho des hommes qui partent au travail. Les portes des immeubles insalubres claquent, les semelles sont traînées dans la boue, des éclats de voix, de toux, et parfois des rires remontent le long des façades. Les premiers à partir sont les immigrés italiens. Ils sont maçons ou terrassiers et occupent les maisons les plus insalubres de la rue. Ils sont suivis par les ouvriers qui prennent le chemin de l'usine Té. Pour se réchauffer et vaincre le vague-à l'âme, ils s'arrêtent parfois au bistro de Minche boire un verre de liqueur et acheter un litre de rouge. Les journées de labeur se suivent et paraissent sans fin. le dimanche, les coeurs noyés dans le vin blanc se réchauffent au son des accordéons.

Méhoul partage la vie besogneuse du peuple de la « Rue sans nom » depuis plusieurs années quand son passé se rappelle brutalement à lui. Un soir d'hiver, il reçoit la visite d'un ancien complice, surnommé Finocle, qui lui demande de l'héberger. L'homme s'installe dans une des chambres du modeste appartement avec sa fille Noa dont il s'est très peu occupé jusqu'à présent. La beauté fatale de la jeune femme va déchainer les passions et bousculer la routine de la rue. Autre motif de trouble : les riverains apprennent que leurs immeubles vont être détruits pour permettre la construction de bureaux.

« La rue sans nom » est un roman populaire affranchi de toute idéologie ou mouvement littéraire. Marcel Aymé dépeint le prolétariat ouvrier qui trime durement et dont les conditions de vie sont miséreuses. Il décrit des hommes fatigués, résignés qui ne s'égaient que dans l'alcool ou dans la lubricité. Les femmes sont souvent battues et les enfants grandissent dans la rue où ils attrapent des typhoïdes qui leur sont fatales. L'auteur évoque la xénophobie latente contre les immigrés italiens accusés de faire baisser les salaires et de séduire le coeur des femmes. J'ai deviné quelques références à Germinal ; le patron du bistro, par exemple, m'a fait penser à l'épicier de la mine (Minche/Maigrat => Mince/Maigre, pour des hommes obèses). J'avais adoré la description burlesque du monde paysan dans la Vouivre. Ici le ton est plus grave pour parler du prolétariat mais c'est également l'apparition d'une femme enchanteresse qui va être à la source de nombreux événements. Ce n'est pas qu'un roman sur le monde ouvrier, il est question d'hommes qui fuient leur quotidien grâce à l'amour, la folie ou l'aventure. Un livre chaud d'humanité, moins connu dans la bibliographie de l'auteur, mais d'une très grande qualité.
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Marcel Aymé (1902-1967) est un écrivain, dramaturge, nouvelliste, scénariste et essayiste français. Écrivain prolifique, il a laissé deux essais, dix-sept romans, plusieurs dizaines de nouvelles, une dizaine de pièces de théâtre, plus de cent soixante articles et des contes. Il a également écrit de nombreux scénarios et traduit des auteurs américains importants : Arthur Miller (Les Sorcières de Salem), Tennessee Williams (La Nuit de l'iguane). Ce roman, La rue sans nom, date de 1930.
Comme son titre l'indique, le roman sa déroule dans une rue jamais nommée faite d'immeubles insalubres promis à la démolition pour y reconstruire du neuf, où vivent des ouvriers. A un bout de la rue des familles de maçons Italiens, à l'autre extrémité la maison de trois vieux libidineux, « un peu cochons de la fesse », sans oublier le café de Minche. La famille Méhoule - les parents et leur fils Mânu - vivait là tranquille, jusqu'à l'arrivée inopinée de Finocle, un vieil « ami » de Méhoule. Il demande/exige l'hospitalité pour lui et sa fille Noa. Pour les Méhoul comme pour toute la rue les ennuis vont débuter…
Je n'avais jamais entendu parler de ce roman avant de l'ouvrir mais je peux vous assurer que c'est un bon bouquin. Il est court mais il est plein de tout : mystère, passions, amour, émotions, social, drame…
Le mystère est immédiat car ce Finocle qui déboule sans crier gare, le lecteur comprend qu'il est lié à Méhoul par un lourd secret certainement répréhensible remontant à leur jeunesse mais ce n'est qu'à la fin qu'on le découvrira. Quant à sa fille Noa, elle électrise aussitôt l'ambiance, dix-huit ans, la chair ferme où il le faut, « une belle fille de soleil, un rêve de Sud », toute la population mâle en blêmit de désirs ; Manû, Cruseo l'Italien, tous tirent une langue d'envie. Les rivalités faites de fantasmes et de folie vont agiter le landernau masculin et les discussions passionnées et musclées vont égayer le café local, réveillant des pulsions plus nauséabondes comme le racisme ayant cours à cette époque envers les transalpins.
Un roman noir où tout s'écroule, au propre comme au figuré. Les immeubles vont être démolis et contre la grogne des habitants expulsés la police fera son oeuvre ; les destins de Méhoul et Finocle liés par une amitié/haine seront dramatiquement scellés par des trahisons et des mouchardages auprès de la police lors d'un épilogue d'une grande beauté dramatique mais datée dans son expression.
Marcel Aymé livre un roman pessimiste et sombre dans le milieu des travailleurs manuels, partagés entre joies furtives le dimanche au café et la semaine de dur labeur, on s'engueule, on se bat mais on sait aussi se montrer solidaires. Avec aussi une très émouvante séquence quand une épidémie viendra frapper aux portes, emportant un gamin…
Une lecture chaudement recommandée.
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"Il faut ouvrir. J'ai peur des portes quand elles ont quelqu'un derrière."

Que voici de la belle ouvrage ! Dans ce roman en noir et blanc, Marcel Aymé peaufine son écriture mêlant dialogues orduriers et fusées poétiques, voire surréalistes à la Prévert. Cette tragédie faubourienne, aussi triste qu'une goualante de Fréhel, relate les retrouvailles de deux anciens malfrats rangés des voitures et la déflagration causée par l'apparition, dans un quartier populaire, d'une fleur des îles, jeune femme que chaque mâle convoite. Entre Duvivier et Carné, on nage en plein réalisme poétique.

Les protagonistes travaillés au burin révèlent une matité, une opacité qui les rendent tout à la fois familiers et inaccessibles.

Peu magnanime, Aymé charge ses semblables : Minche, bistrotier bouffi de graisse et délateur patelin, Mânu, apprenti doulos et rejeton indigne, Johannieu, triste sinoque, obsédé jusqu'à la folie par sa voisine ou Méhoul, rongé par son passé de bagnard estampent intensément le récit.

Fatalistes, les matrones du roman acceptent les rossées de leurs légitimes aussi facilement que les pelotages de baratineurs d'occasion. La Méhoule, rombière décatie, regimbe par habitude mais finit toujours par endurer les injonctions de son homme quand La Jimbre, elle, écarte ses cuisses comme ses volets : dans l'espoir d'un jour meilleur. Au milieu du troupeau de ces femmes, bêtes de somme et de sommiers, la gracile Noa se détache comme une fleur sur du fumier : malgré six mois de boxon, elle resplendit d'une pureté quasi angélique, le vice ambiant glissant sur son plumage d'ange.

Et puis deux figures antagonistes dominent ce foyer d'infections : le terrible Finocle, reptile à sang froid, trempé dans l'acier dont la véritable identité résonne comme un sésame maudit (Ah, ce Serguemoine qui rejoint Moravagine ou Chéri-Bibi dans le panthéon des scélérats enténébrés) et le solaire Cruseo, rital inspiré, qui mord la vie et les femmes à belles dents.

Petit bijou pour happy few, La Rue sans nom est une pépite : elle brille d'un sombre éclat et son halo palpite durablement...
Lien : http://lavieerrante.over-blo..
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Citations et extraits (10) Voir plus Ajouter une citation
Dans le matin noir, ils marchaient d’un pas déjà fatigué par l’effort à donner, avec l’espoir obscur de quelque messie au signe évident qui apparaîtrait sous le réverbère du bout de la rue pour leur dire : « Retournez dans vos lits, au chaud ; vous n’avez plus besoin de travailler, je vous donnerai du pain et du vin et vos femmes seront belles quand il faudra. »

Mais les messies ne se montraient jamais d’aussi bonne heure et, lorsqu’ils annonçaient un nouveau commencement, penchés sur une sonnette et une carafe d’eau, ils ne savaient pas la rigueur des matins qui arrachent les hommes au creux douillet d’un matelas. Ces messies n’étaient rien que des hommes qui savaient beaucoup de choses.
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Les femmes n’ont pas tant de plaisir dans l’existence, reprit Louise Johannieu d’une voix plus âpre. En attendant de se marier, elles vivent comme elles peuvent, en grattant juste de quoi ne pas crever de faim. Une fois qu’elles ont un homme, c’est les gosses, les engueulades, les maladies, la fatigue. Il faut aller faire des ménages, parce que l’homme qui vous a fait des enfants n’est pas seulement capable de les nourrir tout seul. Et ils croient avoir tout fait parce qu’ils ont passé une journée à l’usine.
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Charogne de vie qu’on passe dans la fatigue, dans l’inquiétude des mauvais hasards et même dans le remords des pauvres plaisirs de la gueule pris sur le marbre gras d’un bistro galeux, quand on a fini de suer sa journée.
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C’étaient les gens les plus heureux de la rue, parce qu’ils avaient laissé leurs femmes dans leur pays et croyaient sincèrement, après une longue absence, qu’elles étaient bonnes et belles entre toutes les femmes de la terre. Lorsqu’ils séduisaient une fille du quartier, ils l’aimaient sans inquiétude, insoucieux de responsabilités, dévots au souvenir des absentes. Ils étaient sobres et ne se saoulaient presque jamais entre le lundi matin et le samedi soir. Le dimanche, ils mettaient des vêtements propres, avec des faux cols et beaucoup d’entre eux qui allaient s’égarer dans les cafés du voisinage sortaient avec l’intention d’entendre la messe dans l’église la plus proche.
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Ces sortes de tragédies étaient rares, et bien qu’un homme de la rue ne manquât jamais à se réjouir d’un malheur survenu dans le coin des gueux, les relations, dans le courant, n’étaient pas si tendues qu’on évitât de se parler. Au contraire. On reconnaissait à ces étrangers un rôle nécessaire dans le plaisir. Les après-midis du dimanche, quand le vin et la bière coulaient sur la fatigue de la semaine, il n’y avait personne comme les Italiens pour réjouir une saoulerie. Ils riaient de la gorge et de l’accordéon, disaient des voyelles de soleil qui paraient la chair des femmes.
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